Météo Mirage : « On part sans but, sans point de chute, avec pour seule envie la quête d’évasion »

Entre la pop française psychédélique, le cinéma onirique, la poésie et la rage, Météo Mirage est l’un de ces groupes qui brouillent les frontières avec pour seule volonté de nous embarquer loin, très loin. Après une finale du Ricard Live Festival, leur premier EP Pacifique enregistré maison, des mois d’attente pour cause pandémie mondiale, ils sont plus que prêt a vous captiver avec leur nouvel EP éponyme. On a eu la chance de nous évader en leur compagnie le temps de discuter concerts chez l’habitant, transidentité et d’amours désillusionnés.

Météo Mirage par Inès ziouane
Crédits: Inès Ziouane

LFB : Salut Météo Mirage ! Comment allez-vous en ce moment ?

Max : Oh et bien pas mal ! On est content de sortir notre dernier EP, ça donne un bon élan par rapport aux derniers mois qui étaient un peu compliqués.

LFB : On va revenir un peu aux origines du groupe, comment vous êtes-vous rencontrés ?

Alexis : A la base on s’est rencontrés avec Max il y a 15 ans. On a eu notre premier groupe ensemble, écrit nos premières chansons ensemble, joué nos premiers concerts ensemble. On a rencontré tout le reste du groupe tout au long de ces expériences, de ces concerts. 

Max : On a lancé Météo Mirage en 2017,  mais c’est seulement depuis 2019 qu’on joue avec David et qu’on est full team ! 

LFB : C’est quoi l’histoire derrière le nom du groupe ? 

Max : On cherchait à exprimer le caractère insaisissable de notre musique. La météo c’est le truc que tout le monde cherche à prévoir tout le temps, on la regarde en permanence mais elle change quand même au dernier moment. Et mirage c’est cette idée d’illusion, d’insaisissable.  

LFB : Vous avez un style rétro bien à vous, oscillant entre le 60’s et 80’s, quelles sont vos inspirations en général pour Météo Mirage ?

Alexis : On a effectivement beaucoup écouté la musique des années 60-70, mais on s’est par la suite beaucoup ouvert à beaucoup d’autres choses dont des chanteurs français tels que Christophe, Bashung… Mais aussi des choses plus récentes comme Tame Impala par exemple !

Noé : Tout ce qu’on s’apporte en général ! On n’a pas tous exactement la même culture, même si certains ont plus de points communs entre eux et se retrouvent sur plein de sujets. 

Max : On a une culture un peu commune tout de même: cette vague australienne vers 2015 comme Tame Impala par exemple. Ça a fait une explosion sur notre manière de produire ! Aujourd’hui, ce n’est pas forcément ce dont on s’inspire le plus, mais ça a ouvert des portes. 

Noé : Ce côté hybride entre l’électronique et de l’acoustique !

Max : Oui ça a été assez fondateur ! Et concernant l’esthétique, on est aussi assez influencé par un certain caractère cinématographique, avec des ambiances oniriques, atmosphériques, planantes, à la David Lynch !

LFB : Vous sortez votre deuxième EP Météo Mirage  très prochainement, comment ça se passe une promo en pleine pandémie ? 

Max : Et bien dans des apparts ! (rires) Forcément ça a un peu perturbé nos plans… Déjà parce qu’on a du décaler la sortie, ça a mis beaucoup plus de temps pour se finir. Les conditions n’étaient pas réunies et comme tout le monde on attendait la scène pour pouvoir recommencer… Une fois qu’on a admis le fait que cela ne serait pas possible, il a fallu trouver d’autres manières d’exister.

A la rentrée on s’est mis à faire des concerts chez l’habitant, mais on a aussi dû arrêter ça. Malgré tous ces chamboulements, on essaye de raconter une histoire à travers divers formats, c’est notre but principal ! Évidemment on utilise les réseaux sociaux puisque c’est ce qu’on a sous la main. La rencontre se passe actuellement beaucoup sur Instagram et c’est assez frustrant.

Mais on est contents, car sur les deux derniers titres on a réussi à évoquer des thèmes, à en parler différemment que si l’on était sur scène, mais c’était l’enjeu. 

Noé : L’accueil a été assez chaleureux à notre échelle.

Crédits: Inès Ziouane

LFB : Et comment ça s’est passé ces concerts chez l’habitant ? Vous êtes les premiers que je rencontre qui ont fait ça durant cette pandémie !

Léo : Franchement super ! Mais c’était compliqué de continuer… Les gens étaient vraiment contents de venir, de profiter de cette expérience.

David: D’ailleurs c’est prévu qu’on en refasse ! 

