Les Clips de la semaine #153 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer se yeux et ses oreilles. Sans attendre, la seconde partie de la 153ème sélection des clips de la semaine.

TOMASI – BRANLEUR (feat. Ian Caulfield)

Tomasi nous en parlé déjà dans Phalanges : on n’est pas grand chose sans ses potes. Sans une armée de gens qui croient en nous et qui nous permettent d’avancer envers et contre tous.

Avec Branleur, on passe de la théorie à la pratique, puisque Tomasi invite Ian Caulfield pour le featuring le plus cool de cette fin d’année. Deux hypersensibles qui nous partagent leurs rêves, leurs défaillances, leurs doutes, sur une production rythmée et solaire, et bercée par un refrain parfait qu’on reprend en coeur dès la première écoute. Serait-ce ça qu’on appelle un tube ? Sans doute, mais ce n’est pas la chose la plus importante ici.

Tout sauf des branleurs, ces deux-là nous invitent à croire en eux, mais surtout à croire en nous. À bâtir un monde où rien n’est impossible et où on n’est jamais seul.

Cette grande famille, c’est aussi l’apport visuel de Nicolas Garrier Giraudeau, qui nous offre un exercice de style parfait. Un plan séquence dans lequel se confrontent idée de la réussite (la décapotable au soleil), la réalité du monde, et surtout la fraternité totale qui vit et vibre au sein de ce groupe de personnes.

C’est chaleureux et revigorant, ça vibre de tout ce qu’on aime et prouve que le futur de la pop française se tient là, sous nos yeux.

PS : Tomasi, arrête de péter des guitares stp.

St Graal – Drag

On continue de parler de l’avenir de la pop française avec le retour de St Graal. On suit Léo depuis le tout début, et c’est avec plaisir qu’on le voit gravir les étapes et devenir de plus en plus libre et vrai dans sa musique.

Après Les Dauphins, St Graal nous offre un nouveau petit tube avec Drag. Un morceau up-tempo, lumineux et entraînant, une ode à la tolérance et à l’inclusivité qui nous touche en plein cœur.

D’ailleurs, le clip est à l’avenant, nous entraînant dans une colocation un peu dingue où tout est permis et où chacun est autorisé à être qui il est. Une pop sucrée et libre, dans un univers queer et accueillant. Une nouvelle fois, St Graal a tout bon et nous redonne le sourire. C’est tellement rare en ce moment qu’il est important de le souligner.

Quentin Sauvé – Horizon

La mer, toujours la mer. À perte de vue. À perte d’horizon. Lumière rasante et bienvenue d’une journée glaciale de novembre. Et les oiseaux qui pépient. Quentin Sauvé qui court, qui danse, qui se frotte aux différents éléments de la vie, lors de ce beau plan-séquence qui se conclut sur une plage, déserte et magnifique. Instant éphémère, fragile et spontané, filmé par son ami Sofian avec pour seule idée d’exprimer ce besoin urgent de liberté. Danser, danser, danser, pour oublier.

Décrit par l’artiste comme un titre plus abstrait que ce qu’il a l’habitude d’écrire, Horizon dessine les contours de cette folie qui s’est engouffrée dans nos quotidiens il y a déjà trois ans. La perte de repères, les confinements successifs, la privation de liberté et la musique qui s’éteint. La fin des concerts et donc, de tout ce qui tape au creux de nous, tout le temps. À l’image du clip, où l’horizon se trouve sans cesse remanié, sans aucune perspective ni certitude que ça s’arrangera, un jour.

Quentin Sauvé, connu pour ses textes introspectifs brillants et douloureux, cherche ici à se libérer de toutes les peines vécues. Juste sa voix et sa guitare, pour évoquer l’érosion de la santé mentale et physique. Et ces deux mots qui reviennent, sans cesse, telles des vagues sonores et brutales, « sinking down ». Tandis que la pandémie le poussait à se demander quoi faire et si tout ceci avait encore un sens, Horizon apparaît.

