Midi Festival – Conversation avec Frédéric Landini

A quelques jours du début Midi Festival Toulon qui aura lieu du 18 au 20 novembre au Live (anciennement Omega Live), nous vous proposons de revenir sur sa version estivale le temps d’une discussion avec Frédéric Landini, son directeur.

Nous étions alors, sur le site archéologique d’Olbia qui jouxte la plage de l’Almanarre d’Hyères, célèbre pour son spot de funboard ou de kitesurf. Pendant trois jours ce lieu de mémoire, où les vestiges de la cité antique d’Olbia affleurent un sol à la végétation brûlée par la chaleur estivale, allait voir se produire le futur de la scène française avec des artistes comme Blumi, Requin Chagrin, Myd, Timothée Joly, Oklou, Benjamin Epps, Lala &ce et bien d’autres encore.

La Face B : Merci beaucoup de nous recevoir. Heureux de voir cette nouvelle édition prendre vie.

Frédéric Landini : Nous en sommes au montage. Les derniers mois que nous avons vécu ont beaucoup tourné autour d’interdictions. Nos activités ont été interdites, tolérées, puis retirées, autorisées avec des aménagements, des changements dans les aménagements – un coup assis, assis masqué, assis pas masqué, debout avec 4m² puis finalement plus de jauge. Maintenant avec les alertes qui reviennent c’est réconfortant de se dire que l’on peut être là. Mais même à deux jours, on ne sait pas comment on va être au moment de l’ouverture. On avait prévu le passe sanitaire depuis deux mois car on souhaitait être sur nos jauges habituelles, c’est-à-dire 1 500 personnes. Finalement le passe sanitaire est devenu obligatoire pour tous les événements rassemblant plus de 50 personnes.

On est heureux mais aussi très épuisés par ces 18 mois de contradictions, de oui et non, de stop and go. Là à deux jours nous sommes toujours extrêmement tendus. Ce matin il y avait encore le conseil de défense sanitaire et on attend les annonces du préfet.

LFB : Oui, ça évolue tous les jours, il faut savoir être agile.

Frédéric Landini : Tous les jours il y a une nouvelle donne et on avance comme si la vie était belle. On verra si au bout du compte elle l’est vraiment. On a tout monté, on attend les artistes, a priori il fera beau. Donc autant d’envies que d’inquiétudes.

LFB : Anticiper tout ce qui peut l’être

Frédéric Landini : Je crois que c’est l’état mental de tous les organisateurs. Mes collègues, tout comme moi, sont excités de pouvoir recommencer le métier tout en étant dans l’incertitude. Cela reste une sensation très spéciale à vivre.

LFB : Avoir le sentiment de reconstruire

Frédéric Landini : Oui de débuter pour pas mal de monde. Ne plus avoir de repère en termes de lecture du public. Le public qui fréquente les évènements – notamment le nôtre- va-t-il être rebuté par le passe sanitaire ? Beaucoup ont déjà acheté leurs billets, c’est déjà une bonne chose. Question vente, nos indicateurs sont plutôt positifs.

On entame un nouveau cycle avec un cycle très perturbé. C’est pas comme si la pandémie était derrière nous. On est encore dedans. Tout le monde se questionne. L’atmosphère n’est pas encore suffisamment libérée pour que le public se rue sur tout. Même si c’est le cas pour certaines personnes mais sur des trucs davantage underground ou interdits. Pour les grands événements officiels tout le monde souffre encore pas mal. Côté Midi Festival, pour le moment on se porte pas trop mal. Ça pourrait être mieux mais bon….

LFB : Pour revenir au Midi Festival, il s’agira de sa 16ième édition, c’est un festival qui a connu de multiples vies, qui a beaucoup évolué.

Frédéric Landini : Ses débuts ont été très simples et après on a connu une vraie montée en puissance jusqu’à 2013 avec des ouvertures de sites nouveaux comme l’Hippodrome d’Hyères – un site beaucoup plus grand – mais aussi la plage de l’Almanarre où ont débuté à partir de 2010 les afters. Un festival qui a connu de multiples vies avec plutôt une montée puis une petite descente et une remontée. Le Midi Festival est un évènement qui s’est créé avec de toutes petites jauges.

