Miel de Montagne : « J’ai une façon de travailler instinctive »

S’il y a un album qui nous a beaucoup suivi l’année passée c’est bien le premier album de Miel de Montagne. Alors qu’il s’apprête à investir La Cigale à la fin du mois, on vous propose une interview à l’image de sa musique : douce, drôle et un peu perchée.

La Face B : Alors la première question que je pose toujours c’est comment ça va ?

Miel de Montagne : bah ça va super et toi ?

LFB : Ça va niquel.

M : C’est vrai que c’est important de poser cette question. Aux Etats-Unis ils le disent tout le temps. Ils disent tout le temps « how are you ? » et en fait tu commences à répondre, et ils s’en battent les couilles, ils sont déjà partis servir un autre client. Du coup ça c’est terrible.

LFB : On parle souvent de feel good movie, est-ce que toi tu trouves que tu fais de la « feel good music » ?

M : Quand je fais de la musique souvent je me sens bien. Alors si les gens se sentent bien en l’écoutant, disons ça. Et même j’écoute de la musique pour me faire du bien aussi. Donc oui, la musique est feel good quoi qu’il arrive.

LFB : C’est quand même très solaire la musique que tu fais.

M : Ouais, ce premier album est plutôt joyeux.

LFB : Je sais qu’à la base tu viens de la musique plus électronique avant de faire de la pop. Alors j’ai remarqué un truc, tu vas peut-être me contredire, mais sur les premiers titres que tu as fait, j’avais l’impression que tu faisais de la pop mais avec des boucles vocales, des mots qui se répétaient. Je me demandais si c’était quelque chose que tu avais fait consciemment ?

M : Je pense que c’était un peu peut être par une petite timidité. Je n’avais jamais chanté, et du coup c’était la première fois que je mettais de la voix sur des instrus. Mais sur un morceau comme Tu N’y Connais Rien, j’avais samplé ma mère et j’avais fait une boucle sur sa voix un peu transformée, et ça c’était vraiment la jonction avec l’électronique d’avant. Et maintenant de plus en plus avec les lives, les concerts, j’ai de plus en plus envie de m’exprimer à travers la voix. Donc de faire des phrases plus longues, car avec une phrase très courte, tu as envie de donner un peu plus sur scène.

LFB : Une chanson comme Pourquoi Pas, c’est aussi ça.

M : Mais après j’aime toujours ce côté. Ça dépend il n’y a pas de loi, ce n’est pas parce que tu ne fais pas de refrain sur un morceau que c’est pas bien ou le contraire. Mais oui au départ c’était peut-être ce manque d’expérience. Je balançais très peu de mots.

LFB : Le chanteur de Metronomy faisait ça aussi au début, il avait peur d’utiliser sa voix.

M : Joseph de Metronomy a sa façon de travailler. Je me retrouve pas mal dedans et j’ai vu quelques interviews. Je ne dis pas qu’on a la même façon de faire de la musique mais dans sa façon solitaire, avec l’ordinateur, j’ai commencé comme ça et je continue toujours comme ça.

LFB : Du logo, au clip, forcément la musique… tu fais tout tout seul de A à Z ?

M : Ouais, tout germe de ma chambre. Toutes les idées, les dessins, je les fais moi-même, j’aime bien avoir un univers. Après pour les clips je balance des idées à Sony Club, qui a fait quasiment tous mes clips pour l’instant. J’apporte l’idée et les gens les mettent en œuvre.

LFB : C’est important pour toi que ton univers se développe.

M : Ouais carrément, mais plus ça avance et plus je réalise que tu ne peux pas tout faire seul, tu n’as pas le temps. Et il y a des priorités aussi, donc au final je fais tout tout seul mais c’est grâce aux personnes qui travaillent autour du projet qui me permettent de faire les choses. Mais ouais j’avoue je suis un peu têtu sur les idées.

LFB : Maintenant que tu tournes plus, tu as peut-être plus le besoin de déléguer certaines choses ?

M : Ouais carrément et l’équipe s’agrandit. Tout le monde met un peu la main à la pâte et c’est trop cool.

LFB : Ta musique pour moi est fondamentalement positive, mais tu utilises beaucoup le mot « nostalgie ». Est-ce que tu ne cherches pas à remettre ce mot là dans le sens où il devrait être, à savoir quelque chose qui peut être positif ?