L’album est attendu pour le printemps 2023, et on peut déjà vous affirmer qu’il est de toute beauté. Quentin Sauvé, tu nous avais manqués.

Yvnnis – Héros

A l’image de la première scène du clip, Yvnnis est en train de sortir la tête de l’eau et de faire de plus en plus de vagues, avec un rap maîtrisé et rempli de fraîcheur. S’il a déjà pu montrer sa versatilité sur ses précédentes sorties, il l’appuie avec l’entraînant Héros et ses sonorités drum’n’bass signées Lil Chick, producteur et ami avec lequel il travaille depuis ses débuts. 

Mélangeant prises de vue réelle et animation, l’équipe de TKSH film propose une ingénieuse lecture du message évoqué par le jeune rappeur. Comme perdu par ce qui l’entoure : la musique, ses relations, la frénésie du quotidien,… le rappeur a besoin de se retrouver.

« J’ai fait l’tour, tour, tour, tour, tour, j’ai b’soin d’tout, tout, tout, tout, tout 
Reprendre à zéro, j’suis pas un héros
« 

Yvnnis commence à s’affirmer, et avec lui se dessine une certaine esthétique qui donne curieusement envie de connaître la suite. 

Pomme – Very bad 

Aller au bout de la peine ou contrebalancer le sujet douloureux de la relation toxique par des images insouciantes de la créature la plus fidèle et bienveillante qui soit, son golden retriever Pizzaghetti ? Pomme s’éprend de cette intention et arbore un Very bad à double tranchant, dans un clip aussi lumineux que les paroles en sont pluvieuses. 

Cet ode à la tendresse et à l’amour parvient même à alléger, voire à maquiller le sens premier des paroles. Ainsi, un « I was never in love with you, I was trying to find myself , I was never in love with you, I found myself, thank you » prend une tournure attendrissante.

Les notes, une guitare acoustique-voix, n’en deviennent que plus digestes, ou mieux, feel-good

Cette explosion de candeur : Pizzaghetti dans la neige,  Pizzaghetti dans un élan de tendresse et tous ces sourires sur les visages, n’ont qu’un seul effet : réchauffer les coeurs. 

D’autant que la volonté d’éloigner les tourments, de troquer le malheur par la liesse et d’explorer tout son potentiel à se relever, à avancer, à vivre pour de bon, raisonne de toute part avec l’ADN de l’album Consolation

Preuve que l’espoir est partout, et que, même une chanson à visée thérapeutique ou motivée par le deuil peut s’avérer porteuse de good vibes et se métamorphoser en un véritable anti-dépresseur.  

« Enjoy the cuteness », nous dit Pomme. 

Irko – Stainless

Les Etats-Unis ont la CIA, le Royaume-Uni le MI6, la France la DGSE, mais aussi l’encore plus secret SPK. Sous cet acronyme réside peut-être les nouveaux secrets les mieux gardés du rap francophone : Femtogo et Irko. A coup d’écrits cryptiques et d’ambiances obscures, eux et leurs équipes soufflent un vent empli de mystère. Preuve en est avec le nouveau clip d’Irko, Stainless réalisé par Foutaizz.

Tout aussi énigmatique devant la caméra, le jeune rappeur se joue des codes de l’espionnage avec sa tenue tactique et son Aston Martin DBS, rappelant l’agent secret le plus connu du grand écran : James Bond. 

La colorimétrie sombre et les glitchs subtilement placés par le réalisateur continuent à conforter l’ambiance singulière qui plane derrière cet énigmatique nouvel artiste, et brouillent encore un peu plus les pistes entre univers digitaux et réalité.

Gwendoline – Loin de moi

Vous êtes frappé.es par la dépression saisonnière et vous avez besoin de musique pour accompagner vos mornes nuits de fin d’automne et d’hiver? Gwendoline n’est pas la solution pour vous.

