Les clips de la semaine #70 – partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Cette semaine on vous propose à nouveau deux parties pour notre sélection des clips de la semaine. On commence tout de suite avec les 15 premiers.

Barbara Carlotti – Un Bateau qui passe

L’embarquement du ferry vers l’île de beauté est imminent pour Barbara Carlotti. Début octobre, nous vous parlions des souvenirs d’enfance de la chanteuse au travers du clip dIci. Aujourd’hui, l’artiste revient avec un clip semblant lui aussi appartenir au temps doux de l’enfance.

La réalisatrice Marie Losier crée une atmosphère naïve, presque enfantine. L’image usée – qui parfois sature – bordée d’un cadre noir rappelle un kaléidoscope ou ce jouet que l’on avait enfant : une sorte de lunette où l’on regardait des images défiler quand on appuyait sur un bouton. Il y a des décors en papier, en carton, le clip est ludique. Bien évidemment, on y reconnaît la Corse, par le biais d’une succession d’images et de symboles comme des gâteaux prenant la forme de montagne, de mer ou de coquillage que des mains désireuses essayent de goûter du bout des doigts.

Car, (ce) Bateau qui passe est tiré du dernier album de la chanteuse dédié à l’île. D’ailleurs, tous les Corses du monde, natifs ou d’adoption, auront reconnu au premier son de guitare qu’il s’agit d’une reprise d’Un batellu chi passa, écrite par Dominique Marfisi.

Otzeki – Unthunk

Alors qu’on se rapproche toujours plus de la sortie de leur deuxième album Now is a long time, le duo Otzeki nous en propose un cinquième extrait déjà ! Unthunk, avec un clip bien glauque comme ils savent le faire. Tout en animations déformées et horrifiques, il captive comme il met mal à l’aise pour soutenir un morceau lui aussi basé sur des sonorités un peu étranges, se baladant de synthétiseurs en voix déformées.

On alterne ici entre des couplets sur le même accord et des refrains qui nous évoquent Metronomy sans qu’on sache vraiment pourquoi. Comme à l’habitude, on retrouve les percussions organiques et le groove malsain des cousins Britanniques dont on commence à pouvoir esquisser les contours du nouvel album. Il semble présenter une véritable évolution par rapport à Binary Childhood, comme s’ils avaient grandi d’un coup. On se languit déjà.

Thérèse – Chinoise ? 

On ne pouvait évidemment pas louper le tout nouveau clip de la puissante Thérèse. Deuxième extrait d’un EP qui sortira prochainement, Chinoise ? (dont on vous parlait il y a quelques temps dans La Face Live) empile les clichés pour mieux les démolir.

Le clip est vibrant et multi-dimensionnel. Il est question ici de ré-appropriation, de diversité, de fierté mais aussi d’humour : sa position en tant qu’activiste contre le racisme est très claire, et cela passe par la dé-dramatisation du problème. Devant la caméra de Marie-Laure Blancho, Thérèse est flamboyante jusqu’au bout des ongles et s’amuse ouvertement des stéréotypes. La dérision est assumée et donc synonyme de force : elle complète parfaitement le ton du morceau. 

En bref, la révolution sera colorée et bienveillante, et elle s’organisera surtout autour d’un bon repas auquel chacun•e sera convié•e pour passer un chouette moment. 

Chanceko – Gova

Une des sensations rap de l’année écoulée vient tout droit de Meaux et se nomme Chanceko. A l’aise dans les mélodies et toplines efficaces, le rappeur a pris une position de hitmaker avec des titres aux multiples sonorités qui restent dans la tête des auditeurs. Son nouveau missile Gova vient d’être envoyé et a été mis en image par le réalisateur Lionel Hirlé.

De l’instrumentale à l’énergie dégagée par le Malaboy, il est difficile de ne pas avoir la tête qui bouge.

C’est avec ironie que le clip démarre, un gros plan sur une Mercedes, qui se retrouve être un modèle pour enfant conduit par Chanceko en personne, une manière humoristique de jouer avec les codes du rap mais également de montrer la fulgurante ascension du rappeur. Effectivement, c’est vite au sein d’une Tesla grandeur nature qu’il se retrouvera.

Un clip qui représente bien l’univers du rappeur entre bonne humeur et flex constant. Chanceko est lancée à pleine vitesse sur l’autoroute du rap et la route ne semble pas prête de se terminer. 

