CRAFT. S01 E04 – Martin luminet

Dans ce quatrième épisode, Martin Luminet et Benjamin Geffen viennent nous parler de « Revenir ». Martin explore son rapport à l’écriture de l’intime, son amour de l’imprévu, et son inconfort dans le confort, tandis que Benjamin revient sur leur processus créatif à quatre mains et le pouvoir de la collaboration dans l’art.

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INTERVIEW

CRAFT : Vous êtes là pour nous parler de « Revenir » – c’est quoi le point de départ de cette chanson ?

Martin : J’ai sorti un EP l’été dernier, et sortir un EP c’est cool parce que tu te présentes au monde, mais c’est très court. Avec cinq chansons, t’as pas trop le temps d’exprimer une trame narrative avec un début, un milieu et une fin, et moi c’est quelque chose que j’aime bien, ne serait-ce que parce que j’aime le cinéma, où on a le temps de s’épancher sur les choses… Du coup, je suis parti écrire l’album, avec une ligne directrice :  répondre à l’EP, qui était porté sur l’ultra-intime. Je voulais écrire un album plus sur l’intimité collective. A cette époque-là, j’étais très secoué par tout ce qui se passait, comme tout le monde. C’était ça mon urgence : on se fait traverser par plein de choses, socialement, écologiquement, intimement… Et savoir comment ça résonnait chez chacun : qu’on soit pas de la même ville, du même pays, de la même histoire… Est-ce qu’on pouvait réussir à créer une intimité collective ?

Du coup, je suis parti avec cette idée-là et comme tout chose dans la vie, quand c’est prévu, ça devient ennuyeux ! Au milieu de ce processus de création, il m’est arrivé un truc plutôt intime, une rupture amoureuse, et ça a complètement dévié l’écriture. Il y a eu un accident de parcours. Et je suis reconnaissant, parce que moi-même j’ai beaucoup de mal à suivre les choses prévues. Et je trouve qu’on est beaucoup plus vrai quand on se laisse surprendre. La création de cette chanson est : elle n’aurait jamais dû exister.

CRAFT : Elle a mis combien de temps à être écrite ?

Martin : Au début, elle s’est faite beaucoup en résistance : j’allais en session d’écriture en maintenant ma ligne directrice en tête. Mais je voyais que je bloquais, et que j’étais préoccupé par quelque chose d’autre. Je luttais parce que je me disais « bon, j’ai une préoccupation sociale, sociétale… pourquoi ce truc-là prend plus de place ? C’est complètement con, complètement égoïste, je retombe dans un truc intime… » Et j’avais envie d’aller explorer d’autres parcours. Non pas que j’essayais d’être dans le déni, même si c’était une forme de déni sans doute. Mais en fait tu te rends compte que le monde peut exploser du jour au lendemain, et en fait on a tous ça en commun : on pense à une seule personne au moment où tout se détruit. Et c’est cette pensée-là qui m’a convaincu que j’étais pas du tout concentré sur l’idée que je m’étais faite de moi. Fallait que je me regarde en face. Et c’est à ce moment-là que le déclic d’écriture de cette chanson a pu prendre forme.

C’est allé assez vite au final ; je me souviens, j’avais envoyé la première version de la chanson à Ben et la première partie était très intime, sur un truc d’amour, sur la crête entre le moment où on sent qu’on est en train de perdre l’amour ; et puis la deuxième moitié, j’ouvrais sur la société : on n’arrive pas à dire les choses, on n’arrive pas à les laisser partir. Et Ben et Marion, ma manageuse, m’ont dit « mais pourquoi tu refuses de faire une chanson d’amour, alors qu’on sent bien que le truc vibrant de ta chanson, c’est ça, mais tu te forces à mettre ton idée d’album dedans ! »

CRAFT : C’est assez rare de parler à des artistes qui arrivent avec une idée précise d’album, un concept. Dans la plupart des interviews que j’ai faites, il est plutôt question d’inspiration, ou de thème vague. Toi, j’ai l’impression que c’était une démarche purement intellectuelle, et que tu t’es rendu compte que c’était pas possible en fait.

