Le Groupe Obscur : « Notre musique c’est des éclats de lumière pop dans un orage de gothisme »

Récemment Le Groupe Obscur nous a subjugués avec la sortie de son premier EP Selesȼa. On a donc pris le temps de leur poser quelques questions pour tenter de percer le mystère de leur musique et de leur langue, l’obscurien. L’occasion aussi de parler de leur rencontre avec leur label Midnight Special Records mais aussi de l’influence de leur région sur leur musique.

La Vague Parallèle : Salut Le Groupe Obscur, comment ça va ?
Le Groupe Obscur : Selesȼa nexȼlata La Vague Parallèle. Et comme on dirait en obscurien : temelata ! Sotostëan. (super, on se sent bien).

LVP : Vous sortez votre premier EP chez Midnight Special Records, comment s’est passée votre rencontre ?
LGO : Il y a quelques temps déjà, nous avions été attirés par ce nom de label crépusculaire et jazzy, susceptible de receler quelques nocturnes pépites. Alors, nous avons profité du coup de projecteur apporté par les Transmusicales fin 2017 pour faire parvenir par voie postale à Victor et Marius une obscure missive agrémentée de petits dessins cabalistiques faits au crayon de couleur. Victor nous a répondu avec son ordinateur, et on lui a renvoyé une vidéo des Ondes Obscures méga flippante tournée sur-mesure en guise d’invitation à notre prochain concert. Il est venu, et heureusement pour la suite de l’histoire, le show lui a plu.

C’était important pour nous de nous lier à un label qui soit sensible bien sûr à notre musique, mais également à toute notre démarche. Les Midnight Special ont ce truc précieux d’être une bande de potes – dont plein de filles ! – hyperactifs, mélomanes, débrouillards et plutôt bien fun. Les astres étaient donc parfaitement alignés pour la réunion en orbite de nos deux ship crews. En nëon stolea (et nous y voilà).

LVP : Quand j’écoute votre musique, j’ai l’impression d’une musique faite pour guider et bercer les rêves. Quelle place prend l’onirisme dans votre processus créatif ?
LGO : En fait on ne pense pas le rêve comme parallèle au réel. Nous sommes des êtres capables de projections et ces projections font partie intégrante de ce que nous sommes, alors pourquoi vouloir les contenir dans l’espace onirique ? Recourir au rêve pour justifier ce que l’on crée, c’est quelque part ne pas vouloir donner une place à sa création dans le réel. On vit les yeux fermés, on dort les yeux ouverts. Adventure Time style.

LVP : Il y a aussi un fort côté spirituel non ?
LGO : Si par spirituel tu fais référence à l’immatériel, oui, dans un sens plus philosophique, ou énergique, que religieux. La musique est impalpable, on tente de la saisir et elle nous échappe toujours. Alors on brode autour de ce mystère. Si on pouvait tout expliquer, ça deviendrait clair, et on serait plus obscur, et on ne pourrait plus exister.

LVP : De la musique aux costumes en passant par votre mise en scène, vous faites tout vous-mêmes, ce qui rend le projet assez total. Le Groupe Obscur c’est un groupe ? Un collectif ? Une secte ?
LGO : On est un rock band ! Nous sommes cinq copains avec un pré-lgo commun, ça veut dire qu’on partage plein de trucs ensemble au quotidien et que cela influe dans notre dynamique. La création est appelée par la création, mais pas que, elle a besoin d’être nourrie, stimulée par des champs autres que l’artistique comme le relationnel, la politique. L’aspect un peu tentaculaire que prend notre activité résulte de cette émulsion : on a décidé que toutes nos envies et revendications trouveraient leur place dans LGO, ce qui passe par la démonstration permanente qu’on joue ce que l’on veut, s’habille comme on veut, chante comme on veut, et que l’on a pas besoin de l’appellation de collectif artistique pour le faire. Et puis on se marre bien. Le côté DIY que tu évoques nous permet de garder un rapport direct, un lien précieux entre nous et notre musique. En fait c’est assez simple :

Free your mind and your ass will follow (…)

Freedom is free of the need to be free (…) Funkadelic

LVP : Ce que j’aime aussi dans votre musique c’est qu’elle n’a pas peur de mettre en avant les contradictions. Est-ce important pour vous de jouer sans cesse avec les contraires ?
LGO : Oui ! Nos influences musicales et esthétiques sont très variées, comme le sont nos personnalités. Les forces contraires s’équilibrent constamment et c’est ce relief qui partout dans l’existence nous attire. C’est comme ça que fonctionne le monde, on ne fait que suivre le mouvement cosmique ! Musicalement cela traduit notre tendance à contrebalancer ce que l’on propose, en alternant les éclairages dans l’harmonie, les dynamiques, l’espace, le texte, etc, pour que notre musique se complète. Quelqu’un a dit qu’on faisait de la goth pop, ce qui convient plutôt pas mal. Des éclats de lumière pop dans un orage de gothisme fun et paf, ça fait du Groupe Obscur.

