Hervé : « Je pense que c’est les gens qui ont fait vivre ce disque »

Au début du mois d’octobre, Hervé reprenait la route des concerts avec en ligne de mire un Olympia, malheureusement annulé depuis. On l’avait rencontré lors de son passage au Grand Mix pour ce qui est déjà sa troisième interview sur le site. L’occasion de revenir sur cette période étrange qui a bouleversé les plans autour de la sortie d’HYPER, mais aussi de sa nouvelle configuration live et de son envie de faire vivre ce premier album sur la longueur.

La Face B : Salut Hervé, comment ça va ?

Hervé : Ça va bien, ça va très bien. On marche un peu sur des œufs mais je suis tellement heureux de jouer et enfin de défendre ce disque. Ce soir ça va être la 3e date, et quel kif de revoir les gens. Même si c’est assis, masqué, comme tu veux ! Même de dos on l’aurait fait.

LFB : Justement malgré la situation, c’était nécessaire pour toi de revenir sur la scène ?

Hervé : J’ai du mal à exister en dehors. Le truc c’est que j’ai un lien, où j’ai besoin de sentir les gens, les voir; j’ai besoin de m’exprimer. J’aime beaucoup faire des clips, partager sur mes réseaux, répondre, être là… je m’en sers de boîte aux lettres. Mais en réalité, comme tout artiste je pense, j’aime être sur scène et défendre ma musique comme ça. Le disque je l’ai écrit un peu comme ça, en faisant des premières parties, en démarrant de cette manière il y a un an. Et là, ouais franchement c’est magnifique de retourner sur scène. En tout cas c’était essentiel.

LFB : Et là, les gens vont un peu te redécouvrir, puisque tu débarques avec 2 musiciens. Est-ce que pour toi ça change d’avoir des gens sur qui t’appuyer sur scène ?

Hervé : Disons que j’ai plus de relief du coup, dans les drums, les sons de basses ect… J’arrive plus à voir le relief que j’avais voulu mettre sur l’album. Tu vois, je voulais que les émotions soient identifiables un maximum. Et sur le disque c’était ça, il y a Vincent Taeger qui est venu jouer sur l’album. J’avais déjà sampler de la vraie batterie, donc il y avait déjà cette idée d’aller vers des concerts où je pouvais varier, « faire monter la sauce, ça joue moins fort au couplet, là ça envoie, ça c’est plus une ballade » plutôt qu’être que machine.
Le gros défi était de retrouver le son de ce que je faisais seul. Ce son électronique que je voulais avec les gros kicks, avec une vraie batterie. Et techniquement je crois qu’on s’en est bien sorti. Ça a été pas mal de taf. Je suis content d’avoir un contact sur scène avec quelqu’un derrière moi, et sentir les gars me pousser. J’avais besoin de faire quelque chose de différent.

LFB : Justement, je ne t’ai pas encore vu, mais je pense que c’est quelque chose qui amène de la vie sur scène. Et je pense que ça correspond bien à ta musique, dans le sens où ça peut ça peut se casser la gueule à tout moment pour repartir sur un nouveau truc.

Hervé : C’est ça, jusqu’au moment où il y a des climax, le mec il joue, tu sens le truc qui monte. Avec les séquences, je suis un geek du son, j’ai essayé d’avoir ces moments d’intensité par le prisme d’un ordinateur. Et là aujourd’hui, doublé, sublimé par quelqu’un joue, c’est juste super.

LFB : Et avoir des gens en plus pendant les concerts, est-ce que ça te permet aussi toi de te reposer un peu ?

Hervé : Ah non !

LFB : C’est pire ?

Hervé : Ouais, disons que ma stratégie n’est pas défensive (rire). On est pas onze derrière quoi. Mais j’en ai besoin. J’avais peur de ça, c’était l’inconnu pour moi, d’avoir des gars derrière. Même jouer devant les gens qui viennent me voir; je rencontre mon public, il y a une grande inconnue comme ça. C’est une aventure qui est géniale. C’est vraiment cool, je me sens hyper bien.

LFB : Et qu’est ce que ça te fait de rencontrer ton public ? Avant c’était surtout des premières parties, à part la date au Point Ephemère, mais c’était à Paris qui est ta maison, là tu tournes en France et en Belgique.

