La Miellerie : « La chance d’avoir été bien entourés »

Duo de beatmaker basé dans la capitale belge, Siméon et BBL constitue La Miellerie. C’est dans leur studio de Schaerbeek que nous avons discuté pendant une heure avec les deux hommes pour la sortie de leur projet Première Récolte, une mixtape qui fait flotter fièrement les couleurs noirs-jaunes-rouges du drapeau belge avec des invités issus des deux côtés de la frontière linguistique du plat pays. On a eu l’occasion de revenir sur cette différence de langue, le métier de producteur et également de la scène rap en Belgique au fil du temps dans une discussion très complète.

LFB : Comment vous appréhender la sortie du projet ?

Siméon : Là, ça va. On a eu des retours sur le premier single (Dragon Ball Ft Elengi Ya Trafic, ndlr) assez cool alors que c’est vraiment totalement en indépendant. C’est la première fois que l’on sort quelque chose en tant qu’artiste. Donc moi, je trouve que ça va !
Le but c’est aussi de présenter ce que l’on fait dans l’objectif d’aller encore plus haut. Du coup, on est pas en train de mettre la « barre trop haute ». On sait qu’on arrive un peu comme des nouveaux pour certains, même si des gens nous connaissent depuis longtemps. Moi personnellement ça va, on est cool, on fait les mixs, on continue de bosser sur d’autres choses.

BBL : Je pense que chaque session on la prends hyper au sérieux, même si on rigole toujours beaucoup mais on veut faire quelque chose de bien. Mais, avec le temps, on a un peu développé ce truc où à un moment, ça « nous concerne plus ». On fait vraiment de notre mieux le mixage, la direction artistique de la session,… Chaque choix de mix, de son, comptent mais comme Siméon dit, il n’y a pas cette attente comme si on était au deuxième album et que tout le monde nous attendait. Du coup, ça fait plaisir d’avoir des retours et même simplement de pouvoir faire un album.
Je pense qu’on est assez relaxé, content et toujours focus.

LFB : Comme vous l’avez dit, c’est votre premier projet, mais cela fait quelques temps que vous êtes dans le milieu, pourriez-vous vous présentez un peu ce qu’est La Miellerie ?

Siméon : La Miellerie est fondée exactement en 2018 d’après nos sources, mais on est pas sur.

BBL : 2019 je crois.

Siméon : On a pas de dates exactes de quand La Miellerie s’est fondée, mais ça faisait longtemps que BBL bossait sur ses instrumentales de son côté. Moi aussi, un peu moins longtemps mais j’ai commencé un peu prés dans la même période. Un moment on s’est capté tellement de fois en bossant ensemble qu’on s’est dit qu’on allait faire quelque chose de cette collaboration qui ne faisait que de revenir.

BBL : C’est ça, l’idée c’était que ça soit lui ou moi qui produise, on allait « sacrifier » nos noms et mettre un maximum La Miellerie en avant pour qu’il y ait un peu ce truc où par exemple, là on fait une playlist, il y a pleins de morceaux où l’on n’est pas à deux.
C’est aussi pour que le nom revienne, qu’il y ait un impact un peu plus grand. Ça c’est fait assez naturellement, on bossait déjà beaucoup à deux avant de mettre un nom, je pense que c’est important aussi que ça se fasse un peu par la force des choses. Ça a prit du temps et maintenant, c’est beaucoup plus calculé, on a un manager, quelqu’un qui gère les réseaux sociaux, un attaché de presse. On essaye d’ancrer, d’en faire une marque et à terme peut-être même signer d’autres producteurs. On a mis le nom pour qu’il valent plus sur le marché que juste deux individus. Du coup, si quelqu’un signe avec nous, il est identifiable par ce qu’on a pu faire par le passé. Même si on fait des erreurs, ça sera toujours protégé par La Miellerie.

LFB : Du coup pour le moment vous êtes deux, mais tu viens de dire que potentiellement vous pourriez signer d’autres gens, c’est aussi une de volontés de La Miellerie ?