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LVP : Le fait d’utiliser un langage imaginaire, l’obscurien, permet de faire tanguer votre musique du côté de l’impalpable plutôt que du rationnel et du cartésien. Était-ce important pour vous d’essayer d’échapper à l’intellectualisation de votre musique ?
LGO : On n’est pas conceptuels. C’est une quête de sensations et d’émotions fortes qui nous fait nous renouveler tout le temps et tester plein de trucs en y allant à fond. Dans la musique comme dans la fabrication d’objets, nos expériences génèrent de nouvelles envies. On élague, on retravaille, on ramifie à mort une impulsion pour laquelle on a bien préparé le terrain, mais que l’on a pas forcée à naître. Lorsque les choses sont denses, déconcertantes ou hors-normes, on a tendance à vouloir les trouver complexes. Notre monde n’est pas complexe ou hermétique. On n’a pas d’objection à ce que notre musique soit intellectualisée si certains on besoin de passer par là pour la recevoir car c’est aussi une façon d’y réagir et de s’exprimer, mais ce n’est pas notre méthode d’écriture. On veut une musique sincère et directe qui recèlerait de trésors, comme de grandes portes ouvertes avec plein de trucs cool derrière dont une perpétuelle boum déguisée.

LVP : Ce langage permet aussi de transformer la voix, assez unique, en instrument. De lui offrir des modulations et des intonations qui la mettent au même niveau que les instruments.
LGO : C’est vrai que la langue amène dans le chant une forme de contrainte, qui peut être domptée pour que soit sublimée la parole. Un an après la naissance de LGO, alors que le chant avait commencé à trouver son caractère mélismatique, « serpentique », parfois plus scandé dans un esprit de chant traditionnel, nous avons commencé à ébaucher notre propre langage afin qu’il se fonde mieux à nos mélodies. La musique précède toujours le texte, qui se pose sur la voix sous forme de glossolalie avant de trouver ses véritables lettres. L’obscurien permet de s’approcher le plus fidèlement de cette mélodie première, sauf lorsque les compositions viennent directement en français, que l’on conserve alors telles quelles.

LVP : C’est important pour vous de laisser une part à l’imaginaire dans la façon dont votre musique est perçue ?
LGO : La musique, quelle qu’elle soit et qu’importe son genre, fait par essence appel à l’imaginaire. Comme on le disait plus haut, la musique est impalpable, relative, mouvante, et c’est ce qui la rend si puissante. Tout ce qui l’enrobe (vidéos, visuels, décorum…) ne sont que des propositions, que nous revisitons constamment au rythme de nos propres interprétations. Récemment des gens on pris l’initiative de reposter nos chansons sur YouTube avec leurs propres vidéos. On a eu un medley de savane et un cube kaléidoscopique. C’était génial de trouver ça, c’est ce qu’on veut, on était trop contents. Rien n’est figé, l’imaginaire est une turbine en titane !

LVP : En quoi votre origine géographique influence-t-elle votre art ? Que ce soit dans le mysticisme, les costumes etc…
LGO : La Bretagne est pas loin des côtes anglaises, il y a de la dream-pop dans le vent ! Nous sommes bien sûr familiers et sensibles à la culture celtique, dont émane l’évocation des grands espaces, de la mélancolie et du mystère présent dans notre musique. Nous sommes aussi entourés de copains qui font du trad, on écoute pas mal de musique irlandaise (Planxty par exemple) ; ce sont des atmosphères musicales très chaleureuses. Si nous ne sommes pas nous-mêmes directement acteurs de cette culture, on baigne dedans en habitant à Rennes. Pour ce qui est des costumes, on reste quand même vachement plus cape de druide que coiffe bigouden (mais qui sait, avec des diodes à l’intérieur ça pourrait être carrément mortel).

LVP : Est ce que l’effet recherché par votre musique ne serait pas tout simplement d’échapper au réel ?
LGO : Au contraire. La grande fête de Le Groupe Obscur c’est ici et maintenant et tout le monde est invité ! Tchin-tchinouille ! (à la bonne vôtre!)