Marijus Aleksa : « Mélanger les genres, c’est ça le Jazz ».

Après la sortie d’un deuxième album, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le génie du Jazz Marijus Aleksa. L’occasion d’aborder ses méthodes de travail, sa philosophie créative ou encore son impact sur sa communauté.

Version anglaise plus bas / english version below

La Face B : Salut ! 

Marijus Aleksa : Salut Manu !

La Face B : Comment tu vas ?

Marijus : Bien bien bien, et toi ?

La Face B : Je vais bien, merci beaucoup ! Merci beaucoup de ton attention, ça me fait très plaisir.

Marijus : Merci à toi.

La Face B : On commence ?

Marijus : Ouais bien sûr !

La Face B : Tu as sorti ton nouvel album As They Are il y a quelques semaines. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Marijus : Alors, c’est un album qui a été en création pendant les trois dernières années. Ça a juste commencé avec des jams. C’était pendant la pandémie et mon ami Samuel Crow, de Londres, parce que j’ai vécu là-bas pendant dix ans puis après je suis revenu (en Lituanie) juste avant la crise. C’est un claviériste, un producteur et aussi un compositeur, et on avait l’habitude de faire quelques sessions, avec Native Dancer. Il est venu me voir et on a réservé trois jours.

J’ai fini l’enregistrement en deux jours, et pendant le troisième on avait juste rien à faire donc j’ai invité quelques amis à moi. Quelques gars qui jouent des instruments électroniques, des samplers et des synthés. Je l’ai aussi invité, il jouait du clavier, des drones, des modulaires, et on avait vraiment faim de jeu, de jouer ensemble et on a jammé pendant six heures non-stop, plus ou moins. Et avec de la chance j’ai appuyé sur le bouton « enregistrer », ce qui nous, musiciens et producteurs, on oublie de faire. Après quelques mois, j’ai ouvert les dossiers, j’ai étendu quelques parties sympa et sans même penser à un album ou quoi. J’ai commencé à rechercher des parties sympa, coupé et éditer un peu et doucement d’autres amis musiciens sont venus à mon studio. Je leur ai dit que j’avais quelques idées et je leur ai demandé de jouer dessus.

Puis sont venues les percussions avec les instruments électroniques. Je suis moi-même un geek des instruments électroniques, j’ai une collection de boîtes à rythme et de claviers. J’ai commencé à faire évoluer les morceaux, faire quelques nouveaux changements et à les former en quelque chose qui ne sonne pas juste comme une jam mais plutôt comme une composition. Puis j’ai pensé à une mélodie de trompette pour cette pièce, j’ai donc appelé Yelfris Valdes, un trompettiste cubain qui vivait à Londres et avec qui j’ai joué dans le passé. Je lui ai envoyé les fichiers, lui ai demandé de faire ce qu’il voulait dessus, de l’enregistrer et de me l’envoyer et que la musique serait ensuite renvoyée à quelqu’un d’autre. À la fin de ce processus d’enregistrement, de montage et de collage, 23 personnes sont passées par mon studio ou ont juste enregistré depuis des parties différentes du monde.

À certains moments, je me suis dit que c’était fini, que je ne voulais rien changer et que c’était bon. Mais parce que je n’étais pas seul à faire ça, la musique a beaucoup d’angles différents, tu peux entendre des influences différentes comme l’électro un peu pêchu, le jazz britannique parce que j’ai joué en tant que batteur de session avec beaucoup de musiciens de cette scène comme China Moses, Anthony Joseph, Femi Tomowo, Joe Armon Jones.

La Face B : J’ai vu que tu avais aussi travaillé avec Oscar Jerome. 

Marijus : Avec Oscar Jerome aussi oui. On a fait un morceau ensemble avec Ashley Henry. Tous ces musiciens m’ont donné de l’inspiration mais aussi, les musiciens qui ont joué sur l’album ont amené leurs propres mondes et enrichi le son. Quelque chose comme le morceau éponyme As They Are — Au début, c’était très ressemblant à une espèce de rythme ghanéen grandiloquent avec un séquenceur ou une boîte à rythmes un peu typé techno. Puis, je l’ai envoyé à mon ami Oli Rockberger, un claviériste, chanteur et producteur. D’un coup, il a plaqué quelques accords dessus et ça lui a donné un côté léger et romantique.

Très souvent, la morceau s’ouvrait quand je l’envoyais à d’autres personnes. Aussi, je pense à mes propres goûts et influences musicales : j’ai toujours été un fan de la période psychédélique de Miles Davis, de In a Silent Way jusqu’à 1978 — toute cette période, tous ces lives fous et diaboliques. Dans tous ces albums, ils utilisaient des techniques de montage, en mélangeant des bandes, et en jouant des choses monotones et stridentes avec des soli avant-gardistes par-dessus, des grooves constants comme ceux qu’on entend dans les clubs, comme la Techno. Et aussi, j’ai gagné en expérience à force de jouer pendant des années : ma plus grosse influence était ce guitariste, compositeur et arrangeur Femi Tomowo, que j’ai rencontré quand j’étais à Londres, il est nigérian et basé à Londres.

La Face B : Le batteur d’Ezra Collective ?

Marijus : Non, tu parles de Femi Koleoso. Femi Tomowo est plus vieux. C’était le directeur musical d’Amy Winehouse, mais c’est aussi un gars très influent dans la scène londonienne qui mélange l’afro-beat avec le son jazz. Toutes mes influences des rythmes africains viennent principalement du fait d’en jouer, et j’ai tellement appris avec lui. Il m’a donné tellement de musique différente à écouter et tellement de rythmes à apprendre. Cette facette de l’album vient du fait de jouer avec lui. Mon amour pour la musique électronique a commencé quand j’étais adolescent.

Je jouais et m’entrainais dans des set-up différent comme le Jazz, mais j’écoutais de l’électro avec un collègue de longue date, Paulius Kilbauskas. Il a sa propre et fait sa propre musique. On avait l’habitude de jouer différents genres et de les mélanger ensemble, comme l’électro mélangé au Jazz à l’époque. C’était il y a presque vingt ans. Donc, pour moi, cet album c’est un peu la fin d’une ère.

La Face B : C’est en quelque sorte la fin d’un voyage ?