Hervé : Mais c’est dingue en fait. Tu vois un groupe qui vient, et un titre c’est leur chanson. Alors les personnes se lèvent pas, mais c’est pas évident de rester assis. Ça chante, si je fais Addenda, et Coeur Poids Plume ou encore Désert de Toi, titre que je n’avais jamais joué en live. Je le joue, ça chante, c’est incroyable la sensation. C’est une sensation que je ne connaissais pas et qui est géniale. Et que les gens connaissent déjà les titres, je suis hyper surpris. Ça me le faisait sur mes deux dates parisiennes comme tu le disais et j’étais là “mais what vous connaissez les paroles ? “, c’est dingue j’arrivais pas à m’en rendre compte, et j’imagine que quand ce sera des plus grosses jauges… On a été un peu privé de dessert sans les festivals mais… voilà.

LFB : Ta musique est hautement personnelle. De voir que les gens prennent ta vie pour la raccrocher à la leur, pour quelqu’un qui est hypersensible, qu’est-ce que ça fait ?

Hervé : En fait le gros noyau c’est qu’il y a une bienveillance qui est phénoménale, à laquelle je m’attendais pas. Il y a un truc très positif, les gens ont une énergie folle. Maintenant ça m’arrive dans la rue, dans Paris où quand je suis en Bretagne, de croiser un couple qui passe et qui sont en train de m’écouter sur leur téléphone. Je sors mon album, je pense, à un des moments les plus chelous de l’histoire de la musique. C’est quand même un truc de dingue. La diagonale qui est placée, que je dois suivre; avec mes équipes ça fait un an et demi qu’on se dit qu’on va arriver à telle fenêtre en mars 2020. Qu’on va envoyer, on va aller en festivals, où les gens vont me découvrir, on va faire des clipsetc… Et en fait ça nous a coupé l’herbe sous le pied.
Et en même temps la débrouille ça toujours été un truc qui m’intéresse. On peut pas faire de clip ben je prends mon téléphone. C’est là ou mon hypersensibilité elle m’a servi, et l’hyperactivité avec le fait que ça ne s’arrête pas. Le soir quand je rentre, je suis en train de monter mon clip, je fais les trucs d’étalonnage, je me dis la pochette on la fait au téléphone… Tout ce côté geek je l’avais nourri avec Postaal où je faisais les clips, les pochettes, la production et tout. En fait c’est comme si ça allait avec la façon dont j’ai fait l’album.

LFB : Oui toi on voit bien que c’est un truc que tu maîtrisais de A à Z. Les clips au final c’est un truc qui te rattrapait un peu, un mal pour un bien.

Hervé : Ah mais j’étais sûr qu’à un moment j’allais me re-retrouver à avoir 2 semaines pour bricoler un titre, un clip, une pochette. Je savais que j’allais me retrouver dans ce bourbier là. Et c’est des bourbiers dans lesquels je me sens bien. Je me dis “ok on peut pas faire ça, ni ça, ni ça.. Ok ça commence à m’exciter un peu, faut qu’on trouve”.
Non pas que j’aime les situations de crise, mais j’aime me dépasser. Et mes équipes ont tellement bossé comme des fous, même pour tourner, on fait 15 dates à l’automne.

LFB : Ouais il y en a pas beaucoup qui font 15 dates en automne.

Hervé : Ah mais je ne sais pas si en temps normal c’est le cas. C’est cool du coup parce que je ne peux pas me comparer, me dire “au même moment un tel sortait son album il avait des concerts, moi j’en ai moins, j’en ai plus”. Je suis dans mon couloir et je m’en fiche, on est ensemble.

LFB : Par rapport à cette situation, ce qui est intéressant dans ton album, dans l’énergie qu’il dégage, c’est un peu une fenêtre ouverte sur un océan de merde. C’est cette énergie qui a été captée par les gens.

