Girl In Red : « La musique vit à travers ceux qui l’écoutent »

Second jour de l’aventure Rock en Seine. Le soleil brille encore haut sur les arbres du domaine de Saint Cloud. Bien à l’abri sous notre parasol, le moment semble idéal pour partir à la rencontre de Marie Ulven, plus connue sous le nom de Girl In Red. Alors que la jeune femme s’apprêtait à conquérir Rock En Seine avec son énergie communicative, on en a profité pour parler avec elle de sa musique, de son évolution et des réseaux sociaux.

VERSION ANGLAISE PLUS BAS / ENGLISH VERSION BELOW

La Face B : Salut Marie, comment ça va ?

Girl In Red : Je vais bien ! Je viens juste d’arriver à Paris, il fait vraiment chaud ici. Je suis contente.

LFB : Tu as commencé à faire de la musique dans ta chambre et aujourd’hui tu joues dans l’un des plus gros festivals de France. Tu as conscience de ce que tu vis en tant que musicienne ?

GIR : Quand je suis au milieu de tout ça, c’est difficile de réaliser ce qui se passe mais c’est plutôt quand je me retourne sur ce que j’ai fait sur l’année passée, partir en tournée aux États-Unis pour cinq semaines, voir tout ce que j’ai fait, à ce moment là je me dis « Wow, ça fait beaucoup de choses, peu de gens font ça, c’est vraiment vraiment cool ». Mais quand je suis dans le moment, quand je suis à Paris je ne me dis pas « Oh je fais ce festival maintenant », parce que c’est difficile à appréhender quand on y est. Mais je réalise et quand je pense au passé, je me rends à peu près compte de ce qui se passe.

LFB : Ta musique semble très mélancolique et pourtant je la trouve très solaire dans sa composition. Tu aimes jouer sur ce contraste ?

GIR : Oui, je pense que les chansons joyeuses rendent les paroles tristes encore plus tristes et dramatiques d’une certaine façon. J’aime vraiment ça, donc je l’ai fait avec beaucoup de chansons parce que c’est quelque chose qui m’attire, quelque chose vers laquelle je gravite. Donc je le fais complètement volontairement et j’essaie de rendre ça encore plus triste.

LFB : C’est vraiment intéressant parce qu’on peut écouter ta musique de deux façons. On peut faire attention aux paroles ou profiter du son.

GIR : C’est toujours sujet à interprétation, et j’imagine que ça dépend de l’humeur dans laquelle les gens se trouvent. S’ils se sentent tristes, ils appliqueront les paroles à leur vie et s’ils sont joyeux ils verront les bons moments des morceaux donc ça dépendra de la personne qui écoute.

LFB : Ta musique est très personnelle. Comment tu réagis quand tu vois des personnes qui utilisent ton art et qui le rapprochent de leur vécu ?

GIR : Je pense que c’est l’une des meilleures choses de la musique. Donc je suis vraiment heureuse que les gens fassent ça de ma musique, qu’ils la ramènent à leurs vies, qu’ils se retrouvent dans mes chansons qui parlent de tomber amoureux de filles ou qu’ils aient juste des réflexions à propos de la vie qui sont difficiles et auxquelles il est difficile de trouver des réponses. Je pense que c’est vraiment bien que les gens ramènent ma musique à leur vie, et qu’ils l’interprètent à leur façon. Parce que c’est comme ça que la musique vit, tu vois ?

LFB : Tu reçois beaucoup de messages de la part de personnes qui écoutent ta musique ?

GIR : Oui, je reçois de l’ordre d’une centaine de messages tous les jours, juste de personnes qui disent « coucou » ou qui veulent me connaître parce qu’ils s’identifient à moi et s’ouvrent à moi, et les messages que je reçois commencent comme « Je sais que tu ne verras pas ça mais je voulais juste te dire que tu m’as aidé, etc. » Donc je pense que c’est vraiment gentil. Les réseaux sociaux sont géniaux et un peu effrayants (rires).