M : Totalement. Moi la nostalgie je la vois dans le futur. Je fais des choses pour être nostalgique dans 10 ans. Du coup c’est plutôt positif car je me vois vivre dans 10 ans. Donc je ne serais pas mort

LFB : Tu fais l’inverse de ce que les gens font, c’est-à-dire, regarder en arrière. Toi tu fais pour te projeter plus tard et regarder plus tard ce que tu faisais derrière.

M : Exactement, mec.

LFB : Il y a quelque chose de très enfantin dans ta musique, de très primaire. Comment tu en es arrivé à ce résultat ? Tu gardes une certaine pureté. Les mots sont assez simples, c’est des choses très directes, qui amènent des images tout ça.

M : Tu sais je me suis arrêté à la seconde donc peut-être que mon cerveau s’est arrêté à ce moment là et que je suis resté un enfant. Du coup la musique suit l’enfant. (rires) Non je ne sais pas mec, je suis moi-même et dans la vie aussi j’utilise des mots simples. Donc pour la musique je n’allais pas commencer à faire compliqué, sinon ça serait bizarre. Et pareil pour les dessins. Pareil pour tout en fait. Du coup voilà, c’est plus rigolo de faire une idée simple que des trucs compliqués que tu retournes dans tous les sens. J’ai une façon de travailler instinctive.

LFB : On te compare souvent au Mac DeMarco francophone, que je trouve un peu simpliste. Je te vois plus du côté des Beatles en fait dans le fait d’atteindre une simplicité, qui n’est pas simple. Simple sans être simpliste, en terme de mélodie et même des paroles.

M : Ça me fait plaisir d’entendre ça. Mais oui Mac DeMarco c’est peut-être plus en rapport avec le personnage. Parce que y a ce truc cool, pas prise de tête.

LFB : Est-ce que c’est facile de garder sa naïveté et sa simplicité dans le monde dans lequel on vit ?

M : Ouais, bah mec, le monde dans lequel on vit, dans lequel je vis, je ne capte rien. (rires) Donc du coup, voilà. C’est simple. Je suis un peu dans une bulle, et tu m’aurais mis dans les années 1970 j’aurais été pareil. J’aurais rien capté. Les modes c’est toujours une boucle, donc quoi qu’il arrive tu retombes toujours sur tes pattes. Même si les avancées technologiques et les problèmes sont différents. Ça évolue.

LFB : Est-ce que tu as toujours voulu chanter en français ?

M : J’aimerai bien chanter en anglais, car ça serait plus international. Mais j’ai un accent de merde et je ne sais que parler bien français. Même le français je galère un peu. (rires) Non en vrai espagnol je ne connais pas un mot. J’ai fait allemand mais je suis grave mauvais. Par contre j’ai l’accent. Pourtant j’avais une copine qui était vachement forte en toute langues et elle me disait « ouais quand t’es musicien t’as plus l’oreille des langues et tout », du coup je me considère pas du tout comme un musicien car je suis vraiment nul.

LFB : Je pense que ta musique même le chant en français passe à l’international, au niveau des rythmes et tout ça.

M : Ça serait trop cool, ouais. Ça m’emballerait de ouf de chanter en français dans d’autres pays et qu’ils ne comprennent rien à ce que je dis. Ça ne sert à rien d’imiter les anglais, il y a déjà des trop bons gars anglais. Voilà quoi, la France mec, défendre la langue française. (rires) Je déconne mais c’est cool.

LFB : Tu viens d’une famille de musicien si je ne me trompe pas, ton père est musicien. Finalement ça t’a influencé ? Tu as toujours voulu faire de la musique ou c’est quelque chose qui t’es venu sur le tard ?

M : Non toujours je crois. Franchement à l’âge de 5 ans j’ai commencé à m’intéresser à un instrument qui était la batterie. Et j’ai toujours baigné dans la musique, j’entendais toujours des musiques dans la pièce où mon père composait. Ça a toujours été très présent et ça l’est toujours, je l’entends toujours composer de la musique car je vis chez mes parents. Donc ça a toujours été assez logique. Il y avait le dessin aussi que je voulais faire, avec les études et tout. Mais la musique a toujours pris le dessus.

LFB : Vous êtes deux sur scène : comment tu retranscris ta musique, car il y a beaucoup d’instruments, d’ambiances… Est-ce que tu retravailles beaucoup ce que tu fais en studio ?