A ses débuts, il se déroulait intégralement à la Villa Noailles, de 2006 à 2010. Puis en 2010 si toutes les soirées se faisaient toujours à la Villa Noailles, elles ont été complétées par un after sur la plage de l’Almanarre. Suivant le modèle de la Villa Noailles, le festival gagnait en notoriété et en image de marque. Mais la jauge était toujours réduite : 800 personnes.

En 2011 le festival grandit avec deux soirées à la Villa Noailles et une sur l’Hippodrome. L’année suivante, en 2012, on inverse, deux soirées à l’Hippodrome avec deux afters sur la plage et une clôture à la Villa Noailles. En 2013, même chose. On est au max de notoriété mais aussi au max de problèmes d’argent. C’était trop cher. Donc en 2014 on revient à la Villa Noailles pour une version assez minimale afin de se rééquilibrer financièrement et de retrouver un second souffle. En 2015 on continue Villa Noailles.

En 2016 on recrée les deux Midi Nights mais plus sur la plage et sous un chapiteau de cirque près du Magic World d’Hyères. 2017 idem. 2018 on retourne à l’hippodrome et 2019 on s’installe à Olbia et on garde les nuits électroniques. Ce qu’on n’a pas fait cette année avec le problème de la crise sanitaire. Donc le Midi Festival a eu plusieurs vies, avec une progression, une redescente et puis une remontée. [Frédéric mime le mouvement d’une vague]. C’est la vie d’une marque tout simplement.

LFB : Cette année est particulière car la programmation est centrée sur les groupes français. On attend toujours le Midi festival pour découvrir des artistes anglais ou américains.

Frédéric Landini : Oui c’est ce que l’on a fait depuis 16 ans. Mais cette année tous nos artistes anglais ont dû annuler leurs venues, soit d’eux-mêmes, soit du fait de l’absence de réponse des gouvernements. En fait on n’était nulle part. Les groupes ne pouvaient pas venir, sauf à faire 7 à 10 jours de quarantaine à leurs arrivées en France et une autre de 10 à 20 jours au retour dans leur pays. C’est lourd pour une seule date de concert. Il n’y avait aucune solution pour avoir des groupes étrangers. Sans parler des Américains qui ne viennent plus depuis 2019. Alors oui, cette année nous avons des groupes français. On aurait pu programmer des groupes européens, allemands par exemple, mais ça ne s’est pas passé comme cela.

Certains groupes sont déjà venus par le passé. Je pense à Requin Chagrin que l’on a programmé en 2016. Mawimbi que l’on avait aussi déjà programmé en 2016 pour le retour des soirées MIDI Nights. Lala &ce, que l’on a programmée plus récemment, en 2019. Elle remplace une artiste anglaise Shygirl que l’on voulait programmer. Après il y a des artistes français que l’on aurait faits – qui étaient prévus dans la programmation initiale –comme Oklou. Elle devait déjà venir pour l’édition de 2020. Idem pour Myd qu’on aurait programmé aussi quoiqu’il en soit.

LFB : Quel est le cahier des charges pour faire partie de la prog du Midi Festival ? Ce sont des coups de cœur ?

Frédéric Landini : C’est un ensemble. Comme une recette de cuisine qui se prépare petit à petit. On aime cuisiner, on aime bien manger. On aime écouter de la musique, on aime découvrir des groupes. Et puis il y a un moment où j’essaie de trouver un équilibre entre ce que moi je veux faire (parti pris ou conviction), ce qui correspond à la ligne du festival et aussi ce que souhaitent les festivaliers. Je ne dis pas le « public du festival » car, même s’il y a quelques aficionados, il se renouvelle à 50% chaque année. L’idée est de faire découvrir toujours des groupes. Il y a eu des têtes d’affiche par le passé mais dans la grande histoire du festival, il y a eu davantage de groupes newcomers qui viennent faire ou leurs premières scènes en France ou leurs débuts chez nous.

Il n’existe pas de cahier des charges artistique spécifique. Le Midi Festival n’est ni un festival de rock ni de musique électronique et évidemment pas un festival de Hip hop ou d’autres musiques urbaines. C’est un festival pour lequel je dois, quand je conçois la programmation, avoir en tête la vision du monde de ces jeunes groupes, comment cela se situe dans l’histoire de la musique mais aussi faire peser mes coups de cœur. Cela reste une cuisine, assembler des ingrédients ensemble. Et évidemment des aliments que l’on adore.