Martin : Grave. Et tant mieux. J’avais une démarche quasi-journalistique en fait. Je savais de quoi j’avais envie de parler en amont, et je pense que la création artistique, ça marche pas comme ça. Mais j’avais ce désir-là, et c’est un sujet encore dans l’album, dosé différemment. C’est un sujet qui me porte beaucoup : j’ai une colère sociale qui prend souvent le dessus sur moi. Je me suis dit que le seul moyen de régler ça, c’était d’en faire un album, mettre les choses à plat une bonne fois pour toutes, et pouvoir purger ce poison.

CRAFT : Et t’as l’impression d’avoir réussi ?

Martin : Bah ouais. Enfin, je dis ça, mais personne n’a entendu l’album ! Comme on a quelques mois devant nous, on peut se dire « Super bien réussi ! En même temps, j’ai eu le nez quoi… » (rires)

CRAFT : Ben, toi tu as entendu les premières versions de la chanson – ça a été un travail collaboratif j’imagine de la faire aboutir. Tu en as pensé quoi au début ?

Ben : Ouais, ça a été très long comme disait Martin. Il y a eu beaucoup de recherche, même globalement, depuis le début du projet. Il a fallu se rencontrer : en tant qu’humains, mais aussi en tant que musiciens, artistiquement. On a mis assez longtemps à se connaître, pour que je comprenne où il voulait aller musicalement. Donc ça, on l’a fait sur le premier EP. En plus, le premier, on avait envie d’expérimenter un peu tout ce qu’on avait ! Et là, c’était chouette que Martin prenne beaucoup de temps pour les textes, et qu’on puisse expérimenter ensemble sur la musique. On a avancé tout l’album en même temps, pas titre par titre. Je me souviens même pas de la première mouture à vrai dire… Mais je me souviens qu’elle m’a plu tout de suite : il y avait une intention qu’était bonne, et qu’il fallait creuser.

CRAFT : Travailler tous les morceaux en même temps, c’est une quête de cohésion sonore, j’imagine ?

Ben : Oui, clairement.

CRAFT : Et pareil pour les textes, je suppose ; ça doit être une harmonie cool pour vous deux de faire un ping-pong entre ces deux aspects !

Martin : C’est une grande chance. Je me suis lancé à la recherche d’un Benjamin il y a quelques années, parce que j’avais mes automatismes. Je suis pas un grand musicien, je fais de la musique pour pouvoir accompagner mes textes, mais quand t’es autodidacte, faut mettre ton ego de côté : tu sais que tu vas vite te heurter à ce que t’as appris par toi-même. Au bout d’un moment, soit tu décides d’apprendre, soit tu décides de t’entourer avec des gens qui savent mieux que toi. Moi, j’ai mis longtemps à me demander si j’allais consacrer de l’énergie à apprendre la musique, alors que je sens que mon truc c’est l’écriture, que c’est là-dedans que j’ai quelque chose à aller chercher. L’autre option, c’était trouver quelqu’un qui fasse la musique de film qui allait coller aux textes.

Et bosser avec Ben, c’est ça qui est trop bien : on part d’un point où je lui ai montré ce à quoi ressemblait ma musique, pour se diriger vers la sienne. Parce que je l’ai choisi lui, c’est pas une musique de commande. Donc le moment qui a pris du temps, ça a été de trouver l’endroit où nos deux chemins se rencontrent. Et on pouvait pas le prédire : on s’est rencontré humainement, on s’entendait bien, on aimait les mêmes films, les mêmes choses de la vie, on était énervés par les mêmes choses, émus par les mêmes choses, mais fallait savoir où ça se croisait musicalement ;  où ça devenait de la vraie matière. Une fois ce chemin parcouru, ça a créé notre musique : beaucoup de Ben, un peu de moi. Et je cherchais à perdre mes repères.

En tant qu’autodidacte, au bout d’un moment, tu te surprends plus. Et moi j’ai peur de ça : des automatismes, des habitudes, des choses qui se répètent. Dans la vie, en amour, l’histoire qui se répète… ça m’angoisse. Donc j’avais besoin de quelqu’un qui me bouscule pour que je voie ce que j’ai dans le ventre. Donc c’est trop cool, parce qu’il m’a poussé à écrire avec moins de mots, poser un décor avec moins. C’est un travail que j’avais très envie de faire depuis longtemps. Et puis d’écrire en ayant des mélodies brodées depuis le début : t’as une mélodie, et tu mets des mots dans les cases (pour parler de manière très schématique). Ça te met beaucoup de contraintes. Et je fais partie des gens qui adorent les contraintes, ça fait des règles du jeu.

