GRAND BLANC : « on a accueilli les parages et le réel dans ce disque »

L’attente fut longue, mais la récompense est grande. Après cinq ans d’absence, GRAND BLANC est de retour et nous offre une merveille du nom de Halo. Un album qui, on en est certain, marquera cette année. On a eu le grand plaisir de croiser la route de Ben et Camille pour parler avec eux du temps, de la conception de cet album, du réel et des rêves.

Grand Blanc portrait

La Face B : Hello vous deux. Comment ça va ?

Camille : Ça va niquel.

Ben : Ça va. On sort de notre deuxième session de répétition pour le live. Ça s’est bien passé. Notre studio de répét’ est toujours cool. Et voilà.

LFB : Quand j’ai préparé l’interview, j’ai l’impression qu’on allait beaucoup parler du temps. Je me demandais si vous aviez une définition particulière du temps et ce que ça représentait pour vous ?

Camille : Une définition du temps, c’est un peu compliqué. Je ne sais pas si on va réussir.

Ben : Hier, on regardait Le Cinquième Elément et ils disaient « le temps ne compte pas, seule la vie compte ». Alors j’aurais bien envie de me cacher derrière ça.

LFB : Je trouve que c’est une bonne idée. Si je vous demande ça, c’est que j’ai l’impression que finalement, quand on écoute Halo, le temps est une sorte de colonne vertébrale.

Ben : Ouais. C’est l’album qu’on a mis le plus de temps à faire pour plein de raisons qui tenait à nous, à notre groupe et à des facteurs extérieurs. Le temps s’est un peu ralenti ces dernières années. En même temps, on a monté un label. En même temps qu’on faisait cet album, on a un restructuré notre manière de fonctionner en groupe. On a peu changé d’instruments. C’est un truc qu’on faisait un petit peu sur les autres albums, on changeait notre setup. Mais là, on l’a encore plus fait. C’est vrai que du coup, Halo, c’est un disque un peu plus lent, plus stretché comme ça. Je pense que c’est dû aussi au fait qu’on voulait rendre un peu l’impression de tout ce temps passé.

LFB : Quand on regarde la tracklist et les morceaux, il y a aussi une idée très élastique du temps. J’ai l’impression que les morceaux ont la vie qu’ils doivent avoir, peu importe qu’ils fassent 6 minutes, 1mn15 ou 3mn50.

Camille : Alors oui, ça on a… Je pense qu’on ne se pose jamais la question de combien de temps doit durer un morceau quand on le fait. On estime que si on prend plaisir à écouter une musique de cinq minutes, dix minutes ou vingt minutes, on espère que les gens aussi. Ça s’arrête vraiment là. Et puis, maintenant, on a un label donc on fait ce qu’on veut. Il n’y a vraiment personne pour nous dire que nos musiques doivent avoir d’autres formats. On était libres avant de faire ce qu’on voulait mais… On a quand même sorti le premier single du deuxième album qui faisait dix minutes.

Ben : Disons que là, on ne se pose plus la question. Alors qu’avant, il y avait des gens qui nous posaient la question. On a fait tous ces trucs, de monter un label, de prendre des nouveaux instruments, de changer un peu de manière de fonctionner aussi dans un cadre un particulier parce qu’on a monté notre studio dans une maison près d’une forêt. On allait déjà faire la musique ponctuellement mais là, on s’y est installé. Du coup, notre rythme de vie a changé.

Quand on faisait des albums avant, c’était en général en studio à Paris. Donc il y avait un truc avant un peu de ligne brisée qui séparait un peu les chansons. Là maintenant, c’était un grand truc continu comme ça. Effectivement, ça ne fait pas que des morceaux de dix minutes parce que ce qu’on avait sous les yeux et qui a entraîné le disque, c’est aussi le temps qui passait. Littéralement, parce qu’on avait un velux où on voyait la lisière de la forêt. On était dans l’axe pour le coucher du soleil. Des fois, tu avais une averse qui tombait très ponctuellement. Des fois, tu avais de la grisaille qui pouvait durer six jours. Des fois, des espèces de ciels un peu éclatants. Je crois qu’on s’est adaptés. Ça a fait un tout.