Marijus : Je dirais que oui parce que, avant la pandémie, j’avais l’habitude de faire tellement de concerts avec tant de musiciens différents, voyager dans le monde entier, tourner avec la musique des autres, avec des centaines de groupes durant les quinze dernières années. Tout ça s’est enregistré dans ma tête et je l’ai ressorti dans cet album et c’est ça ! L’album après celui-ci va être des soli de batterie, que de la batterie. Je suis allé jusqu’à la grande explosion, et maintenant on revient à zéro.

La Face B : Tu as évoqué ton travail pendant toute une décennie à Londres. Finalement, tu étais l’un des acteurs de la naissance de cette scène Jazz new-gen à Londres qui est devenue très importante et influente aujourd’hui partout dans le monde. Quel regard tu as sur cette scène londonienne actuelle et de son évolution et de son statut ?

Marijus : Évidemment, j’étais très chanceux d’être à Londres à ce moment-là et d’en faire l’expérience. Parce qu’aussi, ça a commencé avec ce que Shabaka Hutchings faisait mais après, beaucoup de musiciens, cinq ou dix ans plus jeunes que moi, y ont vraiment mis le feu et ont développé cette scène. Donc j’ai été chanceux d’être là-bas à ce moment-là et de pouvoir jouer avec eux. Quelque chose d’important est arrivé là-bas : il y a dix ou quinze ans, le Jazz était toujours dans cet espace dans lequel habituellement on voyait une ancienne génération, presque une audience à l’apparence académique et probablement principalement composée d’hommes, des geeks de Jazz. Avec cette nouvelle génération du Jazz londonien, ça a totalement changé.

Les gens commencent à mélanger de nouveaux genres comme le grime, la musique électronique, mais mélangent aussi des influences ethniques comme les rythmes caribéens, le Soca, l’afro-beat, les choses comme ça. Et grâce à ça, des gens de leur âge se rajoutent à cette audience et soudainement, c’est devenu cool d’aller à un concert de Jazz ou d’en écouter. Et la musique a changé. Ce n’était pas aussi orienté, c’est devenu une musique corporelle et plus tant une musique intellectuelle. 

La Face B : J’ai l’impression qu’il y a un petit groupe d’artistes comme Yussef Dayes par exemple qui arrive à mélanger toute cette complexité liée au Jazz avec une manière simple de le jouer. Avec des loops qui viennent du Hip-Hop, des musiques africains et caribéennes. C’est aussi une manière très Pop de faire. Avec par example Tom Misch. Il y a clairement cette idée de mélange de styles. On l’a aussi vu avec As They Are, l’album est très divers et riche. J’ai trouve ça très intéressant.

Marijus : Ouais ! Mais qu’est-ce que tu appelles du Jazz ? Il y a certaines personnes qui disent que le Jazz est mort avec l’ère du Swing. Pour moi, le mot « Jazz » est comme un spectre pour la musique nouvelle et créative. Quand j’ai lu l’autobiographie de Miles Davis, il dit que même à l’époque, et je pense qu’il écrivait ça dans les années 70s ou 80s, pour lui, le mot « Jazz » définissait quelque chose de frais et brut. Pour moi, très souvent c’est les producteurs de musique électronique qui apportent cette fraîcheur et ce ton brut sur la table. Je pense que cette idée de mélanger les genres, c’est ça le Jazz. 

La Face B : En fait, ce que tu dis me ramène à une interview que j’ai fait il y a quelques mois avec Oscar Jerome. On a parlé à propos du mot et du terme « Jazz » et il disait qu’il pensait que le terme était utilisé avec fainéantise pour décrire chaque morceau qui est un peu expressif. Tu es d’accord avec cette vision dans laquelle le Jazz en tant que terme est devenu très large ?

Marijus : Ouais probablement. Je veux dire, il y a probablement plein de facteurs qui l’expliquent. Rien qu’avec Internet, YouTube et Spotify, tout le monde peut avoir accès à de la musique qui vient de différentes parties du monde. Si un japonais veut écrire, créer et produire du Jazz, et si un brésilien ou nord-européen joue ou compose du Jazz, dans ce spectre qu’on appelle « Jazz », ça serait très différent. Je pense que quand Fela Kuti est arrivé avec l’Afro-beat, c’était des musiciens ghanéens et nigérians qui essayaient de sonner comme James Brown. Puis ensuite qu’est-ce qui est arrivé ? On a eu l’Afro-beat.

La Face B : Pour continuer à parler de Londres et de ton influence. Au-delà d’être important dans tout ce monde londonien, tu es aussi quelqu’un d’important dans ta scène locale. Tu programmes le Tamsta Jazz Week-end dans ta ville natale. Avec du recul, est-ce que tu réalises l’importance et l’impact que toi et ton travail avaient sur les autres autour de toi ?

Marijus : J’espère (rires) ! En fait, à côté de faire ce festival, j’enseigne aussi dans ma propre école privée. Pas seulement moi, mais aussi d’autres musiciens et enseignants que j’ai sélectionné. Ils sont dans le même bâtiment et on essaye de rendre cette expérience à la communauté des jeunes musiciens. Mon objectif pour eux est de libérer leur réflexion, tout d’abord. Être créatif. Et aussi ne pas être effrayé d’être qui ils sont. Parce que j’ai l’impression que, disons en Europe du Nord, en vivant à Londres, en visitant des endroits comme Paris ou Berlin, les gens de ma génération et de celle d’après qui y ont vécu ou y sont allé ont confiance en eux. Ils savent qu’ils n’ont pas à sonner comme quelqu’un.

Tu ne dois pas sonner comme Chris Dave, ou comme Robert Glasper ou quiconque. Ils peuvent faire leur propre truc et ils sont confiant à ce propos. En Lituanie, nous sommes indépendants depuis seulement un peu plus de trente ans. Nous avons subi des centaines d’années d’occupation, la plupart du temps par les russes. Notre culture a été muselée. À certains moments, nous ne pouvions pas parler notre langue. On ne pouvait pas chanter nos chansons. On ne pouvait pas jouer notre musique à côté de ça. Les racines sont infectées. Et elles ont besoin de temps pour fleurir à nouveau, et il faut du temps pendant lequel les gens peuvent être confiants. Un moment pendant lequel les gens pensent qu’ils n’ont pas à essayer de sonner comme quelqu’un d’autre. Peut-être qu’ils ont quelque chose d’intéressant à dire au monde aussi, musicalement parlant.

