Glass Museum : « Ce qu’on ressent est lié à la performance, le but est d’être sur scène »

Dans la foulée de la sortie de leur deuxième album Reykjavik, nous avons pu échanger avec Martin de Glass Museum. L’occasion de parler de studio, de voyages et de nature.

Glass Museum Press Picture

Crédit photo : Bathélemy Decobecq

La Face B : Bonjour Martin, comment ça va ?

Martin : Ça va, disons qu’on fait aller. Pour le moment c’est chouette parce qu’on vient de sortir l’album et on est très contents des retours, autant niveau lectures Spotify que dans les médias. Mais c’est assez frustrant de ne pas pouvoir le défendre en live donc c’est assez particulier. On est hyper contents de dévoiler notre album mais il y a ce chaînon manquant qui est le point d’orgue de la scène. On ne sait pas quand on pourra retourner sur scène et ça nous manque vraiment, parce que le but final c’est de jouer sur scène.

LFB : D’ailleurs, entre live et studio, c’est quoi votre préférence ?

Martin : Ça c’est assez marrant parce qu’Antoine et moi on ne dirait pas la même chose. De base, le studio c’est quelque chose qu’on a découvert assez tard, dans le sens où depuis qu’on est ados on joue sur scène, on a eu quelques projets, quelques EP mais l’étape studio n’a jamais été très importante. L’objectif était plus d’avoir une trace matérielle et c’est devenu un travail beaucoup plus approfondi avec cet album, dans le sens où on a essayé d’avoir une vision de production plus complète, plus fournie et le travail de studio est devenu le premier travail avant le live. Pour le premier album c’était l’inverse, des compositions qui étaient faites pour le live. Je sais qu’Antoine, c’est un travail qu’il adore faire, il est fan de production, d’Ableton, il se voit bien bosser pour de la musique de film, tandis que moi je préfère le live, même si le studio je trouve ça agréable et je pense que c’est très lié à nos instruments. Moi je suis batteur, c’est un instrument « vivant« , Antoine est pianiste, il fait les synthés et la production, les possibilités sont immenses.

LFB : La bio de votre album se termine par la phrase « une lueur dans la nuit« . Qu’est-ce que ça t’évoque ?

Martin : C’est une métaphore. Dans les pays Nordiques, il fait parfois jour très peu de temps, et dans notre album il y a quelque chose de lumineux, de brillant, que tu peux retrouver dans une ambiance qui est un peu terne et froide. Donc en fait, quand tu perçois l’émotion c’est quelque chose de très personnel, certaines personnes vont trouver ça très mélancolique, d’autres que c’est plein d’espoir, ça dépend aussi des morceaux. Mais il y a toujours ce côté un peu épique, un peu lumineux dans un paysage vaste, froid et sombre. Après c’est quelque chose de très imagé, dans le sens où on n’a pas non plus des moches vies. On ne pourrait pas dire que l’état d’esprit de l’album est calqué sur nos vies, c’est pas si intense. Au final on est des gens à Bruxelles qui répètent dans une cave. D’ailleurs c’est assez marrant parce qu’on nous pose souvent la question « qu’est-ce qui se passe quand vous faites un morceau mélancolique ? Est-ce que vous êtes mélancoliques vous-mêmes ?« , a priori c’est plutôt des choses qui ne sont pas forcément calquées sur nos moods à nous.

LFB : On sent un rapport particulier au voyage dans votre univers, est-ce que tu peux nous en dire plus ?

Martin : En fait on a joué en Islande fin 2019, avant de décider d’appeler l’album Reykjavik, qui était prêt. Il y avait un festival Iceland Airwaves là-bas, on n’a pas vraiment vu le pays mais plus la ville. Il y a un côté un peu Noël toute l’année là-bas, et aussi un côté un peu naturel, froid, hyper-moderne aussi qui marchait bien avec les couleurs de l’album. Et puis depuis un an et demi, on a beaucoup plus voyagé pour la musique, on a joué en Roumanie, en Tchéquie, en Grêce, au Danemark, on a fait beaucoup l’Allemagne, et c’est vrai que notre rapport au voyage a beaucoup bougé, ce sont des expériences qui inspirent ce que l’on compose.

LFB : Et si vous deviez choisir une partie du monde à visiter prochainement ?