Max : Tout à fait, mais plutôt des sessions en extérieur afin de rentrer dans les clous des décisions gouvernementales. Nous on marche au pas ! (rires)

Léo : Pas de vagues. (rires)

Max : Et au-delà ça, les concerts chez les gens ont permis de capter une autre dimension de notre musique. Sur une scène, on a pas mal de matos, donc l’envie de taper un peu fort. Là, vu que c’était hyper dénué, juste en acoustique, on a eu des retours du public hyper différents de ceux que l’on a lorsqu’on fait de grandes scènes ! Du coup il y a ce truc très intéressant qui est beaucoup plus sur les textes, beaucoup plus sur la retenue.

Léo : L’émotion avec le public est hyper différente, beaucoup plus intime ! 

Max : C’est vraiment une super formation. Même lorsqu’on remontra sur scène on va retenir tous ces trucs qu’on aura appris.

Noé : Et puis sans tous ces concerts on aurait jamais pu bosser les nouveaux morceaux que l’on prépare ! C’était que des « inédits ».

Max : Oui, on a pu tester des morceaux. Cette période est arrivée dans la dynamique de cet EP enregistré avec Adrien Durand de Bon Voyage Organisation. Il nous a permis de nous recentrer sur l’essentiel, et d’avoir une forme beaucoup plus épurée. Avoir enchainé cet enregistrement avec des concerts acoustiques nous a permis d’arrêter de vouloir mettre des tartines. 

Léo : Plus axés sur notre musique organique, et moins sur les effets de prods comme les groupes de 2015 dont on parlait tout à l’heure. Ces concerts plus intimistes l’ont bien montré ! On n’avait aucune « béquille », il y avait une vraie relation avec le public, mais aussi entre nous ! 

David : Ces concerts réunissaient majoritairement nos cercles proches, voir deuxième cercle. Mais il y a aussi eu des gens qui nous ont découverts là-bas ! On a même pas eu à les forcer à venir. (rires) 

Max : Et puis au-delà de tout ça, on a pu utiliser ces concerts pour pallier aux problèmes qu’on a pu avoir sur notre promo, et notamment comment financer nos clips ! Il y avait cet esprit de débrouille, on n’a pas voulu juste rester là à râler sur le fait qu’il n’y avait plus de concerts et que c’était la merde. On a voulu trouver des solutions pour continuer à faire le projet que l’on rêvait. Au final on a pu financer un clip grâce à ça, et peut-être un deuxième !

LFB : Le contexte actuel fait forcément de Transforme une chanson engagée, mais c’est avant tout une magnifique déclaration d’amour à ta sœur, Max. Es-tu d’accord de nous raconter son histoire ?

Max : Oui, mais c’est vrai que c’est délicat dans le sens où je ne saurais jamais quelle est son histoire. Je ne peux pas parler à sa place, savoir ce qui se passe à l’intérieur, savoir ce que c’est que de marcher dans la rue en 2021 et sentir ce regard. Je ne peux donc pas raconter son histoire, mais ce que moi j’en ai vu. C’est assez différent… Je l’ai vu depuis qu’elle est toute petite, d’abord associée à des mots qui ne correspondaient pas à la situation tout simplement parce que personne n’en parlait et qu’on ne savait pas ce que c’était.

Mais elle avait cette sensation de ne pas être perçue telle qu’elle est véritablement, et c’est tout ce processus d’ouverture que j’ai vu depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Les doutes, les interrogations, et puis le début de l’acceptation et ce que ça va générer derrière. Il y a un sentiment de liberté, mais l’acceptation est aussi douloureuse puisqu’on réalise les sacrifices que l’on va faire. Ce que je trouve incroyable dans ce processus, c’est que le besoin de libération est supérieur à tout. Il n’y a pas de pour et contre.

Alors quand j’entends dans les médias que c’est une mode etc, ça n’a aucun sens. Moi je l’ai vu, ça ne répond à rien d’extérieur si ce n’est que les autres peuvent te montrer que c’est possible de se libérer. Ça vient entièrement de l’intérieur. Mais c’est ça qui est beau, et au-delà de la transidentité cela peut faire échos à tous ces gens qui se cherchent et ont du mal à s’accepter. 

Pour le côté engagé, en effet l’intention première ce n’est pas que ce le soit. Mais le simple fait de se positionner et d’en parler c’est un engagement. On en a beaucoup parlé entre nous, à quel point on veut revendiquer quelque chose. Nous on revendique de ne rien représenter, en revanche on ne peut pas s’extraire l’aspect intrinsèquement politique de la question. Sinon, on nie une partie de la réalité des choses. On a aucune légitimité à part l’amour et le respect, mais on est content si on peut s’inscrire dans une démarche politique dans le sens très large du terme. 