Donc, c’est mon principal message, parce que j’essaye aussi de booker les musiciens pour le festival dans lequel ils peuvent avoir leur propre son. Tu sais, on fait quelques workshops avec quelques gros groupes ou producteurs qu’on connait. Par exemple, le duo Matt Davis et Church Andrews, ces deux geeks, ils font de la musique très différente de ce qui peut se faire ailleurs et sont juste à fond là-dedans. Être courageux et ne pas penser que quelqu’un va aimer ou non. Ils le font juste. Et je pense que leur musique est vraiment sublime. Les manières d’écrire, de produire et d’interpréter la musique, c’est vraiment cool.

J’ai vu beaucoup d’adolescents tellement inspirés, et j’espère qu’ils sont rentrés chez eux en essayant d’apprendre de cette expérience et fait de la musique par leurs propres moyens. Donc ouais, j’espère avoir une bonne influence dans le sens de ne pas diriger ce que les gens font en considérant ce qu’on ne devrait pas faire mais avant tout en étant très ouvert et en se sentant comme étant des citoyens du monde, et pas juste des lituaniens.

La Face B : Je pense que ce que ce que tu essayes de faire est très important, surtout concernant les adolescents parce que c’est une période ou tu essayes de te trouver. Ce message que tu transmets, qui est de s’accepter et d’avoir confiance en soi c’est très important.

Marijus : Ouais ! Je pense que c’est le dernier niveau, le plus important. Tu as besoin de passer de nombreuses heures à fabriquer ton truc. À certains moments c’est très important. La principale idée, le principal concept est « Pourquoi tu fais ça ? », « Qui es-tu ? ».

La Face B : Pour revenir un peu sur ta musique, quand vient le moment de penser à tourner ou juste de jouer des concerts isolés, avec des œuvres comme As They Are ou MAPS, est-ce que ce genre de concept avec tant de participants complique ton organisation ? Comment tu t’organise ?

Marijus : Pendant le lancement de As They Are j’ai fait un concert, au Tamsta Jazz Week-end. On va sortir une petite vidéo et une espèce de documentaire dans quelques semaines, pour documenter tout ça. Je n’avais pas vingt-trois musiciens. J’en avais treize. Pour moi c’est intéressant. Je ne veux pas que mes concerts comme ce que font la plupart du temps les artistes commerciaux et Pop, où les gens viennent aux concerts en espérant entendre exactement la même chose que sur album. Pendant les répétitions j’ai réalisé que cette musique peut même être jouée avec seulement trois musiciens.

Ça peut juste être une batterie, une installation électronique avec des samplers, des synthétiseurs modulaires et des boîtes à rythmes et un très bon soliste, disons un trompettiste. On aura toujours des mélodies et des rythmiques reconnaissables. Pour moi au moins et j’espère pour celui qui écoute, ça doit être un peu plus intéressant. Je sais à quoi ressemble l’album. C’est une variante à trois pièces ou peut-être à sept pièces avec des claviers, une basse et trois cuivres. C’est cool, c’est assez ouvert. Je ne m’en préoccupe pas trop. 

La Face B : Comme je le comprend, quand tu interprètes ces morceaux, c’est comme si tu donnais naissance à un nouveau morceau ?

Marijus : Dans un sens, ou disons comme un remix.

La Face B : Tu as déjà sorti un premier album en 2018, intitulé MAPS. En quelle mesure ça a été différent de travailler sur ta propre musique et de ne pas travailler sur les productions d’autres musiciens ?

Marijus : Évidemment, quand je fais mes propres albums, j’ai le control créatif et c’est mes concepts et mes idées que j’essaye de matérialiser. Travailler pour d’autres artistes, enregistrer leur musique ou les aider à l’écrire ça change à chaque fois, en fonction de l’album et de l’artiste. Certains veulent que je joue exactement ce que j’avais imaginé, même les rythmes. La manière dont tu joues le rythme or même l’accordage de la caisse claire est contrôlé. Certains sont très spécifiques. Et certains sont très ouverts pour me laisser carte blanche. Il y a plein d’expériences différentes, et tu peux apprendre de chacune d’entre-elle. J’ai enregistré les deux derniers albums de Bill Laurence, avec un groupe. Tu connais ce claviériste ?

La Face B : Ouais ! 

Marijus : Ouais, c’est un membre originel de Snarky Puppy. Par exemple, quand j’ai commencé à jouer avec lui, il voulait que je joue exactement comme sur son EP Zeal. On l’a fait d’une manière plus ou moins communale. On s’est réuni et on a jammé. Il avait quelques idées mais il m’a pas mal laissé inclure mes idées. On a aussi utilisé quelques de mes programmes de boîtes à rythme et des programmes de synthétiseurs modulaires sur les morceaux aussi. C’est bien, je peux y entendre mon influence aussi. Mais quand j’ai joué dans les sessions dans lesquelles Femi Tomowo m’a amené, je crois, avec les artistes sénégalaises Gwen & Tiana.

Dans cette session, Femi savait exactement quel genre de rythme il voulait que je joue. Il les a même programmé. C’était des grooves africains dingues en 12/8 et des trucs comme ça. J’étais en mode « Oh putain ! » (rires). J’étais forcé de complètement revoir la manière dont je joue, parce qu’habituellement je jouais comme un batteur mais vu que ça n’est pas un batteur, il a écrit toutes les parties indépendamment les unes des autres. Donc j’ai presque dû lire la musique du fait qu’il y avait trois lignes différentes.

La Face B : Pour toucher un peu plus à As They Are, tu as dit qu’il était influencé par la musique électronique, le Jazz, la musique afro-américaine etc… Mais est-ce qu’il y a des artistes ou albums que tu définirais comme des influences claires pour l’album ?

Marijus : Oui, je pense. Tu sais des fois c’est bizarre. Disons que tu aimes Miles Davis, et que tu essayes de trouver des artistes qui sont influencés par lui et tu écoutes ce qu’ils font et c’est totalement différent. Des fois tu ne peux pas entendre l’influence, je pense à certaines influences comme John Hassell, tu le connais ?