LFB : C’est marrant parce que ces idées-là nourrissent l’album, que ce soit sur le titre des morceaux mais aussi dans le fait que vous ayezz laissé ces bouts de vie. Il y a des bruits de la nature, de la pluie ou des choses comme ça qui passent dans l’album et qui viennent naturellement vivre dans l’album, comme si c’était des instruments ou des objets pensés pour.

Camille: C’est gentil. On aime bien se dire qu’on a accueilli les parages et le réel dans ce disque. Au début, ce n’était pas totalement volontaire. C’était parce que le studio n’était pas vraiment insonorisé. Ensuite, quand on a compris que les accidents pouvaient donner encore plus de sens aux morceaux, on les a accueillis beaucoup plus volontiers. Et parfois, on leur a même réservé une place.

LFB : Sur le premier titre, tu as certes la guitare mais les premières choses qui apparaissent, c’est le bruit de dehors en fait. Comme si on sentait un peu que le lieu, l’endroit où il a été créé a sa place, tout aussi importante que les personnes qui l’ont fait.

Camille: Je pense que dans Halo, il y a aussi… Nous, on a toujours aimé décrire les lieux, installer les chansons dans des lieux. Et là, les lieux, c’est surtout des paysages extérieurs, quelques paysages intérieurs aussi. Pour ce qui est des paysages extérieurs, on a cette idée de créer des paysages sonores et du coup, le bruit du dehors, les enregistrements à l’Iphone, au Zoom et tout ce qui s’en suit, c’était hyper intéressant à utiliser et même à transformer un peu en musique quoi.

Ben : C’est ce qui fait la vie un peu.

Camille: Un bruit de camion qui peut devenir une basse, la pluie qui tombe sur le velux qui apparaît à la fin de plusieurs morceaux…

Ben : On a poussé le truc. Quand on fait un disque, comme ça nous prend du temps, on écoute d’autres disques, ça répond à plein de choses. Et je ne sais pas, à un moment, on s’est mis à enregistrer les grattes avec énormément de gain. Les bruits de cordes sont presque plus forts que les notes que tu joues, les craquements des doigts…

Ce sont des trucs qui ont commencé à nous plaire et ouais, c’était pour mettre de la vie dans le disque. En termes de paysage, tu as ces trucs un peu de sons directs mais tu as aussi un gros travail sur les textures synthétiques qui sont un petit peu plus loin. Comme on parle de paysage, c’est un peu comme si des fois, les sujets, c’étaient ces bruits, ces événements. Il y a aussi beaucoup d’aplats en fait derrière les morceaux. Il n’y a pas de textures. C’était marrant puisqu’on parle beaucoup de temps. Ce travail d’affiner le paysage, tendre nos paysages sans trop savoir comment au début, ça a aussi été à un moment le moyen de prendre le temps de faire les morceaux. Des fois, les paroles mettent longtemps à arriver alors du coup… Vient la résolution musicale du morceau : il manque un solo, tu vas mettre longtemps à le trouver. Il y a souvent des latences. On a peu peint ces paysages en attendant de développer les choses.

LFB : Même dans les paroles, il y a un côté très abstrait aussi. Mais du coup, finalement, quand on écoute l’album, j’ai l’impression que l’album est à contre-courant de l’époque. Pour moi, on est dans une époque qui est dans le chaos et dans l’immédiateté alors que quand j’écoute l’album, j’ai l’impression d’être face à quelque chose de très apaisé, qui est presque une expérience méditative en fait.

