Live-Report : Le Pop-factory, parenthèse toujours aussi enchantée

À l’heure où les concerts reprennent, où les dates maintes fois repoussée ont finalement lieu, c’est au tour du Pop Factory de se lancer. Le festival Nordiste, enfant de l’amour entre Le Grand Mix et A Gauche de la Lune, présentait donc sa nouvelle édition le week-end des 24 et 25 Septembre, à la place de son mois de Février habituel. L’occasion pour nous de retourner au Grand Mix après une abstinence beaucoup trop longue.

Jour 1

Et c’est peu dire que la programmation était de qualité. La fine fleur de la scène Française était présente, répartie entre les deux scènes pour plus de fluidité et même une petite dernière scène secrète en sous-sol… De quoi rassasier tout le monde et avoir une proposition aussi variée que qualitative. Le premier soir accueillait quelques un·e·s de nos chouchous, Terrenoire, Silly Boy Blue, Victor Solf et donc Blumi pour la scène secrète.

Les premiers nommés faisaient le voyage de Saint Étienne aux terres du Nord pour la première fois, rapprochés par les vestiges miniers communs aux deux régions. La dramaturgie et la théâtralité du duo prend une vie époustouflante une fois sur scène, et on se sent portés dès les premières notes. Un grand bonheur s’installe en nous de retrouver l’une de nos salles préférées dans un cadre aussi criant de vigueur, de désir de vivre et de ressentir. Une mise à nue des deux frisés qui prend aux tripes et lance idéalement ce Pop Factory, 3ème du nom.

À peine le temps de respirer qu’on est déjà sur la scène Club pour accueillir Ana aka Silly Boy Blue. Elle continue à grandir, à s’entourer (elle joue désormais avec deux musiciens sur scène) pour mieux transmettre son univers fait de mélancolie, de rêves et de contemplation. La salle est rapidement conquise et chauffée à blanc (on n’avait plus l’habitude sérieux), les manteaux tombent et les synthés balancent. On sent la chanteuse remplie de l’envie d’en découdre, de tout donner, elle oscille entre moments de calmes derrière sa guitare ou son clavier et sauts à travers la scène micro en main. Une bonne façon de résumer ce que transmet sa musique, de la tristesse la plus profonde à l’extase la plus puissante.

Après cet enchaînement, c’est l’heure d’une petite pause. Le temps de (re)goûter la cuisine du Grand Mix – l’une des meilleures de la région, d’aller prendre un peu l’air pour retrouver son souffle et on s’apprête déjà à finir la soirée avec Victor Solf. L’ancien leader de HER n’a rien perdu de son aura. Pop à fleur de peau, puissance sonore et hommage discret à son ancien projet le temps d’un morceau, Victor et sa team ont conclu de fort belle manière cette première soirée du Pop Factory. Une date qu’on attendait beaucoup puisqu’il s’agit de son premier concert dans la région en solo, et qu’on avait adoré son album Still, There’s Hope. Un rappel pour avec notre morceau préféré de ce disque, Utopia, pour nous renvoyer finir la soirée avec l’envie d’y revenir pour un deuxième jour comme un junkie privé trop longtemps de sa came.

Jour 2

Une danse de possession. Voilà ce qui s’est déroulé devant nos yeux alors que les premières minutes de ce second jour défilaient. Avec un peu de recul, on est pas certains que démarrer la soirée était une chose idéale pour les Quinze Quinze, mais le mystérieux collectif aura tenu son rôle avec brio. Aussi radical qu’intense, le groupe nous aura offert une prestation qui prend son temps et qui enchante, qui alterne les langues aussi bien que les intentions.

Une danse lente, qui nous hypnotise et nous entraine dans un univers qui, si on laisse les portes de nos esprits ouverts, à tout pour devenir obsédant. Un peu comme le serpent du livre de la jungle, le quintette nous entraine dans des zones de l’esprit que leur musique rend accessible et des titres comme Emopi, Le Jeune ou l’exceptionnelle Vega, qui termine le show du soir, risquent de nous marquer pour un bon bout de temps.

On aura à peine eu le temps de nous remettre nos esprits en place avec la pop légère et rêveuse de Petit Prince qu’une autre claque nous attendaient. Celle-ci, on l’avait quand même vu venir, parce que depuis le temps, on l’attendait avec impatience. Et voir Bonnie Banane en live s’est révélée être tout ce qu’on espérait, et beaucoup plus encore.

Une performance. Ce mot, à force, est un peu galvaudé. Pourtant, à voir Bonnie sur scène, on ne pense qu’à ça. Un moment aussi intense que fragile, maitrisé mais qui laisse de la place à l’improvisation et à la communion avec le public, le tout ponctué par des tubes qu’on adore comme La Lune et le soleil, Flash ou la formidable Les Bijoux de la reine qui ouvre le show.

À mi-chemin entre le concert, le one woman show et le concept arty, Bonnie Banane maitrise et en profite ici et là pour balancer, parfois sous couvert d’humour, des petits coups bien sentis sur le consentement, le féminisme ou le droit d’être qui on est et de pouvoir vivre comme on l’entend. Sans réel temps mort, on a pris une claque d’une heure, belle et brutale, qui nous laisse l’esprit chancelant une nouvelle fois.

Et ce n’est pas Blumi qui apaisera nos esprits. En comité réduit et assis, lové dans les studios cachés du Grand Mix, Emma nous a entrainé dans un voyage sans pause. 25 minutes de musique pure, toujours sur la ligne de l’émotion et qui nous a rappelé tout ce qu’on aimait dans son premier EP. Que ce soit Blumi The Darkness, Cold War ou The Dream, les morceaux connus gagnent en corps, en force et en expérimentation sur scène.

Et les nouveaux morceaux qui accompagnent ce set ne font que renforcer l’idée que Blumi est un petit joyau brut, une musicienne exceptionnelle qui avance dans l’ombre mais qui finira par prendre la lumière tant elle la mérite. Mention spéciale à l’étrange et imposante Dresden, morceau mouvant qui commence comme un spoken word pour finir dans une sorte de labyrinthe émotionnel et hypnotique qui nous aura profondément marqué.

Crédit photos : David Tabary & Martin Sojka (pop factory)