Mini Mansions : « On est un groupe pop à l’esprit rock’n’roll »

Parmi les petits secrets de la scène indépendante américaine, il y a Mini Mansions. Le trio, qui fête son dixième anniversaire cet année, était de passage cet été en France. On en a profité pour rencontrer Tyler Parkford et lui parler de leur dernier album Guy Walks Into A Bar, mais aussi de leur diversité musicale ou encore de jouer un concert alors que ses instruments sont en train de fondre.

VERSION ANGLAISE PLUS BAS / ENGLISH VERSION BELOW

La Face B : Salut Tyler, comment tu te sens après ce concert bouillant ?

Tyler Parkford : Il faisait chaud c’est sûr ! Je me sens bien, j’aime toujours jouer à Paris, j’aime jouer en France. C’est un marché difficile à atteindre et une fois que tu y es le bienvenu au moins un peu, tu te sens privilégié. Pas privilégié en fait, mais je me sens honoré. Le concert était génial, il faisait tellement chaud qu’une bonne partie de notre matériel s’est littéralement mis à fondre, ce qui est pas mal. C’est une façon intéressante de terminer cette partie de la tournée mais je me suis amusé, c’était un bon moment. J’ai le sentiment que parfois on joue seulement une version frustrée du set, à cause d’erreurs techniques, ça fait ressortir une autre part de nous que je qualifierais de plus énergique étrangement.

LFB : Vous venez de sortir un nouvel album appelé Guy walks into a bar. Pourquoi ce nom ? J’ai deux explications personnelles : soit c’est le début d’une blague, mais ça semble plus personnel et les histoires qu’il contient sont celles que tu raconterais à un pote autour d’une bière.

TP : Ouais. On a toujours été des cérébraux psychédéliques, ça nous vient de nous. Je pense qu’on voulait ce titre, ironiquement ça a commencé comme une blague en mode « on devrait l’appeler un mec rentre dans un bar… » mais on a bien aimé l’idée et on a fini par y revenir parce que je pense que c’est le premier album où on se regarde en souriant un peu et je pense que si tu emmènes ton art à un niveau où tu oublies l’aspect comédie, tu perds ce qui est génial dans l’art. Je pense que dans ce cas là on voulait utiliser cette phrase comme une introduction à un album qui est un autre type de Mini Mansions.

LFB : Oui, il semble plus intime, les paroles et les thèmes sont plus personnels que dans les deux autres albums. C’était difficile de mettre beaucoup plus de vous-mêmes, c’est toi qui écris les paroles ?

TP : Michael et moi, on s’est toujours réparti l’écriture. Mais c’est la première fois qu’on était tous en tournée avec des groupes différents donc une bonne partie de l’album a été écrite à distance, séparément, ce qui était intéressant. Donc j’envoyais des démos à Michael, il m’en envoyait et au fil du temps on a accumulé un album qui était une œuvre, donc c’est une autre façon d’écrire parce qu’habituellement on écrit ensemble dans une pièce. Mais je pense que le point positif est que ça a créé une distance entre les morceaux que je ne pense pas qu’on puisse créer normalement. Donc oui tu peux complètement entendre la voix derrière chaque morceau et d’où, de qui ça vient. Si tu mets les égos à part, ça devient une super expérience.

LFB : Il y a une sorte d’histoire dans l’album, comme un livre dont les morceaux seraient les chapitres. Vous avez pensé à ça ou pas vraiment ?

TP : Oui, on voulait que ce soit l’expérience d’une relation du début à la fin, du moment où tu rencontres quelqu’un jusqu’au moment où cette personne s’en va. Mais on ne voulait pas que ça passe avant le fait qu’on voulait que les gens dansent donc c’est un peu comme des yeux magiques, il faut loucher pour voir l’image. Je pense que la chronologie et la partie sur la relation sont juste en dessous mais si tu n’es pas au courant de ça, à mon sens c’est un album de rock’n’roll dansant.

LFB : Works every time est la seule chanson qui était dans l’EP précédent. À mon sens l’EP était une proposition très forte parce que chaque morceau était différent. Est-ce que la chanson a donné le ton à l’album ?

TP : Non, parce qu’on a toujours été un groupe à l’écoute. On est parfois plus des amoureux de la musique que des musiciens et on va tout le temps vers choses qui s’opposent. Sur l’album on voulait un morceau de r’n’b, on voulait un morceau de cold wave, on voulait un morceau disco… On voulait tout ce panorama dans un album mais ce morceau-là, pour nous, il marche à chaque fois. Si tu veux inviter quelqu’un à ta soirée, en premier, tu n’invites pas la personne la plus intense, hyper marrante et intimidante, tu vas plutôt inviter le gars qui met à l’aise, et je pense que cette chanson, et je ne dis pas qu’elle n’est pas intense attention, nous a mis à l’aise pour cette nouvelle forme de Mini Mansions.

LFB : Je vous suis depuis 2012 et pour moi à chaque album, vous amenez quelque chose de nouveau comme du psychédélisme, de la pop ou même des touches électroniques dans le nouvel album. Est-ce que c’est important pour vous de vous mettre des défis à chaque nouvelle étape ?