Camille : Merci, ça nous fait trop plaisir. Je crois que c’est ce qu’on avait besoin de faire. Quand on fait de la musique, on aime bien décider de ce qu’on va faire à la fin. Mais en général, ça ne marche pas. Du coup, on a commencé à faire de la musique… Il y avait une maquette, deux, trois et puis, c’est irrémédiablement calme. Donc au bout d’un moment, on s’est un peu gratté la tête en se disant « peut-être que dans la prochaine, il y aura une batterie ». Et en fait, il n’y en avait pas. Donc pareil, on a essayé de travailler du mieux qu’on pouvait ce qui sortait de notre collaboration à 4 et d’en faire quelque chose d’abouti. Mais oui, je crois qu’on avait juste envie d’entendre des choses comme ça parce qu’en général, quand tu fais de la musique, tu fais ce que tu as envie d’entendre. On avait besoin de calme.

Ben : De calme et puis après, il y avait le truc de contre-courant de l’époque. Peut-être que c’est un peu une réaction à… Je ne sais pas si on le voit comme un contre-courant. Déjà, c’est un peu difficile de voir une époque. Ça dépend trop du lieu où tu te trouves et c’est vrai que comme on avait pas mal changé de cadre de vie… C’était dans le même temps mais avec un rapport à l’espace qui était différent.

Après, l’imaginaire derrière le disque, on a lu aussi beaucoup de SF, beaucoup de littérature utopique/dystopique, de la littérature d’imaginaire. Notamment un des bouquins qui nous touchait trop, qui se passait un peu après des catastrophes… Sans faire complètement un album de SF, c’est aussi ça qu’on mettait. Ça allait dans toute la veine de cette littérature. Genre, et si jamais les choses s’arrêtent, on va faire quoi après ? Je ne sais pas, dans tout cet imaginaire, ça nous semblait un peu cool de se dire « ah bah on pourra prendre une guitare sur le dos et faire des chansons un peu acoustique ».

LFB : Oui parce qu’il n’y aura plus d’électricité ou il n’y aura plus…

Ben : Ouais, voilà. Les disques un peu folks, ça peut marcher avec ou sans le courant. Du coup, il y avait un peu cette idée-là dans notre imaginaire quoi.

LFB : Ce qui est fou, c’est que finalement, cet imaginaire se traduit aussi dans les paroles parce qu’il y a quand même un rapport aux souvenirs qui est très important. Même un rapport dans l’utilisation du temps, l’utilisation du passé ou des choses comme ça. J’ai l’impression que beaucoup de morceaux parlent aussi de comment le temps qui passe rend ces souvenirs flous et comment les retranscrire évolue en fonction du moment où on s’en souvient.

Camille : Ouais, on s’en est rendu compte. Pilule Bleue, c’est vraiment ce thème qui est abordé. Le thème du souvenir que tu veux vraiment garder comme une amulette. Un truc très précieux. C’est comme quand tu as fait un rêve le matin, il faut absolument le raconter à quelqu’un ou l’écrire parce que sinon, tu oublies. Nous on se disait qu’il fallait vraiment qu’on mette nos souvenirs dans une musique, dans une chanson parce que c’était trop beau pour être oublié. Après, pour les autres, quand tu dis « utilisation du passé et tout », moi je ne m’en suis pas vraiment rendu compte mais là, quand je les balaie dans ma tête…

Ben : Si, quand même. Il y a Fleur qui est au passé. Il y a aussi ça, je pense qu’effectivement, elle note beaucoup de souvenirs. Les chansons, notamment Pilule Bleue, c’est un moment qu’on a vécu un peu avant de faire le disque. Il y a d’autres souvenirs comme ça, rapporté un peu qui sont un peu le préquel ou la genèse du disque, qu’on a rapporté dans notre maison et dans notre studio. Après, tu as des chansons qui se sont faites un peu plus pendant. Fleur par exemple, c’est une notation d’une période qu’on a vécue dans la maison. Mais c’est vrai que comme dit Camille, Pilule Bleue a été l’un des premiers morceaux donc dès le début du disque, il y avait cette idée de collecter des souvenirs pour les mettre à l’abri, pour qu’il y ait quelque chose qui reste.