Siméon : Après, c’est vraiment pas dans un premier temps. On y a déjà pensé, pour nous l’aboutissement de La Miellerie, c’est pas forcèment que nous deux, ça se pourrait qu’il y ait des guitaristes qui nous rejoignent et qui feraient des mélodies pour nous, qu’il y ait des ingénieurs sons qui à un moment mix nos morceaux si on est en tournée,… Le but évidemment c’est d’étendre un maximum mais là dans un premier temps, je pense que l’idée, c’est vraiment le projet de duo de beatmakers. Peut-être que l’avenir fera qu’on aura comme Cactus Jack (label de Travis Scott, ndlr) plusieurs rappeurs, producteurs, des clipmakers, à voir.

BBL : Je pense que le groupe sera toujours nous deux mais peut-être qu’il y aura La Miellerie Productions, Publishing, Mixing,… Que ça puisse s’étendre sur pleins de choses sans que les gens soient forcément lié à nous deux. Mais l’essence du groupe sera toujours nous deux je crois. On ne va pas signer quelqu’un dans le groupe La Miellerie, mais si maintenant on fait une boite qui place des instrumentales ça gardera l’essence du nom pour être identifiable.

LFB : Etant donné que ça fait un moment que vous travaillez avec des artistes, comment elle est nait l’idée d’en faire un projet à votre nom ?

Siméon : L’idée c’était d’avoir « notre truc » parce les beatmakers, on travaille toujours en collaboration avec des gens et même si on est super important dans le processus créatif en donnant notre patte à l’artiste. Il y a un échange de couleurs mais l’artiste à le dernier mot, il choisi le thème qu’il va aborder sur l’instrumentale. Là, l’idée c’est de créer des morceaux où tout se fait avec nous deux dans la pièce, on fait les instrumentales, on leur dit comment on imagine le morceau et surtout la direction artistique. Si on a envie de rajouter des violons le lendemain, on peut le faire.

BBL : Après, nous travaillons toujours pour que les artistes aient autant de poids que nous. Puis, c’est pas juste pour le contrôle, mais c’est chouette de se dire que l’on va sortir quelque chose à tel moment, déjà le fait de savoir que ça va sortir si nous on a envie que ça sorte. Parce que, ça arrive qu’on bosse longtemps sur des projets et puis pour des raisons externes à nous, ça ne sort pas.
Ce qui est marrant, c’est qu’il y a 5/6 ans je voulais déjà faire un projet. Mais c’était plus compliqué car je n’avais pas de studio, un moindre un nom aussi. En fait, ça a été tout un processus. Siméon a aussi essayé.

Siméon : C’est dur tout seul de créer quelque chose. La collaboration amène l’échange et l’entraide. Si j’oublie quelque chose, lui y pensera peut-être. Le fait de travailler en équipe, ça pousse les ambitions et c’est comme ça qu’on a pu créer ce projet. Et si tu laisses tomber, tu fais tomber l’autre avec toi.

BBL : Il y a aussi l’alignement des étoiles à prendre en compte. Le fait qu’on décide de le faire et qu’en même pas un an on ait quasiment tout, c’est que ça n’a pas été trop dur. En général, je vois ça comme un bon signe. D’office il y a des challenges mais dès qu’on a lancé le projet 97% des invités ont directement répondu présent, il y a eu une dynamique où c’était fluide, les gens respectaient le projet. C’est ça qui m’a rassuré sur le fait que c’était un bon projet !

LFB : Vous m’avez dit que le lancement de La Miellerie c’était 2018/2019, du coup ce projet vous le travaillez depuis longtemps ?

Siméon : Depuis le début du confinement.

BBL : Ca fait même pas un an. On a commencé cet été

LFB : Parce qu’en plus il y a beaucoup de titres et donc beaucoup d’invités.

BBL : C’est ça qui est marrant !

Siméon : C’est pour ça qu’on dit que ça s’est bien passé.