Special Friend – Pastel

Un peu de douceur en ce jour de Saint Valentin. Special Friend, c’est un duo franco-américain composé de Guillaume Siracusa (guitare) et Erica Ashleson (batterie) qui mêlent leurs voix en parfaite harmonie. Après un EP éponyme sorti en 2019 qui mêlait l’indie pop à une imagerie planante et suspendue dans le temps, ils sont retour avec leur premier album Ennemi Commun.

Premier titre dévoilé, Pastel est un titre en deux parties tout en nostalgie. On se prend de tendresse pour un fantôme pris d’ennui et de solitude dans un appartement bien vide. S’occupant comme il peut et ne réussissant pas à nouer de contact, il décide de sortir de sa bulle et découvrir le monde. Enfin les Buttes Chaumont.

La mélodie mélancolique toute en retenue change de tempo pour une guitare très Built To Spell. Bien qu’il ait toujours de légers problèmes d’intégration avec les humains, l’adorable drap blanc retrouve le goût de la vie et danse avec joie dans les grottes du parc.

Tovaritch – TERRAIN

C’est avec la série de freestyles Bratva que Tovaritch a dévoilé toute sa hargne qui compose son univers froid et impitoyable. A l’image de son écriture qui va droit au but et est très tranchante. Sur Terrain, son dernier morceau clippé par Paul Maillot, regroupe bien tous les éléments de son univers cités précédemment.

Dans un premier temps, le clip met en avant la nouvelle vie du rappeur, celle qui découle de son succès dans la musique. Loin de se trahir, le mode de vie a évolué mais pas radicalement changé. La preuve en est dans la seconde partie du visuel qui se déroule dans une cité avec tout ce que cela comporte. Tovaritch le dit lui-même, la rue, il ne compte pas la quitter.

C’est basé sur ce mantra qu’il va dépeindre ses deux facettes de sa vie qui sont aussi divergentes que complémentaires. Ne pas oublier d’où il vient lui permettra surement de savoir vers où il veut aller et cela est bien dépeint par le clip de ce nouveau titre.

Deap Vally – High Horse (feat. KT Tunsall & Peaches)

Voilà un clip qui a de la gueule. Un mélange entre allures sixties et sitcom pour une association d’artiste qui tient ses promesses.

Le duo, formée par Lindsey Troy et Julie Edwards, a réuni ses forces avec la compositrice britannique KT Tunsall et la chanteuse canadienne rock Peaches. Deap Vally revient sur ses terres du blues-rock accrocheurs faisant écho aux White Stripes et d’un saxophone discordant. Dans la seconde moitié du titre, Peaches vient brusquer le rythme en rappant.

Pour accompagner le tout, le clip qui s’accompagne des lyrics est coloré, dynamique et funny. Tout se déroule au studio d’enregistrement Dave Grohl’s Studio 606. On y voit les quatre artistes déchainés et complémentaires dans cette collaboration qui se finit sur une photo souvenir collector. High Horse est le premier extrait de leur nouvel EP Digital Dream qui sortira le 26 février.

Limsa D’Aulnay Ft Isha – Starting Block

Quand le tracklisting de la seconde partie de Logique est apparu et que le nom d’Isha y était indiqué, les amateurs de rap n’ont pas dû être si étonné de voir les deux artistes collaborés. Pas étonnant peut-être mais ravi sûrement, les deux artistes ont un univers assez similaire où le fond sert à la forme.

Leur manière de raconter des moments de vies est singulière et permet de plus ou moins cerner les personnages. Une démonstration qui a été faite sur le titre Starting Block qui vient d’être clippé par l’équipe du média Grünt, connu pour ses sessions freestyles et plus récemment sa radio. Simple et efficace, à l’image des deux rappeurs, le clip se déroule dans une cité enneigée, les deux artistes se réchauffent grâce au feu sacré qui sort de leurs bouches. Avec eux trône un piano, sûrement une référence aux notes de cet instrument que l’on entend dans l’instrumentale.

Comme à leur habitude, Isha et Limsa envoie un rap brut, d’une authenticité aussi glaciale que la neige qui tombe mais qui pourtant réchauffe les cœurs et les oreilles. 

Lothar – Vésuve

Lothar est le nom de la tempête qui a soufflé sur la France fin 1999 renvoyant le bug de l’an 2000 tant redouté aux pages intérieures des journaux. Avec Vésuve, Lothar nous revient aujourd’hui sous une forme plus assagie mais néanmoins puissante.