LFB : Comment a-t-elle réagi à la découverte de la chanson ? 

Max : Hyper bien ! C’était une de mes craintes. Je ne lui en ai pas du tout parlé, j’avais peur de ses retours, qu’elle me fasse douter. Déjà que j’étais bourré de doutes…. Quand on lui a fait écouter, le morceau était fini, mixé, masterisé. Il n’y avait plus de retours possibles. Ce qui m’a énormément touché, c’est qu’elle m’a dit que le nom correspondait tout à fait à son ressenti. A partir de ce moment-là je pense que le pari était réussi. (sourire)

LFB : C’est elle que l’on voit dans le clip ?

Max : Tout à fait !

LFB : Autre single de l’EP, Ton Nom est vraiment superbe. Quelle est l’histoire derrière cette chanson ? 

Alexis : C’est un souvenir que l’on a en tête et qu’on a besoin de lâcher, d’exorciser. Ce besoin d’aller dans un grand espace pour arrêter de s’y accrocher. Ton Nom représente bien l’EP sorti le 30 avril. C’est un road trip dans un désert, qui fait table rase du passé et qui permet de faire une remise en question. Ca tombait assez bien de le sortir en période confinement, puisqu’on avait tous envie de s’échapper, de se faire du bien. 

Max : C’est une course sans but aussi, Ton Nom. C’est d’autant plus intéressant qu’aujourd’hui il faut des buts, des finalités pour tout. Là on part sans direction, sans point de chute, avec pour seule envie la quête d’évasion.

Léo : Tout le monde a ce désir de se barrer en voiture, de faire une marche sans but. On a besoin de se vider la tête. 

LFB : Vous parlez beaucoup d’amours désillusionnés… Vous êtes de grands romantiques désabusés ? 

Max : Ah bon tu trouves qu’on parle plus d’amour dans cet EP ?

LFB : Ah ba rien que Ton Nom, pour moi c’était une chanson d’amour. 

Alexis : C’est marrant, moi je pensais à la mort. (rires) 

David : En fait c’est vous les romantiques désillusionnés !! (rires)

Max : Comme dit Roland Barthes … (rires) « le bonheur ça ne s’écrit pas ». Donc évidemment c’est beaucoup plus inspirant ces idées de frustration, de rupture… Pas juste pour le côté triste, mais aussi tout ce que ça inspire de renouveau, de possibilité d’exister autrement. 

Léo : La rupture amoureuse, c’est très dur, mais c’est aussi le moment où tu te sens le plus vivant. Quand t’y repense avec du recul tu te dis « c’était intense comme moment ! ». C’est une pulsion de vie ! Pour revenir à Ton Nom, au final on parle du même type d’émotions, dans tous les cas c’est romantique. 

LFB : On va casser un peu le délire, c’est quoi vos guilty pleasures, ces morceaux inavouables que vous écoutez en boucle ?

Alexis : Faut demander à Léo, c’est le responsable du truc ! (rires)

Léo : Non mais moi j’ai honte de rien oh ! J’écoute de tout !

David : Aller un petit Céline Dion peut-être. Il y a une chanson de Céline que je trouve IN-CRO-YABLE. J’irais chercher ton cœur, l’arrangement, Goldman, c’est tellement racé !! Tu es direct dans une époque. 

Léo : Mais bien sûr, c’est un monument de la musique dans le monde ! Mais les guiltys pleasure, c’est comme dans le cinéma, on peut apprécier de tout : du gros film d’auteur au film d’action. 

Max : Moi je veux pas dire mais j’ai Noé et David qui se regardent en boucle des vidéos de musiciens « aguerris », des trucs de zicos virtuoses qui frôlent l’évanouissement. Ça c’est les vrais guilty pleasure ! Dans le sens où ça remplit quelque chose en toi et tu sais que ce n’est pas vraiment bien (rires)

David : C’est comme de la fast food, c’est bon mais c’est infernal (rires) Mais pour revenir à Céline, on peut avoir des aprioris mais ce côté candide permet de créer des choses. Ce côté émerveillé !

Léo : Et c’est super de pas avoir d’aprioris ! J’ai écouté le dernier album de Dua Lipa, et franchement il est dingue !! En vrai ça déboite.

David : Comme dit Roland Garros… (rires)

LFB : Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ? 

Alex : Que cet EP arrive à vivre le plus longtemps possible et que ce soit un tremplin pour revenir sur scène !

Léo : Et puis la même chose que pour tout le monde, que les choses redeviennent un peu plus…

Alex : Normales, mais pas exactement pareilles quand même !

Léo : Oui pas tout, mais qu’on garde que le meilleur !

Crédits: Inès Ziouane

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