LFB : Ce qui est drôle, c’est que dans Matrix, la pilule bleue, c’est quand même celle qui éloigne de la réalité et qui maintient les personnes dans le rêve.

Camille : C’était un grand débat entre nous : est-ce qu’il faut l’appeler Pilule Bleue ou Pilule Rouge ? Oui, en fait, on en a conclu que se maintenir dans le rêve, pas comme dans le film mais dans une autre forme de rêve, parfois c’est important. C’est aussi un petit peu le sens de cette chanson. C’est un demi-rêve et cette chanson, ça en est un peu l’amulette bleue.

Ben : C’est vrai que Matrix pose les termes des alternatives entre le rêve et la réalité de manière très vénère et le choix est vite fait. Mais en fait, nous dans la réalité qu’on vit, le rêve c’est aussi vachement important et particulièrement quand tu fais de la musique. Que de la réalité, je ne sais pas si ça aurait fait le disque complet.

LFB : Si on regarde votre discographie finalement, l’idée de souvenir et de mémoire est là depuis les premiers instants. J’ai l’impression que ça évolue vers une forme d’apaisement. Mémoires vives, il y avait un peu une colère très adolescente dont certaines choses qui commençait déjà à se calmer un peu sur Image au mur et qui est là, complètement apaisée, comme si vous étiez alignée en adéquation avec ce que vous vouliez faire dans l’instant.

Ben : C’est un instant qui a duré longtemps mais…

Camille : Je ne sais pas quoi répondre à ça. C’est trop touchant. Oui, c’est clair, on a grandi et on a essayé d’être moins énervés, en colère. Mais pour des bonnes raisons. On est toujours en colère, très en colère pour certaines choses mais juste, il y a vraiment cette idée dans Halo de prendre le temps de regarder les choses assez longtemps, de voir ce qui fait que c’est réel ou non. Parfois, si tu regardes quelque chose très, très, très longtemps, tu peux douter de sa réalité ou penser qu’il y a un bug. C’est ça qu’on cherche avec Halo, toujours ce petit dérèglement de la réalité. On était un peu à la poursuite de ça.

LFB : Et si on part sur l’idée de pilule bleue ou de pilule rouge, il y a cette espèce de recherche d’équilibre sur l’album entre, justement, les bruits du réels et les bruits plus électroniques, les nappes, qui viennent aussi et qui apparaissent dans l’album, qui permettent aussi justement d’être entre les temps, comme sur un fil en fait. La façon dont se termine l’album, on a l’impression qu’il y a une grande envolée qui va arriver et ça se coupe. C’est hyper intéressant. Tu commences avec des bruits du réel et tu termines avec ce truc où le départ ne viendra jamais.

Camille : La grande question, c’est est-ce qu’on a vraiment trouvé ce qui nous satisfaisait dans les parages ? La quête était longue pour y arriver. Certes ça ouvre un peu la suite mais on ne sait pas du tout ce que ça va donner. On ne sait pas du tout à quoi va ressembler la musique qu’on aura envie de faire après Halo. Mais oui, cette chanson, on l’a pensé un peu comme un gros saut dans l’abstraction. Là, il n’y a plus de réel. C’est un peu des escaliers d’abstraction, un monde transparent, des prismes, plein de choses comme ça. On y pense un peu en ces termes à cette chanson.

LFB : Pour rester dans ces idées-là, et ça vient aussi peut-être de la musique, votre façon de chanter a aussi beaucoup changé.

Ben : Ça va dans le même sens un peu que changer d’instrument et du changement qu’il y avait déjà entre Mémoires vives et Image au mur. On aime bien changer des trucs entre les albums. Du coup, la manière de chanter, ça s’est accompagnée aussi. C’est une manière de chanter qui va probablement mieux avec les instrus. C’était un tout. On a écrit de la musique différente donc il fallait trouver un peu des voix différentes.