CRAFT : Je pense que beaucoup d’artistes aiment secrètement les contraintes…

Martin : C’est clair ! En tout cas, se mettre en danger, c’est pas un truc que je dis juste comme ça. Dès qu’il y a un truc qui me fait peur, j’ai envie d’y aller, et dès qu’un truc est confortable, je le fuis… Donc, je retrouve ça dans notre collaboration. Sur l’EP, c’était cool, mais c’était court. Sur l’album, c’était presque un an d’allers-retours, et pour moi c’était vraiment super. Artistiquement, on a consolidé un truc qui va irriguer sur le côté humain. On est ensemble sur scène par exemple, c’est hyper précieux : une fois que l’album est fini, Ben il reste pas derrière son ordi à attendre que je lui raconte les concerts. Il est avec moi, il peut prendre l’amour qui vient de la salle, et qui lui revient tout autant d’ailleurs. C’est pour ça qu’on est deux pour faire le podcast, parce qu’on fonctionne comme un groupe finalement.

CRAFT : Concrètement, ça ressemble à quoi une session de travail – t’envoies des paroles, ou toi t’envoies une mélodie – et j’imagine que c’est pas toujours dans le même sens ?

Ben : Ouais, exactement, ce qui est marrant c’est qu’on a essayé de trouver une méthode au premier EP. Et en travaillant sur l’album, on s’est rendu compte qu’il y a pas deux chansons qui ont été faites de la même façon. Comme disait Martin, le fait qu’on soit toujours ensemble, qu’on vive les choses ensemble – la scène, les résidences, tout ça… comme un couple, on a chacun pris une part de l’autre. Moi, quand j’ai commencé certaines musiques pour Martin, tout seul, tout de suite je pensais à lui, je me disais genre « ah nan, ça il va pas aimer… ». Tu fais ce qui te sort du bide, mais en pensant à l’autre.

CRAFT : Ta création est informée par une connaissance de l’autre.

Ben : Exactement. Et je pense que ça a été pareil pour les textes de Martin. Même si ça a pris du temps, l’intention initiale allait beaucoup plus vite.

CRAFT : J’imagine aussi que ça aide énormément d’avoir quelqu’un qui t’attend au tournant. Parfois, quand t’essaies d’écrire seul, tu perds un peu le fil… « C’est bien, c’est pas bien ? J’en sais rien, j’ai pas de caisse de résonnance… » Vous, à deux, vous êtes constamment surpris l’un par l’autre en plus, ça doit être génial.

Ben : Ouais. Y a notamment un morceau sur l’album, qui s’appelle « Chemin », qu’on a écrit une semaine avant d’entrer en studio, et c’est marrant parce que c’était une évidence complète… Je crois que Martin est arrivé avec un bout de texte, un bout de piano, et le lendemain, la chanson était finie. C’est le dernier morceau composé sur l’album, et un où on a bien compris comment il fallait avancer, plaire à l’autre, et comment on faisait pour que le tout nous plaise à nous deux. J’avoue que moi, j’ai mes projets persos aussi, et au bout d’un moment, tu t’arrêtes, genre c’est bien comme ça. Et d’avoir des retours de mails, des « j’ai changé ça en fait ! » et tu te dis qu’il y avait peut-être pas besoin, et en fait si… toi ça te fait rebondir sur autre chose. Donc c’est sûr que ça prend plus de temps, mais c’est ce qui est intéressant. Chaque morceau peut évoluer éternellement, et le moment où t’as trouvé ce qui plaisait aux deux, c’est fini quoi.

Illustration : Claire Le Gouriellec
Photo originale : David Desreumaux

CRAFT : La chanson aborde des thèmes dont tu parlais au début : elle commence au passé, elle parle d’un temps révolu où on refusait les sentiments vrais, par peur de l’échec, peur du vrai peut-être… et à la fin, ça se finit sur le futur de « on va pas baisser la tête ». C’est une chanson qui incarne le passage à un nouvel état ?