BBL : On a démarré en été et après on a charbonné, on eu des conversations pour mettre le projet en priorité ce qui a été un bon choix de notre part. Même notre manager qui ne manage pas que nous a fait ce qu’il fallait.
Je pense que ce qui a été intéressant, c’est le fait qu’on ait bossé chacun de notre côté avant avec pas mal de monde. On a pu créer des relations win-win avec les artistes. C’est pour ça qu’il n’y en a quasiment aucun qui a demandé de l’argent.

Siméon : Toute l’énergie qu’on avait déjà mise dans le passé, avant le projet, on l’a fait de notre plein gré pour créer de la bonne musique avec les artistes. Du coup, quand on les a appelé ils ont directement été réceptifs. Ce qui a été cool, c’est que ça a été vite mais aussi c’est qu’il a pleins d’artistes différents. Donc, on pouvait avoir tel artiste ce jour là et créer un agenda.

BBL : La chance qu’on a eu c’est d’avoir des artistes d’un certain niveau, ce qui fait que ces des gens qui comme nous sont en studio toute l’année et il leur suffit d’une session.
Certaines sessions avec des artistes peut-être un peu moins dans le truc, tu sens que ça prends un peu plus de temps. La chance d’avoir été bien entourés par des professionnels. Ils viennent, la plupart à l’heure, ils savent ce qu’ils veulent ou non.
Pour nous, c’est juste une session de plus, sauf que l’intention derrière c’est d’en faire un projet.
Ce qui est cool aussi c’est qu’on avait des instrumentales sur lesquelles on imaginait certains artistes et c’est cette instrumentale qu’ils prenaient. Ça c’était vraiment incroyable.

LFB : C’est drôle ça parce que justement j’ai l’impression que c’est toujours dur pour les beatmakers de savoir s’ils doivent proposer quelque chose qui correspond à ce que l’artiste a déjà fait ou à l’inverse l’emmener sur quelque chose de différents pour attirer son attention.

BBL : Ça vient aussi du fait qu’on fait une track avec eux. Si tu produis tout le projet d’un gars, il va pas vouloir que tu lui refasses les mêmes instrumentales.

Siméon : Puis c’est nous qui avions aussi la direction artistique du projet.

BBL : Pour les featurings on a pu mettre des gens qui n’auraient peut-être pas collaboré ensemble. On a lancé un peu cette impulsion en disant « vous deux on vous voit bien ensemble ».

LFB : Justement, il y a une collaboration qui m’a étonné, c’est le Geeeko Ft Caballero. C’est vous qui avez décidé des connexions ?

Siméon : Oui, c’est nous qui avons contacté les artistes. La volonté c’était toujours de mettre soit une différence de « statut » au niveau de leur fan base, histoire qu’elles s’échangent et faire monter les gens avec qui on bosse ou alors de faire des choses qu’on attends pas forcément, ce côté contre-pied.

LFB : En plus, les gens qui écoutent Geeeko, ils n’écoutent pas forcément Caballero et inversement.

BBL : Non et c’est là que ça devient intéressant. Ca va peut-être amené le public de l’un chez l’autre et ça va créer un peu d’excitations.

Siméon : On ne voulait pas que ça soit trop formel.

BBL : On a réfléchi tout ça à deux avec notre manager aussi, des amis, c’est vraiment un mélange de tout ça. On avait quand même un squelette et puis ça change au long du processus. Mais ce n’est pas un hasard non plus.

Siméon : C’est vrai que Nixon et Isha c’est un peu semblable.

BBL : Mais ils n’avaient jamais fait de collaborations.

Siméon : Pour revenir à Caballero et Geeeko, c’était intéressant de voir comment c’est des gens qui font des choses différentes dans la musique. Geeeko il est plus vaporeux dans ses inspirations. Là où Caballero va plus chercher avoir un truc carré. Au final, ils ont prit un peu le même flow tous les deux avec cette gimmick qui était déjà dans l’instrumentale. Donc, ça ne pouvait que marcher, il faut juste créer.

LFB : Comment vous avez choisi tous ces artistes ?

Siméon : C’est tous des artistes avec qui on bossait.