Camille : Et un ton. C’est ça le plus dur, juste de trouver l’intonation et la voix que tu prends pour raconter une histoire. Ce n’est pas évident, surtout quand tu ne l’as jamais fait auparavant. Là, c’est vrai qu’on chante beaucoup plus doucement. On a des voix qui sont moins saturées et éraillées.

LFB : Il y a une distance presque.

Camille : En fait, je pense que c’est une distance mais c’est hyper intimidant de chanter doucement avec peu d’effets. Quand tu chantes faux, ça s’entend. Quand tu es émue, ça s’entend beaucoup plus. Du coup, je pense que la distance doit probablement être en rapport avec un peu de pudeur mais je ne sais pas. Tu gagnes au change parce que, quoi qu’il arrive, tu te mets en danger. Tu es beaucoup plus à nu quoi

LFB : Et cette mise à nue vient aussi sur le fait d’avoir complètement changé les instruments, d’avoir l’apport de la guitare sèche qui est quasiment là sur tout l’album, la harpe et l’absence quasi-totale de percussions et de batterie sur tout l’album. Il y a vraiment un point de vue esthétique qui est hyper fort en fait sur l’album. Tout s’imbrique parfaitement. J’ai l’impression d’avoir une sensation de tout.

Camille : Merci encore une fois.

Ben : On a été bien perdu à l’intérieur de ce tout. Mais pour le coup, l’intuition du disque, on a mis un peu de temps à la formuler et à l’avoir mais après, elle est restée un peu du début à la fin. Même quand on était assez perdus, le disque nous a amené jusque-là. Nous, en vrai, on est très contents de ce disque. Je reviens sur des choses moins musicales et plus de contexte mais c’est aussi qu’effectivement, on avait très peu de regards extérieurs, on était en train de monter notre label et tout. Je pense que c’est un tout aussi parce qu’on s’est décidés à 4 sur ce disque et on a pris le temps d’être sûrs quoi.

LFB : La façon dont il a été créé et la façon dont vous avez vécu, est-ce que vous n’avez pas l’impression que cet album de Grand Blanc, c’est un album de communauté plus qu’un album de groupe ?

Camille : Si, on était trop contents. On vivait ensemble. On était trop content de vivre ensemble et de faire de la musique ensemble. Je ne sais pas si on pourra le refaire dans nos vies parce qu’on a des vies privées. Mais je pense que c’était un peu un moment unique et ultra privilégié. On a trop de chance d’avoir fait ça, d’avoir eu autant de temps pour vivre ensemble, être ensemble comme des amis dans une maison. Et on n’a pas fait que de la musique.

Ben : On a fait beaucoup la cuisine.

Camille : On a vécu dans cette maison. La musique était centrale mais c’est aussi pour ça qu’il ressemble tant à ça cet album, c’est parce que la musique, on la faisait au milieu de toutes ces activités. Le studio était ouvert et ça tournait. On y passait quand on voulait, on pouvait faire de la musique en pleine nuit, en pleine journée, à un, à deux, à trois ou à quatre. Il y a ce truc un peu circulaire. La maison où on était pour ce disque est marrante parce qu’elle est faite en forme de… Pour aller au studio, tu dois faire un escargot. Tu dois faire que tourner sur toi-même, monter des escaliers. On aimait bien penser cette maison comme un petit coquillage ou une oreille ou un escargot. Et Ben dormait dans la mezzanine qui était en haut des escaliers et lui, il était vraiment au centre de l’escargot.

LFB : C’est toi le gourou en fait. (rires)

Ben : Ouais. Et puis le truc de communauté, c’est aussi que du coup, des fois quand tu es dans des studios où tu comptes ton temps en ville et tout, tu peux moins accueillir de gens. Là, on a parfois été quatre, six, parfois huit. On a des amis qui sont passés. Des amis qui sont restés quelques jours. Ça comptait pas mal parce qu’au final, montrer ce qu’on faisait, ce n’était pas seulement faire écouter des maquettes, c’était aussi faire faire un tour des parages, aller se balader dans la forêt, montrer des lieux qu’on aimait, des livres qu’on lisait. Il y avait un truc assez communautaire.

