Les clips de la semaine #137 – partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, la seconde partie de la sélection numéro 137 des clips de la semaine.

november ultra – come into my arms

come into my arms, un interlude écrit par november ultra lorsque ça n’allait pas. Un interlude qu’ici à La Face B, on ne cesse de se passer, depuis sa sortie le 8 juillet. Deux minutes, à peine, où sa voix cristalline nous réconforte et nous enveloppe. Il n’y a que le piano et ses mots doux, pour nous rappeler de ralentir. Et profiter de l’instant, ne plus se cacher derrière des armures en acier.

Le clip est une merveille animée, réalisé par Tamerlan Bekmurzayev et animée par de nombreuses personnes talentueuses. Au sein d’une maison de poupée, une petite fille – l’artiste – est réveillée par la pluie qui s’écrase sur son visage. Alors, elle enfile ses vêtements, se saisit de son parapluie rouge et s’envole vers de nouvelles contrées, en traversant les champs. Un train, qui nous transporte instantanément dans l’univers des films de Miyazaki, la dépose au pied d’un immense arbre. Appuyée contre le tronc, l’enfant peut enfin prendre le temps, laisser partir la pluie, pour faire entrer dans son cœur et dans son corps le soleil. Accepter la main tendue, celle qui provient de november ultra adulte, celle qui panse ses blessures et qui ne désire qu’une chose : prendre dans ses bras la jeune fille qu’elle était.

come into my arms, c’est la berceuse que l’on aurait aimé avoir près de soi dans les moments où rien n’allait, quand on perdait pied et qu’on ne savait plus comment respirer. november ultra ne cessera jamais de nous étonner, de nous submerger et de nous exalter. À écouter, over & over & over.

Thomas Baignères – Pourquoi moi?

Issu de l’EP récemment paru de Thomas Baignères, le titre éponyme « Pourquoi moi ? » trouve dans sa mise en images, assurée par Georges Hauchard et Louison Mellec, un écho à fleur de peau aux paroles mélancoliques du roi de Pigalle… Alternant des plans resserrés sur son visage grave au regard profond, disant les questions ontologiques aux existences contemporaines, et ceux tournés à la Galerie Chappe, changée en studio improvisé, le clip semble questionner le lien nature-culture.

Les scènes ensauvagées, tournées à la Butte d’Orgemont à Montigny, donnent à voir un Thomas songeur, interrogeant l’univers sur sa place en son sein, le regard perdu dans le lointain, ou contemplant les lueurs crépusculaires de la ville.

Accompagné de Florian Duboé au mixage, de Lola Warin à la batterie et d’Alexandre Delmasaux aux claviers, sa voix à l’allure de supplique révèle sa fragilité à mesure que le morceau prend son envol. De quoi s’enthousiasmer et écouter l’EP entier, pour prolonger sa plongée dans son univers pop introspectif et rêveur.

SOFA –  Looking for Satellite

SOFA, c’est de l’alchimie. Un travail d’orfèvre pour aboutir à un EP de 3 titres ou 17 minutes, co-produit entre Simon Henner (French 79) et Benjamin Faugloire, qui viennent faire cohabiter deux univers pourtant peu enclins à se mélanger.

Au premier les nappes synthétiques, au second les envolées de piano solo, pour un résultat brillant et original. Quelques mois après la sortie de ce projet, ils nous proposent cette semaine une mise à l’image pour l’intégralité des titres. On en arrive donc plus à un court-métrage qu’à un simple clip, co-réalisé par Cauboyz et les étudiants de l’ENSAD Nancy (École Nationale Supérieure d’Art et de Design) qui ont pu être mis·es à contribution et déjà démontrer toute l’étendue de leur talent.

Ielles nous proposent des visuels abstraits et hypnotiques, dont le but tend plus à aider la personne regardant le clip à s’évader et laisser son imagination voguer. Bravo et merci !

Florent Ghys – Hana

Florent Ghys n’a rien d’un musicien ordinaire. Il fait partie de ces artistes pour qui la musique est un matériau, et les instruments ou les techniques numériques, des outils. Violoncelliste de formation, c’est la voie expérimentale que Florent a choisi, mettant son talent au profit de  performances mêlant les sons acoustiques et numériques, ainsi que des enregistrements de la vie courante, comme des bulletins météo ou des bruits de ferme.  De ces associations inattendues résulte une sensation d’environnement global poétique à la fois rythmé et flottant. Avec la sortie de son double album, Ritournelles et Mosaïques, l’artiste bordelais va plus loin dans ses réalisations musicales et visuelles, laissant de côté les interprétations ludiques et plongeant en profondeur dans un univers onirique captivant. C’est le cas du titre Hana, reprenant le texte traduit du japonais de Asa-Chang et Junray. La décomposition des syllabes, remontée comme un collage, nous accroche aux lèvres des acteurs qui s’effacent parfois, laissant l’espace auditif libre à la sensualité des cordes du violoncelle. L’univers de Florent Ghys nous happe, et c’est sans lutter qu’on se laisse glisser dans ses constellations mosaïques musicales.