BBL : A 90%, on voulait des gens autour de nous. Peut-être des grosses têtes qu’on ne pouvait pas avoir.
De nouveau, c’est cette même mentalité où l’on a capté un tel et un tel. Si un gros noms étaient pas disponibles, il n’y avait aucun soucis parce qu’on avait déjà avancé. C’est presque un projet famille, à quelques noms prés.

Siméon : Tous les gens ont les connaissait.

BBL : YG Pablo on avait jamais bossé avec lui, K1D non plus, San Hucci vite fait. Il y a gens où c’était la miff, c’était des sessions, mi-session, mi-turnup. Après toutes les sessions ont sortaient avec quelque chose.

Siméon : On rigolait, mais si le gars n’assumait pas son couplet, il allait le refaire (rires).

BBL : Mais dans le choix des gens s’est tous des gens que pour le plupart on connaissait, on écoutait. Puis parfait ils proposaient des noms auxquels on avait pas pensé. On se disait qu’on avait rien à perdre à faire des morceaux avec un tel ou un tel.

Siméon : Au final, quasiment tous les morceaux ont les a gardé.

BBL : Oui, on est content.

LFB : Il y a aussi pas mal de découvertes et de jeunes talents, c’était une volonté de mettre en avant des gens encore moins identifié ? Comment les avez-vous sélectionnés ?

Siméon : Parfois BBL travaillait avec des gens et du coup je les avais déjà rencontré et inversement, je travaille avec des artistes avec qui BBL travaille pas. Il y a une alchimie qui se crée de chacun des côtés avec des artistes.

BBL : C’est aussi des gens où l’on s’est dit qu’ils avaient les épaules pour venir à une session et faire quelque chose de concrets. Desfois, il y a des gens où le coeur y est mais c’est pas smart de les faire venir à la même session que Caballero car ça peut être une zone de panique. Je pense qu’on a fait attention à ce niveau là.
C’est que des gens qu’ont estiment artistiquement, il n’y a personne qu’on a pris pour le buzz. Fatalement il y a des plus gros noms mais c’est l’artistique qui comptait. Après c’est intéressant pour des gens moins connus d’être sur un projet avec des gens plus connus pour découvrir.

LFB : Sur chacune des collaborations, il y a une véritable alchimie entre les artistes, comment l’expliquez vous ?

Siméon : A chaque fois que c’était possible car il y a eu le confinement, on captait les gens ici (leur studio, ndlr), on se posait, on mangeait ensemble et ça a créée de l’alchimie.

BBL : On a fait très peu de session à distance, voir pas du tout. D’ailleurs on le voit, quand on travaille à distance c’est plus compliqué, c’est pourquoi on refaisait des sessions en live par après.
En fait, la proximité c’est utile de ouf pour l’alchimie, pour donner des idées.

Siméon : On voulait aussi tirer le meilleur des deux artistes et faire collaborer des gars qui ont des univers complémentaires sans être identique. On voulait que tout le monde trouve ce qu’il vient chercher dans chacun des morceaux. Que celui qui aime la technique soit aussi content que celui qui aime les mélodies.

LFB : Toujours au niveau des featurings, on peut aussi retrouver des connexions entre des artistes flamands et des artistes francophones.

Siméon : Il manque des artistes germanophones (rires).

LFB : Ce côté flamand il fait partie du paysage rap en Belgique. Du coup comment vous avez eu l’idée de l’intégrer au projet ?

Siméon : Wawa est très fort déjà.

BBL : On a travaillé avec New ATL aussi qui est un rappeur flamand anglophone. Cyra j’aime bien aussi. On kiffe le rap américain, juste qu’en Belgique c’est un peu challengeant d’avoir tous ces rappeurs flamands qui rappe en anglais mais en vrai soit ils doivent s’expatrier soit ils doivent rapper en néerlandais pour que ça puisse prendre en Flandres. Là-bas quand ça marche, ça peut très bien marcher.

Siméon : Parce qu’après ça va aux Pays-Bas.

BBL : On en a pas mis trop mais on a pas voulu se limiter parce qu’on aime la qualité.

Siméon : En vrai, au début j’étais un peu retissant, on a eu plusieurs fois le débat sur cet échange de langue, mais au final je suis content de ce que ça a donné.