Dans le clip de Vésuve, réalisé par Sebastian Heindorff, le parallèle entre images et son est troublant. Une introduction qui monte graduellement avec une ligne musicale qui se met en place par petits bondissements. Les plans serrés se succèdent comme pour intérioriser encore plus profondément une voix déjà intestine : « Je suis un géant, je pars en fumée, devant le néant vous me respirez ». L’apogée est atteinte dans la danse électrisante de Clémentine Herveux. Sous une ligne à haute tension, son corps ondoie comme s’il était sous le charme de la mélodie arabisante qui nous parvient. On ressent alors les étincelles et le grésillement des sentiments qui s’affolent. « Je suis surpuissant, je suis le Vésuve, c’est le mariage entre la colère et moi ». Avant le déferlement incantatoire « Le combat est si beau » et libérateur car de la métaphore volcanique – force, puissance mais aussi potentiel d’anéantissement – on en retient le défi de vouloir maîtriser, canaliser, renverser cette énergie qui risque à tout moment de nous déborder.

HI COWBOY – ROCK’N’ROLL (Où sont les dieux)

Nos cowboys préférés sont de retour avec le clip de leur morceau Rock’N’Roll issu de leur album Cheval Métal. Chantres de l’électro-pop minimale, Hi Cowboy produit une ligne musicale toujours claire et rudement efficace. L’atmosphère est dansante et un brin intrigante car teintée d’un soupçon de cold wave. Avec les accords de guitares appuyés et cinématographiques, les volutes des notes de vieux synthétiseurs analogiques, les sons des boîtes à rythmes et la voix organique de Syrille – tout est en place pour nous faire voyager entre passé et présent – Passé, celui de notre adolescence, de nos premiers coups de cœurs musicaux et de leurs idoles constituées – Présent, celui de notre mémoire ou du moins de l’accommodement avec nos souvenir et des aspirations que l’on en a retirées . On aime à garder de notre adolescence son côté rebelle pour ses valeurs de force de créativité et d’énergie. « Où sont les dieux du Rock’N’Roll, ceux qui t’ont pris dès la cour d’école » dans une vidéo selfmade de et avec Syrille accompagnée par Abi the beauty, Luana et le Crazy danseur masqué mister S et sans l’oublier, en guest star, un Totoro furtif.

Dans ce clip, Syrille « LeCowboy » se fait vestale entretenant le souvenir sacré des dieux de l’adolescence. 

Part-Time Friends – 2 AM

La nuit, ou même très tôt dans la matinée ou soirée – au choix – on peut ressentir une certaine joie, une certaine liberté, comme si l’instant nous appartenait. Le duo Part-Time Friends cale ce moment à 2 AM. Le titre homonyme est accompagné d’un clip comme une compil de l’envers du décor.

Les musiciens nous partagent des images de la composition, du studio, ou des moments de détente que l’on devine sous le soleil corse. Une idée de légèreté qui raisonne avec le rythme et les mélodies enjouées du morceau. Pourtant, les paroles sont d’un autre registre, car Pauline et Florent évoquent : “une réflexion nocturne sur le bonheur. La difficulté, surprenante mais bien réelle, de l’appréhender parfois. De la différence entre nos besoins et nos envies, de tout avoir et d’avoir peur de tout perdre et d’en être le seul responsable.”

Un ressentiment qui se transcrit dans les paroles : “I don’t know if I’m scared enough; Why am I turning bad and rough so rough? I guess it’s weird to finally be in love.” Pourtant, 2 AM et le clip qui l’accompagne sont des porte-étendards du lâcher-prise… du moins, en attendant le 19 mars, jour de sortie de leur prochain album intitulé Weddings and Funerals.

FYRS – The Swirl Of Love

Il y a des morceaux qui vous touchent instantanément. Des morceaux coup de poing, dont la mélodie s’installe tranquillement dans votre tête, prête à squatter pour les semaines à venir. Le titre du nantais FYRS, The Swirl Of Love, fait partie de cette catégorie. Ici, le musicien revisite le sentiment amoureux, et la relation intime entre deux personnes aimantes

On y retrouve un couple, se remémorant des souvenirs lointains; une époque où ils étaient encore enfants et insouciants.Un moment où le temps ne comptait plus, où ils refaisaient le monde, sans se préoccuper du reste. Un instant qui semble leur manquer, et sert à présent d’échappatoire à un quotidien d’adulte moins féérique et plus terre à terre.