S’il y a toujours eu beaucoup de rock, globalement c’est plutôt un festival pop avec ses dérives, des fois un peu obscurs. Comme lorsque l’on a fait venir, en 2009, Arto Lindsay qui fait partie des artistes des années 80 du courant No-Wave à New-york. Il fait une sorte de bossa-nova complètement bruitiste. On arrive à positionner ce genre d’évènements dans la programmation et puis à côté on va avoir des artistes beaucoup plus synthétique ou pop. Il n’y a pas de tabou dans le festival, pas de ligne fermée. Mais on reconnaît malgré tout le programme. On arrive à avoir du liant avec les groupes que l’on fait venir même si, des fois, ils sont un peu lointains. Comme dans une recette de cuisine où l’on arrive à marier plein d’ingrédients que l’on imaginerait pas aller ensemble, une sorte de sucré-salé.

LFB : Aujourd’hui le paysage musical évolue. Certaines frontières disparaissent.

Frédéric Landini : Déjà il y a moins de hiérarchies musicales. Ça fait un moment que cela dure. Depuis les années 2010, il y a un empilage de couches culturelles. Il y a aussi des courants qui ne prennent pas corps dans la culture existante. Des artistes qui naissent sans se référer à ce qui s’est passé avant. On a beaucoup vu cela en 2013, 2014, 2015. Même sur la scène française, il n’y a plus de hiérarchie. La variété, la musique indé, d’autres courants avec des aspérités pop ou contestataires, tout cela n’est plus du tout le sujet. On trouve des groupes qui se réfèrent à Alain Souchon alors qu’ils sont dans un courant plutôt indé. Cela m’échappe complètement parce qu’Alain Souchon c’est de la variété et qu’il n’y a pas de lien.

LFB : On pourrait parler de variété underground.

Frédéric Landini : Ces éléments-là sont intéressants dans la mesure où on essaye de les comprendre et surtout passionnant musicalement.

LFB : Il me semble qu’il y a moins de tabous pour cette nouvelle génération à se référer à des musiques populaires, comme Flavien Berger citant Daniel Balavoine à la fin de ses concerts.

Frédéric Landini : C’est exactement cela. On peut considérer que Flavien Berger est un artiste Pop qui n’est pas dans une vision de variété. Ce n’est pas le cas de tous les artistes français. Je trouve que depuis 2018, 2019 on retourne vers la variété dans la scène française. Avant cela se scindait un peu. Il y avait une volonté de chanson qui avait même été portée par des label comme La Souterraine. On allait vraiment chercher des choses un peu underground dans la langue française. C’est un peu leur fonds de commerce et d’ailleurs ils ont sorti énormément de choses, plutôt Pop du reste, comme Malik Djoudi, Requin Chagrin. Les gens se refont plaisir dans une scène qui était celle de la variété. On retrouve les mêmes codes, les mêmes productions.

LFB : En prenant l’exemple de Clara Luciani qui à ses débuts avait vraiment un côté rock, voir même root lorsqu’elle montait sur scène en simple guitare voix. Maintenant, elle a évolué vers la chanson. Pour autant elle ne renie pas ses racines et a participé, par exemple, au dernier album de La Femme.

Frédéric Landini : Je pense comme toi. On clarifie la donne. Toute cette scène que je trouvais peut-être un peu différente, ce qu’Etienne Daho appelait déjà dans les années 80, la Pop. C’est cette Pop qui faisait la différence entre la variété de l’époque et ses chansons. Même si, en ce qui le concerne, c’est plutôt l’apport de ses goûts qui a défini son projet musical. Par moment des chansons clairement orientées vers la variété mais néanmoins différentes de celles d’autres chanteurs comme Balavoine.

Les Français étaient davantage sur un aspect Etienne Daho : une vision Pop de la chanson française. Clara Luciani c’est l’exemple parfait. Mais il y a aussi Juliette Armanet, qui était déjà assez chanson, ou encore Fishbach. Il y a une espèce de peopolisation de tout cela et on sent que l’on repart vers la variété.

LFB : Mais c’est mouvant – Juliette Armanet on peut aussi la voir avec Catastrophe ou François & The Atlas Mountains.

