Hotel Lux à la recherche du temps perdu

Hotel Lux présentait son très attendu premier album à Petit Bain ce 8 février. Après coup, on reste sur notre faim d’un concert pourtant excellent. On vous explique.

Soirée Post Punk ce soir. Mais, « post-punk » ne devient-il pas un fourre-tout de tout ce qui a des guitares – parfois – un synthé, et une rythmique simple ? La question se pose. Elle est en tout cas lancée entre deux rires par le guitariste de Métro Verlaine, dans l’une de ses rares adresses au public. Pour autant, Joy Division a accompagné l’avant, l’entre et l’après les concerts du soir ; Petit Bain battait donc pavillon Post-Punk. Et après – mûre – réflexion, cette date faisait écho à une autre dans la même salle, celle des Cool Greenhouse. Lisez plutôt.

Première partie, Métro Verlaine, un quintet mixte d’Évreux. Articulé autour d’une chanteuse et d’un guitariste backeur, on retrouve un second guitariste occasionnellement clavier, un bassiste et un batteur. Ce duo, pierre angulaire du groupe, a des faux airs d’Allisson Mosshart et Jamie Hince, autrement connu.es sous le nom des Kills. D’un univers qu’on rapprocherait plutôt à l’autre côté de l’Atlantique, le quintette propose un post punk alternant du chant français et anglais. Identité forte du groupe, cette voix ronde accroche, englobe l’atmosphère, et joue des coudes avec une guitare soliste omniprésente. Métro Verlaine fait la part belle à ces groupes qui, avec une pointe de mélancolie, créent ce son dur, noir, profond et froid qui, particulièrement quand le chant est en français, est excellent. D’où notre parallèle avec Coeur Joie : groupe qui contribue lui aussi, dans un style bien différent, à faire renaître une scène autour du chant francophone.

Déjà deux albums au compteur, dont le dernier, Funeral Party, sorti l’année dernière chez Kids are Lo-Fi et Le Cèpe, le groupe est en pleine ascension. Et les voir sur scène ne fait que renforcer cette impression. De cette voix à partir de laquelle on s’imagine mille visages, on découvre une chanteuse aussi à l’aise sur scène que dans la fosse, pas avare d’une prestance qui attire la lumière. De son côté, en retrait, plus mystérieux, son compère guitariste équilibre parfaitement le duo. On sent le groupe rodé ; les pauses à rallonge, souvent part lourde des première parties de concert, sont ici inexistantes. Et c’est assez rare pour être souligné. Métro Verlaine assure donc avec brio cette première partie. A découvrir avec plaisir sur un temps plus long, pour approfondir leur discographie déjà bien fournie.

Deuxième partie, Hotel Lux. Compatriotes de Cool Greenhouse, le sextet (oui, six) est un groupe dont on parle depuis déjà quelques années. Dès 2017, la formation sortait un single, The Last Hangman, qui figurera quelques années plus tard dans un épisode de Peaky Blinders. Cette collab finira d’enticher les néo-londoniens et leur public, déjà bien accroché par quelques EP et singles sortis entre temps – et un concert mémorable à l’Olympic Café pour les plus chanceux.euses. En presque six ans d’existence, leur discographie paraissait pourtant bien maigre, jusqu’à la sortie, il y a très peu, de leur premier album, Hands Across the Creek (The state51 Conspiracy).

Le style de Hotel Lux est assez indéfinissable. Pas trop post-punk mais quand même un peu, pas trop rock qui castagne mais quand même un peu, pas trop ska mais quand même un peu. En fait, on est surtout sur de la musique qui bouge. Ce genre de groupe qui déboulerait dans un pub, avec son bordel fracassant, qu’on découvrirait au détour d’une bière. Accent anglais à l’excès, le chant est plus souvent parlé, déclamé, voire crié (The Cool Greenhouse, bonjour). D’une plume acide, le chanteur tire un portrait teinté d’une certaine ironie de la société d’Outre-Manche, avec cet humour caractéristique que l’on connaît à nos frères-ennemis et soeurs-ennemies de l’autre côté de la Manche (encore les Greenhouse).

Il faut dire que le monde bruissait le doux nom d’Hotel Lux des suites de leurs premiers singles. Pour autant, Hands Accross the Creek n’arrive pas à atteindre l’attente créée. La faute à une pandémie qui a peut-être coupé l’élan du groupe, ou l’idée de se perdre dans les attentes toujours pressante d’un public trop exigeant. L’album est loin d’être mauvais, bien au contraire. Ce côté synthé rétro qu’on retrouve presque partout est tout bonnement excellent, le chanteur a une voix, une vraie, qu’on aime écouter. Le tout est très bien orchestré, très bien fait, soyons clairs. Pour autant, parfois l’indéfinissable prend une place prépondérante dans le ressenti, et l’indéfinissable manque ici du petit quelque chose.

Il est pourtant nécessaire de reconnaître qu’après la déception de l’EP Barstool Preaching (2020, Nice Swan records), la barre a été redressée, et d’une élégante manière. Peut-être qu’Hotel Lux est revenu à ses basiques, ses racines, et bien heureux sommes-nous d’enfin découvrir leur vrai visage.

De ce concert, on retiendra un je-m’en-foutisme excessif… et jouissif. Des différents pépins techniques ils n’auront cure, le chanteur passera une bonne partie du concert une bière à la main, l’autre dans les poches, tout comme le clavier, d’ailleurs. Le groupe conforte ce cliché qu’on a de ces jeunes Anglais, ces punks (au sens primaire) désabusés : tout semble leur passer au-dessus, avec une tranquillité déconcertante. Pour autant, loin d’être un ennui, ce concert est une pure merveille de danse et de fun. Comme The Cool Greenhouse, le post-punk n’est pas que chiant et triste, et l’on en a encore la preuve ici. Hotel Lux aura eu beau jeu d’ambiancer une péniche en constante acclamation.

A l’image de l’album, deux chansons plus calmes, chantées par l’un des guitaristes, viennent casser le rythme. C’est peut-être ici que le bât blesse. Ces deux chansons s’écartent bien trop de l’univers primaire du groupe. Plus calmes, à la folk pour l’une d’elle, chantées plus que parlées, pas de synthé, on a l’impression de voir un groupe tout à fait différent. Littéralement d’ailleurs quand, pour Morning after Mourning, la scène se voit vidée de moitié. Les gars d’Hotel Lux font ce qu’ils veulent, tout leur passe au-dessus, on l’a vu. Et, d’une habilité passionnante, ils reprennent comme si de rien n’était, relançant la machine après ces pauses qu’on oubliera vite. Avec pour seul rappel The Last Hangman (c’était cousu de fil blanc), le sextet remplit avec honneur et brio sa mission : défendre un très bon premier album.

Toutes les photos ont été réalisées par Loélia, qu’on peut retrouver sur instagram juste ici : @aileol.photography