Camille : Il y avait un truc dans cet album dont on s’est rendu compte un peu vers la fin. Pendant toute la composition de l’album, on n’avait pas la certitude qu’il allait exister. C’est trop bizarre de faire un album comme ça. Les deux premiers albums, notre label nous avait dit « on va vous faire enregistrer un album » et à la fin, on savait. Même si c’était super impressionnant pour le premier. Pour le deuxième, on savait qu’on était en train de faire un deuxième disque et voilà. Là, en fait, vu qu’il y avait énormément de facteurs qui pouvaient faire que ce disque aller ou non exister, on n’était absolument pas sûrs que ça allait être le cas. On a composé nos morceaux avec cette idée en tête.

LFB : Qu’il allait peut-être n’exister que pour vous en fait.

Camille : Ouais, et ça ne nous posait pas vraiment de problèmes parce qu’on ne le faisait écouter qu’à très peu de gens et on avait envie de faire de la musique. Réussir à cohabiter avec cette idée, ça nous a donné un peu d’angoisse parfois, mais plein, plein de force en fait. De se dire que c’était complètement gratos comme geste. Je ne sais pas comment on a réussi à faire ça jusqu’au bout.

Ben : Il y a plein de moments où on a douté mais après, c’est là où c’est bien d’être un groupe ou une communauté. Quand tu en as un qui est dans le mal, que ce n’est pas son moment ou qu’il ne sait plus trop, on se passait le relais. C’est bien ça, avec le groupe. La cata tombe rarement sur tout le monde en même temps. A force de faire des pâtes, enregistrer des basses, écrire des solos, écrire des paroles, c’était un relai.

LFB : Oui et d’où l’idée de parages qui est un peu le lieu que tu connais et que tu protèges quoi. Qui finalement donne le nom à votre structure derrière.

Camille : C’est notre maison de disques.

LFB : Mais justement, c’est ça. C’est le lieu où vous avez mis ce que vous aviez envie de protéger et que vous connaissez bien.

Camille : Exactement. Et c’est aussi le lieu où on pourra aussi ouvrir ou sortir des disques solos, ensemble, exactement quand on veut et comme on veut, dans une espèce d’endroit ultra-bienveillant qui est la maison quoi. Avec des DA super cool qui sont respectivement les trois amis de celui qui voudra sortir un disque.

LFB : Comment vous envisagez le live avec cet album, et d’imbriquer les autres albums avec ces morceaux ?

Ben : On est en train d’y travailler. Déjà, on l’envisage bien parce que c’est trop cool à jouer. Notamment cette musique là nous a permis de nous détacher un peu… Il y a moins de trucs séquencés ou de RPGO qui donnent un peu un tempo très strict tout le temps. Donc l’expérience de jeu est trop belle, elle se passe trop bien.

Camille : Ouais, en fait, tu peux vraiment faire plein de nuances quand tu as des instruments avec très, très peu de séquences quoi. Quand il y a des moments pour le silence aussi. Parce qu’il y en a beaucoup dans les morceaux de Halo. Donc c’est assez kiffant franchement.

Ben : Et pour les anciens morceaux, on est en train de bosser dessus. Il y en a qui se marient plus ou moins bien avec Halo. On n’a pas fini de bosser, c’est difficile à dire mais il y aura des morceaux des précédents albums quand même.

Camille : T’inquiètes.

LFB : Je ne m’inquiète pas. Je suis hyper curieux de voir ça.

Ben : Ça sera des souvenirs encore plus anciens que ceux de Halo.

LFB : A dix jours de la sortie de l’album, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ? Qu’est-ce que vous imaginez justement avec cet album qui risque de surprendre beaucoup de monde ?

