Les clips de la semaine #142 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, voici la première partie de la sélection numéro 142 des clips de la semaine.

Vulves assassines – La Retraite (version live)

C’est ce qu’on appelle le sens du timing. Alors que notre cher gouvernement s’apprête à mettre un nouveau coup de pelle pour enterrer nos acquis sociaux, les vulves assassines débarquent avec La Retraite, un morceau tapageur, politique et bruyant comme elles ont l’habitude de nous le proposer.

Le genre de morceau qu’on risque d’entendre fort dans les rues dans les mois à venir, et qu’on écoute déjà bien fort chez nous. Une bonne dose de punk bien sauvage, qui ravive en nous notre âme de contestataire et qui nous rappelle qu’on a aussi parfois le droit à la flemme et au repos, surtout quand on a été exploité la majeure partie de sa vie.

Pour accompagner le morceau, le gang féminin nous balance une vidéo live encore plus folle et forte que la version studio. Un bon moyen de rappeler la cohésion que le groupe entretient avec son public et la puissance scénique qu’elle envoie à chaque passage.

Une bonne piqure de rappel (oui on est à fond sur les blagues d’actualité) avant de les retrouver cet automne au MaMa.

Stupeflip – Tellement bon

Cette semaine marquait le retour du groupe le plus stupéfiant de la scène française. Stup Forever est tout, et même plus, que ce qu’on attendait de Stupeflip et on vous en parlera en profondeur très prochainement.

En attendant, on se délecte de l’album, mais aussi de ce clip parfait de Tellement Bon, dont le budget n’a pas du dépasser les 50€ (essentiellement pour la boule à facette et le shit).

De stupéfiants, il en est aussi question : KingJu y raconte sa dépendance à la résine de cannabis, déclinant le tout dans une sorte de schizophrénie mentale dont il a l’habitude. Sur une boucle psychotique et cauchemardesque, il multiplie les jeux avec sa voix, faisant naître et disparaître des personnages pendant 3 minutes.

Cette idée revient aussi dans le clip : on y voit aller et venir un bon nombre de personnages bien connus des fans de l’ère du stup, le tout filmé dans l’appartement de Julien Barthélémy, sa prison dorée dans laquelle il créé tous les petits bouts de trucs qui nous enchantent tant. Tout Stupeflip se joue ici, la solitude, la dépendance, à la musique autant qu’à la drogue, et l’acceptation de cette vie parfois malsaine, mais au fond pour lui c’est … tellement bon.

METZ – Come On Down

Les torontois de METZ continuent sur leur lancée en sortant cette semaine Come On Down, quelques mois après Split. Sur ce dernier, le groupe avait invité les anglais de Adulkt Life et leur Post-Punk Noise à partager le studio. C’est maintenant au tour de Joe Talbot, chanteur de Idles, de prêter main forte (sa voix du moins) sur ce nouvel effort.

Belle surprise s’il en est, le son l’est tout autant. Un véritable banger aux guitares acérées et à la rythmique dopée. Les univers respectifs des artistes se fondent à merveille ensemble, dans un déferlement d’énergie brute aux refrains ultra-efficaces. Les riffs de guitares sont tranchants et viennent, avec le chant psychotique de Talbot, étourdir l’auditeur.

Le single est accompagné d’un clip très stylisé, réalisé par Arturo Baston. On y voit une flopée d’oiseaux pris dans les flammes. Un sentiment d’urgence émane de ce clip aux animations syncopées et aux lumières vacillantes. On en devine le sujet, le gros contraste entre tons verts et rouges offrent un spectacle cauchemardesque qui colle si bien au morceau.

Le single contient une face B, qui elle est à découvrir sur les plateformes. On y retrouve toute l’essence du Post-Punk abrasif et déchaîné de Metz, et on vous le recommande, bien évidemment.

Gus Englehorn- Sunset strip

Bienvenue dans la tête de Gus Englehorn, un endroit un peu dingue bercé dans le rock indé américain, où rien n’est stable. Cette semaine, nous découvrons la vidéo du titre Sunset strip, une image un brin artificielle du célèbre quartier californien. Les rêves de Gus, on s’en doutait, sont un peu flippants.

Comme il le dit lui-même “ je laisse mon subconscient conduire” et c’est donc ainsi qu’il nous embarque dans son univers paranoiaco-créatif mêlant les effets visuels de cinéma de genre au son parfois lourd d’une basse ou aux accords mélodiques d’une guitare. Gus bricole à partir de ses rêves et ses visions, et c’est par instinct qu’il s’engage dans la musique en fixant l’image brute de ses sensations.

Le clip, comme d’habitude, est réalisé entre amis par Estée Preda, pendant le lockdown à Montréal, et s’est donc fait dans leur appartement avec ce qu’ils avaient sous la main. Tout dans ce titre est une sacrée aventure.