La Face B : Non.

Marijus : Je recommande vraiment. J’ai entendu parler de lui il y a seulement trois ou quatre ans, et je sais pas pourquoi. C’est probablement mon artiste le plus écouté ces deux dernières années. J’ai pas pu m’arrêter de l’écouter depuis deux ans. Et je peux toujours pas m’arrêter. C’est un trompettiste. Il a développé avec un terme pour son propre genre musical. Il avait l’habitude d’utiliser des sons harmonisés pour la trompette, ce dont je pense Sam Gendel s’est inspiré et l’a utilisé pour le saxophone.

Je l’ai utilisé sur les trompettes aussi mais j’ai essayé d’avoir des sons différents en mettant aussi un mute sur la trompette. John Hassell utilise l’harmoniseur sans le mute, moi je l’utilise. Sur le morceau As They Are, la mélodie principale, quand les gens pensent à ce que c’est, 90% pensent que c’est de l’accordéon. Je ne sais pas pourquoi (rires) !

La Face B : Je n’y avais jamais pensé !

Marijus : Basiquement, c’est une trompette avec un mute et un harmoniseur. Sur des morceaux comme Do, on l’utilise aussi. Je pense que le morceau Do sonne le plus influencé par John Hassell. C’est un musicien très intéressant. Et qu’il repose en paix, il est décédé l’année dernière. Il a commencé à composer sa musique quand il avait quarante ans. Et il enregistrait jusqu’à ses quatre-vingt quatre ans. Et c’est incroyable, la musique n’appartient à aucune époque, c’est incroyable. Il a sa propre galaxie.

La Face B : Au final, avec autant de temps, tu as le temps d’installer ton monde.

Marijus : Ouais carrément.

La Face B : L’artwork suit plus ou moins l’idée que tu as évoqué plus tôt avec le thème du collage. Tu as collaboré avec Mt Chills, une artiste de collage japonaise. Tu avais dès le début du processus de création une idée du chemin que tu voulais prendre concernant l’aspect visuel ? Ou est-ce que c’était très libre pour elle de travailler ?

Marijus : C’est venu assez naturellement parce que je n’avais pas prévu de faire cet album au départ. Mais je dirais que même avec le premier album, MAPS, j’avais déjà utilisé la même technique pour l’écriture, qui est comme écrire ou produire quelques séquences et inviter différents musiciens à jouer dessus puis ensuite les monter. Je travaille des fois comme les producteurs de Dub. J’ai toutes les parties sur le mixer, et je peux même faire la composition à ce moment-là. C’est du montage pour moi, l’équivalent du collage en art visuel. Ce n’est pas un collage de seulement différentes parties mais aussi de différents musiciens qui ont joué ces parties. Donc avec cet album, je n’ai pas changé la manière dont je fais de la musique.

J’ai utilisé la même technique. Juste, sur MAPS il n’y a pas de mélodie, c’est minimaliste, avec aussi des motifs minimalistes. Avec cet album j’ai aussi voulu écrire des mélodies. Une fois que j’ai commencé, je me suis rendu compte que ça allait encore être du collage, avec beaucoup de montage avec des genres et artistes différents. Puis j’ai réfléchi à propos de la pochette et à comment je pouvais le connecter à la musique. J’ai pensé que je pouvais trouver quelqu’un qui pouvait faire un beau collage. Je ne me souviens pas où j’ai vu le travail de Mt Chills mais je la connaissais déjà de quelque part. Donc je l’ai retrouvé et parcouru le travail qu’elle avait déjà fait, et j’ai vraiment aimé les couleurs et les esthétiques. Tu sais ça a différentes structures mais ça ne semble pas imbrasif.

Des fois quand il y a beaucoup de choses, c’est agressif et assez difficile d’observer. Mais avec elle c’est très organique, donc je l’ai contacté et je lui ai donné de la liberté. Je pensais au concept, philosophiquement. J’aimais l’idée des musiciens venant de différentes parties du monde, de différentes origines, de différentes cultures, qui se mélangent comme ils sont. Juste prendre les musiciens comme ils sont, les mettre dans le même bol et de voir que ça fonctionne. Il y a cette idée d’harmonie, d’acceptation et de tolérance envers les gens différents de soi.

Et c’est quelque chose que j’ai vécu en vivant à Londres. J’ai vécu à Beckenham. J’ai lu que c’était la partie de la ville la plus diversifiée. Il y a différentes gastronomies, des commerces et des cultures différentes vivant en harmonie ensemble. J’ai juste donné cette philosophie à l’artiste. Je lui ai donné carte blanche. Je ne voulais pas la contrôler.

Et elle est revenue avec ces fleurs et ces différentes structures. Si tu regardes attentivement, tu connais à voir des mondes différents à l’intérieur. Il y a une lune puis ensuite c’est la forme d’une tête. Tu peux aussi te faire ta propre interprétation. C’est quelque chose que j’aime aussi. Celui qui écoute devient le créateur. Je ne leur dit pas ce que c’est. Et j’ai eu en retour cet artwork avec les fleurs et ce genre de choses. Ma première impression était du genre « Quoi ? Des fleurs avec moi ? Qu’est-ce que ça veut dire ? ». Puis ensuite j’ai essayé d’être ouvert et je l’ai laissé reposer pendant une semaine et j’ai commencé à vraiment l’apprécier. Ce n’est pas à propos de moi. C’est ce que elle a vu, c’est une collaboration, pas seulement musicale mais visuelle aussi.

Et ça donne naissance aux animations que tu peux voir sur ma chaîne YouTube. Chaque morceau a son animation. Ça revient à passer la balle d’un artiste à l’autre. C’est devenu quelque chose avec plusieurs couches. C’est quelque chose dont je dois apprendre aussi. Je dois dire que, personnellement, j’aime le contrôle. Mais sur ce projet, j’ai essayé d’être aussi ouvert que possible et laissé chacun faire ce qu’il voulait. J’ai fait la même chose pendant le lancement de l’album. J’ai laissé carte blanche à tout le monde. 