Frédéric Landini : François & and the Atlas Mountains, c’est la ligne de crête entre chanson et Pop. D’ailleurs la première fois que j’ai écouté cet artiste je ne comprenais pas bien pourquoi je l’aimais. Je l’avais vu en concert à l’époque à Martigues et dans sa présentation il était indiqué comme influences Rimbaud et Talking Heads. Et alors j’ai compris pourquoi j’aimais François & the Atlas Mountains, davantage pour les Talking Heads que pour Rimbaud. Cette manière de passer du français à l’anglais en toute décontraction et d’avoir cette musicalité qui va vers la danse, la transe en y mêlant une poésie. J’aime beaucoup ce groupe que l’on a déjà pas mal fait, deux ou trois fois je crois. Et puis on est amis avec plein de membres du groupe.

LFB : Son dernier disque est surprenant, plus intime.

Frédéric Landini : Je trouve que c’est moins fort qu’avant. Celui de 2014 était très fort, celui de 2011 que j’ai adoré, aussi.

LFB : Il va vers plus de sensibilité il me semble.

Frédéric Landini : Malheureusement, je pense qu’il ne trouve pas son modèle économique. Ce sont vraiment des groupes qui ont besoin de faire des concerts pour vivre. Bon plus personne ne vit de la vente de disques, heureusement il y a les droits d’auteur. Mais il n’y a pas de plafond de verre qui pète comme c’est le cas pour des Clara Luciani, Juliette Armanet ou d’autres artistes. Même Flavien Berger, je pense, perçoit plus de droits d’auteur.

LFB : Quoique régulièrement j’entends François and the Atlas Mountains sur la boucle son de mon Franprix.

Frédéric Landini : Ah, je ne l’ai pas encore entendu.La première fois où j’ai été sidéré, c’était il y a  très longtemps, fin des années 80. En entrant dans un supermarché, j’entends Boys don’t cry des Cure. Là je me suis dit :« Ok, on est passé à autre chose si maintenant les Cure sont diffusés dans les supermarchés ».

LFB : Une des particularités du Midi Festival est d’être attaché à des lieux assez remarquables Villa Noailles, Olbia, Fondation Carmignac. Comment se retrouve-t-on dans ces endroits ?

Frédéric Landini : Pour la Villa Noailles, cela s’est fait au fil de l’eau. C’est un lieu remarquable que j’adore et dans lequel j’ai travaillé. Ça a été un peu comme une évidence. J’ai toujours trouvé remarquable qu’en arrivant dans ce lieu, quelle que soit la personne qui se trouvait sur le parvis, quel que soit l’objet qu’on posait, que ce soit une chaise longue, une table basse, tout avait un sens beaucoup plus important qu’ailleurs. C’est la magie de ce lieu. Le passé de la Villa Noailles ramène à tout le fantasme qui l’entoure

LFB : Il y a des fantômes sympas

Frédéric Landini : C’est ça et nous avons contribué à continuer à amener ça aussi. Le Midi Festival est né de cette vision-là. Après, on a déjà vu cela avec le festival Aquaplaning qui se déroulait, lui aussi, à la Villa Noailles. On avait déjà eu cette approche. Il y a toujours eu cette idée d’amener des gens dans un lieu très spécial afin de donner une autre dimension à tout ce que l’on faisait. Même si c’est tout simple, on essaye que ce soit bien présenté. Faire venir des jeunes groupes de la scène anglaise dans un lieu aussi incroyable nous a apporté énormément de crédit. Donc oui, les lieux sont très importants.

Un festival c’est : « une ville, un lieu, une programmation » ou « un lieu, une programmation, une ville ». Mais le lieu est toujours en premier. C’est lui qui donne le tempo, pas forcément celui de la programmation mais celui de la perception que les gens ont de l’évènement. 

Après on a fait aussi d’autres lieux. La plage, c’est extraordinaire. Ce ne sont que des volontés : « Est-ce que l’on peut ? ». C’était aussi une autre époque, il n’y avait pas encore Vigipirate version attentats que l’on connaît depuis 2015. On a exploité la plage de 2010 à 2013. C’est une organisation très lourde. Mais c’était une volonté d’amener le public dans une dimension encore plus fantastique. Même l’Hippodrome qui ne fait pas l’unanimité dans les festivaliers qui nous suivent depuis longtemps. J’ai toujours trouvé que ce lieu était incroyable. Il a un côté un peu suranné mais pas que. J’ai toujours bien aimé les concerts à l’Hippodrome.

