Laure Briard – s’envole pour le Brésil

Avec son nouvel EP Eu Voo (je vole), Laure Briard s’ouvre, pour notre plus grand plaisir, une parenthèse brésilienne caliente.

Un doux parfum psychédélique des sixties exhale habituellement des chansons de Laure Briard. Pourtant depuis longtemps, des accords de bossa nova titillent aussi son cortex auditif. Et alors, elle se trouve emportée par le vent d’autan qui se lève sur Toulouse, au-delà de l’Occitanie, au-delà de l’Aquitaine et poussée par les alizés jusqu’aux côtes brésiliennes par-delà l’Atlantique.

Crédits : Inès Ziouane

Née du l’union de la samba et du cool jazz, la bossa nova conserve le rythme enjoué du premier et du second l’émotion et la nonchalance. Cette fusion éveille une mélodieuse mélancolie qui sied parfaitement à l’image que l’on a du Brésil terre de toutes les utopies mais aussi terre de contrastes – entre les favelas et les plages d’Ipanema.

Depuis que Marcel Camus nous a communiqué le virus de la bossa nova grâce à son film Orfeu Negro, la chanson française s’est prise d’affection pour cette musique. On pourrait citer Henri Salvador et son Jardin d’hiver composé par Benjamin Biolay et Keren Ann ou encore les Bords de Seine sur l’album Eden Astrud Gilberto avait accompagné Etienne Daho le temps d’une balade musicale. Aujourd’hui la scène française en est encore éprise et de nombreux projets – les Tropicléa de Cléa Vincent, Voyou ou Sahara s’en émoustillent.

Laure Briard partage avec Astrud Gilberto une manière de chanter à l’instinct qui prend soin d’adapter sa voix à la mélodie. Pour son second EP brésilien Laure panache la bossa nova de sons psychédéliques et progressifs. Dans sa conception, elle a retrouvé ceux qui sont devenus sa famille auriverde. Une famille de cœur qu’elle s’est constituée autour des membres du groupe de musique des Boogarins. Elle avait rencontré ce groupe psyché brésilien en 2017 lors des festivals Nrmal de Mexico et du South by Southwest (SXSW) d’Austin au Texas. Ils avaient partagé leurs affiches. Une amitié riche en collaborations est née de cette rencontre, deux tournées au Brésil en 2017 puis en 2019, un premier EP Coração Louco paru en 2018 et donc son nouvel EP, Eu Voo, enregistré au studio Dissenso à Sao Paolo en janvier 2020 juste avant la crise sanitaire.

La chanson éponyme de l’EP, Eu Voo (je vole) qui ouvre l’EP avait été écrite en 2018 mais n’avait pas pu être intégrée à Coração Louco faute de temps. Elle évoque un amour qui se consomme à distance – séparés par l’océan. Les paroles se répondent comme les vagues déferlant sur une plage, entre flux et reflux, entre joie et tristesse. Eu Voo a fait l’objet d’un clip joliment poétique réalisé par Norma.

On abandonne la mélancolie pour la sensualité dans Morena na Janela (une brune à la fenêtre), écrite par Flavia Carolina Almeida, la sœur de Dino le chanteur des Boogarins. A fur et à mesure que la nuit se fait suave, les aspirations deviennent charnelles – « Ô não demora » (ne tarde pas). La basse et les percussions se font déhanchées. Les voix se répondent. La température monte.

Les sentiments amoureux se décryptent dans Nao me diz nada (Ne me dis rien). Pas besoin de parler, les gestes, les attitudes se déchiffrent d’eux-mêmes. Dans cette composition signée par Laure Briard et Pieuvre (Vincent Guyot), son comparse de toujours, les envolées de guitare de Benke Ferraz – à la Carlos Santana – s’opposent à la douceur de la clarinette – « Te vejo tentando disfarçar » (Je te vois essayer de te déguiser).

L’ambiance devient plus céleste avec Pássaros (les oiseaux) proposé par Fernando « Dino » Almeida. Délicatement, la ligne musicale – simplement rythmée par les accords d’une guitare – accompagne tout au long du morceau et conduit avec indolence vers un apaisement que l’on sent salvateur.

Supertrama surprend par sa composition très cinématographique, une ligne mélodique forte imaginée par Laure sur des textes signés par Giovani Cidreira, musicien originaire de Salvadore de Bahia rencontré grâce aux Boogarins. Une intrigue se forge à partir d’une succession d’images juxtaposées – comme lorsque l’on assemble les pièces d’un puzzle.

L’EP se referme sur Respire un morceau à la dimension plus mystique. Fruit lui aussi d’une collaboration, contrairement à Supertrama, Laure a amené le texte et non la mélodie. La thématique lui est chère. Elle évoque Yemanja déesse protectrice de la mer, de la famille, de la fertilité et des femmes. Gabriela Deptulski du groupe My magical glowing lens l’a mise en musique. On y découvre une mise en abime musicale et des superpositions de voix que l’on aurait pu trouver dans Moodoïd ou dans Melody’s Echo Chamber. Une guitare égrène les notes comme dans les premiers albums de Genesis. Enroulées par une basse omniprésente, les nappes musicales se font assurément psychédéliques.

Voyage encore réussi en compagnie de Laure Briard où l’on partage au travers de six titres son amour du Brésil. Il ne s’agit pas là d’un amour carte postale mais de celui que l’on vit – intérieurement et intensément – entouré de ses amis brésiliens. On se rend compte que faisant fi des distances et des différences culturelles, la musique est toujours ce messager qui tisse le lien permettant ces rapprochements réjouissants.  

Midnight Special Records a tenu une fois de plus son rôle de label catalyseur qui facilite la concrétisation de telles aventures.