LFB : On parle à nouveau beaucoup de la scène rap en Belgique. Comment vous voyez tout ça ?

Siméon : C’est des vagues et il y en aura tout le temps.

BBL : Je pense que ca va se démocratiser. Dans le sens où un rappeur belge c’est juste un rappeur francophone. Je crois que Mehdi Maizi en parlait il y a pas longtemps.

Siméon : Par contre, je pense pas que les français voient ça comme ça. J’ai beaucoup de familles en France, et on est toujours considéré comme « les petits belges ». Il y a toujours cette culture où la France c’est un grand pays qui fournit de la grande musique alors qu’il y a aussi du moins bien.

BBL : Si on parle aussi de « nouvelles vagues », c’est parce qu’il y a aussi eu un creux à un moment avec les 5/6 mêmes noms qui revenaient tout le temps. Et là, il y a 5/6 nouveaux noms qui réveillent tout le monde, j’aime bien cette énergie !
Pour moi, les belges sont chaud et ça s’arrête là.

Siméon : C’est comme au Canada, à Toronto.

Fox (manager, ndlr) : J’ai une théorie à propos de ça. Des rappeurs belges il y en a toujours eu : Ghandi, Scylla,… Mais la première vague avec Caballero, Damso,… elle a ouvert la porte de la France et ça a aussi permit aux artistes d’ici de s’organiser, car ils ont vu qu’ils pouvaient le faire.
C’est a aussi apporté une structure au point de vue bisness qui n’était pas là avant. Je suis sur que s’il n’y avait pas eu la première vague, on serait encore en train de discuter de la possibilité de faire ce projet. Mais maintenant vu qu’un tel l’a fait, on sait que c’est faisable.

BBL : Ils ont un peu créé une industrie au final.

Fox : En France ça a été pareil, il y a d’abord eu Paris, puis la première vague de Marseille et depuis qu’ils ont mis les bases, Marseille c’est juste une autre possibilité.

LFB : J’ai aussi l’impression que tous les artistes belges sont arrivés avec une recette bien à eux et je me demandais si c’était pas du à un « sentiment d’infériorité » par rapport aux français, les forçants à créer un univers qui leur est propre. Vous l’avez ressenti ?

BBL : C’est presque ça, je pense que c’est aussi ce côté où à leur époque, comme il n’y avait pas d’industrie, ils étaient pas focus sur faire une Zumba qui va fonctionner mais plus sur faire le morceau le plus chaud possible pour faire kiffer mes potes. Puis les influences sont différentes, nous on a toujours écouté beaucoup de rap américain.
Donc il y a ce côté où on doit arriver avec un truc trop lourd et c’est tout. C’est à force de penser comme ça que Damso ou Hamza se sont développés, en mettant un point d’honneur sur la qualité avant d’essayer de faire le single de l’été.

Siméon : Hamza, avant qu’il sorte des morceaux, ça faisait déjà dix ans qu’il était dans des studios à mettre de l’autotune avant que les gens le fassent.

LFB : Même quand il sort H-24, il a reçu beaucoup de critiques de gens qui comprenaient pas ce qu’il proposait.

Siméon : C’est parce que c’est différent et ça fait flipper les gens. C’est comme quand il y a quelqu’un de différent dans des classes, les gens vont commencer à le tailler alors que c’est peut-être un génie des chiffres mais c’est juste trop facile de mettre de côté quelqu’un de différent.

BBL : Toute façon, Hamza il se fait toujours tailler au début puis un an après il gagne, c’est un gagnant.

LFB : Maintenant on va parler un peu plus du métier de beatmaker. Pendant longtemps on a parlé de vous comme des métier de l’ombre mais j’ai l’impression que ça tend à changer. De plus en plus, il y a des projets de beatmaker. Vous avez vu cette évolution du métier ?

Siméon : J’ai l’impression que c’est de nouveau un peu ces vagues parce qu’à un moment il y avait quand même Swizz Beatz, Timbaland, Dr Dre,…

LFB : Mais ils étaient pas francophones.