C’est un clip extrêmement touchant débordant de tendresse que nous propose l’artiste. On ne peut qu’être touché par ces sujets simples mais qui nous concernent tous. L’envie de s’échapper et de retrouver cette insouciance ne se fait pas attendre. Une excellente découverte pour terminer la semaine. On attend avec impatience son premier EP Lost Healing qui verra le jour fin mars. 

Barbara Pravi – Voilà

Voilà, c’est donc Barbara Pravi qui représentera la France à l’Eurovision cette année. La jeune chanteuse que l’on connaissait pour ses chansons engagées tant dans l’intime que dans le politique, le féminisme, reste authentique à cette identité.

Voilà est un titre tout en sincérité, au travers duquel la chanteuse se dévoile : “Me voilà même si mise à nue c’est fini; C’est ma gueule c’est mon cri, me voilà tant pis; Voilà, voilà, voilà, voilà juste ici (…) Me voilà dans le bruit et dans le silence.” Il est aussi question de mouvement, de tourbillon.

Barbara Pravi nous fait prendre un train vers une autre époque. Le réalisateur et photographe Zenzel poursuit sa collaboration avec l’artiste pour offrir un clip aux couleurs chaudes, mais pourtant claires, presque effacées, contrastant avec le noir des corps et ombres dansants. Le clip comme le titre nous emporte dans une valse, rappelant le temps de Piaf, ou d’une autre grande dame brune.

DON TURI – DARK TUNNEL feat FLORENT MATEO

Batteur réputé dans le milieu musical, Don Turi avait profité de 2020 pour venir se présenter à nos oreilles, tout d’abord The Two, titre concept qui nous avait carrément emballé , puis avec son tout premier EP 54 Steps où il developpait toute une palette techno à la fois physique, aérienne, envoûtante et parfois un poil inquiétante.

Cette semaine, nous offre la mise en image de son titre Dark Tunnel. Une mise en image à la hauteur de ce titre qui pousse autant à la danse qu’à la transe.

Réalisé par Ferdi Production le clip nous ramène dans des souvenirs désormais lointains de nuits où l’on pouvait se perdre dans la foule et où les corps s’élançaient en cadence au rythme des BPMS.

En alternance, la vidéo nous ramène à des images de routes, de paysages sans fin, sorte de « dark tunnel » qui vient se fracasser à cette fête dont les personnages ne semblent pas vouloir sortir.

Le tout est relevé par des filtres rouges et bleus qui donnent des alures presques inquiétantes à la vidéo. On plonge alors dans cette bloucle sans fin dont la fin nous ramène au début. Un peu comme un titre techno qu’on étirerait à l’infini, ce Dark Tunnel de Don Turi est un piège dans lequel on plonge avec délice.

Yen Yen – WRUNG

Il y a tout juste un an Yen Yen sortait son titre ADKOL, un titre qui avait bien marqué nos esprits, avec beaucoups de nappes de synthés, quelque chose qui ressemblait à la musique de Saint DX, et hasard ou pas, il faut savoir que tous les deux sont sur le label Cracki Records ! Aujourd’hui Yen Yen sort WRUNG, perpétuant ainsi une certaine logique : les néologismes autour des titres de ses chansons.

ADKOL avait attiré notre attention, et de ce fait Yen Yen s’était déjà fait une petite place dans notre tête, et autant dire que nous n’avons pas été déçus ! En écoutant son nouveau titre, WRUNG, on retrouve cet univers de synthés, un style à la fois acéré et doux, aiguisé et lancinant… que l’artiste qualifie lui-même, très justement de « cyber pop sentimental ». Pour accompagner son titre, Yen Yen a choisi une esthétique bien particulière, celle d’un plan fixe, avec une caméra qui s’éloigne progressivement et qui nous fait découvrir un décor extrêmement cinématographique. Une ambiance mystérieuse, en clair-obscur, présentant un petit restaurant, à l’allule modeste mais au climat très particulier. La réunion des trois personnages fait instantanement penser à une réunion de mafieux, tandis que Yen Yen se livre au Jeu du Couteau.

WRUNG est le dernier titre que Yen Yen nous dévoile avant la sortie de son EP, qui sera son premier ! Prochain rendez-vous donc, le 31 mars prochain pour la sortie de son tout 1er EP, dont on a d’ores et déjà le nom : Goodbye.