TP : Je pense qu’on aime juste s’amuser et qu’on veut voir une version du film différente à chaque fois. Pour le meilleur, pour le pire, parce que je pense que ça nous rend difficiles à situer en terme de groupe de rock ou de danse ou groupe psyché. Je pense qu’on n’y prête pas vraiment attention parce qu’au fond, c’est comme si on voulait faire un casting pour film, on veut avoir le casting le plus excentrique, le plus éclectique qui soit parce que c’est ce qui nous excite. Je pense qu’on est conscient de ne pas avoir la même atmosphère dans chaque chanson. On aime le contraste. Donc je ne sais pas si on se pousse à ça ou si c’est juste quelque chose dont on a besoin pour chaque album.

LFB : C’est intéressant parce qu’on sent que c’est du Mini Mansions mais c’est comme un nouveau groupe à chaque album. Certains groupes trouvent leur son et l’utilisent encore et encore mais je préfère les groupes qui se challengent eux-mêmes et c’est pour ça que j’aime votre musique.

TP : Je pense qu’on aime juste porter beaucoup de masques différents mais que l’on considère authentiques. Je ne pense pas qu’on se force à faire un type particulier d’album qui ne nous exciterait pas et heureusement ce qui nous excite le plus est de tout avoir dans l’album. Au moment où on a fait le dernier album, on voulait beaucoup plus d’éléments new wave et je pense qu’on recherche plus la simplicité dans cet album. Et du coup tous les genres de musique qu’on aime et qui utilisent ça se trouvaient dans les années 1980, parce qu’à chaque fois qu’un synthé sortait on aurait dit que la simplicité était plus grande.

LFB : Je réalise qu’il y a un gros travail sur vos pochettes et vos vidéos. Comment vous avez travaillé l’esthétique autour de votre musique, est-ce que vous vous impliquez dans le processus de création ?

TP : Je crois que c’est comme ça pour beaucoup de groupes, quand tu finis l’album et que tu dois choisir un visuel, tu oublies que c’est ce qui prend le plus de temps, étrangement, même plus que l’album lui-même parce que chacun a une visualisation différente de ce qu’il veut voir et pour nous on essaie d’être aussi spécifiques que possible plutôt que d’embaucher des gens pour s’inspirer de ce qu’on pense. Je pense que dès le démarrage de l’écriture de l’album on avait une idée de ce que serait la pochette, parce que c’est juste une porte qui s’ouvre, mais une vraie porte, qui était fermée, mais on avait tous ça en tête et du coup c’est le premier album où on s’est dit « on aura cette porte ».

LFB : Vous fêtez les 10 ans de Mini Mansions. Quel regard tu portes sur cette aventure et est-ce que tu changerais ce qui s’est passé ? Est-ce que tu referais les mêmes choses ?

TP : Je ne changerais rien, mais le problème avec le fait de se demander ça c’est que je ne peux rien changer (rires). Pour être honnête, je pense qu’on est tellement habitué à jouer dans d’autres groupes, je ne veux pas être pompeux mais on est de bons musiciens et compositeurs, on pourrait très facilement se contenter de faire des tubes modernes parce qu’on adore écouter de la pop mais je ne changerais rien au passé. Je suis content, en fait, que nos erreurs soient notre force et je pense que beaucoup de gens qui aiment venir à nos concerts apprécient qu’on n’aille pas dans cette direction. Assez étrangement, dans mon esprit on est un groupe de pop mais pour moi la pop démarre dans les années 60 et continue dans les années 70 et 80. On est un groupe de pop mais je ne pense pas qu’on suive les conseils de gens qui manageraient un groupe de pop en temps normaux donc on se contente d’écrire des chansons qui nous excitent à fond.

LFB : Donc vous êtes un groupe de pop avec un esprit rock’n’roll ?

TP : Oui voilà, c’est l’idée !

Portrait de Tyler Parkford par Alphonse Terrier

VERSION ORIGINAL / ORIGINAL ENGLISH VERSION

La Face B : How are you feeling after this gig ? This really hot gig ?

Tyler Parkford : It was hot, yeah. I feel good, I always love playing in Paris, love playing in France. It’s a tough market to get into and once you’re welcomed at least a little bit, it feels like a privilege. Not a privilege, but I feel honoured. The show was great, it got so hot that a lot of our equipment just literally started melting, which is interesting. It’s an interesting way to end this leg of the tour but I had fun, I think, yeah that was a good time. I feel like sometimes we only play a frustrated set because of technical fools, it makes us, it brings out another part of us which I would say is more energetic in a weird way.

LFB : You just released your new album which is called Guy walks into a bar. Why did you choose this name ? I’ve got two theories, it’s the beginning of a joke, and it seems more personal and the stories inside are those you would tell your friends along with beer.