Certes, la musique du duo n’est pas la plus joyeuse du monde, mais plutôt que de nous enfoncer dans la noirceur, elle nous invite plutôt à analyser le monde qui nous entoure et à nous révolter contre ce qui le fait bouger, encore plus quand on est une partie du problème.

Loin de moi, c’est le constat de tout ce qui vrille en 2022, d’une société de l’égoïsme, des plaisirs éphémères et d’une vision du succès qui nous mène droit à l’autodestruction. Tout se délite, mais plutôt que de chercher à s’en sortir, on coule avec le Titanic, une bière dans une main et une trace de coke sur le bout du nez.

On écoute, et on s’y reconnait, on regarde la vidéo qui l’accompagne et tout semble si quotidien et proche de notre réalité qu’on finit un peu par flipper et se demander si il ne serait pas temps de mettre le tout sur pause et de penser un peu à l’autre plutôt que de ne voir que nous. Car finalement, c’est dans le collectif que se trouve la réponse.

Maxwell Farrington – Auld Lang Syne

Un marin fracassé sur la plage, un Père Noël à cheval qui vient le sauver, le crachin normand et une disparition mystérieuse : Bienvenue dans l’univers barré de Maxwell Farrington.

Comme d’autres avant lui, le plus français des Australiens se prête au jeu de l’album de Noël avec Yuletide And I’ll Tide With Yann et c’est une jolie réussite, la preuve avec ce Auld Lang Syne.

Une voix de crooner, des arrangements folks qui s’envolent pour nous offrir un joli moment d’émotion simple, une petite bulle de pureté qui fait du bien au coeur.

OMOH – Body 

Body,  le clip traduit magnifiquement son titre. 

Dans cet éloge à la vie et à la sensualité, le groupe Omoh célèbre le corps comme un trésor, le corps comme de l’or, et ce n’est pas un hasard si le décor en porte la brillance. 

Celui-ci s’ouvre sur les braises d’un feu récent, avant que ne renaisse de ses cendres le corps en mouvement. Vêtu d’un habit nacré, ce dernier attire la lumière. Il se réveille doucement avant de vibrer en un discours continu. 

La danseuse porte en elle le feu de la vie, l’énergie vitale. Elle entame un long dialogue, parlé dans son « body langage » à elle. Tant de mots transpercent cet instrument précieux, déversés dans sa propre langue, dans une écriture parfaite. Ici, le corps n’est pas loin de former des lettres d’or.  Mais la chanson révèle d’abord sa dimension érotique : 

« When you curves deeper and your words get rude. I love it. » 

( « Quand tu te courbes plus profondément et que tes mots deviennent grossiers. J’aime ça. »)

Body s’admire comme un tableau où le corps communique, dans un élan vital empreint d’esthétisme et de poésie, avec les falaises muettes et immobiles, réceptives dans leur silence. Ces collines ocre incarnent le repos dont rêveraient parfois les créatures enflammées que nous sommes, pour mieux se remettre de nos mille vies effrénés. Mais tant que les coeurs battront, les corps s’emballeront. 

Kay The Prodigy ft Vsvs – Prestige

La science du teasing, voilà un art que maîtrise Kay The Prodigy. Dans une courte vidéo postée sur son Instagram, elle mettait en avant une partie de ce nouveau titre, et l’effet fut garanti : son flow aérien et sa gestuelle maîtrisée ont créé de l’attente. Sorti cette semaine, Prestige jouit quand même d’un visuel plus imposant, réalisé par Jeune Austin

On y garde un certain effet homemade qui colle bien à ce que la jeune rappeuse dégage dans ses morceaux, avec un fish eye devant lequel elle peut à nouveau faire montre de ses gestuelles calibrées. Au niveau du flow aussi, tout se passe dans la maîtrise : se jouant allégrement de la production de Vsvs, elle allie fond et forme, proposant un égo-trip singulier, qui ne peut que faire sa force.

