Grand Blanc et son Halo de couleurs

Embarcation imminente au cœur du dernier projet de Grand Blanc, empli de poésie, de magie et de sonorités extraites d’un nouvel espace-temps.

Après Mémoires Vives et Image au mur, Grand Blanc nous propose un troisième album venu d’une toute autre planète à la fois douce et mystérieuse sur laquelle on s’aventure sans plus attendre !

Benoît David, Camille Delvecchio, Vincent Corbel et Luc Wagner,  qui composent ce groupe de rock, pop et folk français, ont chacun apporté une lettre à l’album pour former Halo. Serait-ce une lumière, un halo de couleurs, de notes lointaines peut être ? Sans aucun doute il s’agit pour nous d’une harmonieuse parenthèse, portée par une expérience singulière. Ce projet c’est l’histoire d’un voyage, ayant débuté lors d’une aventure en Roumanie sur le Delta du Danube, puis qui s’est prolongé pendant l’enregistrement de l’album. Ces quatre musiciens ont passé presque un an dans une maison en pleine campagne picarde, devenu leur studio d’enregistrement. Ce cadre fut pour eux leur source d’inspiration, leur refuge et espace de création à part entière, pour prendre leur envol. Halo c’est le premier disque à sortir sur PARAGES, leur propre label.

Dès le premier morceau de l’album : Loon, on se laisse, sans trop d’effort, emporter par le son de la guitare puis de la harpe, de leurs voix envoûtantes qui arrivent un peu plus tard et des jeux de silence. Le temps s’allonge, et nous montons à bord de leur embarcation de fortune. Ce titre est un préambule à ce qui va suivre, comme un conditionnement nécessaire. « Les autres passagers prennent place à l’arrière du bateau » ; et si c’était nous ?

Le clip de Loon illustre à merveille ce contexte particulier, le paysage au cœur duquel a fleuri l’album. Le jour se lève et la nuit se dessine entre les roseaux. On perçoit ce sentiment d’errance, d’égarement après le déluge.

Hors du temps, la perte de repère devient étonnamment infiniment douce, presque rassurante. On peut discerner un écho à la période que nous sommes en train de vivre aujourd’hui, une réponse. Un besoin de prendre notre temps, et avoir conscience de ce qui nous entoure. On perçoit aisément ce sentiment dans les paroles du morceau Immensité ou encore Pyramide. Se confronter à quelque chose de plus grand que nous. Grand Blanc interroge l’incidence du temps sur nos vies, une quête de sens, et l’illustre par le très grand. Comme un fil que l’on déroule, les mots « si vite » résonnent avec « immensités », puis c’est le « silence ». Sapristi, il y a certainement dans cet album soigné une attention portée aux détails, à la manière dont les sons s’enchaînent et s’accordent pour raconter une histoire.

Au cœur du labyrinthe, Grand Blanc choisit de prendre le temps. Comme étiré, celui-ci a permis au groupe de se retrouver, de renforcer leurs liens et d’élargir leur espace de création. Ce qui caractérise l’album Halo c’est notamment un mélange de sonorités, quelque chose d’un peu étrange qui peut surprendre lors d’une première écoute. Au son des instruments et de leurs voix, se mêlent parfois le bruit des bateaux enregistré en Roumanie, ou bien celui de la pluie qui tombe sur le velux, et tout autres petits parasites sonores sa faufilant dans les prises de voix. Grand Blanc fait le choix de les laisser habiter leurs mélodies. La surprise est au rendez-vous, et on se délecte de chacune de ces nuances.

Leur projet conte une quête imaginaire, à la recherche de couleurs perdues. Au beau milieu du clip de Orange, on se réveille sur une autre planète, un environnement quelque peu désertique au cœur duquel les protagonistes parviennent à reconstruire leur refuge. Orange, la deuxième piste de l’album, démarre par des murmures. Des bribes de discussions et des rires se dessinent au loin. Quoi de plus agréable que la sensation de s’immiscer dans une conversation, tout en étant assez loin pour ne pas tout comprendre ? Un pied dans le réel, un pied dans nos rêves ; comme s’endormir sur un canapé au beau milieu d’une soirée. On se laisse ensuite porter par une ode aux couleurs, à la jeunesse, les deux étant intimement liées, à ce temps qui passe moins vite.

Le morceau Nayan, tissé par ces murmures, est une courte invitation à un voyage introspectif. Le bruit de l’eau ininterrompu nous apaise. Nous n’avons plus qu’à fermer les yeux et reconnaître cette habileté à jouer avec tous ces éléments. Les sonorités qui le composent deviennent porteuses de sens, matière à rêver.

Le morceau Pilule bleue, sorti il y a quelques mois, nous berce dans un même imaginaire. La douceur du son de la harpe et la voix envoûtante de Camille se transforment parfois avec des notes électroniques. Grand Blanc joue avec ces rythmes multiples, du plus délicat au plus saccadé.

A l’écoute de Nuit des temps ou encore de Fleur, on est cette fois saisi par une forme de mélancolie, de nostalgie d’un temps vécu ou simplement fantasmé. Les premières notes de Nuit des temps nous plongent dans une atmosphère un peu plus torturée, et froissée. Lorsque la voix se pose, les sons se délient pour lui laisser une place. Ce titre dévoile une lutte veine, une immersion dans la nuit, l’histoire de celui qu’on attend et qui ne vient pas. Grand Blanc met en lumière la boucle d’une nuit blanche, « et puis tout recommence ». La nuit s’installe également dans le morceau Oiseaux. La nuit a sans aucun doute un attrait mystérieux, un temps qui se consume mais face auquel on ne peut lutter, pareil au « très grand » révélé dans Immensité.

Tout aussi mystérieux et d’une nuance de couleur plus sombre, le titre Fleur se clôture par un tremblement venu des fins fonds de la terre, un rugissement lointain qui complète la mélodie. L’appel de l’ailleurs peut être ? Ce jeu de dualités, l’ambivalence entre la lumière et la pénombre, est omniprésent dans l’album. Les couleurs ramenées de Roumanie pareilles à des souvenirs de voyage, se sont transformées au fil du temps. Les émotions qui nous traversent à l’écoute de Halo sont ainsi contrastées, et en mouvement. L’album Halo ne conte pas seulement un voyage, il est fait de souvenirs. Il ne traite pas de ce qui a été, un passé révolu, mais plutôt de ce qu’il reste du voyage, ce qui demeure dans leurs têtes, à la fois par, et en dépit du temps qui passe. Il fait écho à nos propres expériences, aux souvenirs brouillés, une tendance à faire se rencontrer le proche et le lointain. Les limites sont floues.

Le morceau Cercle clôture ce projet avec magie et traduit cette expérience vécue, le temps s’accélère pour revenir au calme, puis s’agite de plus belle pour finir en apothéose ! Silence. « J’ai traversé le cercle, atteint les hautes sphères. ». Est-ce la fin d’une aventure ou le début d’une autre ?

Une fois revenu sur Terre, et après une grande et lente inspiration, on prend conscience de la transformation folle entre cet album et ses prédécesseurs. Grand Blanc a fait preuve d’une habileté lumineuse pour nous partager cette expérience humaine et personnelle. L’intime devient accessible. Halo c’est un voyage aussi surprenant, inattendu, qu’harmonieux et poétique.

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