Julia Jean Baptiste : «Les chansons qui me touchent le plus ont deux couleurs»

Après vous avoir parlé de Solo, le dernier EP de Julia Jean-Baptiste, on continue à découvrir l’artiste avec une interview. Au programme de cette rencontre : le rapport aux émotions, la relation aux autres et à soi, en passant par les influences de la musique brésilienne.

La Face B : Tu as sorti ton EP Solo et l’as défendu avec une release party aux 3 Baudets. Quelles sont les émotions qui t’accompagnent à travers ces deux événements ?

Julia Jean-Baptiste : La première émotion est une grande joie. C’est beaucoup de travail depuis ces deux dernières années. J’ai hâte de jouer mes chansons, retrouver la scène avec mes musiciens. C’est une grande émotion car ça a aussi été deux années pas évidentes. Depuis 2019, j’ai traversé pas mal d’émotions et remis ma vie en question. Il y a un redémarrage à zéro, tant sur le plan musical que personnel. Cet EP est l’accomplissement de ces deux années à me poser beaucoup de questions.

LFB : Car c’est vrai que les émotions ont une place centrale dans cet EP.

JJB : En écrivant cet EP, à aucun moment je me suis interrogée sur ce dont je voulais parler. C’était très instinctif, un peu comme une thérapie. J’ai tout mis sur le papier et en musique. Les émotions m’ont toujours fascinée. Pour la première fois, je me suis écoutée, j’ai pris confiance en moi. J’y ai mis beaucoup de mes fragilités. Instinctivement, j’ai mis en musique des choses que je n’assumais pas forcément. Ça m’a fait beaucoup de bien. Puis, quand je retombe parfois dans ces schémas, je me replonge dans mes chansons. Ça me permet de voir le chemin parcouru, l’évolution. Ces chansons sont comme un marqueur de temps.

LFB : Tout écrire sur le papier, te permet de faire table rase.

JJB : C’est assez fou ce pouvoir des mots ! C’est presque aussi fort que le pouvoir d’une douche après une gueule de bois. (Rires) Pendant longtemps, je me suis empêchée de le faire. Cette mise à nu peut être effrayante. L’art est voué à être présenté au monde, ou pas. La raison principale pour laquelle je fais de la musique est de chanter et faire des concerts.

LFB : Cette difficulté de t’exprimer pourrait expliquer la sincérité dans tes morceaux, ou même la contradiction. Je pense à des titres comme Les virages, qui est très lumineux, alors que les paroles sont assez dures. Est-ce que tu réfléchis à cette contradiction lorsque tu composes ?

JJB : Oui, exactement. Ma musique préférée vient du Brésil, notamment la bossa-nova. Comme tu dis, c’est une musique très lumineuse, solaire. Mais qui peut parler de sujets graves, être très mélancolique, en évoquant le sodade. Qui est une espèce de joie-triste. La musique qui me fait frissonner est la musique avec de la dualité, dans les propos ou les arrangements. Les chansons qui me touchent le plus ont deux couleurs. Le disque est chaleureux, solaire, mais parle de sujets graves, sans trop l’être. Ce sont des sujets de la vie qui font partis de nous. Qui peuvent être presque absurdes, comme être son propre ennemi.

LFB : Justement, je voulais de faire réagir à un extrait de Samba Saravah, une chanson écrite par Pierre Barouh : « Pourtant s’il est une samba sans tristesse, c’est un vin qui ne donne pas d’ivresse. »

JJB : J’adore tellement cette chanson ! Qui a été magnifiquement reprise par Pauline Croze. Pour le coup, Pierre Barouh a ramené la musique brésilienne en France.

LFB : Si tu devais citer des artistes qui t’ont influencés, qui choisirais-tu ?

JJB : João Gilberto, pour la musique brésilienne. Sébastien Tellier, notamment sur Les virages ou Soleil Noir avec des batteries qui ressemblent à La Ritournelle. J’ai aussi beaucoup de Michel Berger dans les sons des claviers. Certaines productions ressemblent à Toro y moi, qui est un de mes musiciens préférés. Aussi Billy Joel avec ses accords en suspension. J’aime beaucoup la musique qui est assez riche harmoniquement, avec des chemins harmoniques, comme le jazz ou la bossa. Puis, je suis très heureuse d’avoir travaillé avec des musiciens talentueux qui m’ont porté et aidé à construire les chansons comme je le souhaitais.

LFB : C’est beaucoup de partage !