« J’ai des hanches qui donnent le vertige
C’que t’entend j’le fais depuis qu’j’ai 15 piges« 

Just Kids – hurt

On a découvert Just Kids il y a peu avec leur single Hurt, joué sur BBC Introducing, et nous sommes sous le charme de leur pop DIY directe et catchy, aux riffs de guitare accrocheurs et à la voix assertive et entêtante. Le groupe londonien, composé de Rachel Still (songwriter et productrice) et Maxie Cheer (à la batterie) sort cette semaine la vidéo qui accompagne le titre : des images saccadées à l’esthétique 90’s (tournées dans leur salle de bain !) qui illustrent parfaitement l’urgence du morceau.

Un groupe à suivre, nommé après le roman autobiographique de Patti Smith du même nom… On les adore déjà ! 

Myth Syzer – Rodéo

Petit à petit, Myth Syzer se dévoile, retire les oripeaux d’une image qui ne lui correspondait pas vraiment pour retrouver en vérité et en sincérité.

Toujours superbement produit, Rodéo continue ce chemin, tracé dans l’intime, qui nous plaît énormément. Ses besoins de solitude, son rapport à sa famille, au succès et à la mort, le bon gamin n’occulte rien et nous charme en solo.

Pour accompagner son titre, le musicien retourne sur ses terres natales et s’offre une vidéo à taille humaine, proche de son quotidien et de sa vie, accompagné de son chat et de sa moto.

Comme il le dit lui même, il n’y a pas qu’un chemin, et celui qu’emprunte désormais Myth Syzer semble lui convenir parfaitement. À nous aussi d’ailleurs.

Metronomy x Sebastien Tellier – J’en Ai Assez Vu

Cela faisait plusieurs années que l’on demandait au Père Noël une rencontre entre Metronomy et Sebastien Tellier.

Il faut croire que le vieux barbu nous a entendus, puisqu’il nous offre en avance notre cadeau avec J’en Ai Assez Vu, version francophone de I Have Seen Enough. Le morceau garde la mélancolie prenante du final de Small World, mais se pare d’un charme so frenchy, encore plus quand Mount chante.

Les deux voix se mêlent à la perfection et nous entraînent dans un monde ouateux et légèrement triste, qui sied à merveille aux jours qui raccourcissent et à l’hiver qui arrive.

Pour accompagner le tout, c’est une troisième esthète qui se mêle à la fête puisque Diane Sagnier nous offre un clip dans un noir et blanc sublime et dans lequel on suit nos deux protagonistes, séparés puis réunis dans une nuit d’hiver où le feu crépite et où la tristesse embaume l’air. Des gros plans sur les yeux (ou plutôt les lunettes de soleil pour Tellier) rappellent à merveille le morceau, alors que les deux héros terminent leur retraite solitaire ensevelie sous une neige qui tombe doucement.

joysad – Seul

Sorti le 21 octobre 2022, Transparent offrait un véritable voyage introspectif de joysad. Composé de 15 titres, ce deuxième album prouve que l’artiste du Périgueux manie parfaitement l’art de la plume, et parvient sans aucun problème à retracer ses différentes émotions. Il sort cette semaine le visuel du titre Seul.

Accompagné par une magnifique instru dominée par une guitare, joysad retrace peut-être une des émotions qui fait le plus mal : la solitude. Le clip, réalisé par Zephyr et 5:AM, met en scène le rappeur, seul, dans une maison, errant dans les différentes pièces. Le visuel de la vidéo est hyper esthétique. On ressent énormément les émotions que l’artiste essaie de transmettre, aussi à l’aise devant la caméra qu’en écriture.

Véritable révélation de 2022, joysad séduit de plus en plus grâce à sa plume sensible et son rap bien aiguisé. Une chose est sûre, la pépite du Périgueux est à tenir à l’œil pour l’année à venir. Il prévoit d’ores et déjà le départ pour sa toute première tournée dans toute la France.