Martin : C’est une bonne question, on est ouverts à beaucoup de choses. Le dernier pays où on est allés c’est en Turquie juste avant le confinement. On s’est déjà dits qu’on aimerait aller jouer au Japon ou en Asie, surtout au niveau de l’accueil, parce qu’il y a souvent de bons accueils des musiques Européenes. Sinon le Canada où il y a de chouettes scènes et des ouvertures aussi. Je dirais bien aussi l’Amérique du Sud mais je pense que c’est plus compliqué pour nos musiques.

LFB : Vous êtes souvent catégorisés comme artistes Jazz, est-ce que ce n’est pas un peu réducteur ?

Martin : Quand on a commencé le projet, on n’a jamais dit qu’on faisait du Jazz mais on a vite eu cette étiquette. Elle est assez large aujourd’hui, elle est beaucoup utilisée, elle nous allait très bien mais c’est vrai qu’on préfère parler de Jazz-Electro, un peu Pop, mais ça n’a plus beaucoup de sens de manière générale de parler de style, il y a plein de projets hybrides qui mélangent plein d’influences et c’est vrai qu’en tant que groupe émergent, les gens sont obligés de te mettre dans des cases pour avoir des points de repère. Ça fait sens aussi parce qu’on se retrouve à jouer dans des festivals de Jazz, ou à être comparés à des artistes de Jazz, donc c’est une école dans laquelle on s’insère assez bien, sans pour autant être restrictive.

LFB : Comment vous faites pour combiner autant de styles, entre le piano solo, le jazz, la dance, la pop parfois ?

Martin : Je pense que c’est nos personnalités musicales qui donnent la couleur. La ligne générale est fortement définie par le style d’Antoine au piano. C’est aussi notre ouverture aux styles qui permet ça, un morceau comme Nimbus part II, qui est hyper dance, on écoute de la musique électro depuis 2 ans donc dans notre approche de l’instrument on ne se cantonne pas à une chose. Je crois aussi qu’on a un niveau technique qui nous permet de switcher de l’un à l’autre mais c’est toujours très inconscient et ça dépend un peu de notre mood. Des fois on peut faire une répète où je ne serai qu’aux balais toute la journée, d’autre fois avec une intention plus dance donc c’est ça qui fait la diversité des styles.

LFB : Est-ce que vous avez des coups de coeur récent à nous partager ?

Martin : Dans les derniers albums que j’ai bien aimé, il y a le dernier Rone que j’aime beaucoup. Le dernier Yussef Dayes, avec Tom Misch. Dans les Belges, il y a Monolithe Noir qui a fait un super album électro. On a vraiment bien accroché à son album. Dans les dernières découvertes un producteur allemand qui s’appelle Stimming et sinon Antoine est à fond dans Nicolas Jaar.

LFB : Il y a une dimension un peu mystique dans votre esthétique, comment vous le ressentez ?

Martin : Je crois que c’est quelque chose de très personnel. Ce que nous on ressent par rapport à des morceaux ce n’est pas figé, c’est quelque chose que chacun peut s’approprier. Au niveau personnel, ce qu’on ressent par rapport à notre musique c’est les contrastes et l’énergie. Un morceau comme Clothing, qui commence de manière très calme, part un peu en techno, mais nous ce qu’on ressent c’est lié à la performance, le but est d’être sur scène. Quand on joue ces morceaux sur scène, c’est une sorte de transe dans laquelle on rentre pendant une heure de concert. Donc c’est plus lié à l’énergie. Après le ressenti de l’auditeur sera toujours personnel, parfois c’est plus démonstratif sur Nimbus Part I, des fois c’est plus évident sur des morceaux comme Colophane, mais on n’a pas de discours sur l’émotion qui traverse le morceau. Je ne pense pas qu’on puisse parler de notre musique comme un chanteur parlerait d’un texte qu’il a écrit pour un guitare-voix plein de sens. Tout ce qu’on sait, c’est que les titres des morceaux sont liés à des éléments de la nature. On voit un peu ça comme des éléments un peu sauvages, un peu romantiques. Abyss par exemple, c’est l’idée d’un environnement obscur et d’une espèce de montée progressive vers la surface. Sirocco, c’est un vent du désert avec un peu plus de chaleur. On voit plus ça comme des paysages et des ambiances naturelles.