Gatien – Magie

Le nouveau clip de Gatien, Magie, est sorti aujourd’hui, en ce beau dimanche ensoleillé. Réalisé par Mikael Arnal et produit par La Forêt Électrique, il est soutenu par le Centre National du Cinéma et de l’image animée.

Sous nos yeux encore un brin fatigués se dévoile un bijou onirique, où l’enchantement occupe la place principale. Gatien se transforme en marionnette et replonge, le temps d’un instant, en enfance. Autour de lui, les nuages deviennent des phoques et des dinosaures, les arbres tournoient et le ciel s’embrase. Découverte de la vie, découverte du monde ; les éléments imaginaires s’entremêlent et s’entrechoquent au son de sa voix calme et rassurante. Claquements de doigts, guitare et sonorités électroniques, Gatien nous transporte dans son univers singulier et sincère, où le ciel se pare d’animaux marins et disparus, où la réalité laisse place au charme suranné de l’enfance.

Mathias Malzieu & Daria Nelson – La symphonie du temps qui passe 

Mathias Malzieu revient avec un nouveau titre en duo avec l’artiste ukrainienne Daria Nelson. Etant donné les talents de réalisateur du chanteur, on ne pouvait que s’attendre à un clip plus que cinématographique. C’est un pari gagné pour Le Turk et Sébastien Roignant ! On retrouve dans l’esthétique de La symphonie du temps qui passe une inspiration de Méliès, mais également des éléments faisant échos aux longs métrages de Mathias Malzieu. Il y a Paris, des créatures aquatiques rappelant Une Sirène à Paris, ou encore des engrenages évoquant Jack et la Mécanique du Coeur. Il s’agit d’un premier clip extrait d’un album éponyme qui sortira le 7 octobre 2022. L’assemblage des prochains titres créera une véritable comédie musicale pour accompagner ce disque.

Al-Qasar ft. Lee Ranaldo- Awal اوال 

Le groupe de musique orientale et de rock psyché Al Qasar revient avec un nouveau titre, en featuring avec Lee Ranaldo – nul autre que le fondateur de Sonic Youth. Alors forcément, la chaleur de la route évoquée sur la pochette du vinyle Goo prend comme un parfum du Maghreb, de la musique gnawa du Maroc, du raï de l’Algérie et des classiques égyptiens. Le groupe nous embarque en road trip avec un titre transcendant, transpirant, une course poursuite de longue haleine, atmosphère que retranscrit Ryley Fogg dans le clip. On y aperçoit un motard chevauchant le désert, les oasis et leurs mirages…. 

Loyle Carner – Hate

« Yeah, listen, let me tell you what I hate » – Pour son retour, Loyle Carner frappe fort avec le single Hate. Un son aux lyrics poignants comme il sait si bien les faire, avec une dose de rage supplémentaire transcrite par un plan séquence dans une voiture lancée à pleine allure. Le rappeur chante face caméra, emporté par ses émotions vives, dissocié en quatre entités dans l’enceinte de son véhicule, comme pour appuyer son propos et l’énergie qui le mène et le pourchasse à la fois. Ici, il signe également la réalisation du clip aux côtés de Greg Hackett, une production finalement simple en apparence mais plus qu’efficace pour servir son propos. 

Jeshi – Coffee / National Lottery | COLORS

On suit le rappeur Jeshi, signé chez Because, depuis un bout de temps, et sans surprise, il fait une nouvelle fois partie des dernier·es artistes filmé·es par Colors – il y avait déjà participé quatre ans plus tôt avec le titre Rush. Avec la sortie de son premier album, il signe une session impeccable, mêlant deux de ses titres favoris, Coffee et National Lottery. Fond orange dégradé, gestuelle appuyée et prod soul soft et calibrée. L’artiste enchaîne les succès et nous offre une réinterprétintion sans fausse note, rappelant la maîtrise dont il sait amplement faire preuve en live.