La Face B : Je n’avais pas cette lecture et ce sentiment à propos de l’artwork. Je dois avouer que c’est très intéressant et je l’aime encore plus maintenant. La pochette se marie bien à la musique. 

Marijus : Ouais !

La Face B : Il y a une question que j’aime bien poser aux artistes avant de mettre fin aux interviews. Actuellement tu as quelque chose que tu écoutes en particulier ? Ça peut être des artistes, des albums ou des morceaux qui t’ont surpris ou juste ce que tu écoutes.

Marijus : Oui. J’aime beaucoup écouter le Gagaku japonais. C’est comme de la musique officielle. La première que j’en ai entendu je me suis demandé ce que c’était. J’aime la musique qui me donne des sentiments que je n’ai jamais ressenti avant, que je reconnais pas ou dans lequel je ne me reconnais pas. J’ai l’impression que la musique commerciale, la musique Pop, les gens s’y attache parce qu’ils se reconnaissent là-dedans. J’aime la musique dans laquelle je ne me reconnais pas. Comme si j’étais emmené à un endroit dans lequel tu n’es jamais allé. Je ne sais même pas comment je me sens en écoutant cette musique. Je l’écoute et je ne reconnais pas comment ça me fait me sentir, je ne le comprend pas.

Et c’est quelque chose que je cherche quand j’écoute de la nouvelle musique. C’est la même chose avec les groupes de Gamelan balinais ou la musique indonésienne ou japonaise. J’ai la même sensation. Je me demande comment ils se sont senti, à quoi ils pensaient quand ils ont écrit la musique ou même comment ils l’ont écrit. Ils ne l’ont d’ailleurs probablement pas écrit, ça ressemblait certainement plus à un rituel. C’est certainement arrivé naturellement. La culture est tellement différente que tu ne comprends pas ce que c’est. Puis, si on parle de nouveaux artistes, je suis très intéressé par le côté de la musique électronique. J’aime ce son très naturel et ambiant, mais ce n’est pas vraiment ambiant. C’est juste de la musique très naturelle.

Il y a un duo de batteurs qui utilisent de l’électronique aussi, ça s’appelle 2MS si je me souviens bien. C’est la dernière nouveauté que j’ai écouté et dans lequel j’ai trouvé le son et les esthétiques très bien. Ça m’a fait me sentir bien et m’a amené ailleurs, dans un mood de médiation. 

La Face B : Super ! Et bien, merci beaucoup. Ça a été un vrai plaisir.

Marijus : Merci à toi !

La Face B : Peut-être que tu as un mot de la fin avant qu’on ne mette fin à l’interview ?

Marijus : Parce que le processus de création de l’album a été long, trois ans, je réfléchis à comment je peux produire, écrire de la musique et la sortir de suite. Pour en faire non pas une image de moi il y a deux ou trois ans, mais une image de moi maintenant. Ça a pris beaucoup de temps, et au moment ou j’ai sorti le premier single, je n’étais pas sûr et très confiant si cette musique était importante maintenant ou si elle allait plaire. Dans ma tête, c’est tellement vieux, mais j’étais très surpris de voir combien de personnes l’écoutaient.

Quelques semaines ont passé depuis ce moment et on a vendu tous les vinyles. Il y a tellement de gens qui me suivent dans le monde entier, aux États-Unis, en France, au Japon, en Allemagne, en Grande-Bretagne. Ça m’a vraiment poussé à continuer à faire ce que je fais et ne pas trop y réfléchir. S’il y a des gens qui n’aiment pas, ils n’écouteront simplement pas. C’est cool. C’était un très bon retour. J’essaye toujours de m’exprimer et je le fais pour le processus de création, et j’adore ça. Mais ensuite, à la fin, c’est les gens qui écoutent la musique. Je suis content que des gens dans le monde entier l’aime, et j’espère apporter un peu de joie dans la vie de quelqu’un. 

La Face B : Ok, super ! Merci beaucoup pour attention et la super musique. À la prochaine !

Marijus : À la prochaine !

La Face B : Hi man!

Marijus Aleksa : Hey Manu!

La Face B : How are you doing?

Marijus : Good good good, how are you?

La Face B : I’m doing good, thank you very much! Thank you very much for your attention, I really appreciate it.

Marijus : Thank you.

La Face B : So, let’s begin?

Marijus : Yeah sure!

La Face B : You released your sophomore album As They Are a few weeks ago. Can you tell us a bit more about it?

Marijus : Well, this is an album that has been in the making for the past three years. It started with just jam. We were during the pandemic and my friend Samuel Crow, from London, because I lived there for ten years and then I moved back [to Lithuania] just before the pandemic. He is a keys player, a producer and also a writer, and we used to play some bounces together, with Native Dancer. He came over and we booked in three days.

I finished the recording within two days, and on the third one we just had nothing to do so I invited a number of friends of mine. Some guys who play diverse electronic instruments, samplers and synths. I invited him over as well, he was playing keys, drones, modulars, and we were really hungry just to play together and we jammed for like six hours non-stop, pretty much. And luckily I pressed the record button, which a lot of times, we, musicians and producers forget to do so. After a few months, I opened the files, I heard some nice parts and without even thinking about the album or something, I started searching for nice parts, cropped and edited a little bit and slowly some other musician friends would come by my studio. I told them I had a few ideas and asked them to play on it.

Then came the percussion part alongside the electronic instruments. I am an electronic instrument geek myself: I have a collection of drum machines and synths. I started evolving the tracks, doing some more editing and shaping into something that does not sound like only a jam but more like a composition. Then I would think of a trumpet melody for this piece and would call my friend, Yelfris Valdes, a Cuban trumpeter who lived in London and who I played a lot with in the past. I would send him the files, asked him to do his own thing on it, to record it and send it back and the music would go somewhere else with someone else. At the end of this recording/editing/processing montage and collage process, 23 people came by my studio or just recorded on it from different parts of the world.

At some point I thought “this is finished and I don’t want to change anything anymore and that was it”. But because it was not only me doing this thing, the music has a lot of different angles, you can hear different influences like heavy electronic, heavy UK jazz because I played as a session drummer with a lot with UK Jazz musicians like China Moses, Anthony Joseph, Femi Tomowo, Joe Armon Jones.

