Les albums coups de cœur de La Face B : acte IV

2019 est encore dans le rétroviseur, la rédaction de La Face B a donc décidé de partager avec vous les albums qui ont fait battre nos cœurs au cour de l’année 2019. Chaque rédacteur a donc choisi un album qui aura marqué son année. Le mois de janvier se termine, voici notre dernière partie des coups de coeur de l’année avec Balthazar, Temples, Chelsea Wolfe, Love Supreme, Malik Djoudi et Flavien Berger.

Chelsea Wolfe – Birth Of Violence (Céline)

Choisir un album sur toute une année n’est pas une mince à faire. La musique évolue selon nos humeurs, notre réceptivité, notre étonnement. J’ai peut-être écouté plus Morbid Stuff de PUP, ou Man Zoo d’Awir Léon (découverte 2019 !!) mais s’il fallait choisir un album pour 2019, je prendrai Birth of Violence de Chelsea Wolfe. Cette prêtresse des expérimentions mêlant doom, metal et champs lyriques sur ses derniers albums a su nous étonné avec un pur retour à la folk sur son dernier opus. Toujours emprunt de cet univers gothique qui lui est propre, elle nous montre qu’elle n’a pas besoin de plus qu’une guitare et de sa voix sublime pour nous faire hérisser les poils tant les émotions sont fortes à l’écoute.  Se renouveler, nous toucher au travers ce voyage dans une Amérique profonde sans fioriture, un album qui vieillira bien et restera dans mes écoutes pendant encore un long moment.

Temples – Hot Motion (Estelle MP)

Produire de magnifiques albums, Temples n’en est plus à son coup d’essai. Enregistré dans la maison du chanteur et producteur James Bagshaw dans les Midlands dont ils sont originaires, le 3e album du groupe Hot motion à de quoi ravir les excités du rock psyché britannique.Très rarement décevants, souvent étincelants, les morceaux du groupe fleurent bon le rock tapageur popéifié à bonne dose. Porté par l’envoûtante voix du chanteur, le joyeux quatuor aborde chaque titre avec un motif musical éclatant et une couleur unique estampillée Temples. A égalité sur cet album, les titres Hot Motion et Holy Horses sont les deux fers de lance d’un ensemble qui tend à captiver les plus réticents. Le délicieux Step down aussi amusant que l’esthétique sonore en est affirmée, résonne comme un avertissement, tout comme The Howl et ses percussions qui servent un discours pragmatique : lève la tête et exprime-toi. Assurément la balade Monuments réveille quant à elle nos émois tandis que Temples nous lâche doucement la main pour clore cet album. En somme, un méli-mélo d’états d’âmes, une musique riche et habilement construire, complexe sans être inaccessible, un tout qui en fait, à mon sens l’un des meilleurs album de cette année 2019.

Balthazar – Fever (Camille S)

Parfois il est compliqué de mettre des mots sur une chanson, voire même sur plusieurs. Lorsqu’il ne s’agit pas de consonnes, de voyelles, mais de pulsations, de rythmiques qui nous saisissent. J’ai découvert le titre Entertainment de Balthazar dans l’émission Tout foutre on air sur Radio Campus Paris. Coup de coeur, déclic. D’un trait [néologisme. masculin plus esthétique que “d’une traite”] j’écoute Fever. Il y a quelque de lumineux, quasi transcendant. On est saisi par la musique tout au long de l’album. Chaque titre est une nouveauté mais reste dans l’harmonie du disque. Ça m’a fait du bien d’avoir un album que je pouvais écouter sans penser à rien, sans être renvoyé aux souvenirs [qu’ils soient bons ou mauvais]. Cet album est pour une moi une respiration, une pause, dans laquelle on oublie tout, on en envoie tout foutre en l’air. 

Love Supreme – Love Supreme (Martin)

Love Supreme, on vous l’a déjà dit, c’est que de l’amour. Au sein d’une année avec beaucoup de qualités (j’aurais également pu citer French 79, Blick Bassy ou encore Loyle Carner…), c’est l’album qui m’a le plus parlé et le plus surpris. Un son d’une profondeur inouïe, des synthétiseurs qui arrachent des larmes et bien évidemment cette voix, tellement belle, tellement grave. C’est avec délectation et excitation que l’on voit apparaître les premières date de tournée du duo dont la proposition m’a saisi, et j’espère vous y retrouver. J’ai déjà hâte de voir ce que 2020 nous réserve comme nouvelles formations qui vont ravir nos oreilles.

