Gwendoline, schlaguerie dépressive

Les fins de soirées ratées ont trouvé leur bande-son. Celle qui raisonne dans les téléphones qui n’ont plus de batterie, dans les rues vides de Paris à la recherche désespérée d’un noctilien bondé de connards. Gwendoline c’est un duo parti d’une sombre blague qui réédite aujourd’hui Après c’est Gobelet ! tel un hymne à la loose superbe mais sans aucune dignité. Un coup de poing total, du Fauve avec le talent en plus et la hype en moins. Ils balancent leurs quatre vérités à une société déglinguée.  Le tout sur un rythme cold wave, rendant ainsi au genre sa superbe et son essence même : la déprime. Et pourtant on se marre bien. D’un rire très noir.

Gwendoline c’est un duo Rennais composé de Micka et Pierre, nourris aux PMU et aux discussions bourrés. Ils captent ainsi l’humeur d’une jeunesse désenchantée, poursuivant à tout prix l’ivresse pour oublier sa vie de merde. Des punchlines tapageuses qui ont tout pour devenir cultes à l’image de leur pépite autodestructrice Audi RTT. Introduite par des synthés Cold Wave à faire frémir Molchat Doma, « Rendez-vous au PMU à 8h du matin » pour se faire biberonner à la bière tiède et à l’ennui. Pour représenter ce monde de quidams terriblement réaliste, rien de mieux que de faire participer leur communauté. Un clip participatif parfaitement banal dans ce qu’il décrit permet de mettre des images sur les misères du quotidien (et clasher quelques cons au passage). C’est fataliste sans être misérabiliste. Et puis il restera toujours les copains.

Franchement impertinents, ils se permettent de dire tout haut ce qu’ils disent de toute façon déjà tout haut. Le Chevalier Ricard ne défend ni la veuve ni l’orphelin, on s’en prend plutôt pour notre grade. On doute qu’ils en aient rien à foutre de tout, mais c’est un doigt d’honneur à la vacuité du quotidien et des relations humaines vides de sens. Comme sur tout l’album, un refrain à double voix qui permet de balancer toute la machine, d’une efficacité pur et dure.

Tous les sujets du quotidien passent ainsi à l’acide sulfurique. Âme sœurs fera frémir par sa violence non dissimulée d’une passion qui finit très mal. On avait prévenu, ce n’est pas un album pour âmes sensibles. C’est cru, c’est tordu, et franchement dans un monde musical aussi lissé ça percute d’autant plus fort. On fera d’ailleurs la connaissance de la fameuse Gwendoline au détour Du Lundi au Vendredi, l’arme au poing.

Le groupe n’hésite pas non plus à expérimenter plus musicalement notamment dans Aquarium, mélodie vacillante qui procure un sentiment de bad trip qui finit en overdose. L’instrumental se fait plus présente, plus travaillée, plus percutante dans ce morceau tout comme dans Spa Tranquille. Tout est parfaitement maitrisé, malgré l’image de schlaguerie punk qu’ils souhaitent transmettre.

Afin de terminer de toute beauté, La Fin du Monde est une apocalypse de rancœur. Porté par des cœurs infernaux, Gwendoline nous offre les derniers instants d’une société perdue, presque en autocritique de leur propre personnage. Raisonnant plus fort et serrant les cœurs, le morceau nous laisse sur un sentiment de détresse assez inconfortable mais terriblement bon.

Des instrus parfaitement maitrisées et épurées qui permettent de mettre en avant un timbre de voix sombre ainsi qu’un phrasé blasé, des coups de poing littéraires, la recette de la déprime pourrait être parfaite. Pourtant on se prend un plaisir absolu sur les refrains, entrainants, sauvages, clashs, ce petit rayon de lumière qui vous fait libérer vos pulsions et votre corps. On pourrait facilement faire un recueil de poésies trash. Gwendoline mérite franchement de devenir culte. Même s’ils sont « trop indépendants et trop underground », on les veut à l’Olympia pour déprimer et péter un câble parmi tous les quidams. Loin d’être facile, Après c’est gobelet ! est une claque comme on en fait rarement, nous laissant béats voir tourmentés. Ce n’est pas toujours agréable de se prendre de telles vérités dans la gueule, mais l’expérience procure des sensations qui nous manquent terriblement. Trop lisse, trop soumise, trop fade et résignée, Gwendoline dépeint une société qui ne vit en fait plus. Ça faisait longtemps qu’on était pas ressorti d’un album avec une telle envie de bouffer la vie.