Glauque : « Le projet est né par le live »

Petit retour en arrière : le mois d’octobre est bien entamé et le froid commence à faire son arrivée sur nos blousons. Le MaMa festival bat son plein depuis déjà deux jours. Après nous avoir mis une énorme claque le matin même au FGO Barbara, on a rendez vous avec Glauque à La Cigale juste avant leur show du soir. Instant idéal pour parler avec Glauque de leur projet, de certaines influences, de live et de Mr.Robot.

Une certaine ambiance de conseil de discipline face à cinq garçons turbulents. Ils sont la tous les cinq face à nous : Louis, Lucas, Aaron, Baptiste et Aadrejan nous scrutent, l’oeil vif, l’air volubile. La première question à peine posée et un joyeux bordel commence : ça se vanne, ça se coupe la parole et ça rit, beaucoup. On sent face à eux que ce sentiment de collectif qui se dégage de leur musique n’est pas feint, ces cinq là sont amis et se connaissent très bien. Tant est si bien qu’à l’écoute de cette interview, on a beaucoup de mal à savoir qui à dit quoi.

À l’époque, ils ont deux titres sous les bras – Robot et Plane – et une réputation qui ne fait que de grandir, poussée par des lives intenses et un buzz journalistique de plus en plus conséquent. Alors quand on leur demande si il est important pour eux de prendre le temps de dévoiler leur musique, la réponse fuse : « Bah oui ! La volonté est apparue quand on a commencé à faire plus de concerts. Ne pas se forcer à sortir directement quelque chose, prendre le temps de le faire convenablement, et en même temps avoir des choses à proposer au public pour qu’il vienne voir les show et avoir de la visibilité. Mais c’était la volonté du groupe, de prendre le temps de faire quelque chose comme on voulait.« 

Une réputation à se faire et une place à prendre auprès du public qui pousse forcément à les rattacher à d’autres artistes. Quand on commence à parler influences, on sent un vent de crainte passer dans la salle, qui s’évacue assez vite lorsque l’on cite le Klub des Loosers et Odezenne : « Surtout Odezenne en réalité, le Klub des Loosers c’est plus mon truc à moi (Louis). On a découvert Odezenne ensemble et on se retrouvait tous dedans lorsqu’on a commencé à faire nos premières maquettes etc… Ce n’était pas un truc qu’on connaissait spécialement avant en fait, c’est juste des rares projets qu’on aime bien tous.« 
Au delà des thématiques qui en font un rapprochement immédiat, c’est surtout dans la difficulté de les classer dans un genre et la facilité de leur coller l’étiquette rap que la ressemblance se fait. Propos qu’ils valident : « C’est normal, nous aussi on a besoin de ça quand on écoute de la musique de rapprocher ce qu’on écoute de quelque chose d’autre, c’est un comportement naturel de faire des liens. Mais nous on le fait sans se poser la question. On a aucune street cred, on ne se voit pas faire du rap. Mais c’est aussi une question qu’on ne s’est jamais posée.« 

Un groupe sans réelles étiquettes donc, mais une véritable masse sonore qui met à égalité le fond et la forme, donnant autant d’importance à des productions massives qu’à des textes léchés, si bien qu’on en vient à se demander qui fait quoi dans cette entreprise à dix mains, l’idée de groupe paraissant essentielle dans le projet : « On participe tous à tous les niveaux et à différents moments sur les morceaux. Il n’y a aucune hierarchie et ça nous tient à coeur pour nous et pour la cohérence du projet d’être identifié en tant que groupe et pas en tant que deux rappeurs et des musiciens. Certains morceaux qui sont fait par telle personne et sont arrangés pour le live ensuite, d’autres ont été faits ensemble à partir du moment où on a tourné un peu plus. Parfois la base vient du texte, parfois elle vient de la musique.« 

Un collectif donc, une hydre à cinq têtes, est vouée à vivre à travers le live qui est même à l’origine du projet tel que nous le connaissons aujourd’hui « C’est hyper important. le projet est formé pour ça. On était à deux au début, et c’est quand on a eu un premier concert qu’on s’est dit qu’on voulait un truc plus dynamique en live et que le projet à cinq s’est créé. »
Le live avant tout donc et une envie, un désir : que la chose soit vivante : « Complètement ! Sinon on ne prend pas de plaisir ! Ce qui est dommage maintenant c’est que la plupart des concerts de rap se transforment en karaoké. On trouve ça un peu triste, ça n’a pas vraiment d’intérêt mais les gens sont habitués à ça. C’est un processus normal pourtant de prendre des risques dans un concert. Si nous on est convaincus et que ça ne plait pas aux gens ben tant pis, c’est comme ça. C’est aussi l’avantage du live, c’est d’apprécier des choses qu’on n’écouterait pas forcément chez soi parce qu’il y a un contexte, qui fonctionne par le live. »

Bien sûr, quand on pense à Glauque, on ne peut pas passer à côté des paroles qui multiplient souvent les points de vue et les personnages. On se tourne alors vers Louis pour lui demander quel est son processus d’écriture et si celui-ci est réfléchi. A l’écouter, c’est avant tout la spontanéité et l’instinct qui guident sa plume : « C’est instinctif, je ne me pose pas de question si la première phrase vient en « je », le reste suivra. Ce n’est pas du tout prémédité. »
Une écriture fluide et assez directe qui mélange à la fois le quotidien, le biographique et l’observation du monde qui l’entoure : « Il y a toujours des choses dans la vie qui te touchent personnellement ou pas, mais qui te font avoir des réactions. Ça peut être une espèce de réaction à l’époque, parfois des choses plus personnelles, mais au final on s’en fout de savoir si je l’ai vécu ou pas. Ce qui compte c’est que le résultat soit convaincant et que moi ma démarche soit sincère, et si ça touche les gens tant mieux. Mais encore une fois ça non plus ce n’est pas prémédité. Je ne me dis jamais que je vais révolutionner le monde. Plutôt mourir que de sauver des gens, je n’y pense pas beaucoup. »

Pour finir notre entretien après les mots, le son et le live, il nous semblait important de parler avec eux de l’image. Partie plus discrète de l’univers Glauque, l’image a pourtant un rôle tout aussi primordial chez les belges, que ce soit à travers leur logo, leur photos ou même le nom qu’ils portent. Leur clips sont aussi des exemples dans leur genre, entre DIY, cinématographie et débrouillardise, les membres de l’équipe sont aussi très impliqués dans ces vidéos. Et forcément, de notre côté, on a forcément pensé à Mr Robot pour le clip de Robot, ce qu’ils n’avaient pas envisagé : « C’est hyper marrant car on a jamais pensé à Mr. Robot. Mais c’est trop bien comme justification… Putain mais oui c’est trop bien ! En réalité, il nous fallait un clip du jour au lendemain pour s’inscrire à un concours, du coup on l’a fait nous-mêmes. Sans caméra, sans argent, sans rien, on savait juste taper sur un ordi et voilà. On est entourés d’images, jour après jour, pourquoi ne pas revenir à la base. En tout cas désormais, on réutilisera ton idée (rires). »

Quelques mois après cette interview, le nom de Glauque continue de résonner de plus en plus fort dans la plupart des médias et ce n’est pas la sortie de leur très bon premier EP qui fera taire la rumeur. Pas vraiment du rap, pas vraiment de la musique électronique, Glauque trace son chemin, le sien, sans chercher vraiment à coller à qui que ce soit, les Namurois continuent d’impressionner par la maturité d’un projet pourtant tout jeune. L’avenir est à eux, on est prêt à le parier.