Jumo – Et le vent ? en poupe pour son premier album

Et le vent ? Le premier album de Clément Leveau aka Jumo est sorti le vendredi 5 juin chez Celabel sous licence Nowadays (Clément Bazin, Fakear, La Belle Équipe…), le label pionnier de la future-beat. Clément Leveau est venu à la musique par la batterie avant de s’orienter vers le beatmaking. Si son projet reste très teinté électro, il sait élargir son horizon musical et lui donner des tonalités plus Pop.

Pluri-disciplinaire, Jumo prend plaisir à mélanger sons, graphismes, installations ou vidéos. Il intervient au sein du collectif Cela – melting pot artistique – qu’il a cofondé en parallèle à son projet musical. En 2018, Cela a donné naissance à un label de musique nommé Celabel qui intègre désormais le projet musical de Jumo mais aussi ceux d’Hier Soir ou de Dopize.

Crédit : Luce Terrasson

Jumo se réfère souvent à la musique minimaliste et en particulier à Steve Reich. Il construit  ses morceaux par couches successives ou juxtaposées qui peuvent se correspondre ou se distancier. De même que Steve Reich a su collaborer avec le peintre et plasticien Gerhard Richter, Jumo crée en mélangeant sons, image et  même en y ajoutant une composante textuelle. Dans les vidéos qui accompagnent ses morceaux, des mots, des bouts de phrases sont projetées sur les décors filmés. Ils absorbent alors de ces paysages leurs reliefs et textures pour devenir projections mentales de nos pensées. Ces bouts de phrases sont issus d’impressions fugaces notées dans des carnets. Ces souvenirs deviennent autant de portes ouvertes à des sentiments ou à des ressentis qui inspireront ses phrases musicales. Jumo est collectionneur de moments éphémères tout comme Romain Delahaye, dans son projet Molécule, se fait chasseur de sons.

Mais à la différence de Molécule ou même de Thylacine qui nous font parcourir des grands espaces –paysages du transsibérien, plateaux argentins ou territoires du grand nord – le voyage de Jumo est intérieur, plus introspectif. Ce sont nos pensées qu’il fait vagabonder le temps d’un morceau.


15 titres, 15 moments constituent l’album Et le vent ? Certains sont issus d’EP publiés tout au long de l’année 2019 (C’est déjà demain, Que des gens de passage, Périodes aléatoires), d’autres viennent les compléter.

L’album s’ouvre avec le titre – Et le vent ? – qui a donné le nom à l’album. On y trouve une envie qui apparaît comme un des fils conducteur de l’album. Cette envie de sortir d’une routine qui s’est  installée au fil du temps et de se dire que tout peut évoluer.
« Les journées commencent à se ressembler. C’est beau mais on se lasse »
Dans les premières mesures on retrouve l’atmosphère du film A l’heure de la sortie de Sébastien Marnier dont la bande originale confiée à Zombie Zombie apporte cette ambiance moite et lourde d’un soir d’été avant l’orage. Puis le rythme s’emballe comme le vent qui se lève. Les pensées s’interpellent ouvrant le champ des possibles. On a l’impression que tout peut changer, que tout peut évoluer.
« Alors il faut quand même considérer le fait que changer pourrait ne rien changer ».

L’exode est également porteur de ces mêmes désirs. Ce titre a donné lieu à une vidéo tenant plus du court métrage que du clip. Réalisée magistralement par Romain Winkler (qui a signé de nombreux clips coups de cœur d’Odezenne et aussi d’Etienne Daho), la vidéo est le récit d’une rencontre amoureuse et du besoin qu’elle déclenche de s’arracher d’un quotidien omniprésent. « L’exode est pour moi un cri venant du cœur c’est l’envie de quitter la ville quitter la routine pour se retrouver soi-même ».

Le voyage peut aussi révéler d’autres aspects, ceux où l’on devient spectateurs de moments empruntés. Dans Parfois, profitant d’errances dans des villes ensommeillées on imagine ce que feront leurs habitants une fois la pause nocturne passée. Ce sont des moments d’entre-deux, tout est possible car aucune action n’est engagée. Dans Minuit on est témoin du temps qui semble se dilater ou se suspendre. On ne sait plus vraiment.  Et l’on pense à l’heure bleue décrite par Éric Rohmer.  « Juste avant l’aube, il y a une minute de silence. Les oiseaux de jour ne sont pas encore réveillés et les oiseaux de nuit sont déjà couchés. Et là, là c’est le silence [….] c’est le seul moment où on a l’impression que la nature s’arrête de respirer » 


L’album ne contient pas que des plages instrumentales. En effet si l’électro et le beat making fait partie des gènes de Jumo, il ne s’interdit pas des incursions dans des champs musicaux plus larges. Il est aidé en cela par des featurings diversifiés qui ponctuent l’album et lui apportent des plages chantées. 

Urbain pour Première Vie  où Hyacinthe  – rappeur crossover  du collectif  DFH DGB partage ses aspirations et ses doutes d’y parvenir.

Flirtant avec la Cold wave, Steve est un hommage, voire un devoir de mémoire envers Steve Maia Caniçot mort noyé en 2019, un soir de fête de la musique sur les quais de Loire à Nantes, après une charge des forces de l’ordre. Léonie Pernet y mêle une voix profonde, organique avec un timbre proche de celui d’une Siouxie Sioux.
« Heavy dance, devil’s claw, can’t you feel the rage, floating back » 

Avec un flow mêlant enjouement et tendresse, Oré entretient un autre lien mémoriel. Une belle Personne évoque sa grand-mère atteinte d’Alzheimer et le souhait de pouvoir transcender notre impuissance réelle face à cette maladie.

« Je laisserai des marques dans les couloirs –
Brillant comme des étoiles pour pas que tu t’égares […]
 Je garderai mon regard d’enfant pour que –
Tu n’oublies pas mon visage et pour que –
Tu n’oublies pas qui je suis »

Hope, avec Hier Soir en featuring, nous conduit sur les sentiers d’une Electro Pop vaporeuse. Hier Soir est le projet que Jumo mène avec Alix Lachiver (cheville créatrice d’Extraa dont la sortie de l’album Baked a ensoleillé notre confinement).

Dans Walking Now  des percussions ethniques mènent à une odyssée aérienne portée par le chant d’Awir Léon que La Face B avait rencontré à l’occasion du dernier Mama .

L’album se libère comme l’on sort d’un rêve avec le rythme enjoué de Tout ira bien  et les envolées célestes d’Holy (avec Pénélope Antena en Featuring) .

Et le vent ? de Jumo est un album qui s’appréhende  sous différents angles.
Tout comme pour l‘album Léviathan de Flavien Berger, regardez et imprégnez-vous des vidéos qui accompagnent les morceaux pour mieux savoir voyager dans l’univers dessiné par Jumo. La musique en est le moyen de transport. C’est une invitation à laisser votre esprit naviguer qui vous est faite.