La toute première interview de Fils Cara

Comme un petit trésor caché avant Noël, on avait gardé dans notre hotte une petite surprise : la toute première interview que Fils Cara ait donné. On avait rencontré le petit prodige de Microqlima sous le soleil de plomb de Rock en Seine afin de faire les présentations. Alors qu’il sort aujourd’hui son troisième clip, on vous offre donc cet entretien tendre et spécial.

La Face B : Comment ça va ?

Fils Cara: Ca va très bien, malgré tout le soleil cogne très fort, ça fait depuis We Love Green que ça n’a pas tapé aussi fort et là on est à Rock en Seine donc tout va bien finalement, content d’être là, d’avoir fait tous les festivals cool de l’été.

LFB : On va faire les présentations, qui es-tu Fils Cara?

FC : Alors qui suis-je ? Comme marqué dans ma bio, je ne suis rien d’autre que l’enfant de ma mère ; en fait Cara c’est ma mère, c’est son prénom, elle est sicilienne, elle nous a élevés avec mon petit frère Francis qui joue avec moi sur scène. Sinon je suis un jeune vingtenaire tout ce qu’il y a de plus classique, j’habite à Paris depuis un an et on a lancé le projet à peu près donc là ça fait 8 ou 9 mois qu’on est avec le label et qu’on travaille, on fait de la musique.

LFB : C’est un projet familial finalement ?

FC : Ouais si tu veux, quand tu dis familial j’ai l’impression de l’entendre comme entreprise familiale, comme une SARL de maçonnerie même si au final c’est un peu ça, on n’est pas des artisans, on a des prétentions moins grandes que le travail de l’artisan, on fait juste des chansons, c’est pas terrible mais on fait quand même des chansons. Et oui effectivement je travaille en famille avec mon petit frère mais les autres membres de ma famille sont moins impliqués là dedans, ma mère elle kiffe ce que je fais, mon père il est au courant mais ils sont plus ensemble, voilà le principe.

LFB : Pour l’instant les gens ne connaissent qu’une seule de tes chansons car c’est la seule qui est sortie, tu as déjà fait des concerts, est-ce que du coup tu observes les réactions des gens sur des chansons qu’ils ne connaissent pas ?

FC : Ouais justement, je me dis que j’ai beaucoup de chance d’avoir pu commencer à faire des concerts et surtout autant de concerts avant de sortir des morceaux, parce que même avant Nanna j’ai commencé à jouer sur scène, c’était dans une formule qui était complètement différente donc j’ai eu le temps de me crasher, on était 3 sur scène, c’était nul, finalement on est plus que deux maintenant, on a resserré les liens et tout marche bien mieux. C’est une chance de pouvoir faire des concerts quand les gens ne te connaissent pas parce que t’as des réactions qui sont très brutes et très pures sur ce que tu fais. Ce qui est cool aussi c’est qu’on fait des scènes qui sont relativement à notre taille, des premières parties, là We Love Green et Rock en Seine c’était inespéré, c’est énorme pour nous, on s’est un peu testés sur Pete the Monkey et là il faut se calmer, on va attaquer la tournée avec des salles petites donc là faut qu’on descende un peu de nos grands chevaux.

LFB : Il y a la Boule Noire qui arrive…

FC : Oui et c’est d’ailleurs par ce genre de salles qu’il faut commencer tu vois…

LFB : Tu veux faire les choses progressivement ?

FC : Oui, j’ai pas du tout de prétention à défoncer une scène parce qu’être artiste c’est un charisme à trouver aussi, dans le sens conceptuel du terme et même organique, moi je ne peux pas trouver tout de suite qui je suis. Parce que même si tu fais des concerts, admettons qu’on ait 40 minutes de set, ça reste que 40 minutes et de nouveau 40 minutes 15 jours après, mais si tu remets ça au temps d’un film, on n’en est même pas à 3h de film.

LFB : Les réactions des gens, elles sont bonnes ?

FC : Ouais, de plus en plus, là j’ai de gens qui viennent me voir après les concerts, ce qui est intéressant aussi c’est qu’il y a les réseaux, t’as des gens qui m’envoient des messages “comment il s’appelle ce morceau où t’as dis contre-jour” ou je ne sais quel mot qu’ils ont retenu, du coup je peux leur dire le titre du morceau, et leur dire que ça sort bientôt donc les réseaux pour ça c’est formidable.

LFB : Pour avoir pu écouter ton EP, je trouve qu’il y a une vraie sincérité dans tes paroles et une vraie recherche, et justement je me demandais si tu vois ta musique comme une espèce de thérapie. Tu t’inspires de ton réel ?

FC : Il y a plusieurs choses, moi mon travail c’est l’écriture à la base, si tu veux j’ai commencé par ça, je ne faisais pas de musique avant mais j’écrivais déjà, et je suis venu au rap par l’écriture. J’écrivais des petits poèmes et des trucs bizarres et je me suis aperçu que c’était rythmique comme écriture, j’écoutais les Sages Poètes de la Rue, des trucs à l’ancienne et j’me suis dit faut que je fasse un truc, d’autant plus que c’est la première musique à laquelle je suis sensible et la première musique que je connais.
Maintenant je suis en train de dévier vers des trucs un peu plus rock et une pensée plus grunge de l’affaire mais en fait la musique j’y suis venu par là. 
Pour répondre à ta question sur la catharsis, je ne pense pas parce que ce serait très présomptueux, pour moi c’est le spectateur qui vit la catharsis par rapport à toi, moi il n’y a rien de cathartique dans ce que je fais, je suis juste dans une démonstration, ce que je suis en train de faire en fait c’est effectivement régurgiter mon réel. Il y a des trucs assez romancés mais je fais pas de storytelling, donc en fait c’est comment romancer, contourner le réel, d’aller d’un point A à un point B, c’est comme l’harmonie d’un morceau quand tu fais un passage d’accord, de sol à do en passant par Nanna.