Hervé : Ouais ouais, je reçois des vidéos d’enfants, d’anciens, de mamans, célibataires ou pas, de couples… Enfin des trucs de fous…et de tout ! Dans les concerts que je fais là et le public que j’ai, il y a de tout. Et aussi de tous milieux sociaux.
Et en fait, c’est là où je voulais aller depuis le début, et c’est là d’où je viens aussi. Je pense que c’est les gens qui ont fait vivre ce disque. Tu vois, je suis pas hyper actif sur les réseaux, je suis pas dans ces trucs là. Le seul lien que j’ai, c’est par la musique. Si je suis pas là c’est que je suis en train de faire du son, ou en train de préparer un truc pour proposer une émotion, qu’elle soit aussi bien mélancolique, dansant, de lâcher prise, peu importe ce qui me traverse. L’adaptation ça a été le maître mot cette année. Comment on s’adapte, et comment on propose, sans proposer au rabais. Si le clip à l’Iphone n’est pas bien, on le regarde tous avec les équipes et on le sort pas. On sort pas un clip à l’Iphone parce que c’est cool de sortir un clip à l’Iphone. C’est une galère (rire),  j’ai fait un colis, un UPS pour envoyer mes rushs, j’étais en Bretagne. Il y a ce truc d’adaptation, et j’ai eu énormément de chance d’avoir une équipe comme ça, même des musiciens qui sont prêt de partir jouer.

LFB : Le clip dans ta cuisine, ce qui était intéressant c’est que tu fais sauter le 4e mur, tu rentres dans la normalité des gens en faisant quelque chose comme ça.

Hervé : Ce titre c’est marrant parce que la mélodie m’était venue dans cette cuisine, une nuit en août l’année dernière. J’étais en train de me faire à bouffer, et je m’étais dis si un jour je fais un clip, moi ou quelqu’un d’autre, ce serait un truc un peu Risky Business tu vois, le mec il se lève, il fume sa clope il fait ses trucs. un truc un peu random où la nana danse etc… Quand l’idée est venue de le faire, on s’est pas posé 10000 questions en fait, on l’a fait une fois, on s’est dit ok on y va. Le lendemain matin, on scotche le télephone au mur, c’était un plan séquence donc pas besoin de montage, et go. Ensuite on voit, si c’est pas bien, c’est pas bien; si on trouve ça correct on le sort. Ce qui était cool c’est qu’on pouvait sortir un truc de manière totalement instinctive. Parce que pour le coup ça sortait une semaine après, on était là “bon ok il nous reste 5 jours avant d’envoyer le clip à vevo« , on fonce, ça fuze d’idées, et ça sort. On est pas dans le truc ou c’est fait à l’arrache, quand il sort sur youtube une semaine après, je suis comme ça, j’ai la tremblote, je me dis putain on compte les morts à la télé et moi j’envoie ça. 

LFB : Oui mais peut être que c’est ce dont les gens avaient besoin aussi ? Comme je te disais, une énergie à la fois positive, et d’un truc qui reste humain. Finalement il n’y a rien de faux dans ce que tu fais. Tout ce qui ressort est sincère.

Hervé : Ben parfois avec le recul je me réveille, et je me dis putain quel cauchemar. Et 99% du temps je me dis… C’est pas que ça aurait pu mieux se passer, c’était le moment en fait. Où le monde était un peu sur pause; peut être qu’ils seraient pas venus m’écouter si il n’y avait pas eu pause tu vois. Là ce soir, il y a des gens qui vont venir, parce que c’est des habitués, abonnés de cette salle, j’imagine; ils connaissent pas mais comme il y a peu de concert, ben ils viennent. Quand on a annoncé l’Olympia, il restait quelques places, c’était complet une heure après. Je pense que s’il y a 6 Olympia par semaine… Tu vois, t’as vu un concert hier, t’étais à la Boule Noire avant hier, à la Cigale avant avant hier…Je pense que ça m’a permis d’avoir du temps pour m’exprimer mine de rien, dans ce truc où l’appréciation des choses est quand même biaisé. C’est chelou mais c’est cool.

LFB : On sait que tu t’arrêtes jamais, cet album là c’est un chapitre qui se ferme. Est-ce que tu es déjà en train de penser à ce que tu vas faire sur la suite ? Est-ce que tu as envie de te surprendre toi, plus que surprendre les autres ?

