Jazzy Bazz, Memoria

Après l’aventure Private Club et sa suite d’EP’s Memento, Jazzy Bazz est de retour en solitaire et sur un long format avec Memoria. Un projet qui navigue entre tous les éléments constitutifs de sa musique, tout en leur donnant un côté plus actuel collant avec l’évolution voulue par le rappeur. Que cette dernière soit musicale ou personnelle, elle balise entièrement un projet qui a d’ors et déjà marqué ce début d’année.

Les membres de L’Entourage se portent toujours aussi bien. Depuis plus d’une décennie, ils ont su s’orienter en solo pour vivre, chacun à leur façon, de leur passion pour la musique. C’est animés par cette vocation, qu’ils n’ont pas lâchés l’affaire et arrivent à offrir une musique toujours aussi qualitative et en accord avec son époque. Si Alpha Wann ou Deen Burbigo ont déjà pu montrer l’étalage de leur rap ces deux dernières années, c’est maintenant autour de Jazzy Bazz de dévoiler son évolution musicale.

L’ancrage reste le même : une appétence pour les rimes, une écriture technique, un amour de la capitale qui l’a vu grandir et un sens musical développé. Tous ces éléments ont été travaillés par le rappeur et son équipe du Goldstein Studio pour arriver à un album plus qu’abouti qui ravira autant les initiés que les nouveaux auditeurs.

Avant de découvrir cette nouvelle pièce, le public a pu goûter à un apéritif musclé avec le clip de Panorama, un échange aux lances-flammes dans lequel il invite Alpha Wann. Le spectre de l’aventure en collectif plane bel et bien sur cet album. Que cela soit par les références où par les invités, les amateurs de ce rap parisien des années 2010 seront comblés. Nekfeu apparaît également sur la tracklist avec une belle démonstration de rap sur Element 115.

J’ai la chance d’avoir un entourage légendaire, pacifiste mais toujours prêt à partir en guerre

Jazzy Bazz – Coeur, Conscience


La nouvelle écurie du parisien, Goldstein, est également bien représentée avec la présence d’Edge sur deux tracks (Zone 19 et Dark City) qui amène des mélodies plus qu’efficaces au rap brut de Jazzy Bazz. Un autre poulain de cette écurie vient briller, en la personne de rodbloc, fin découpeur en devenir qui s’acclimate à merveille à l’ambiance dégagée par le titre Mental.

C’est donc bien entouré par les siens que le Parisien évolue au sein de ces 17 titres. À ces derniers ont peut également rajouter Josman et Laylow, qui chacun avec leur singularité vient apporter un brin de diversité au projet. Un partage de son art qui n’impacte pas un projet qui se veut aussi personnel en plongeant dans la rétine et les souvenirs de son auteur.

Effectivement, comme son passage sur Colors avec le titre P-Town Blues le laissait présager, la mélancolie et l’introspection sont aussi au rendez-vous. Cela fait maintenant des années que Jazzy Bazz côtoie le milieu du rap, et de ces années il a pu en tirer des conclusions qu’il n’hésite pas à relater par fragment dans Memoria. De son passage difficile par la vingtaine, ses soirées à errer dans Paris et ses débuts complexes dans la musique, il fait le point sur une multitude de facettes de sa personnalité, sans en oublier son ascension. Tout cela nourrit chacun des morceaux de sincérité, chose attendue par le public du rappeur parisien.


L’égo-trip, autre facette marquante de son rap n’est pour autant pas laissée de côté. Généralement utilisée pour évoquer sa réussite et celle de son équipe, elle semble toutefois moins percutante qu’à l’époque. Parfaitement dosée dans le projet, cette partie de son art reste une caractéristique marquante de ce qu’il a pu construire et nourri tout de même le projet de belles performances.

Si le projet semble être une si belle réussite, il ne faut pas omettre le travail des producteurs qui ont réussi à cerner à merveille les envies du rappeur. Memoria est sûrement le plus ouvert et le plus réussi des projets de Jazzy Bazz et il le doit en grande partie à son équipe : Loubensky, Osha, Monomite et bien évidement Johnny Ola reviennent à plusieurs reprises sur le disque épaulés par d’autres artisans tout aussi pointilleux. Boom-bap, drill ou trap, les styles ont été déconstruits pour être reconstruits avec les idées et thématiques touchantes transmises par l’artiste et donnant lieu à une symbiose impressionnante entre les voix et les productions mais également dans la construction de la tracklist. Un nouvel entourage plein de belles promesses qui a soufflé un vent nouveau et frais à une musique qui en avait besoin. Une belle représentation de ce virage réside dans la collaboration avec Laylow qui amène batterie et saxophone à se confondre avec le grain de voix électronisé du Toulousain, dans un morceau à l’ambiance jazz très intéressant.

Le virage pris par Jazzy Bazz semble être le bon. Il a su peaufiner son art et ses volontés pour faire évoluer sa musique sans en oublier les bases qui l’animent depuis ses débuts. Un parfait saut en avant inspiré par ses années écoulées et le lot de difficultés et d’opportunités qu’elles lui ont apporté. Les fans de la première heure seront ravis des multiples références et du casting quand les nouveaux auditeurs pourront découvrir un rappeur bien plus à l’aise dans ses baskets usées par le bitume parisien.