Tamino – You don’t own me

Si vous connaissez Tamino, vous avez dû tomber instantanément sous son charme. C’est avec ses musiques intenses qui résonnent à l’intérieur de chaque âme sensible et son élégance mystérieuse que le musicien belge a réussi à fédérer des milliers de fans. You don’t Own Me est le troisième single annonciateur de son prochain album Sahar, prévu pour le 23 septembre. 

On est habitué.e à la poésie très imagée du projet de Tamino. Ses clips rassemblent des références tant mystiques que contemporaines. You don’t own me, parle à tous.te, et peut conduire à plusieurs interprétations en fonction de ce à quoi vous souhaitez échapper. Dans le clip, Tamino semble être prisonnier de ces mains, cette force qui lui dicte le chemin à suivre. Un fardeau qu’il traîne derrière lui comme un fantôme enchaîné à son poids, dont il arrive à se libérer. Le clip, réalisé par Bastiaan Lochs & Ramy Moharam Fouad, se déroule comme une pièce de théâtre contemporaine revisitant une tragédie antique et dont le héros n’est d’autre que Tamino.

Pete Astor –Fine and Dandy

Cette semaine, le dandy anglais Pete Astor partage le deuxième single de son prochain opus à venir début octobre. L’ancien leader du groupe The Loft propose dans son travail solo un rock indépendant et progressiste. Également professeur en musique moderne à l’université de Cambridge, le chanteur sait mêler, à bon escient, son héritage musical anglais et ses propres recherches. 

Dans Fine and Dandy, on le voit apparaître avec, derrière lui, plusieurs fonds plus loufoques les uns que les autres, comme une lumière bleue criarde ou au milieu d’une voie lactée en mouvement. On n’échappe pas non plus aux images du dandy marchant dans les rues anglaises.

Plus que quelques semaines donc avant de découvrir son nouveau projet, qui devrait s’appeler Time on Earth.

Canine – Snake

« I become a snake, I will scream and shake ». Si les reptiles sont connus pour être des animaux à sang froid, Snake de Canine souffle le chaud sur nos sentiments et nos désirs. Le flow des paroles claque et rythme la montée graduelle de notre émoi. Captivés par les jeux de regards envoûtants, envoûtés par le mouvement des corps, nous devenons captifs d’un sort scellé par la métamorphose d’une charmeuse en serpent. Snake, les bras se multiplient et s’enroulent, les corps se dédoublent et ondulent, une hydre sublimée empreinte de sensualité naît de ce jeu de séduction charnelle « for a pleasure dome i would not roam ».

Timothé Mantion, à la réalisation de la vidéo, donne vie à cette danse suggestive en s’appuyant sur une alternance de noirs et de blancs dont le contraste met en évidence la dualité que l’on peut ressentir au moment de s’abandonner « But I am a snake /You can not take ». Et même si les images se vivent sans couleur, l’embrasement corporel se pare de ces reflets chatoyants qui nous enjôlent « And if you could I would love it ».

Rendez-vous est pris pour se laisser subjuguer – en noir et blanc et en couleur – par Canine sur la scène du Trianon en mars 2023.

Gabi Hartmann – Mille rivages

On resterait bien encore un peu en vacances. Heureusement, Gabi Hartmann saisit ces derniers instants de soleil dans un clip qu’elle réalise pour illustrer son morceau Mille rivages. On perçoit des bribes de souvenirs sur la plage, de paysages de sable et de coquillages ainsi que des prises où Gabi Hartmann chante en jouant de la guitare. La scène se déroule à Long Island, comme en écho aux côtes américaines qui ont vu se former le jazz, la soul, les musiques qui baignent l’univers musical de l’artiste. Milles rivages évoque dans son texte la vie comme une grande mer, traversée par des courants plus ou moins forts : “La mer murmure aux bateaux, Le mystère de ses eaux, Avec ses mille orages, La vie est comme une barque dans une mer sans rames.”

Aurélie Saada – Tunisie

Après la sortie de son film Rose, évoquant entre autres l’amour et l’immigration juive du Maghreb, Aurélie Saada déclare de nouveau sa flamme à ses thèmes de prédilection. Hommage à ses origines tunisiennes, l’artiste compose un morceau intitulé Tunisie. L’artiste décrit ce titre comme un western-couscous. A juste titre, car on reconnaît une intro à l’esthétique western, puis à la fois des influences nord-américaines de bluegrass, de psyché, comme des sonorités orientales, arabesques. Les paroles de Tunisie évoquent le souvenir familial.