Et puis, il y a Olbia. Olbia c’est pareil, c’est un site archéologique antique avec un passé incroyable avec une vue sur la baie. C’est une vraie difficulté de trouver des lieux. Celui qui est dans un champ avec un groupe électrogène, a plus de logistique mais il s’implante comme il veut.

Nous faisons en sorte, quand on arrive dans un lieu, de prendre en compte toute sa complexité. Cela reste un élément puissant pour les festivaliers et la dimension du festival. C’est une recherche, toujours, à l’image de mes collègues qui vont chercher et trouver un lieu adéquat à leur festival.

Pour la Fondation Carmignac, j’ai toujours trouvé dommage que les festivaliers qui viennent d’assez loin, ne puissent pas profiter de l’île de Porquerolles. Quand la Fondation Carmignac a ouvert, on a été très attentif mais on n’avait pas vraiment de clés de communication avec eux. Et en fait c’est son directeur Charles Carmignac qui nous a appelé pour nous dire qu’il trouvait que notre programmation était vraiment super et qu’il aimerait bien venir. On a commencé à discuter pour voir si on ne pouvait pas organiser quelque chose dans le cadre de la Fondation Carmignac sur une après-midi. Il était d’accord, on lui a proposé des groupes. Il a aimé et depuis on échange.

On essaye de trouver un équilibre qui consiste à ce que le festival propose des choses que la fondation aura envie de recevoir. On a besoin que la fondation soit heureuse de programmer avec nous. Chacun fait des propositions et puis on trouve ce que l’on fera ensemble. C’est une vraie collaboration.

Cette année, Korin F. est programmé à la fondation. Ils auraient très bien pu ouvrir à Olbia. En fait Charles Carmignac aimait beaucoup et de mon côté j’avais pensé aussi à ce groupe pour la Fondation Carmignac.  Mais il faut savoir, aussi, ne pas toujours être dans le sens du vent. Là, on ouvre avec un DJ Set un peu contemplatif autour de Brian EnoApollo et Music for Airports – et après on met Korin F. qui est plus dynamique.

LFB : Korin F. sait nous faire parcourir ses paysages et nous amener dans leur univers.

Frédéric Landini : Tout à fait, il y a une chanson dont le cadre est une pinède. Charles Carmignac me parle toujours de la forêt, je savais que cela allait accrocher.

LFB : Et si on feuilletait les pages du midi festival à la recherche de super souvenirs

Frédéric Landini : Des super souvenirs, il y en a tellement. Mais musicalement, je pense que l’on a eu deux chocs. Ils sont un peu anciens. En 2006 on rencontre toute la scène californienne Ariel Pink, Holy Shit, Christopher Owens. Tous les groupes qui jouent dans les Warlocks. C’est absolument étonnant parce qu’on est à Hyères et en même temps on rencontre la scène de New-York avec des groupes comme Gang Gang Dance.

C’est le début du Midi Festival et en même temps on est déjà dans des choses complètement essentielles pour moi. Ça nous amène après, à découvrir d’autres groupes comme Girls de Californie. Jusqu’en 2008, il existe un vrai pont avec la Californie. En plus quand on accueille des californiens, il se passe toujours quelque chose, leurs bagages perdus, … Un périple monstrueux que l’on a partagé avec eux. C’était chaotique mais cela a fini par un concert très factory à la Andy Warhol plutôt expérimental. Ça, ce fut un choc.

Ensuite nous avons eu un autre choc en 2010 issu de la scène anglaise, avec le groupe Wu Lyf, qui était venu chez nous pour sa première scène en France. Ça a été une déflagration dans le festival.

Ou encore 2009, un concert hallucinant avec un groupe américain les Skeleton$. Il y a eu comme une hypnose collective. Je n’ai jamais rencontré ça de ma vie, 500 personnes en transe dans la pinède. Cette musique qui était comme un entonnoir de toute la musique New-Yorkaise des années 70 à maintenant. J’ai rarement eu cette sensation là. Ce n’est pas du tout une fusion mais plutôt un torrent d’influences. C’étaient des moments très forts, même s’il y en a eu d’autres, sans arrêt, par la suite.

Si j’en avais un à choisir, ce serait 2006 parce que l’on a vécu une aventure au-delà du festival, une aventure humaine assez chaotique. Et en plus on débutait. Donc oui, ça a été très marquant.