La Face B : I saw you also worked with Oscar Jerome.

Marijus : Oscar Jerome as well. We did a song together with Ashley Henry. All these musicians gave me some inspiration but also the musicians who played on the album took it to their own worlds and expanded the sound. Something like the title track “As they are” – At first, it was very much like this kind of Ghanaian highlife rhythm together with a sequencer or drum machine like techno-ish.

Then, I sent it to my friend Oli Rockberger, keys player, singer and producer. Suddenly, he put some chords in it and the song has a romantic and light side to it. A lot of the time, the track opened when I sent it to other people. Also, I think about my own taste and influences in music:  I was always a fan of Miles Davis’ psychedelic period, from “In a Silent Way” to 1978 – all this period, all these crazy live evil albums. In all these albums, they were using montage editing techniques, clipping tapes together, and playing white, monotone things with avant-garde-ish solos on top of it, steady grooves like we hear in clubs today, like techno stuff.

And also, I gained my experience as you can’t get rid of years of playing: my most important influence was during my time playing with this guitar player, composer, arranger, Femi Tomowo, he is a Nigerian, London-based musician.

La Face B : Is he the drummer of Ezra Collective?

Marijus : No, that’s Femi Koleoso. Femi Temowo is from an older generation. He used to be the musical director for Amy Winehouse but was also a very influential guy in the London music scene blending afro beats with London Jazz sound. All the African rhythm influences mostly come from playing and I learnt so much from him. He gave me so much different music to listen to and so many rhythms to learn.

That side of the album comes from playing with him. My love for electronic music started when I was a teenager. I would practice and play in different set ups like Jazz music but would listen to electronic music when I was a teenager starting from drum base and then house. Since I was 19, I played with a long-term colleague of mine – his name is Paulius Kilbauskas. He has his own career doing his own music. We used to play different genres mixed together like electronic genres mixed with Jazz back then. It was almost 20 years ago. So, for me, this album is kind of the end of an era.

La Face B : It’s kind of the end of a journey?

Marijus : I would say yes because, before the pandemic, I used to have so many gigs with so many different musicians, traveling the world, touring with other people’s music, like hundreds of bands during the past 15 years. All of that recorded in my head and I spit it out  in this album and that’s that! The album after this one is going to be drums solo, only drums album. I went from a big explosion and everyone back to zero.

With this new London Jazz generation, it totally flipped. People started mixing new genres like grime, electronic music, but also mixing ethnic Caribbean rhythms, Soca, afro beat and things like that. And because of that, people brought in the audience of their age and suddenly it became cool to go to a Jazz gig and listen to Jazz. And the music changed. It was not so much oriented, It became world body music and not so much head music.

La Face B : From big projects and diverse reach to back to the start? Just Drums! So you talked about your work during a decade in London. Actually, you were one of the actors of the birth of this new gen Jazz scene in London that had become very important and influential today all around the world. Which look do you have on the London Jazz scene today regarding its evolution and Its current status?

Marijus : Obviously, I was really lucky to be in London at that time and to experience it. Because also, It started with what Shabaka Hutchings was doing but then, lots of musicians, 5-10 younger than me, really put a fire into it and expanded this scene. So I was lucky to be there during that time and lucky to play with these guys. An important thing happened there: because even.

10 or 15 years ago Jazz was still in this space where usually you see an older generation audience, almost academic-looking audience and probably mainly men, jazz geeks. With this new London Jazz generation, it totally flipped. People started mixing new genres like grime, electronic music, but also mixing ethnic Caribbean rhythms, Soca, afro beat and things like that. And because of that, people brought in the audience of their age and suddenly it became cool to go to a Jazz gig and listen to Jazz. And the music changed. It was not so much oriented, It became world body music and not so much head music.

La Face B : I feel like there is kind of a small group of artists like for instance Yussef Dayes who managed to blend all that Jazz complexity with a simple way of doing it. With a lot of loops from Hip-Hop, from African and Caribbean music. It’s also a very pop-ish way of doing it. For example Tom Misch. There’s définitely that question of styles blending. We also saw it with As They Are, the album is very diverse and rich. Sometimes it’s like we are not listening to a Jazz record you know. I found that very interesting. 

Marijus : Yeah! But what do you call Jazz? There are people who say that Jazz was dead with the Swing-era. For me the word “Jazz” is like a spectre for creative and new music. When I read Mile Davis’ autobiography, he said that even back then, and I think that he was writing that in the 70s or the 80s, for him, the word “Jazz” defined something fresh and raw. For me, very often it’s electronic producers that are bringing this newness and rawness to the table right now. For me, that idea of blending genres, that is Jazz. 

La Face B : Actually, what you’re saying takes me back to an interview that I did a few months ago with Oscar Jerome. We talked about the word and the term “Jazz” and he told me that he found out that that term was lazily used to describe every piece of music that is a bit soulful. Do you agree with that kind of vision in which Jazz as a term has become very large?

Marijus : Yeah, probably. I mean, there’s probably a lot of factors explaining why. Even just with the Internet, YouTube and Spotify, everyone can hear music from different parts of the world. If a Japanese musician would write, create and produce Jazz and if a Brazilian musician or Eastern European musician perform or compose Jazz, in that spectrum called “Jazz”, it would be very different. I think that when Fela Kuti’s came up with Afro-beat, it was like Ghanaian and Nigerian players who tried to sound like James Brown. And then what happened? We have Afro-beat. 

La Face B : Still talking a bit about London and your influence. More than being important in this whole Londonian world, you are also someone who is important in your local scene. You are programming the Tamsta Jazz Week-end in your hometown. With some step back, do you realise the importance and the impact that you and your work have on the others around you?

Marijus : I hope so (laughs)! Actually, besides doing the festival, I am also teaching in my own private school. Not only me, but also some other instrument teachers that I picked. They are in the same building and we are trying to give this experience back to the community of young players. My goal for them is to totally think out of the box, first of all. Be creative. And also not to be afraid of who they are. Because I feel like, let’s say in Western Europe, living in London and visiting places like Paris or Berlin, people from my generation and younger ones who lived or were born there have confidence in themselves.