A travers ses vers, on peut reconnaître nos grands-mères préparer un couscous, des bricks ou des pastillas : “Sur le carrelage de la cuisine, Entre Créteil et Belleville, Dans le cumin et la fleur d’oranger, Dans le chant des bracelets qui dansent autour des poignets.” A travers le clip, Aurélie Saada nous emmène entre des imaginaires, en prenant des airs d’Anouk Aimée dans le film Justine de George Cukor, des airs de danseuse du ventre ou d’impératrice d’Orient. Pourtant, des séquences plus intimes et réalistes pointent leur nez. On aperçoit Aurélie Saada cuisiner les beignets de sa grand-mère, comme une invitation à prendre le thé avec elle, voire même un ou deux verres de boukha… Lékhaim !

Folie’s – Business

Encore au balbutiement de sa carrière, Folie’s dévoile un nouveau clip avec Business. Une belle manière de plonger dans l’univers de l’artiste, qui prend doucement mais sûrement forme. Comme nombre de jeunes artistes aujourd’hui, il arrive à subtilement mélanger les sonorités pour trouver le juste milieu qui lui convient le mieux. Pour le coup, ici c’est du côté de la chaleur du rnb que l’on va se situer, avec une capacité à développer des mélodies envoûtantes très efficaces.

Côté visuel, le réalisateur Quentin Foulley a également joué avec cette ambiance chaleureuse. Parfaitement porté par une colorimétrie axée sur un ocre ardent, le clip dégage des effluves de chaleur. La caméra prend le temps d’épouser les mélodies de Folie’s dans ce strip club à l’ambiance intimiste. 

QUANTUM QUANTUM – Mirage

Le Nord est souvent considéré comme une terre d’ennui, on ne peut pas dire que ce soit totalement faux. Mais de l’ennui germe souvent les plus belles idées, ce qui a fatalement transformé le nord en une place forte de la musique, et plus particulièrement du rock, depuis quelques années.

Un état de fait que ne va pas nier QUANTUM QUANTUM, nouveau groupe qui débarque cette semaine avec Mirage, titre qui lance leur collaboration avec Le Cèpe Records.

Mirage, c’est du psychédélisme comme on l’aime, entêtant, dansant, porté par des synthés et une batterie imparables et un texte poétique. Une réalité dont on cherche à s’échapper, un désert qui nous assèche et nous fait parvenir des images étranges dans l’esprit. Le groupe joue de ces idées, de la métaphore, pour parler de sujets plus sérieux et terre à terre, de la monotonie, du couple qui se délite et d’une routine qui finit par nous abrutir.

Pour accompagner le titre, Clément Petit, chanteur et guitariste du groupe, nous livre une vidéo qui colle bien à ces idées et sa musique : un trip coloré qui semble sans fin et qui nous entraîne couche après couche dans cette folie réelle dont on ne semble pas pouvoir échapper.

Gael Faure – The Healer

Avec The Healer, écrit et réalisé par Diane Moyssant, issu de son dernier EP L’eau et la peau, Gael Faure nous revient en personnage principal d’une allégorie du temps qui passe. 

Dans ce titre en anglais – une fois n’est pas coutume – le chanteur endosse un costume mordoré pour entamer une danse chamanique des plus incarnées… 

Du ciel tombe en pluie d’étranges pierres qui s’ammassent à ses pieds, tandis que de ses mouvements et torsions, danse primitive en vêtements de roi, semble naître une connexion à une force supérieure. 

Le sol se désaxe légèrement, nos repères se dissolvent : ne reste que l’annônement mystérieux qui court sous la peau, prédiction d’une grande menace – l’inéluctable, qu’il convient sans doute de conjurer. Celle de la fin, qui nous est comptée, ici contée, et du temps qui s’égrène. Finalement : la paix retrouvée. Nous ne faisons que passer, encore faut-il chanter, encore faut-il danser. 

Gael Faure ne déroge pas ici au tournant impulsé à son œuvre récente, plus connectée à une certaine spiritualité et à une hauteur de vue qui manquait tant au paysage de la chanson contemporaine. 

Jeanne Added – Au Revoir

Jeanne Added revient en frappant fort avec le double clip d’Au Revoir, (Unexpected version, Expected version). Via une mise en scène ramenée à son strict minimum dans l’Unexpected version, le spectateur se voit contraint de rester concentré sur les mots, exhortés dans une douleur intime. Les soubresauts traversant le beau visage ultra-expressif de la chanteuse sont captés par la caméra, rivée sur le moindre tressaillement.

Le résultat est sans appel : la place belle est faite à l’émotion, celui des adieux qui taisent leur nom, quand l’univers suggéré par la combinaison de latex trahit une exposition d’un milieu très fantasmé, synonyme de désirs cachés, empreints de violence. On le retrouve encore d’avantage dans l’Expected version, où face à une Jeanne assise comme sur un trône, l’univers BDSM s’affirme et s’affiche plus clairement.

Tandis qu’une danseuse filiforme, elle aussi de latex vêtue, exécute une danse à la liberté déliée, le casting exclusivement féminin et androgyne assied une imagerie des amours lesbiens, entre jeux vénéneux et déchirements passionnels.