The Metallica Blacklist : Armée de l’apocalypse

Il y a peu de groupes au monde qui marqueront autant l’histoire de la musique que Metallica. L’influence du groupe est énorme, si tentaculaire qu’elle a touché tout styles musicaux et toutes générations, même celles pas encore nées à l’époque de la sortie du Black Album, dont l’industrie musicale rend aujourd’hui hommage. Premier groupe à avoir joué sur les cinq continents, il était aussi une évidence que cet album représente leur dimension internationale et leur répercussion sur toutes les cultures. Des artistes de toutes les régions du monde sont ainsi réunis dans ce melting pot.  Très loin de ne s’adresser qu’aux inconditionnels de Metallica, les morceaux sont aussi là pour rameuter les curieux, les plus jeunes ou ceux qui ont jamais pu les blairer, dans une immense messe musicale. Double jeu, les inconditionnels du groupe pourront y voir ici aussi l’opportunité de s’ouvrir sur d’autres genres et artistes. Comme seul les puristes s’attarderont sur les quatre heures que représente l’album on vous a concocté une petite sélection des grosses surprises musicales, ainsi que de celles qui titillent un peu la curiosité.

Enter Sandman ouvrira le grand bal. Avec son rythme de batterie iconique, sa mélodie puissante, son pont hautement dramatique sous forme de prière avec un enfant, le challenge est énorme. Certains vont s’y casser un peu les dents façon Mac Demarco et sa reprise d’ados dans un garage. Sympathique, mais qui n’apporte rien de neuf. D’autres n’hésitent pas à carrément transcender le genre et les générations. Rina Sawayama, la multi talentueuse artiste nippo britannique rajoute de la basse, des roulements de batterie déchirants et vient réveiller les morts avec sa voix de sirène. Pop industrielle ultra nerveuse qui revisite avec brio le morceau avec les codes actuels, on meurt d’envie de taper du pied façon techno. Le passage de la prière est un pur moment de grâce gothique. C’est exactement le genre de claques que l’on avait envie de se prendre avec cet album. On peut aussi relever la reprise de Ghost, ultra glam métal avec son clavier en majeur et ses chœurs célestes. On est dans le fun et le kitsch assumé, au moins on s’éclate. Juanes (Juanes???) qui avant d’écrire la Camisa Negra était un fan de heavy metal, se prête aussi à l’exercice avec une intro de guitare qui revisite de façon sympathique le rythme iconique de batterie.

Sad But True bénéficie elle aussi son joli lot d’artistes qui ont voulu s’en accaparer. Pour le coup, c’est elle qui obtiendra le plus de diversité musicale. Piano voix délicat pour Sam Fender, country nerveuse pour Jason Isbell, punk déchainé pour YB, rythmes latino modernes pour The Mexican Institude of Sound, visiblement la chanson inspire les interprétations. La palme reviendra aux mexicains, qui alliés à des artistes reggaeton et rap offrent une vraie originalité, et franchement une belle cohérence. Vous vouliez de la surprise? On verra peut-être des gens danser coller serrer sur du Metallica. Encore une fois, ce sont les reprises qui prennent le moins de risques qui interpelleront le moins, avec par exemple des Royal Blood dans leur parfaite zone de confort.

Plus convenues, les reprises de Holier Than Thou jouent la carte du rock surexcité, du festival de batteries qui tabassent avec OFF!, de punk avec The Chats et de pur classique trash avec Corey Taylor. Les titres ont plus de mal à se démarquer bien que la qualité soit évidemment au rendez-vous.

Un sursaut d’excitation avant la sublime ballade The Unforgiven qui offre à cette occasion de nombreux moments de grâce. Cage The Elephant glisse les paroles de façon susurrée sur un thérémine très gothique. Le temps se suspend dans une ambiance surréaliste de mélancolie noire. Flatbush Zombies et Dj Scratch s’allient afin de proposer un rap industriel assez intéressant. Le rythme est encore ralenti, le son des basses étouffé, le tout afin de valoriser la verve du duo de rappeurs. Entre voix cassées percutantes et scratch omniprésents, on ne peut nier l’originalité et la qualité du morceau. Moses Sumney, susurre quant à lui une version ultra minimaliste mais d’une puissance extraordinaire. C’est presque a capella qu’il entonne la mélodie dont ne s’envoleront que de rares notes afin de protéger la délicatesse du moment. On frissonne sur les chœurs soul qui concluront ce bijou.