JJB : Oui, et on en revient à la confiance en soi. Pendant très longtemps, j’avais un gros manque de légitimité. Parce que je ne me trouvais pas assez musicienne, que je me comparais à mes copines ou à des inconnues qui faisaient tout toutes seules. Alors, c’est se dire que peu de gens font de la musique seul de A à Z. Ça a été du travail de collaborer avec d’autres musiciens, mais c’est génial. Une renaissance. J’aime mes chansons pour la première fois.

LFB : Cette comparaison est présente dès le début de l’EP avec Faux Amour.

JJB : Je crois que c’est quelque chose qu’on fera toujours, mais avec les réseaux sociaux c’est assez exacerbé. On se fait du mal à se comparer aux autres alors qu’on a tous des chemins différents qui prennent plus ou moins de temps. Et depuis que j’ai écris Faux amour j’ai une utilisation beaucoup plus saine des réseaux. Je pense qu’il peut y avoir un côté toxique. Tout simplement, j’ai mis en sourdine certaines personnes. Je décide quand je vais aller voir leur compte. Il y avait des moments où je me sentais coincée car l’Autre était omniprésent autour de moi. Donc, je n’arrivais pas à trouver ma place et je n’avais pas envie pour autant de quitter les réseaux sociaux. J’ai trouvé une manière de les utiliser qui me correspond plus. Sans avoir comme ce que je dis dans Faux Amour, ce serpent qui s’insère en moi, qui me bouffe et me fait cracher sur les gens alors que je ne suis pas comme ça.

LFB : Peut-être plus en étant artiste ? Car il y a quelque chose de professionnel derrière l’utilisation des réseaux sociaux.

JJB : Complètement. Même si ça a changé maintenant, on partage ce qui va bien. On partage plus facilement ses victoires que ses échecs. Alors que d’évoquer ses difficultés, même avec des chansons, a une vertu thérapeutique.

“Je trouve que l’eau est une source infinie d’émotions, d’introspection.”

Julia Jean-Baptiste

LFB : Mais, est-ce que au contraire, ce n’est pas le plus bel acte de courage que de montrer sa sensibilité ?

JJB : Je pense que si. De se détacher du regard des autres aussi. C’est vrai qu’on est dans une époque qui change beaucoup. Par rapport à quatre, cinq ans, on montre de plus en plus que tout ne va pas toujours bien. C’est aussi ce que j’ai essayé de faire en réalisant mon propre clip pour Solo.

LFB : D’autant plus que c’est un peu le titre phare qui donne son nom à l’EP.

JJB : À la base je voulais l’appeler Faux Amour. Mais je me suis dit que j’étais dans une période de renaissance, avec un nouveau label. Donc le titre Solo semblait plus évident.

LFB : C’est le titre qui conclue l’album mais qui donne aussi le mouvement. C’est assez beau car il y a pas mal de métaphore avec l’eau dans ce morceau. Qui est à la fois symbole de purification, de renaissance et d’émotions.

JJB : C’est beau ce que tu dis. Puis la mer, m’est très chère. Je suis d’origine martiniquaise et j’ai de nombreux souvenirs avec l’eau, la mer. Il y a deux ans et demi, j’ai découvert la Martinique et la baie de Fort de France. C’était incroyable. Je trouve que l’eau est une source infinie d’émotions, d’introspection. J’ai souvent des métaphores liées à l’eau. C’est un élément qui me nourrit beaucoup.

LFB : Au-delà de tout cela, Solo est assez important dans ton histoire musicale. Puisqu’on t’as connu au sein de plusieurs groupes.

JJB : J’ai commencé la musique avec le groupe Pendentif, pendant cinq air, on a sorti un album et fait une tournée, même à l’ étranger, par exemple en Chine, puis un second album. C’était génial. Aussi, je suis toujours plus ou moins dans Nouvelle vague. J’ai appris énormément avec ce groupe, notamment le live. Pour mon projet Solo, je donne de l’importance au live. J’ai envie que tout soit joué. La musique qui m’émeut est la musique jouée en live.

LFB : Est-ce que tu arrives à prendre ta place sur scène ?

JJB : La scène a toujours été mon truc. J’ai commencé à en faire sans trop savoir comment. Il y a quelque chose d’évident sur scène. Je suis à ma place, même quand je ne me sens pas très bien.

LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

JJB : J’ai juste envie de continuer à faire de la musique le plus longtemps possible. Et à donner du love et provoquer des émotions. Que mes morceaux puissent toucher et faire du bien

Pour écouter Solo, le dernier EP de Julia Jean-Baptiste, c’est juste ici :

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