Les clips de la semaine #107 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, la seconde partie de la sélection numéro 107 des clips de la semaine.

KYAN KHOJANDI – J’TE DÉTESTE (J’VOUS SUPPORTE PAS)

Parfois, on se fait des discours dans nos têtes. Des listes des choses qu’on a toujours voulu dire mais qu’on ose pas mettre en forme, qu’on garde en soi car notre éducation ou notre nature nous pousse à les garder cacher.

Ces choses, Kyan Khojandi en a fait une chanson. Un grand jeu de massacre réjouissant portant le doux nom de J’te déteste. Une énumération assez dingue de toutes les personnes qui le rendent dingue allant du pote pique assiette à celui qui n’a jamais voulu filer ses K7 DBZ (on connait ça Kyan, on te soutient). Sur un rythme dingue et sans vraiment de pause, il développe jusqu’à la nausée, cette longue liste qui se termine par… lui même. Parce qu’au fond, on fait sans doute tous parti de la liste d’un autre.

Ce morceau montre, après Hagen-Dasz, une autre facette de lalbum de l’artiste, plus drôle, légère et réjouissante.

Visuellement, c’est une nouvelle fois le choc. Jérémie Levypon, une nouvelle fois derrière la caméra, nous offre un clip dingue, tout en mouvement et rempli de guests et d’hyperviolence. Car après avoir cité SE7EN, c’est du côté de Amerincan Psycho que Kyan nous emmène. Un moment brutal, intense mais qui a aussi pour intérêt de dénoncer l’appétence de la société moderne pour le sang et la lapidation publique. Superbement mis en scène, distillant un certain malaise avec la dose de distance nécessaire pour rendre le tout attirant, le clip est une nouvelle petite pépite qui prouve bien tout le talent mis au service de ce dernier premier album.

Lonny – Comme la fin du monde

Il y a des nouvelles qui vont plaisir à entendre. Celle de l’arrivée prochaine du premier album de Lonny en est une. Attendu depuis un petit moment déjà, Ex-Voto paraitra donc le 22 janvier.

Et une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, on a le plaisir de voir un nouveau single débarquer. Comme la fin du monde est sans doute le morceau qui nous aura le plus marqué en live, le voilà qui se transforme complètement en version studio. Si il garde la même intensité, le titre bénéficie ici des superbes arrangements de Olivier Marguerit apportant une chaleur bien française aux influences très nord-américaines de Lonny, permettant au morceau de réussir là ou beaucoup ont échoué : proposer une musique folk en français.

Dans Comme la fin du monde, on retrouve cette thématique si chère à la musique de Lonny : la dualité. On navigue ici entre la mort et la renaissance, dans des souvenirs évanescents, des histoires de doutes et de fuites, le tout avec la mer jamais vraiment très loin.

Pour accompagner le morceau, Romain Winkler apporte une belle touche cinématographique, qui joue sur les couleurs autant que sur les décors. Des ambiances oniriques et parfois inquiétantes qui transportent Lonny dans cet univers en transition , marqué par l’apparition d’un antagoniste étrange et menaçant qui permet à l’héroïne de ne pas se perdre définitivement.

Toujours passionnant, le petit monde de Lonny se dévoile pièce par pièce, faisant montant l’intérêt et l’attente jusqu’au 22 janvier.

Stav – Avec Moi

On aime bien Stav. On le sait, il le sait, vous le savez. Mais si on aime bien Stav, ce n’est pas sans raisons. Déjà, le bonhomme a la bonne idée de nous offrir des pop songs accessibles et dansante, des petits tubes modernes qui nous font autant danser que sourire.

Ensuite, et c’est tout aussi important, on se sent proche de Stav. Comme lui on est un peu des doux rêveurs, des gens qui ont tendance à se perdre dans leur pensée et à aller chercher le sommeil car nos rêves sont un safe space dans lequel on peut laisser exploser notre imagination.

Et ça tombe bien, parce que Avec Moi parle exactement de tout ça. Mi-naif, mi-lucide, Stav nous raconte cette propension au sommeil et aux rêves, l’importance de s’échapper souvent d’un monde trop brutal et au milieu duquel on ne sent pas forcément à notre place. Alors on fait la fête la nuit et on récupère le jour. Enfin, pas vraiment car le sommeil ouvre les portes d’un autre monde.

La preuve avec le clip de l’excellent Simon Higelin qui nous entraine dans les pensées folles de Stav. Un monde qui défile sur fond vert, ou l’on croise une multitude de déclinaison du héros, à la montagne, dans les airs ou dans une sorte de chambre d’attente où il décidera de quoi seront faites ses aventures du soir.

Stav nous le dit : la vie est beaucoup plus belle quand on la rêve. Honnêtement, on ne peut qu’adhérer à cette philosophie.