L’intro de guitare aux influences orientales de Wherever I May Roam a bien évidemment fortement inspiré les artistes d’influences plus urbaines, renouant ainsi la tradition des samples . J. Balvin offre sa fougue latine qui s’appose avec talent sur les guitares saturées, ainsi qu’un petit remix de l’originale franchement réussi. Le rythme s’intensifie avec Chase & Status et BackRoad Gee qui combinent avec talent la violence du drill avec celle de l’électro et du rock.

Forcément, le dj français Sebastian ne se contente pas de la facilité et ne fait rien comme tout le monde. Ce n’est pas un mais deux morceaux que le monstre sacré décide de reprendre en un subtil mélange.  Don’t Tread on Else Matters laisse de côté l’intro de West Side Story pour se concentrer sur une ligne de basse funk parfaitement calibrée et franchement surprenante. Un rythme dansant et solaire avant de s’enchainer sur un symphonique Nothing Else Matters dont les harmonies feront frissonner chaque centimètre de peau. Pur concentré de son talent, de ses gimmicks et de sa créativité, Sebastian réussit comme toujours à transcender les morceaux dont il s’accapare.

Portugal. The Man et Aaron Beam ont eux aussi mangé du lion avec un Don’t Tread On Me franchement surprenant entre le métal symphonique et le trash industriel. On apprécie aussi de croiser The Hu, le groupe de heavy métal mongol qui vient déchainer leur colère guerrière. On aurait cependant peut-être apprécier un peu plus de risque au niveau instrumental.

Et c’est sans surprise la ballade métal Nothing Else Mattersqui remporte la palme du nombre de reprises. Bien que la chanson reste un petit bijou, avec pas moins de 12 interprétations on ne peut que tourner un peu en rond par moments. Entre le soporifique de Dave Gahan et le parodique de Miley Cyrus se trouve tout de même de vraies jolies interprétations. Phoebe Bridgers propose une délicate version valse de piano aussi intimiste que poétique, alors que Mon Laferte revisite la chanson à l’aide d’instruments traditionnels chiliens. Deux interprétations profondément cinématographiques qui ont le talent de nous emmener dans un tout autre univers. Le pianiste germano-russe Igor Levit nous offre un morceau de piano d’exception, entre les arpèges classiques et les placements rythmiques jazz, donnant ainsi ses lettres de noblesses à l’une des plus belles mélodies du rock. On saluera aussi la surprise procurée par la version de My Morning Jacket, les seuls à s’aventurer en dehors du registre de la ballade pour un rythme entre la brit pop et le surf.  

Les gros punks de Idles s’attaquent quant à eux au très lourd The God That Failed. Merci de nous sortir un peu de la torpeur les gars ! Evidemment plus énergique que l’original, ils managent tout de même une tension folle entre instruments surexcités, dissonants, et ponts minimalistes. La voix cassée de Joe Talbot renvoie évidemment à celle éraillée de James Hetfield, tel un échos moderne.  

My friend of Misery, qui filera toujours un petit vent d’amertume aux fans du bassiste Jason Newsted, a le droit à trois belles reprises. Comme quoi la quantité ne fait pas la qualité. Cherry Glazerr apporte un vrai souffle pop punk industriel sur lequels ne cracheraient pas les fans de Billie Eilish. Grosse surprise, la chanteuse Izia se réapproprie aussi le titre dans un pop rock endiablé, plus classique mais droit au but. Avant de balancer des synthés 80’s franchement jouissifs. On n’a pas à rougir de nos artistes français pour le coup. Totalement inattendue, la version jazz de Kamasi Washington est d’une beauté affolante. Piano à contretemps, saxophone d’une sensualité terrible, voix susurrée dans l’oreille, et surtout une batterie en roue libre. N’importe quel batteur de métal serait en sueur tant la performance est hallucinante. Entre élégance et puissance dramatique, il souffle comme vent d’apocalypse. Sans aucun doute la plus grosse claque de l’album.

Avec malheureusement des chansons qui prennent presque le monopole de l’album (coucou Nothing Else Matters), et certains artistes visiblement un peu effrayés de s’attaquer à ces monstres géants, on ne peut que saluer l’immense qualité de cet album de reprises. D’une production impeccable, d’une originalité dingue, certains morceaux procurent une vraie tachycardie tellement ils sont excitants. De vraies claques, autant pour un public qui découvrirait ces chansons que les inconditionnels de toujours. Il s’agira seulement de faire sa petite sélection, qui sera aussi diversifiée que celle de votre voisin. On notera tout de même que les vraies frissons ont été produits par des artistes plus éloignés de la scène rock, qui ont su peut-être apporter plus de fraicheur aux morceaux. Le principal, c’est que tout le monde s’y retrouve, tout le monde crie son amour pour le groupe, bref c’est beau et ça défonce. The Four Horseman ont définitivement trouvé leur armée pour l’apocalypse.

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