Martin : Oui c’est sûr. Moi, en tout cas, j’ai du mal à écrire quand j’ai la tête dans le guidon. J’ai pas envie que deux semaines plus tard, je me dise que c’était pas moi. Je me dis que quand tu écris quelque chose qui va aller dans les oreilles des autres, faut prendre le temps d’être sûr. Et c’est vrai que l’idée est de parler en effet d’un changement de cycle, d’une transformation intérieure. Je refusais peut-être de le voir, mais au fond, je savais que ça allait se passer comme ça. Et c’est une chanson de rupture qui se passe avant : dans l’écriture, et dans ce qu’elle raconte. C’est la fin des sentiments, tout est en train de s’effondrer : qu’est-ce qu’on fait ? On attend d’être bien sûrs que tout est effondré, ou est-ce qu’on se dit que puisque tout s’effondre, est-ce qu’on se dit pas que c’est fini nous-mêmes ? C’est sûr que malgré ce qu’on traverse dans ces choses-là, je suis persuadé qu’on se relève de tout.

J’en suis sûr, je le sais par expérience. On a traversé tellement de trucs atroces… Et encore, je parle pas de maladie, je parle que de trucs d’amour… Je sais qu’on s’en relève avec du temps, des amis, une volonté de regarder les choses en face et se dire que ça fait mal quelqu’un qui nous aime moins. Mais regardons tout ce qu’on a aimé, plutôt que les quelques semaines où on a arrêté. Pour moi, c’est une chanson assez heureuse.

CRAFT : J’allais te le demander – « revenir » c’est quoi alors, c’est se relever ?

Martin : Oui c’est ça. J’avais peur de ce titre, parce qu’appeler son premier morceau « Revenir », ça fait un peu Aznavour est de retour ! (rires) Mais c’est plus, « on revient de tout, et on revient à soi ». C’est ce que je chéris dans les transformations, les ruptures de tous ordres… C’est qu’on revient à soi.

CRAFT : Tu parlais au début de l’intime et de l’universel. Tu voulais écrire des chansons sur tout le monde, et tu t’es rendu compte que tu écrivais quelque chose sur toi. Je pense qu’on le sait tous, l’intime devient universel dès qu’il est sublimé : c’est quoi ton rapport à l’écriture de toi, tu l’acceptes ?

Martin : Je sais que mon envie d’écriture gravite vers tout ce que j’arrive pas à dire. Tout ce qui bouillonne en moi mais qui ne sort pas : ce que je suis incapable de dire à mes ami.e.s, aux gens qui compte… ces choses qui, si elles ne sortent pas, finiront par m’empoisonner. Je suis à la limite de l’impudeur sur certains sujets, mais c’est mon endroit, ma prise de danger. C’est là où mon écriture devient vitale pour moi. Sinon, je suis pas un bon humain, je suis pas équilibré, pas bien dans ma vie ; sinon, je peux pas aller vers l’autre. J’essaie pas de me servir de la musique comme d’une thérapie de groupe, c’est pas ça l’idée, mais c’est un geste qui va vers l’autre. Mon écriture, c’est pas « qu’est-ce qui va plaire » mais plutôt « qu’est-ce qui va me faire me sentir mieux sur ce sujet ? » Et si toutefois d’autres personnes vivent ce petit cheminement, quelque chose se passe en nous, que chaque artiste pourra te décrire. Moi je me dis : au fond, on n’est pas seul sur des sujets qu’on croyait être seulement à nous. Casser cette solitude, pour moi, c’est la vraie réparation de l’art.

CRAFT : En termes de musique, est-ce qu’il y a des influences conscientes dans ce morceau ?

Martin : Moi je résonne peu en influences. Avec Ben, on peut s’envoyer des morceaux dont on aime l’atmosphère, mais c’est plus des ressentis que des envies de sonorités. On s’envoie des morceaux qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, mais c’est des questions d’ampleur. C’est ça qui est marrant : en faisant l’EP, on pensait avoir trouvé notre rythme de croisière, mais tout de suite j’ai demandé à Ben de casser ça et de passer à plus d’organique. Fallait pas qu’on devienne un couple pantouflard : pas répéter la recette et gaver tout le monde. Les textes sont un peu bavards, on pourrait même qualifier ça de musique intellectuelle… mais je voulais pas déconnecter le corps de tout ça. L’influence c’était : remettons de l’organique, des vrais instruments, restons près des corps. C’est ça qui me touche.