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Malik Djoudi – Tempéraments (Charles)

Délicatesse et chant en français acte II. Je pense honnêtement qu’il y a peu d’albums qui m’ont autant suivi en cette année 2019 que le second opus de Malik Djoudi. Cette histoire d’amour commence même en 2018, une première rencontre à Roubaix en novembre, jour de blocage des gilets jaunes et la découverte de Tempéraments sur scène. Un concert de nuit, intense, classieux à l’image de la personne de qui émane cette musique aussi belle qu’énigmatique. Et puis la découverte de cet album, de ces tempéraments multiples, de ces vapeurs nocturnes, de cette beauté délicate et de cette voix. Beaucoup de concerts, des interviews, des interviews et une connexion autant musicale qu’humaine. Je raconte tout ça, car la musique de Malik Djoudi est indissociable de sa personne : profondément chaleureuse, humaine et douce. Dans cet album, que beaucoup qualifie à tort de pop synthétique, c’est surtout l’humanité d’un homme qui transpire, avec cette voix hallucinante qui porte haut et fort les mots à la fois naturels et fantasmés. En rentre dans les pensées, dans les carnets de note d’un homme qui ne manque jamais de nous surprendre. Il est impossible de ne pas tomber amoureux de la musique de Malik Djoudi, impossible de ne pas trembler en écoutant Aussi Jolie, Train de Nuit ou Épouser La Nuit. Impossible de ne pas danser sur Tempéraments ou Belles Sueurs. Impossible de ne pas sourire avec bienveillance devant ce passage de flambeau qu’est A tes côtés. Tempéraments est un album de textures, un album de poète, un album d’amoureux des images et de la musique. Un album qui met de côté le « moi-doute » pour affirmé toute la singularité d’un artiste que je ne cesserais jamais d’aimer. Merci Malik (et j’ai très hâte d’écouter cette version étendue de ton album).

Flavien Berger © Valérie Le Guern, Maya de Mondragon, Juliette Gelli

Flavien Berger – radio contre-temps (Marie)

« Oh… bonjour… radio contre-temps, la radio des morceaux qui n’existent pas encore. Résonnance de la salle à manger de La Barrière, libellule en visuel… je vais vous faire écouter des morceaux et vous dire que ce que j’aimerais en faire… L’idée c’est de vous faire écouter les morceaux en cours, là où j’en suis, là où j’aimerais aller… C’est un instantané de travail, alors c’est parti on embarque sur les ondes de radio contre-temps : la radio des morceaux qui n’existent pas encore… » Rien de mieux que l’intro de Flavien Berger pour résumer l’idée de cet album-concept. radio contre-temps est sorti environ un an après Contre-Temps (son second album, après Léviathan en 2015), et il alterne des plages instrumentales, des morceaux chantés et des enregistrements vocaux, où Flavien Berger nous commente ce qu’il est en train de faire. C’est un album très proche du documentaire radiophonique, et on sait que Flavien Berger a d’ores et déjà adopté les techniques du documentaire radiophonique, armé d’un enregistreur auio de type Zoom, à collecter des sons du quotidien, des bruitages, des moments de vie, comme dans le titre “le jeu de qui est qui”… Il s’amuse aussi à reprendre l’esthétique radiophonique en imitant les « habillages d’antenne » qui vont répéter le nom de la radio, parsemant ainsi ses titres de petits jingles : « radio radio contre-teeemps… » ou encore « on est toujours sur les ondes de radio contre-temps ! ». Et pour celles et ceux qui ont déjà vu Flavien Berger en concert, on découvre ainsi la genèse de la scénographie de sa dernière tournée, pour l’album Contre-Temps. Ainsi dans le titre “karaoké (couteau aztèque)” il raconte qu’il a imaginé ce titre en pensant à la scène, avec plein de stroboscopes et des silhouettes qui apparaissent… Cet album est une véritable petite pépite musicale, où on se retrouve plongé dans le processus de l’artiste en pleine création, il nous fait entendre ses questionnements, ses doutes, ses désirs… comme lorsqu’il aimerait remplacer les choeurs qu’on entend par des cuivres ou des instruments à vent sans savoir lesquels… dans le morceau “en même temps” ou alors lorsqu’il nous balance draps qu’il n’est vraiment garanti qu’il continue à travailler ce morceau pour la suite mais qui a le mérite d’exister. C’est un très beau cadeau que nous fait Flavien Berger, un cadeau intime, subtil, plein de confiance et de générosité, puisqu’il y dévoile aussi des échecs comme dans le très bref “tour albatros sin test 01”. Bref, un objet précieux, avec des pointes d’humour, émouvant et terriblement inspirant !