Siméon : Ah tu parles d’ici ! Alors non, ça vient de commencer avec des Ikaz Boi ou Myth Syzer par exemple.

BBL : Je pense qu’ils faisaient partie des premiers. Il y avait des DJ’s qui faisait ça avant aussi sur un format compilation mais le format album c’est assez nouveau.
Ca m’a toujours intéressé parce qu’à l’époque où j’ai commencé les instrumentales, c’est eux qui m’inspiraient et ils se montraient dans les clips.
Voir des gars sortir leur projet, ça a facilité la mise sur pied du notre et ça nous a aussi fait dire que c’était le moment. On l’aurait fait dans deux ans, on aurait juste été en retard. En vrai, quand j ‘ai voulu faire mon projet, c’était en 2015 du coup c’est toujours resté, c’est un peu un rêve de gosse.
Je pense qu’on est tous les deux très impliqués dans le recording, la construction d’un morceau et c’est à force d’avoir ce mot à dire sur les morceaux des autres qu’on s’est dit que ça pourrait être cool de sortir notre projet. Puis ça peut développer la marque aussi.
Du coup, je pense que le contexte aide mais on est pas non plus en train de suivre le mouvement.

Siméon : Il y a un peu ce truc où quand quelqu’un à une bonne idée de créer un bisness, comme par hasard, le même truc se fait dans d’autres endroits. Je crois que c’est dans la nature des choses, c’est comme des saisons. Peut-être que les autres beatmakers qui ont sorti ou vont sortir des projets ont aussi eu l’idée il y a cinq ans et que l’alignement des étoiles fait que maintenant tous les beatmakers qui ont une certaine quantité de matière peuvent le faire.

BBL : Puis il a les ressources aussi, le fait qu’on ait un studio, qu’on connaisse autant de gens, qu’on sait mixer nous-même. Il y a cinq ans on savait pas faire tout ça.

Siméon : Et on connaissait pas autant de gens.

BBL : Après tous les producteurs ne veulent pas faire de projet non plus. Je crois qu’il y a des profils comme Ikaz Boi où sa tue car il a une direction artistique qui tue. Parfois, il y a d’autres beatmakers qui annoncent leur projet, je vais écouter mais je serais un peu moins enthousiaste. C’est important de voir si ça colle avec ton plan de carrière.

Siméon : C’est comme London on The Track, il mettrait des Roddy Rich, des Young Thug avec ses instrumentales.

BBL : Mais est-ce qu’il ferait forcément un album ?

Siméon : Moi je pense. Mike Will Made-It il le fait, il est hyper chaud, je suis hyper fan de ce type mais je l’aurais moins attendu faire un album, j’aurais trouvé ça plus tard qu’il livre quelque chose de cohérent mais au final il l’a bien fait.

BBL : Peut-être qu’il en rêve depuis toujours, là où London on The Track il préfère faire tout l’album d’un artiste. Il faut voir ce que l’artiste a envie, parce que souvent ça peut-être très réactif, un le fait et tout le monde va suivre. Nous en tout cas ça a été fluide.

LFB : Vous venez de parlez de cohérence, justement dans le projet j’ai eu l’impression d’avoir affaire à une palette de tout ce que vous savez faire, c’était une volonté pour vous présentez musicalement ?

Siméon : C’est un peu de carte de visite, ce n’est pas juste ça parce qu’il y a quand même une implication différente, mais dans l’idée générale c’est aussi une façon de faire découvrir notre travail aux gens qui ne nous connaissent pas, ça va montrer ce qu’on peut faire. Mais on s’est quand même restreint, on voulait qu’il y ait trois couleurs maximum. Il y a la couleur un peu banger, sombre, il y a celle un peu OWAW, qui bouge et qui est un peu plus joyeux et puis il y a la couleur plus rnb. On aurait pu mettre des ambiances afro aussi mais il a fallut faire des choix.

LFB : J’ai trouvé ça intéressé de retrouver du rnb aux côtés de banger, ça donnait une porte d’entrée à ce genre aussi.

Siméon : On a voulu faire un projet de musique, comme Damso vient de le faire avec QALF. Ce qui m’a plu sur ce projet c’est qu’il y avait plusieurs couleurs.

