Looking Glass, introspection lumineuse par la reine du folk Alela diane

Entre introspection et accomplissement personnel, Alela Diane revient cet automne avec Looking Glass, un sixième album inédit qui porte, comme à son habitude, la musique folk des Etats d’Amérique les plus lointains avec brio. Retour sur onze titres intimes et confiants.

pochette album Alela Diane

Pour rédiger cette chronique, je m’installe à mon bureau face à la fenêtre, un thé fumant sur ma droite. Je me lance dans une écoute attentive de Looking Glass, le dernier album de la chanteuse folk depuis Cusp en 2018. C’est Paloma qui ouvre le bal, un titre écrit lors d’un violent ouragan à México, alors qu’elle y était avec sa famille. Paradoxalement, la douceur des notes de guitare contraste avec les éléments violents qui se déchaînent autour de ce souvenir. Mon regard se plonge rapidement dans le vide, rythmé par les caisses de la mélodie qui signale le tonnerre qui arrive. Par ma fenêtre, c’est déjà le mois d’octobre, avec ses feuilles qui jaunissent. J’observe alors le peuplier qui tangue à cause du vent d’automne. 

Une évidence s’impose alors à moi : pour Alela Diane, la beauté de la nature et celle de la musique sont liées. On ne peut pas dissocier les mouvements sauvages des éléments qui nous entourent des sons et mots vivants qui inspirent la chanteuse. Une ligne de conduite qu’Alela Diane suit maintenant depuis plus de seize ans dans sa musique, pour notre plus grand plaisir.

D’ailleurs nous l’avions découvert en 2006 avec The Pirate’s Gospel. Un premier album qui prend sa source au fin fond de la Californie, bien loin d’Hollywood Boulevard, mais plutôt autour de la ville de Nevada City, entre terres asséchées et petits ruisseaux. C’est la vente de sa maison d’enfance, après le divorce de ses parents à l’âge de 19 ans, qui a inspiré ses premiers titres folks. Perdre ce qui est là depuis toujours est un saut violent vers l’âge adulte. À l’époque, Alela Diane a su mettre en musique le vide viscéral de voir un lieu si chéri laissé à d’autres. Sa voix teintée de tristesse était proche des musiques native-américaines pour honorer ceux qu’on a aimés. Si je reviens un peu plus sur The Pirate’s Gospel, c’est pour témoigner qu’avec Looking Glass, Alela Diane vient fermer une plaie ouverte depuis seize ans. 

Dans Dream a River, elle nous partage un moment très intime, où elle revient pour la première fois dans cette fameuse maison avec ses deux petites filles. 

I just returned to say goodbye

Thought that maybe there’s something I’d find

Like the way a memory moves in the corner of a room

Cette chanson, en notes majeures pour l’espoir, nous bouscule avec elle dans une introspection du temps qui passe. Les choses ne sont plus comme elles étaient, certes, mais elle y trouve une nouvelle forme de lumière en les faisant revivre avec ses enfants. Un chapitre de sa vie se clôt avec ce titre, on ressent toujours sa blessure, mais qu’elle est capable de nous présenter de façon plus brillante qu’en 2006. 

Ses deux filles sont d’ailleurs un fil rouge dans cet album. Le titre All The light, avec ses quelques notes de harpe, sonne comme la berceuse réconfortante et sincère d’une mère.

Avec Mother’s Arms, écrite durant les différentes périodes de confinement, elle s’interroge sur ce chaos qui a chamboulé le monde et les façons digitalisées de communiquer qui se sont imposées : 

I wish that I had answers for my daughters

As we stumble through the looking glass of screens

And the little one keeps asking why we can’t go

To see the ones we love so far away

Globalement, on retrouve la pâte Alela Diane sur cet album. Peu de surprises musicalement, mais des arrangements toujours aussi puissants et efficaces pour nous plonger au cœur d’une Amérique libre et naturelle. Les partitions sont précises et décrivent à la perfection la pluie qui tombe sur la vieille grange, ou le soleil froid de l’automne qui traverse le salon. 

Le titre de l’album, Looking Glass, est emprunté au roman de Lewis Carroll : Through the Looking Glass. Un terme qui représente le miroir dans lequel on peut perdre nos réflexions. On ressent, à l’écoute des titres, le chemin qu’elle a fait pour trouver le bon équilibre entre le passé, les rêves futurs, et le fait de savourer l’instant présent de façon plus douce. Les textes sont comme des petits poèmes mêlant nature et regard intérieur, qui pourront faire écho en chacun.  Alela Diane prouve une fois de plus qu’elle est une artiste pleine de pudeur, qui nous fait l’honneur de nous partager ses histoires de vie intimes et sincères pour que chacun puisse y trouver une lumière apaisée. 

L’album est disponible depuis le 14 octobre, et elle sera en concert le 6 février au Trianon.