Thx4Crying – Alors Je Descends Plus Bas

Thx4Crying est de retour et nos petits cœurs d’emos en manque de chanson pour pleurer et danser sont en joie. Comme toujours, ça fait mouche, tant ce qu’il nous raconte est universel.

Car si Alors Je Descends Plus Bas set bon l’histoire autobiographique, prenant racine dans le milieu de la musique, Thx4Crying nous raconte avant tout l’amour qui va mal,. Une histoire secrète et toxique à laquelle il décide de mettre fin, s’enfonçant malgré lui dans les affres de la douleur et de l’introspection.

Une nouvelle fois, on retrouve ces textures cold-wave et synthétiques associées à ce petit côté baroque et gothique qu’on aime tant chez lui.

Cette imagerie est d’ailleurs parfaitement retranscrite par Florian Salabert avec cette vidéo qui fait penser au meilleur d’Argento et de De Palma. Des références visuelles très 70’s qui nous entraine au cœur d’une messe noire où le prince charmant se transforme en démon et ou la pureté du personnage principal est mise à mal face à la perversion du monde qui l’entoure.

PEREZ – VANILLE

Perez se positionne toujours là où on ne l’attend pas. Graduellement, ses compositions s’écartent de l’univers électro pop de son premier album pour aller vers quelque chose de plus épuré, de plus minimal. Vanille ne se perd pas dans des artifices superficiels mais va à directement à l’essentiel. Une boucle mélodique, aux notes inaltérables, ondule entre les fréquences infra basses et aiguës. Elle nous emporte et nous propulse à terre ou dans les airs, dans l’ombre ou sous la lumière. Sa nature équivoque illustre toute l’ambiguïté que l’on peut ressentir face à la haine ou la violence, entre fascination malsaine et dégoût convenu.  

Les paroles de Perez nous arrivent comme une prière. Une incantation à la déesse Vanille pour édulcorer ce mal qui ronge la société dans laquelle nous vivons. Mais Vanille rime aussi dans le texte avec Vacille. L’ambivalence ne nous quitte pas.  

La vidéo de Florian Jomain et de Sébastien Martinez Barat joue avec ce malaise diffus et cette révolte contenu. Les images choisies ont une forte composante d’agressivité et de violence à la Crash de David Cronenberg. Le montage s’appuyant sur un split screen de trois sections verticales rend leurs visions encore plus frontales. Mais le léger décalage entre elles et surtout le ralenti qui a été utilisé, génèrent une altération de la perception. Elles nous apparaissent alors artificiellement plus supportables et nous interrogent sur le fait que nous puissions, ainsi, mieux les accepter.

Vanille est le premier extrait hypnotique du prochain EP de Perez, Sados, qui sortira le 14 janvier 2022.

Exo Ft Sto – Walk

Le rap francophone regorge d’une diversité déroutante, la connexion entre Exo et Sto le prouve à nouveau avec Walk. Une connexion qui regorge d’énergie sur la frénétique instrumentale de @raidendrilla.

Les flows sont à la fois aériens tout en percutant facilement la prod donnant une alchimie particulière entre les couplets mais le rendu assure une replay value tant le morceau est intense. Le phrasé est également novateur, une sorte de redéfinition de l’égo-trip inspiré par les américains mais aussi par les nouveaux sous-genres du rap qui se remarque de plus en plus comme la plug. 

« Big drip, j’tape une slatt walk
J’vois en double, j’suis posé avec 6 hoes« 

Une énergie particulière qui est accompagné d’un visuel tout aussi rythmé filmé dans les rues parisiennes par @charlotte_ds et @mobiusvisio. 

Tahiti 80 – Hot

Déjà près de 20 ans de carrière pour Tahiti 80 et un style qui n’a toujours pas pris une ride. On les retrouve cette semaine avec le titre Hot, qui nous entraîne dans une balade mélancolique accompagné d’images qui rappellent les clips pop rock des années 90, format 4:3, paroles incrustées et bruit d’image à l’appui. Ça nous rappelle les bonnes heures de Nada Surf, The Verve et tous ces boys bands qui n’ont pas tous eu la longévité dont peut se vanter Tahiti 80, et ça c’est beau.

Pas encore de nouvel album en vue mais on va déjà avoir l’occasion de danser quelques temps au son de la pop entraînante du groupe. Au pire, en attendant la suite on peut toujours se replonger dans leurs (nombreux) opus.

Dafné Kritharas – De Edad de Kinze Anyos

La chanteuse d’origine grecque Dafné Kritharas nous offre un bout d’Orient avec sa reprise de De Edad de Kinze Anyos. La chanson est en ladino, c’est-à-dire en hébreu espagnol. Elle n’est pas originaire de la péninsule ibérique ou encore du Maghreb mais de Turquie. Une partie de la communauté sépharade s’est installée dans de grandes villes turques. Pourtant, ce sont sur des continents n’ont pas physiques mais immatériels que se pose cette reprise.