M : Ouais ouais, on retravaille beaucoup les choses. Après moi j’avais vraiment une vision du live guitare-voix. C’est d’ailleurs pour ça que j’avais besoin d’un musicien sur scène, car je n’avais pas du tout envie d’être la tête penchée sur mes trucs, synthétiseurs et tout. Et j’ai rencontré Diego. Bientôt il y aura un mec à la batterie. Et c’est trop bien car tu modifies ce qu’il y a sur l’album et tu vas plus loin aussi, ce n’est jamais fixé comme sur un album. Et du coup c’est génial car y a des idées qui peuvent germer de Diego ou moi. Et Diego il a une vision beaucoup plus reculée que moi sur l’album et apporte beaucoup de solutions pour pouvoir jouer cette musique. Mais après c’est assez simple : il y a des synthés, de la guitare, du chant. Et au final Diego gère tous les synthés.

LFB : Il y a beaucoup plus de guitares sur l’album qu’il n’y en avait sur l’EP en fait ?

M : Ouais parce que du coup c’est venu un peu de la scène aussi, car j’ai commencé direct guitare-chant avec un gars au synthé. Et là de plus en plus la guitare est présente.

LFB : C’est un peu ça le futur de Miel de Montagne, de se tourner vers quelque chose d’un peu plus pop ?

M : Je n’en sais rien ! Je ne capte rien. (rires) On va voir, mais c’est sûr que quand tu commences à tourner en concert, il y a beaucoup de choses qui prennent du sens. Et il y a beaucoup de choses aussi que tu as envie de faire sur scène et peut-être que ta musique va vers ça, car sur scène, tu retiens des bons souvenirs et t’es là « wahou c’est très fort ce qui peut se passer en faisant ça ». Donc naturellement ça se retranscrit aussi chez toi tout seul car tu te projettes sur scène aussi. Ce qui est pas plus mal, car si tu fais que des trucs où tu galères à jouer sur scène bah du coup t’es un peu frustré tu vois. Alors que si c’est lié, c’est mortel, là c’est vraiment l’orgasme. Si je te fais un album au violoncelle et qu’il n’y a pas de violoncelle sur scène, moi je serais là putain j’ai merdé quelque part. Tout simplement. Mais en tout cas on est pas à l’abri que je mette du violoncelle.

LFB : Tu prends plus de plaisir en studio ou sur scène ?

M : Les deux. C’est deux phases différentes. Studio je me retrouve avec moi-même, donc il y a beaucoup de doutes. Alors que la tournée il y a plus de pression, mais moins de doutes. Du coup tu peux pas comparer. Le tout fait que la vie est trop bien car t’as cette phase tranquille et seul ; et cette phase qui tourne beaucoup, tu voyages beaucoup, c’est fatiguant aussi. C’est comme si je te disais « tu peux tout le temps être en vacances », mais à un moment tu te fais trop chier. Et si t’es tout le temps au boulot, bah à un moment tu fais un burn out. Donc c’est pareil.

LFB : As-tu des coups de coeur récents à partager avec nous ?

M : TH Da Freak qui ont fait juste un album de surf. Et là on vient tout juste de voir le nouvel album de Metronomy, on commence à l’écouter et j’ai rien à dire pour l’instant, je me suis pas encore habitué au truc. Et Men I Trust ont sorti un nouvel album aussi et y a des morceaux que j’ai pas encore écouté. Et je sais que ça ça me repose, j’aime bien mettre ça en fond. C’est la seule musique où je ne fais pas attention quand je l’écoute tu vois, que tu peux mettre en ambiance. Sinon je suis un peu dans un calcul. Du coup j’aime beaucoup, c’est agréable d’écouter de la musique comme un mec qu’en fait pas et j’ai l’impression que c’est un des groupes qui arrive à me mettre dans cet album. Ça me fait du bien.

Toy Story 4 c’est le dessin animé où j’ai le plus rigolé de toute ma vie. Il faisait 40 degrés car y avait pas de clim3 dans le ciné, du coup c’est peut être ça la chaleur qui m’est carrément montée au crâne, du coup j’avais vraiment la sensation d’être défoncé. Et il m’a trop trop fait rire. Je rigolais du cœur. Donc je demande à tout le monde de mater Toy Story 4 car c’est vraiment un dessin animé d’adultes.

LFB : C’est quoi ton type de miel préféré ?

M : En ce moment je suis sur le miel de lavande, c’est hyper bon. Et ça, c’est cool.