Camille : Je ne sais pas. Nous, notre ambition, c’est juste de faire de la musique ensemble, les uns autour des autres, pendant le plus longtemps possible. Voilà. Parce que c’est trop bien de faire de la musique.

Ben : Ouais. Après, je pense que nous, on aime beaucoup la musique. On a eu envie de faire de la musique parce qu’on a écoute de la musique avant. On peut souhaiter que le disque touche les gens et qu’il les accompagne. Et puis voilà. Après, qu’il marche plus ou moins bien, c’est mieux s’il marche mais d’abord que les gens en l’écoutant aient l’impression de partager un peu de cette intimité et de cette communauté qu’on a formé. Qu’ils se sentent un peu accueillis dans les parages. Ça serait trop cool.

LFB : Quels sont les livres, films ou albums qui vous ont accompagné sur la création de Halo ?

Ben : Il y en a plein.

Camille : Pour les films, Mandy. C’est un film de Panos Cosmatos. Avec Nicolas Cage. Incroyable. Il est très, très violent mais…

Ben : Mais aussi très contemplatif et très doux à l’image, avec une BO absolument fantastique.

Camille : Ouais, c’est aussi ça, la BO de Mandy est folle. Elle a été composée par un musicien qui s’appelle Johann Johannsson. Il a aussi fait des films avec Denis Villeneuve et qui est un peu notre idole, des musiques de films qui malheureusement n’est plus là. Il est mort il n’y a pas très longtemps. Comme film, ça ne me vient pas tout de suite pourtant il y en a un milliard.

Ben : Pour les livres, il y a un livre de Barjavel qui s’appelle La nuit des temps qu’on lu avec Camille et qu’on a beaucoup aimé. Il a compté pour la chanson Nuit des temps. On était dans ce truc où on aimait la SF, on aime toujours. La littérature d’imagination.

Camille : Oui, après pour la littérature d’imagination, il y a aussi toute la trilogie de N. K. Jemisin qui s’appelle Les livres de la terre fracturée. C’est une saga de science-fiction absolument incroyable.

Ben : Elle est assez cool parce que c’est un peu entre de la science-fiction et de la fantasy. C’est aussi un peu un monde qui se reconstruit après un chaos.

Camille : Ça parle beaucoup de géologie. Ils ont des pierres et tout, en forme de totem volant dans le ciel. C’est écrit par une femme, ce qui est extrêmement rare dans le monde de la science-fiction. On sent vraiment que le regard est différent. Ça aborde plein de questions qui sont très, très peu abordées dans le genre. Type les questions de genre, de toutes les minorités. C’est très politique.

Ben : Il y a un truc qui dénote un peu. C’est aussi une histoire d’une caste de gens qui possèdent un pouvoir et qui sont exploités par la majorité parce qu’ils ont un pouvoir et qu’ils sont dangereux. C’est une représentation du pouvoir qui est un peu inhabituelle. Un peu surprenante au départ mais qui est trop bien faite.

Camille : Et du coup, ça parle d’empowerment. Sinon, pour les livres, il y aussi Chroma de Derek Jarman. C’était un peu fondateur pour notre idée d’album. L’idée toute première de Halo, c’était de faire une couleur par chanson. Après, ça s’est vraiment dilué et les chansons ont vécu. C’est rentré dans la machine du temps. Il y a vraiment cette idée fondamentale de traverser les couleurs et aussi l’effet qu’a la lumière. Sans lumière, pas de couleur. Sinon, pour les disques, il y a un disque trop beau de Mason Lindahl. C’est un guitariste. C’est un disque instrumental. Il chante aussi un petit peu mais là, c’est que de la guitare. C’est quelqu’un qui joue de la guitare magnifiquement bien. Il a un flow très, très particulier avec la façon il développe ses arpèges et tout. Son son de guitare est magnifique. C’était un peu une référence. Lui, pour le coup, j’ai l’impression qu’il appuie sur un enregistreur, il met play et il voit ce qui se passe.

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