De Edad de Kinze Anyos semblant s’être échouée sur les rivages d’un amour interdit. Un tourbillon d’émotions que l’on ressent dans la partie instrumentale de la chanson. Qui jongle entre des mélodies mélancoliques jouées à la guitare et des sonorités aussi tremblantes qu’électroniques. Par ailleurs, on aperçoit dans le clip, Paul Barreyre et Camille El Bacha, deux musiciens accompagnant Dafné Kritharas. Le clip est quant à lui réalisé par Mathilde Hirsch (également réalisatrice de la série The Lost Ones, sur Arte). L’atmosphère est brumeuse, brunâtre nous plongeant dans l’univers mystérieux du titre. 

Ëda Diaz – Déja-vu

Comme un air de déjà-vu, avec la chanteuse Ëda Diaz ? Peut-être bien car l’artiste collabore avec d’autres, par exemple Anthony Winzenrieth. C’est en duo qu’éclot Ëda avec un EP du même nom. Derrière Ëda Diaz, il y a une artiste multiple, d’origine franco-colombienne,  à la fois chanteuse et contrebassiste. La musique se fait aller organique comme au travers de ce dernier sigle. Déja-vu s’accompagne d’un clip, illustré par une œuvre de Gaëlle Correa, également colombienne. La saison du clip semble être le printemps. Déja-vu incarne la métaphore même du printemps, de la renaissance. Où il est question d’éclosion, de liberté et de nouveaux départs. Symbolisé par des dessins d’oiseaux. La musique est elle aussi libre que l’air, n’appartenant pas à un genre particulier. Sur un plan plus global, le projet Ëda navigue entre musique psychédélique, voire urbaine avec Nenita, encore tirant toujours sur des racines latino-américaines, avec des airs de salsa. Une artiste de près… avant qu’elle ne s’envole !

Rușan Filiztek – Sans soucis 

C’est autant serein qu’apaisé que Rusan Filiztek, nous offre un premier extrait de son album Sans Souci. Le titre homonyme est en français, pourtant c’est des terres d’Orient que se nourrit la musique de Rusan Filiztek. Musicien et musicologue kurde, l’artiste maître le saz, le tembur comme des chants issus de langues qu’il ne parle pas nécessairement comme l’arabe, le turc  le persan ou encore l’arménien et le grec. Sans souci est un chant traditionnel gallo breton, mais au vu du clip réalisé par Neda Ebadi, aurait pu se dérouler sur les rives de la Méditerranée. Puisqu’on y aperçoit une maison que le soleil caresse, ornée de vignes. On y aperçoit un dessin représentant  Mahda Razzazi danser. Sans Souci, le dernier album de Rusan Filiztek est disponible chez le label Accords Croisés.

Nikola – Au bout de la rue

Sous son nom en alphabet cyrillique, se cache un Bisontin au cœur d’or. Nikola mêle dans son identité musicale mélo et rap. À l’instar de Fils Cara avec lequel il participe à l’émission The Artist, il partage l’inspiration des grands chansonniers et la parlé qui cogne du spoken word. Comme un message de renaissance, Nikola évoque le départ sans oser dire du bout des lèvres, la fin, la mort et le deuil avec Au bout de la rue. Le titre est accompagné d’un clip réalisé par Hector Héritier. On y aperçoit l’artiste en pleine rue, face caméra. Comme si ses précieuses paroles nous étaient directement adressées, données. Le bruit de l’asphalte et de la pluie couvrent peu à peu la mélodie qui porte des paroles poignantes : “Le monde est si étrange; Je monte, j’fais que descendre; Un étranger dans ma tête; J’crois qu’un beau jour, on m’verra plus.” En attendant le départ, Nikola sort son premier EP Une saison en enfance, le 3 décembre.

Marc-Antoine Perrio – Amer feat. Adrien Soleiman

Annonciateur de son premier EP à paraître le 3 décembre, le second single de Marc-Antoine Perrio Amer déploie une composition lente et lumineuse, accompagnée d’Adrien Soleiman aux saxophones et arrangements.

Dans ce titre, Marc-Antoine qui s’est notamment fait connaître par ses riffs mélancoliques au sein de Filago et Retriever prend cette fois le micro pour nous dire la saveur amère des choses qui n’ont pas eu le dénouement escompté.

Le mécanisme apotropaïque de l’amertume se donne à voir comme un rempart aux regrets, « Ici j’ai gardé le goût de l’amer, je n’ai plus le temps de penser à toi ».