Hervé : Dans l’idée, là où avec l’EP j’avais 60 dates derrière. Bien sûr je continue de faire du son mais, j’ai envie de continuer de surprendre à l’automne ça je ne sais pas encore… mais j’ai envie de défendre l’album. Je l’ai pas trop regardé, j’ai pas trop porté mon merch, j’ai pas trop été dedans, j’ai pas tourné. Avec le covid, j’ai fait moins d’interviews… il y a un truc de rythme un plus chelou. Et du coup le disque, mon objectif c’est de continuer de le faire vivre. Parce que ça me ferait chier de tourner encore un an après au moins. Après on verra comment on reste actif, selon la créativité, si on a un truc bien on le sortira, mais la priorité là c’est de défendre le scud. Je viens pas de faire disque de diamant…

LFB : Ouais c’est pas Bande organisée quoi…

Hervé : Ouais là, c’est pas évident. Je ne sais pas combien j’ai vendu de disques mais faut y aller. Je pense qu’il faut continuer à défendre; Coeur Poids Plume ou Addenda pour moi ils sont qu’au début. Et j’ai envie de les jouer, et te croiser au mois d’août l’année prochaine sur les festivals avec mes packs de vinyls. Pouvoir te dire “on y est et on l’emmène encore”. Pour une fois j’ai envie de prendre mon temps. Pareil pour tourner, j’aurais pu me dire que dans l’économie dans laquelle je suis, on fait pas de zénith, on a tourné à 2 avec un ordi et un clavier, j’aurais pu me dire je tourne pas cet hiver, trop galère, on va perdre trop de tunes. Quel intérêt de partir en van à 4 pour jouer devant 100 personnes. Et non c’est hors de question, je vais le défendre comme si il s’était rien passé. Et sur scène pareil, je fais des blagues, quelques trucs… Mais il hors de question de passer une heure à dire… miskine j’ai sorti mon album l’année du covid. C’est mort. Dans ce cas là tu viens pas, les gens ils essuient pas les pots cassés, chacun les siens. Nous on joue, les artistes ils jouent. Après les gros artistes je comprends, les mecs ils font des jauges de malade. Mais faut jouer, faut sortir de la zic là ! C’est ce que je dis à tous mes potes : Sortez sortez ! N’ayez pas peur de sortir ! Parce que quoi, tu as une moitié de date en moins ? Parce que tu as une moitié de jauge ? Une moitié d’interview ? Regarde Damso il vient de sortir un album. 

LFB : Mais oui, je pense qu’il y a une vraie attente des gens.

Hervé : Ah mais grave ! Il y a rien de pire que de passer une putain d’année covid et te dire j’écoute des disques de 2018. C’est hors de question.
Il y aura toujours des retombées. Quand tu fais, il se passe quelque chose. C’est ce que je me dis tout le temps, c’est ma gamberge. Je me dis qu’il faut que je fasses bien ce que j’aime.
Vas-y faut y aller, qu’est ce que tu as à perdre ? Si tu le garde pour toi, ça va être pire, personne va l’écouter. Tu vas préparer ton truc, si ça se trouve tu vas tomber une semaine où il y a une tempête, on va parler que de ça, t’es cuit. Ah merde il y a machin qui est mort, on est niqué !

Ça peut arriver à tout moment. Qu’est ce que tu peux prévoir ? Bon après on attendait pas à se prendre une tuile pareille, mais c’est pour tout le monde !

LFB : Et du coup, malgré le contexte, ça fait quoi de faire un Olympia complet ?

Hervé : C’est magnifique, c’est incroyable. En plus l’Olympia il est beau assis. C’est trop beau, les fauteuils rouges en velours… trop beau. Même la Cigale assis j’aime trop. Je suis toujours au balcon en haut, quel kif. Les concerts assis en vrai c’est cool, je ne fais pas de l’acid, tu peux être assis.

LFB : Ça permet de découvrir ta musique autrement aussi

Hervé : C’est incroyable de faire un Olympia. Je l’ai fait en première partie devant le rideau avec 1m15 devant moi. Et là de revenir un an et demi après, et me dire qu’on fait peut être une des plus grosses dates à Paris de l’hiver. Pour un artiste comme moi c’est maboul de me dire que les gens viennent. Les gens vont faire des bornes et tout, ils ont écouté le disque cet été et viennent. C’est ouf, je suis trop content, et je suis hyper fier des équipes en vrai.

LFB : Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ? A part la deuxième date à l’Olympia ?

Hervé : De continuer à faire des concerts. C’est bateau ce que je dis, mais que ça s’arrange un peu pour tout le monde, pour nous, et que la musique continue de vivre. Et c’est tout, en vrai c’est simple ce qu’on souhaite, comme avant mais en mieux.