T.P :
Yeah, yeah. We’ve always been a cerebral psychedelic, coming from personal places. I think we wanted that title, ironically started as a joke like « we should call it Guy walks into a bar » but we liked it and we ended up gravitating towards it because I think this is the first record where we are kind of smiling at ourselves a little bit and I think if you take your art to an extent where you forget where the comedy lies then you forget what’s great about art. I think in that case we wanted to use that tag as an introduction to a record that I think is a different kind of Mini Mansions.

LFB : Yeah it seems more personal, the lyrics and the topics are more personal than the other two albums. Was it hard to put much more of yourself, do you write the lyrics ?

T.P : Michael and I have always split the writing. But this is the first time where we were all touring in different bands and so a lot of the record was written remotely, separately, which was interesting. So I’d send demos to Michael, he’d send demos to me and over time we’d accumulate a record that we all thought that was like a piece, so it was a different way of writing because usually we were used to writing together in a room. But I think the good point about this is that it created a distance between each track that I don’t think you could create normally. So yeah it became kind of like, you can definitely hear the voice behind each track and where / who it’s coming from. If you put egos outside of that it becomes a great experience.

LFB : There is a kind of storytelling in the album, like a book and every song is a chapter. Did you think of that or not really ?

T.P :
Yeah we wanted it to be the experience of a relationship from beginning to end, from the point at which you meet someone to the point at which they leave you. But we didn’t want it to take precedence over the fact that we wanted people to dance so I guess it’s like the magic eyes, you have to cross your eyes to see the image. I feel like the chronology and the relationship aspect is just beneath but if you don’t even know about that, for me it’s a dance record or a rock’n’roll dance record. Yeah, different kind, you can see the album with the lyrics and think about it or just enjoy the songs for what it is and dance, it’s really interesting, two points of view.

LFB : Works every time is the only song that was in the previous EP. In my opinion, the EP was a very strong proposition because every song was very different. Did the song give the color of the album ?

T.P :
Well, no, because we’ve always been a band of listeners. We’re more listeners than musicians sometimes and we tend to gravitate towards opposite things all the time. On the record we wanted a r’n’b track, we wanted a cold wave track, we wanted a disco track… we wanted this whole circumference in a record but that track, for us, works every time. If you’re gonna invite a guest to your party first, you’re not gonna invite the most intense, incredibly funny intimidating guest, you’re gonna invite the guy that eases you into it, and so I think that song, not to say that it’s not intense, but for us it eased us into this new form of Mini Mansions.

LFB : I follow you since 2012, for me in every album, you bring something new like psychedelia, pop or even electronic touches in the new album. Is it important for you to challenge yourself with every new step ?

T.P : I think we just like to have fun and we want to see a different version of the movie every time. For better, for worse, because I think sometimes it makes us hard to place in terms of a band for a rock band or a dance band or a psych band. I think we don’t really care about that at the end of the day, we want to make a record for casting a film, we want to make it the most eccentric, eclectic cast ever because that’s what excites us. I think we’re very conscious about not having the same feeling for every song. We like the contrast. So I don’t know if we push ourselves as much as we just need to do that for every record.

LFB : That’s interesting because you can see it’s Mini Mansions but also it’s like a new band at every album. Some bands find their sound and use it again and again but I prefer bands that challenge themselves and that’s why I like your music.

T.P :
I think we just like wearing a lot of different kinds of mask that we feel are genuine. I don’t think we’d ever force ourselves to make a specific kind of record that we didn’t feel excited us and fortunately what excites us the most is having everything in this moment. In the moment that we brought this last record we wanted a lot more new wave elements and I think we’re just more attracted to simplicity in this record. And so all the kinds of music that we like that utilises that were the 80s because once a synth came out it felt like the simplicity was the biggest, the max.

LFB : I realise there’s a lot of work in your covers and your videos. How did you work on the aesthetic around your music and do you get involved in the creative process ?

T.P :
I feel like this is for a lot of bands, is that when you finish the record and you have to decide an artwork, you forget that it takes the most time, oddly, even more than the record itself because everyone has a different visualisation of what they want to see every time they see their record and for us we try to be as specific as possible instead of hiring other people to inspire whatever we thought. I think from the get-going where we wrote this record we had an idea of what the cover would be, because it’s basically an opening of a door, but that’s an actual door, it used to be closed, but we all had that in mind so this was the first record where we were like « we’re gonna have that door ». 

LFB : You celebrate the 10 years of Mini Mansions. How do you see this adventure and would you change things in the past ? Would you do the same thing ?


T.P :
I wouldn’t change anything but the problem with even asking that is I can’t change anything. To be honest, I think we’re so used to playing in other bands, I’m not gonna be pompous but we’re reasonable players and writers, we could very easily try to focus on writing just modern hits cause we love listening to modern pop but I would never changer anything in the past. I’m actually glad that our faults is our strength and I think that a lot of people that like coming to our shows like that we don’t head here. In my mind oddly enough we’re a pop band but pop to me starts in the 60s into the 70s and the 80s. We’re a pop band but I don’t think we’re taking advice from people that would normally want to manage a pop band so we’re just writing songs that make us feel incredibly excited.

LFB : So you’re a pop band with a rock’n’roll spirit ?

T.P : Yeah there you go !