Live Report – Pavement, Grand Rex Paris 27 octobre 2022

Récit du retour sur scène de Pavement, pionniers et inlassables géants de la scène rock indé californienne pour un nouveau come-back qu’on espère encore une fois définitif.
 
Le retour de Pavement semble depuis ces vingt dernières années se produire de façon cyclique, telle une éclipse attendue par de très nombreux amateurs. Passer d’un album en moyenne tous les deux ans et autant de concerts entre 1992 et 1999 à des hiatus de dix années aussi longs que désespérants, tend à hisser le groupe au rang d’objet culte, qui entretient le mystère et la confusion, car sans jamais annoncer de split officiel tout en continuant de ne pas produire de nouveaux disques. Pourtant, ces derniers persistent à re-poindre le bout de leur nez tous les 10 ans pour des tournées mondiales qui font le plein partout où elles passent.
 
Deux camps s’affrontent alors : les grincheux qui dénoncent les reformations pour des raisons fiscales, et les adeptes qui ne cessent d’avoir la foi en ce groupe tellement emblématique du rock lo-fi américain des années 90. Quelque soient les arguments, tous se retrouvent quand même là où la bande à Stephen Malkmus nous donne rendez-vous, et à chaque rencontre, la magie opère. La raison en est simple : l’héritage a tellement œuvré depuis lors au travers des générations suivantes que le nom Pavement est devenu un adjectif qualificatif s’agissant de déterminer le style d’un nouveau groupe.
En seulement 5 albums studios et quelques compilations de B-sides aussi riches que les LP, c’est une décennie entière qui est marquée par l’ingénieux rock fantaisiste et perfectionniste de Pavement. Baigné dans cet esprit marginal qui inonde toujours la Californie, mené de main de maître par Stephen Malkmus, qui a su durant ces coupures bien trop longues continuer à se perfectionner tout seul ou accompagné de The Jicks ou Silver Jews, Pavement continue de passionner et demeure une référence incontournable du rock indé américain.
 
 
Alors personne ne peut décemment bouder son plaisir aujourd’hui quand, suite à deux années de marasme pandémique, Pavement revient pour se rappeler au bon souvenir des ses fans, et au passage en rafler de nouveaux, la progéniture de ces premiers ayant fatalement fait leurs classes sur les CDs probablement rayés de leurs parents. Le rendez-vous est donc donné en France, au Grand Rex à Paris, salle prestigieuse et toujours aussi peu adaptée aux concerts rock, pour se replonger durant deux heures et vingt-sept titres dans la foisonnantes discographie du groupe.
Le dernier rencard date de 2010, dans un Zénith de Paris qui, malgré avoir fait le plein, avait littéralement scindé en deux la communauté de fans, l’expérience ayant étonnamment été vécue aux antipodes l’une de l’autre. A l’époque, nombre d’entre nous avait surtout vécu ce concert comme le chant du cygne des Américains, pourtant encore au sommet de leur art. Une autre décennie s’est donc écoulée depuis, avec les projets solos des uns et des autres toujours menés tambour battant, asséchant sévèrement le flot d’espoirs pour un retour en bonne et due forme. C’est alors que le miracle fut.
 
 
Dans une salle pleine, bêtement en configuration assise, ce qui ne sera pas un frein pour le public, qui saura audacieusement se poster au pied de la scène avant même que le show ne débute, Stephen Malkmus, Bob Nastanovich, Scott Kannberg , Steve West et Mark Ibold, accompagnés de Rebecca Cole aux claviers (ex Wild Flag et The Minders), proposent un show solide, brassant large dans la discographie et favorisant, pour le plus grand bonheur des fans les plus anciens, les premiers disques, de Slanted And Enchanted à Wowee Zoowee.
Avec un artshow projeté sur écran géant qui passe du psychédélique à l’abstrait, signe distinctif des pochettes des albums, sous des lumières vives et colorées, Stephen Malkmus règne en maître sur le concert : l’homme peu loquace rayonne intérieurement, son phlegme rendant encore plus charismatique son immobilisme, et son jeu yeux fermés laissant transparaître une vraie émotion. Le chant est le même qu’il y a trente ans, mais plus sage et maîtrisé, ce qui ôte un peu le côté bordélique du répertoire emblématique du groupe. Les musiciens ont indéniablement vieilli, et même si certains portent plus sur eux les stigmates du temps que les autres, le jeu lui n’en est pas affecté. Heureusement, Bob Nastanovich, percussionniste brailleur et chauffeur de salle, n’a en rien perdu de sa prestance et, à la différence de ses camarades, sera l’électron se baladant de ci de là sur la scène, venant à la rencontre des premiers rangs.
 
 
Les pépites se suivent, et l’absence d’inédits ne semble peiner personne. Comme pour nous rappeler les origines modestes du groupe, qui a écumé durant longtemps les mini clubs et autres caves à rock, quelques intrusions se font sur la scène, et il est alors impressionnant de constater à quel point Stephen Malkmus est immergé dans son propre jeu, tant et si bien qu’il lui faudra quelques minutes avant de capter la présence de cette fan zélée et passablement éméchée.
Dans le public, un patchwork d’âge et de nationalités, et la communion se fait malgré les sièges, les balcons et autres pigeonniers ronflants. Le bonheur est réel sur scène, et même si Pavement ne s’est jamais démarqué par ses bavardages, les sourires en disent long sur le ressenti des musiciens face à cet auditoire qui répond systématiquement présent malgré les longues pauses. Chacun trouve alors dans la setlist son bonheur, et continue de rêver à un retour officiel avec nouvel album à la clé, car les membres de Pavement ne sont jamais aussi bons qu’ensemble, leur génie créatif continuant à ce jour d’inspirer tant de nouveaux talents. Et à tourner sur nos platines inlassablement.
 
Setlist :
Grounded
Stereo
Transport Is Arranged
Frontwards
Heckler Spray
In the Mouth a Desert
Trigger Cut
Debris Slide
Type Slowly
Harness Your Hopes
Serpentine Pad
The Hexx
Painted Soldiers
Here
We Dance
Pueblo
Spit on a Stranger
Range Life
Shady Lane
Two States
Father to a Sister of Thought
Stop Breathin
Gold Soundz
Perfume-V
Summer Babe
Cut Your Hair
Fillmore Jive