They know that they don’t have to sound like someone. You don’t have to sound like Chris Dave, or like Robert Glasper of whatever. They can do their own thing and they are confident about it. In Lithuania, we have been independent only for a bit more than 30 years. And we went on hundreds of years of occupation, usually by Russian. Our culture has been deprived. At some points, we couldn’t speak our language. We couldn’t sing our songs. We couldn’t play our music because of that. The roots are infected. And they need time to blossom again, and it needs time during which people can be confident. Time during which people think that they don’t have to try to sound like someone else. Maybe they have something interesting to say to the world as well, musically speaking.

So, that’s my main message, because I try to also book the musicians for the festival in which they can have their own sound. You know, we do some workshops with some big bands or producers that we know. For instance, the duo Matt Davis and Church Andrews, these two geeks, are doing music that is very different from everyone else and just really going into it. Being brave and not thinking that someone will like it or not. They are just doing it. And I think their music is really amazing. The ways of writing, producing and performing music, that’s really cool.

I saw a lot of teenagers coming to the workshops, not only to the gigs, and they were like “Wow”. They were so inspired, and hopefully they came back home and tried to learn from the experience and did music on their own. So yeah, I’m hoping that I’m having a good influence in a way of not directing what you’re doing considering what you should not be doing but first of all being really open and feeling as citizens of the world and not just Lithuanian. 

La Face B : Actually I think that that thing that you are trying to do is very important, especially regarding teenagers because it’s a time in which you try to find yourself. That message that you spread, which is to accept and trust yourself is very important.

Marijus : Yeah! I think it’s the last level, the most important level, you know. You need to spend a lot of hours crafting your thing. At some point it’s very important. The main idea, the main concept is “Why are you doing this?”, “Who are you?”.

La Face B : To come back a bit on your music, when it comes to think about touring or just playing isolated shows, with materials from As They Are or MAPS, does that kind of concept with so many participants complicates your organisation? So how do you organise it?

Marijus : During the As They Are launch I had a gig, at the Tamsta Jazz Week-end. We will have a little live video and kind of a documentary in a few weeks, like documenting this thing. I didn’t have twenty-three musicians. But I had thirteen. For me it’s interesting, I don’t want my live shows to be as commercial and pop artists usually do, where people come to the show and expect to hear it exactly as it sounds on the album. During the rehearsals I realised that this music can even be played with only three musicians.

It can just be drums, electronic set-up with samplers, modular synths and drum machines and one really good soloist, let’s say a trumpet player. We will still have recognizable melodies and rhythms. For me at least and hopefully for the listener, that might be a bit more interesting. I know how the record sounds. This is a three-piece variant or maybe this is like a seven-piece variant with keys and bass and three horns. It’s cool, it’s quite open. I don’t worry too much about it.

La Face B : Actually, as I understand it, when you’re performing these songs, it’s almost like you are giving birth to another song?

Marijus : In a way, or let’s say like a remix. 

La Face B : You already released a first album in 2018, called MAPS. In which measure is it different to work on your own music and not work on other musicians’ productions?

Marijus : Obviously, when I do my own albums, I have the creative control and it’s my concepts and my ideas that I try to materialise. Working for other artists, to record their music or help them write it differs any time, in function of the album and the artist. Some artists want me to play exactly what they envisioned, even the beats. The way that you play the beat or even the pitch of the snare drum is controlled. Some are very specific. And some are very open to have me do my thing. These are loads of different experiences, and you can learn from all of them. I recorded the last two Bill Laurance albums, which are with a band. Do you know this keyboard player?

La Face B : Yeah!

Marijus : Yeah, he’s an original member of Snarky Puppy. For example, when I started to play with him, he wanted me to play exactly how it was played as on his EP called Zeal. We did it in a quite communal way. We got together and we jammed. He had some ideas but he very much let me include my own beats. We also used some of my drum machine programs and modular synths programs in the tracks as well. It’s nice, I can hear my influence there as well. But let’s say when I played on sessions in which Femi Tomowo brought me in, I think, with Senegalese artists Gwen & Tiana. In that session, Femi knew exactly what kind of beats he wanted me to play.

He actually programmed the beats. It was crazy 12/8 African grooves and stuff like that. I had to play exactly what was written. I’m happy for this experience as well because I learnt so much. I played something that was totally kind of alien to me. And I was like “Oh shit!” (laughs). I was forced to totally rewire how I play, because usually I was playing like a drummer but as he’s not a drummer, he wrote every part independently from each other. So I almost had to read the music because it was three different lines. 

La Face B : It forced you a bit to be very open and able to adapt yourself to the others.

Marijus : Yes and also to be out of your comfort zone. I was burning on that session, but it came out really nicely. Sometimes this edge, this feeling of being on the edge, it’s actually getting a lot lot of energy. It’s something that is new to you, so you’re there, you’re in the moment. For my album launch, I never had a rehearsal with everyone, with all the thirteen musicians. I had rehearsals with the guys on the electronics, with horns and sessions with keys and bass, but never together. I knew that everyone knew their own parts and what it was about to be, but we met and did it for the first time on stage.

And I think that created a lot of listening. Because when you know what you’re gonna play, you might start thinking of what you’re gonna do after the show or if you look nice or stuff like that. When you haven’t played, you’re listening, you’re focused. Sometimes, being on the edge is really for the result.

La Face B : To touch a bit more As They Are, you said that it was influenced by electronic music, jazz music, African-American music etc… But are there specific artists or albums that you would define as clear influences for the album?

Marijus : Yes, I think so. You know sometimes it’s weird. Let’s say you like Miles Davis, and you try to find people who were influenced by him and you listen to their music and it’s totally different. Sometimes you can’t hear the influence, I think of some influences like John Hassell, do you know him?

La Face B : No I don’t.

Marijus : I really recommend it. I heard of him only three or four years ago, and I don’t know why. It’s probably my most listened artist in the last two years. I couldn’t stop listening to him for like two years. I still can’t stop. He’s a trumpet player. He kind of came up with a term for his own genre. He used to use harmonised sounds for the trumpet, which I think Sam Gendel took from him and used it with the saxophone. I used it on the trumpets as well but tried to get some different sounds as well as putting a mute on the trumpet. John Hassell uses the harmoniser without the mute, I use it. On the track As They Are, the main melody, usually when people think of what it is, 90% of the people think that it’s accordion. I don’t know why (laughs)!