LFB : Je trouve que tu utilises beaucoup les assonances, et je me demandais si faire de ta voix un instrument à part entière, un truc qui groove et a une vraie rythmique propre, c’était une idée que tu avais dès le départ ou c’est quelque chose que tu as travaillé au fur et à mesure?

FC : Non c’était de base en fait, parce que les mecs dont je suis fan au départ moi c’était des mecs comme Dany Dan qui a un certain âge maintenant mais qui avait une approche différente, tu te rends compte que la musique c’était pas leur priorité et que leur priorité c’était le dire tu vois. 
Maintenant j’ai un problème, c’est que la musique est en train de surpasser mon réel écrit, tu verras sur scène c’est complètement différent, je change les toplines en plein milieu du morceau, je me rapproche vraiment plus d’une dynamique de jazz ou de rock. Nanna je la chante pas du tout pareil sur le disque que sur scène, et pour moi c’est impossible de faire la même chose, c’est être à côté de la plaque, parfois j’ai des réarrangements avec une petite guitare sur le morceau alors qu’il n’y en a pas sur le disque, ouais c’est un autre monde le live.

LFB : Justement comment tu en es venu à bosser avec Microqlima, qui n’est pas forcément un label orienté vers des artistes rap au départ…

FC : En fait je reçois un message en août dernier, donc ça fait pile un an, Antoine Bisou t’a envoyé un mail “formidable ta chanson”, parce qu’avant j’agissais sous le nom de Clay, j’avais sorti deux EP de rap mais complètement à la mer, et le mec me dit elle est chaude ta chanson Ariane Mnouchkine, une grande metteuse en scène du théâtre du soleil à Paris et une autrice très engagée et moi je suis fanatique des auteurs que ce soit dans le rap ou aussi des dramaturges.
Du coup il me dit « c’est cool, fais un concert au Barboteur à la Houle Sentimentale de septembre », je lui dis « ok on y va », le concert était pourri mais Bisou il a senti un petit truc et après on s’est revu, on s’est parlé, je lui ai fait écouter mes maquettes dont Nanna, Contre-jour et Cigogne, il me dit « c’est super viens on travaille ensemble » et c’est là que je me suis dis je suis un rappeur je vais travailler avec un label qui est pop indé… Bah en fait, viens on s’amuse !

LFB : Et c’est ce qui est intéressant parce que ta musique dévie un peu des clichés du rap actuel, tes productions sont hyper soignées mais elles sont surtout atmosphériques..

FC : Ca c’est Osha, pour les prods. 

LFB : Mais il y a une vraie recherche, de faire du rap tout en s’en éloignant.

FC : Ouais ça c’est pas de ma faute, j’ai remarqué que plus j’écoutais du rap, plus je faisais des chansons qui s’éloignaient du rap, parce que ma vie c’est me lever, écouter Niska, Hugo TSR, j’en sais rien peu importe, j’écoute du rap, je kiffe ça et je kiffe aussi plein d’autres trucs notamment la folk et le rock…

LFB : Il me semble qu’à Pete the Monkey tu as donné un concert ou les gens t’écoutaient au casque ?

FC : Ouais ça c’était formidable, le concept s’appelle Silent Disco.

LFB : C’est un truc que tu envisages de refaire?

FC : Ouais grave, j’aimerais même faire ma release comme ça parce qu’en fait j’ai jamais vécu un concert en étant aussi à fond, ça n’a rien à voir avec du son studio parce que t’as l’impression que t’es direct dans les oreilles du spectateur. C’est complètement évident ce que je dis mais ça va plus loin que juste un casque, le son il va directement à l’intérieur de son cerveau, si t’as une pensée chimique, microscopique du truc, le son il arrive vraiment en plein milieu de son cerveau et je trouve ça formidable. Il y a plus de proximité, t’as des mecs qui t’écoutent à 300 mètres de là, qui ne te voient pas mais qui t’écoutent quand même, y’a des gens qui sont venus me voir et qui m’ont dit « je t’ai écouté depuis l’espace VIP », c’est quand même incroyable.

LFB : En plus tu n’es pas parasité par l’extérieur, en concert tu as les gens qui parlent.

FC : Exact, et je trouve ça bien  pour le spectateur d’avoir le choix et de pouvoir enlever le casque pendant le concert et parler à quelqu’un d’autre.

LFB : A part l’EP qui va sortir, c’est quoi le futur pour Fils Cara ?

FC : Il y a 3 clips qui sont dans la boite, le projet sort bientôt et puis tout le reste ça va être surtout de construire encore le personnage sur scène, notamment à La Boule Noire, faire des chansons, je suis sur le deuxième disque à partir de septembre et ouais en fait le futur c’est ça, faire un deuxième disque en or.

Photo : Alphonse Terrier