LFB : Et cette année dans les concerts attendus, qu’il faudrait plus particulièrement suivre ?

Frédéric Landini : Je pense que les soirées seront peut-être à vivre différemment que d’habitude. Mais pour une attente très particulière, je pense à Oklou. C’est une artiste qui est en train de développer quelque chose de très hybride et qui marque. Il y a quelque chose. Et puis on voit arriver les différences et tous les jours depuis un mois cela change tout le temps. Elle va venir avec un décor, c’est en train de muter totalement.

Après dans les attentes aussi, il y a le samedi. J’ai vraiment envie de voir Benjamin Epps. C’est du Hip hop français avec une couleur musicale que je n’ai pas trop l’habitude d’entendre.  Je suis attentif à ça aussi. Une belle attente le vendredi soir en clôture avec Glitter et Cheb Runner. C’est un duo back to back en DJ mais avec Glitter qui va certainement chanter aussi. Ce sont des artistes que je suis.

Ensuite j’espère qu’il y aura d’autres surprises si tous les artistes sont là. On vient d’avoir une info juste avant que tu n’arrives, un artiste qui est positif au coronavirus. Du coup on va devoir refaire une cinquantième fois la programmation. Il s’agit de Poté, le gars qui a fait les collab avec Damon Albarn.

On a toujours des annulations de dernière minute. Par exemple, en 2017, on a eu une annulation – Drugdealer – et on a fait Lompepal. Au niveau billetterie, on était mieux que Drug Dealer.

Après il y a des choses comme Myd que j’ai envie de voir parce que j’aime bien l’aspect Pop de cet artiste. Et puis, il y a aussi des amis qui jouent dans ce groupe. C’est anecdotique mais ça ramène pour moi une attractivité. Je suis aussi assez étonné par Elliott Arman qui est un jeune artiste, fils de Yann Tiersen, qui a vraiment un truc à la guitare assez minimaliste.

Et puis il y a cette artiste française Blumi qui va ouvrir le festival que je trouve très intéressante.

Dans d’autres genres, moins midi si je peux dire. Des artistes comme Timothée Joly pareil quelque chose d’assez étonnant. Qui se rapproche de ce que l’on peut appeler vulgairement les musiques urbaines mais ça dépasse le truc. C’est plus de la Pop qu’autre chose.

En clairement Hip hop, on a Benjamin Epps et Lala &ce. Plus Benjamin Epps que LaLa &ce d’ailleurs qui a un niveau un peu plus stylé qui se faufile partout. Benjamin Epps, il n’y pas de questionnement. Il cite Booba dans ses textes en disant qu’il prend le pouvoir. On est vraiment dans du sport Hip hop classique qu’habituellement nous ne programme pas. Dès que l’on rentre dans des musiques de genre très précises, on ne programme pas. Mais pour Benjamin Epps, je suis curieux.

LFB : Associé au Midi Festival, il y aussi le petit frère Midi Toulon Festival

Frédéric Landini : Il aura lieu en novembre du 18 au 20 novembre. On sera à l’Oméga Live. Habituellement on a des lieux un peu différents, l’Opéra …. On navigue entre les lieux. Là, tous les lieux sont en travaux donc ce sera à l’Oméga s’il a retrouvé sa salle de concert et qu’il ne soit plus un centre de vaccination. On croise les doigts.

LFB : Et des nouvelles du Midi Artist ?

Frédéric Landini : L’agence est en standby depuis début 2020. C’était de jeunes groupes avec lesquels je travaillais. Je ne me sentais pas tant que les incertitudes étaient présentes, de leur donner des espoirs ou des plans. Déjà organiser toutes les manifestations de l’association est difficile. M’occuper de l’agence avec le soutien d’artistes, je ne me voyais plus le faire.

C’est une agence très petite. On n’a pas les reins assez solides pour patienter deux ans. Donc pour le moment standby. Ensuite, on verra.

Après je suis plus intéressé par programmer les groupes que les produire. Peter Hook m’avait dit, on n’avait fait Peter Hook de Joy Division en 2013 : « Il ne faut pas fréquenter ses héros ». Des fois les musiciens je préfère les programmer, les voir jouer. Organiser leurs tournées peut être pénible. Mais c’est vraiment la nature de l’épidémie qui a été un frein et qui a montré que c’était trop fragile.