BBL : Si on a choisi ces trois couleurs là aussi, c’est parce que c’est ce qu’on à l’habitude de faire quand on place. On a choisi ce qu’on aimait. Pour la suite, je pense pas qu’on ira à fond dans une couleur, qu’on gardera ce squelette mais qu’on essayera de le perfectionner. Ce squelette ça va être notre vitrine et puis le premier projet il te suit toujours un peu partout, on sait que ce qu’on fait maintenant, ce n’est pas rien.

Siméon : Ca pourrait nous handicaper de s’enfermer dans une seule couleur musicale.

BBL : Ce qui est chouette en étant producteur, c’est qu’on peut faire ça sur notre projet et puis sur le projet d’un autre artiste on peut rester libre de frais d’autres choses.

LFB : Sans vouloir parler en vos noms, c’est aussi important pour des producteurs de toucher à tout non ?

Siméon : Grave ! Je me dis si j’étais né dans les années 30, je serais surement dans un orchestre (rires). On fait ce qu’on kiffe au final que ça marche ou pas.

BBL : On aime notre projet avant tout.

LFB : Vous êtes aussi de plus en plus présent sur les réseaux sociaux, c’est une manière de vous établir aussi ?

Siméon : Oui et aussi pour promouvoir le projet. On a quelqu’un qui s’occupe de la communication sur les réseaux sociaux et il a un plan en tête. Parce que nous on est des êtres humains et on a nos sessions tous les jours donc parfois poster en tant qu’artiste il faut y penser, etc c’est pas toujours évident.

BBL : Je pense que c’est bien aussi d’avoir un recul là-dessus. Personnellement, ça m’a aidé d’avoir quelqu’un qui gère les réseaux, d’avoir le management qu’on a. Il y certaines choses où ça nous décharge, on amène la musique et ils nous amènent les informations autour et on débrief ensemble.

LFB : Au niveau des clips c’est vous qui avez le rôle de directeur artistique ?

Siméon : On accepte les idées mais après si on a une idée que le clippeur n’aime pas trop, ça reste notre DA. On reste ouvert parce qu’on est pas vidéaste mais on garde le contrôle.

BBL : Pour les clips, c’est la même chose qu’avec la musique, on a un squelette. On aimerait bien faire des clips un peu drôle avec une petite histoire. On sera toujours présent aussi mais de manière discrète. On va essayer de faire revenir ces mêmes codes de clips en clips.

Siméon : On a eu des réunions avec eux où l’on expliquait nos intentions de clips et on est tombé sur des réalisateurs créatifs (TREIZE STUDIOS) donc c’est parfait.

LFB : Est-ce que vous voulez marqué un coup unique avec ce projet ou simplement lancer la machine ?

BBL : Moi je suis chaud de revenir plus ou moins chaque année, en fonction des projets qu’on aura en parallèle.

Siméon : Si demain on est en studio avec Young Thug, le projet attendra 2023 (rires).

BBL : En tout cas c’est quelque chose que l’on voit sur plusieurs années. Surtout si ça prend et que les gens aiment le concept.

Siméon : Même le choix du titre, il est là aussi pour laisser l’ouverture à un second projet. On a envie de créer beaucoup de musiques « La Miellerie » et aussi de collaborer avec d’autres artistes.

LFB : Vous avez pas eu l’idée, de laisser des morceaux uniquement instrumentaux ?

Siméon : Si, on y a pensé ! Surtout notre manager qui a insisté et qui insiste encore (rires). Au début l’idée c’était presque ça, d’avoir à moitié instrumentale et à moitié rap.

BBL : Ou alors faire un feat de producteurs.

Siméon : Si on fait ça, il faut que l’instrumentale elle soit spéciale.

LFB : Pour finir, qu’est ce que je peux vous souhaiter pour la suite ?

Siméon : Beaucoup d’argents, de miel, de streaming, la santé.

BBL : Moi je vais être relou (rires). De maintenir et de mettre des standards de qualité dans la culture rap francophone et en Belgique.