CRAFT : Il y a environ un an, tu donnais une interview à La Face B, et tu parlais des clips qui sont une extension des chansons, une seconde lecture. J’imagine que le clip de « Revenir » ne fait pas exception. Comment il a été conçu ?

Martin : Pareil, par accident. (rires) Pour être honnête, ça devait pas être ce clip-là. On avait une équipe avec nous, c’était en prod, et puis… j’ai dû tomber sur des gens pas très fiables qui sont partis du jour au lendemain. Et je me suis retrouvé avec mon idée tombée à l’eau. On avait deux semaines je crois pour tout refaire : organiser, trouver des gens… Et je sais pas comment la vie est faite mais quelquefois, quand t’es dos au mur, t’enlèves le superflu et tu vas chercher ce qui t’importe le plus. Par magie, ce clip c’est peut-être le plus intime que j’ai jamais fait, et le clip que j’adore par-dessus-tout. Peut-être grâce au process ! On s’est relevé parce que j’ai appelé mes amis, je leur ai dit « j’ai envie de tourner avec  mes amis, j’ai pas encore l’idée, mais ça va venir », et c’est drôle parce que ce clip est venu poser tous les symboles que l’album allait aborder. Le deuil amoureux, le deuil de personnes… C’est fou. Je me dis que si j’avais voulu l’écrire à l’avance, ça se serait jamais passé comme ça. Ça devait être un désastre, et ça en fait été un des moments les plus magiques de ma vie.

CRAFT : Petite question symbole ! A la fin, il y a un zoom sur le polaroid pendant les crédits et il se développe… Tu préfères laisser parler le clip ou tu veux parler de la signification ?

Martin : C’est des choses très précises pour moi. On était dans la voiture quand j’ai appris que le tournage tombait à l’eau, et j’étais complètement paniqué. On était en tournée, et on jouait tous les soirs dans un lieu différent, donc impossible de se poser avec la tête disponible. On passait tous nos voyages à réfléchir à ce qu’on pourrait faire. Je lui ai parlé de cette idée : tu crois être proche de quelque chose, et plus tu recules, plus ça change… Dans le clip c’est ça : tu crois que t’es face à un gars qui chante, puis non, c’est une cérémonie, puis un enterrement… Et heureusement que Ben était là d’ailleurs, dans ma tête c’était une macédoine d’idées… Et c’est ça le symbole : t’as la lecture de ce que tu vois et la lecture de ce que tu sais. On voit des choses, on pense comprendre, et puis il y a une conviction très profonde, plus de l’ordre de l’instinct. Moi par exemple, j’ai longtemps voulu être poli, voulu être quelqu’un qui fait plaisir à ce qu’on attend de lui. Je voulais rester dans l’image que je dégageais. Et je réfrénais tout ce qui se passait à l’intérieur. En travaillant la musique, je me suis rendu compte que tout ce qu’on ne dit pas, c’est le plus important : mon processus, c’est ça d’ailleurs.

CRAFT : Dernière question, pourquoi vous avez voulu me parler de « Revenir » ?

Martin : Ce que je trouve intéressant, c’est l’imprévu. A la base, je devais même pas faire de musique, j’ai commencé à 25 ans… Ce titre est un très bon exemple de ce que sera ma vie musicale, artistique : faut arrêter de prévoir en avance, arrêter de penser que t’auras un temps d’avance sur ce que tu ressens, parce qu’au bout d’un moment tu finis par vider ce que tu ressens. Ton ressenti à le pouvoir sur toi, et tu reprends ce pouvoir en écrivant dessus. Ce titre est une ode à se laisser traverser, avaler par les choses. Se dire qu’on y a été : explorer la peine, le fait de remonter. On sait ce que ça nous coûte, on sait ce que ça veut dire quand on est heureux, quand on est triste. Pour moi, ce titre, c’est le croisement de tout ça. Il n’aurait pas dû exister, ou pas de cette façon, j’avais pas prévu de finir cet amour, de faire un clip comme ça… et en fait, tant mieux.

CRAFT : Merci beaucoup d’être venu me parler de ce titre. Peut-être à bientôt dans CRAFT !