Kavinsky, un Reborn prophétique

Le génie de la French touch Kavinsky fait son grand come-back. 9 ans après Outrun qui l’avait révélé au grand public, il revient (enfin) avec Reborn. Une attente insupportable pour les amateurs d’électro aux vibes 80’s dont les premiers visuels avaient déclenché une hystérie collective.  Avec un titre plus qu’évocateur, le DJ annonce de grands changements, un renouveau digne de son retour prophétique. Une volonté de se détacher de quelques titres qui lui collent un peu trop à la peau ? 

Premier constat, le grand changement annoncé ne se produira pas dans l’univers planté par Kavinksy depuis Outrun. Contraste entre le bleu et le rouge sur fond de planète qui se fissure, il s’affiche cette fois-ci de dos, prenant la grande route. Visuel toujours aussi 80’s, teinté sauce cyber punk apocalyptique, on ne se perd pas trop en chemin. 

Comme annoncé, c’est dans cette ambiance solitaire et introspective que l’album débute. Quelques battements de cœur viennent amorcer sobrement Pulsar, avant de se faire rejoindre par quelques basses graves qui partent en échos puis des synthés célestes. Une boucle mélodique simple qui laisse une grande place aux instruments. La rythmique est moins tapageuse, les sons sont plus clairs, moins gras, et on a même le droit à un petit solo de guitare un peu cheesy. Dès le premier morceau on comprend ce que Kavinsky a voulu dire. Non, ce n’est pas un bousculement total de la recette de son succès, sa patte digitale rétro est toujours aussi présente, mais vue sous une perspective plus ambiance et moins dansante. Dorénavant on ne conduit plus seuls sur une autoroute avec les basses qui font pulser les vitres. Le son est plus urbain, plus introspectif, on se retrouve plutôt sur un rooftop au-dessus des nuages  ou entre les buildings d’une ville abandonnée. Un sentiment de grandeur et d’échos qui accompagnera tout l’album.

Déjà présents dans Outrun, les morceaux contenant des voix sont dorénavant au cœur de cet album. Entre la pop et le R n’ B, Kavinsky semble emprunter à The Weeknd ses inflexions plus mélodiques. Dans le genre,Renegade est une pure bombe qui possède tous les codes du succès. Les notes de synthés un peu tapageuses qui viennent accrocher l’oreille, une voix de lover boy, et surtout un refrain à l’efficacité totale. Un morceau qui réjouira les amateurs de la première époque. Plus surprenant mais franchement réjouissant, Kavinsky collabore avec l’ovni Sébastien Tellier pour un Goodbye d’une pure beauté. Empruntant à l’artiste son goût pour les percussions claires et les atmosphères mélancoliques, le DJ français va jusqu’à introduire une mélodie de piano pour accompagner le crooner. Morceau d’une vraie pureté, Sébastien Tellier vient poser une voix légèrement modifiée tel un écho venue d’une autre dimension. La rencontre de deux génies.

Dans la catégorie ovni, Zenith possède lui aussi une vraie patte qui nous accroche tel un aimant. Quelques notes de saxo viennent introduire le morceau, franchement pas l’instrument le plus électro mais difficile de nier à quel point il est iconique des 80’s. Zenith joue avec tous les codes, tous les clichés, pour en faire cette version 2.0 absolument géniale. Voix ultra robotique à la Daft Punk, bien vite rejointe par une guitare soliste qui force sur les vibratos, tout ce qui pourrait nous hérisser le poil est ici sublimé. Pour le coup, Kavinsky ne fait aucune faute de goût, il joue avec les codes et le fait avec talent absolu. Zombie possède quant à lui une vraie vibe de comédie musicale des 80’s qui aurait tout à fait sa place dans un Maniac. 

Pour les plus nostalgiques du premier album, Kavinsky ne délaisse pas non plus totalement les morceaux plus instrumentaux. Il faut cependant s’y préparer, pas de grand beat bourrin et tapageur ou de synthés crissants. Avec Outsider, on a affaire à un morceau évolutif qui fait la part belle aux crescendos pour une montée en tension ultra cinématographique. Kavinsky semble s’approprier de grandes icones de la pop française, notamment avec son envolée de violons sur la fin. Afin de terminer en beauté, Horizon conclu par un morceau plus atmosphérique qui emprunte en écho les battements de chœur qui introduisaient l’album. 

Kavinsky avait prévenu, cet album est un renouveau dans son style, et un véritable terrain d’exploration. Même si on peut regretter l’absence de purs morceaux électro tapageurs, on ne peut que saluer l’innovation et les pépites dont est truffé Reborn. Exploitant tous les codes iconiques des 80’s, Kavinsky les sublime véritablement pour nous offrir une vision résolument moderne. Teinté de nostalgie et de solitude, l’album est une expérience totalement différente de l’électro et du son de Kavinsky. Le voyage est très beau, planant et a le pouvoir de nous transporter dans une dimension parallèle. Digne de Tron ou Stranger Things, on vous laisse choisir.