La Face B : I didn’t think about it!

Marijus : Basically, it’s a trumpet but with a mute through harmoniser. On tracks like Do, we use that as well. I think the track Do sounds the most like it has the most influences from John Hassell. He’s a very interesting musician. And rest in peace, he died last year. He started composing his own music when he was forty. And he was recording until he was like eighty-four. And it’s incredible, the music doesn’t belong to any year, it’s incredible. It has its own galaxy. 

La Face B : Actually, with so much time, you have the time to set up your world I would say.

Marijus : Yeah definitely.

La Face B : The artwork kind of follows the idea that you evoked earlier with the collage theme. You collaborated with Mt Chills who’s a Japanese collage artist. Did you have right at the start of the making process an idea of the path that you wanted to take concerning this visual aspect? Or was it something very free for her to work?

Marijus : It all came kind of naturally because I wasn’t planning to do this album, first of all. But I would say that even with the first album, MAPS, I already used the same technique of writing the music, which is like writing or producing some sketches and inviting different musicians to play on it and then doing edits. I sometimes work like dub producers. I have all the parts on the mixer, and even do the composition here and now. That’s montage for me, the equivalent of collage in visual arts. It’s a collage of not only different parts but also of different musicians who played those parts. So with this album, I didn’t change the way I’m making the music. I used the same technique.

Just, in MAPS there is no melody, it’s minimalist, with minimalist motives as well. With this album I also wanted to write some melodies. Once I started, I found out that it was gonna be collage again, with a lot of editing with different genres and artists. Then I thought about the artwork and how it could connect with the music. I thought that I should find someone who can do a nice collage artwork. I don’t remember where I saw Mt Chills works before but I already knew her from somewhere. So I found her again and looked through the artwork she had already done and I really really like the colours and the aesthetic of it. You know like having different structures but doesn’t look embracive. Sometimes when there’s loads of things, it’s aggressive and kind of difficult to look at it.

But with her it’s very organic, so I got in touch with her and I gave her freedom. I was thinking about the concept, philosophically. I liked the idea of musicians from different parts of the world, from different races, different cultures, fitting together as they are. Just taking the musicians as they are, putting them in one bowl and you see that it works together. There’s this idea of harmony, of acceptance and tolerance for different people. And it’s something I experienced living in London. I lived in Beckenham. I read that it is the most diverse part of the city. There’s different foods, different shops and different cultures living in harmony together. I just gave this kind of philosophical idea to the collage artist. I told her to do her thing, I didn’t want to control her.

And she came back with these flowers and these different structures. If you look carefully, you start to see different worlds inside. There’s a moon but then it’s the shape of a head. You can also do your own interpretation. That’s something that I like as well. The listener becomes the creator. I don’t tell them what it is. And I got back this artwork with flowers and stuff like that. My first impression was like “What? Me and flowers? What does it have to do?” But then I tried to be open and I left for a week and I started to really like it. It’s not about me. It’s how she saw it, it’s a collaboration not only of music but of visual arts as well. And it gave birth to the animations that you can see on my YouTube channel.

Every track has its animation. It’s like passing the ball from one artist to another. It became a multi-layered thing. It’s something to learn for me as well. I must say, as a person, I like control. But in this project, I tried to be as open as possible and let everyone do their own thing. I did the same during the album launch. I let everyone just do their own thing. 

La Face B : I didn’t have that lecture and this feeling on the artwork. I have to say that it’s very interesting and I love it more now. I think the artwork matches the music very nicely. 

Marijus : Yeah!

La Face B : There’s a question that I like to ask to artists before ending up interviews. Currently do you have some things that you are listening to, it can be artists, albums or songs that surprised you or that you’re just listening to.

Marijus : Yes. I really like to listen to Japanese Gagaku music. It’s like Japanese court music. When I first heard it I asked myself what it was about. I like music that gives me feelings that I haven’t felt before or that I don’t recognize or I don’t relate to. You know, I feel like with commercial music, love songs or Pop music people attach to it because they relate to it. I like music that I don’t relate to. It’s like you’ve been brought to a place in which you never have been before. I don’t even know how I feel, I don’t recognize how I feel with Japanese Gagaku music. I listen to it and I don’t recognize how it makes me feel, I don’t understand it.

And it’s something that I search for when I listen to new music. Same with Bali Gamelan assemblies, or Indonesian or Japanese music. I get the same feeling. I ask myself what they felt, what they were thinking about when they wrote or how they wrote it. They probably didn’t write it actually, it was certainly more like a ritual. It may have happened naturally. The culture is so different that you don’t understand what it is.

Then, if we’re talking about new artists, I’m really interested in the electronic-eye. I like this very natural and ambient sound, but it’s not really ambient. It’s just like very natural music. There’s a German duo of drummers that use electronics as well, it’s called 2MS if I remember correctly. That was the last new album that I listened to and I found the sounds and aesthetics very nice. It made me feel nice and it put me on a trip, in a kind of meditational mood.

La Face B : Great! Well, thank you very much. It was a true pleasure.

Marijus : Thanks to you!

La Face B : You may have a final word before we end the interview?

Marijus : Because the album process took a really long time, three years, I’m now thinking about how I can produce, write music and put it out straight away. To make it not a picture of me two or three years ago, but a picture of me now. It took a really long time, and by the time I was starting to release the first single, I wasn’t sure and very confident whether this music is important now or if someone would like it. In my head it’s so old, but I was very surprised with how many are listening to it.

Actually, just a few weeks passed from that moment and we sold all the vinyls. There’s so many followers around the world, in the USA, in France, in Japan, in Germany, in the UK, that are listening to this music. It was a really big push for me to keep doing what I’m doing and not think too much about it. If there’s people that don’t like it, they will just not listen to it. It’s cool. It was a really good payback. I’m always trying to express myself and I’m doing it for the process, I love it. But then, in the end, it’s the people that are listening to it. So I’m happy that people around the world actually like it, and hopefully I’m giving some joy to someone else’s life.

La Face B : Ok, great! Thank you very much for your attention and the great music. See you!

Marijus : Thank you very much, see you!