LFB : Je pense que la partie la plus importante de ta musique est ton honnêteté. Est-ce que tu penses que ton écriture va changer du fait de ce que tu vis en termes de notoriété ?

GIR : J’espère que non. Je ne peux pas dire oui et je ne peux pas vraiment dire non parce que je ne sais pas ce qui va se passer mais j’espère que je vais juste pouvoir continuer à faire de la musique que j’estime honnête. C’est tout je que je peux espérer.

LFB : Est-ce qu’il y a une pression liée au fait que les gens t’ont vue comme un modèle pour la communauté LGBTQ ?

GIR : Non, pas vraiment. Parce que même si beaucoup de personnes m’ont vue comme un modèle ça ne m’affecte pas vraiment dans ma vie quotidienne. Les gens peuvent penser quelque chose à propos de toi sans même que tu ne le saches. Il y a tellement de personnes sur la planète, je ne sais pas ce que tout le monde fait. C’est juste moi et ma petite vie, qui fais de la musique et qui sors avec mes amis, faisant des choses que j’aime. Je pense que la seule pression viendrait du fait d’être uniquement considérée pour ce que je poste. Je veux dire, je ne posterai rien de vulgaire parce que je ne suis pas comme ça. Je pense qu’il faut juste être consciencieux de ce que l’on fait et de ce que l’on poste sur les réseaux.

LFB : J’ai remarqué que toutes tes vidéos ont des sous-titres. C’est important pour toi d’offrir la possibilité de vraiment comprendre tes paroles ?

GIR : Oui. Ça se résume à deux choses. C’est un élément esthétique que j’ai dans mes vidéos parce que j’ai toujours aimé ces paroles en jaune. Et c’est aussi parce que je veux que les gens puissent les lire. Parce qu’il arrive que j’écoute des chansons et que je ne sache littéralement pas ce que les gens disent et je me sens immédiatement déconnectée de la chanson parce que je suis juste en mode « mais qu’est-ce que tu dis ? ». Sauf pour les chansons françaises. J’écoute de la musique française et je ne sais rien dire en français à part « Je suis la fille en rouge ». Donc c’est important pour moi que les gens sachent ce que je dis.

LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?

GIR : Là, je vais juste faire une grosse tournée cette automne. Je vais partir pour ma première tournée aux États-Unis pendant un mois et elle est déjà presque complète, il doit rester une date qui ne l’est pas encore. Ensuite je vais aller en Australie, on va jouer en Europe et puis j’espère que je pourrai couper un peu et juste produire beaucoup de musique. Dans l’idée, disparaître de la planète, aller dans ma petite cabane et faire de la musique.

Portrait : Girl In Red par Alphonse Terrier

ENGLISH VERSION

La Face B : Hello Marie, how are you ?

Girl In Red : I’m good ! I’ve just arrived in Paris, it’s really warm in here. I’m happy.

LFB : You started making music in your room and today you play in one of the biggest festivals in France. Do you realize your journey as a musician ?

GIR : When I’m in the middle of everything it’s hard to realize what’s actually going on but it’s rather when I look back at what I’ve done the last year, going on tour in the US for five weeks, seeing all the stuff that I’ve done, then I’m just like « wow, that’s a whole lot of stuff, not a lot of people do this, that’s really really cool ». But when I’m in the moment, when I’m in Paris it’s not like I’m « Oh I’m doing this festival right now », because it’s hard to process when you’re in it. But I’m reali »ing and thinking about the past so I kinda know what’s going on.

LFB : Your music seems very melancholic and yet I think it’s very solar in the composition. Do you like to play on this contrast ?

GIR : Yeah, I think happy songs make sad lyrics even more sad and dramatic in a way. I really like that so I’ve done that on many songs cause it’s just something that appeals to me, it’s just something I gravitate towards doing. So I definitely do it intentionally and try to make it even more sad.

LFB : It’s really interesting because you can listen to your music in two ways. You can focus on the lyrics or you can enjoy the sound. You can watch your music in two ways.

GIR : It’s always up for interpretation, and I guess it comes down to what mood people are in. Like if they’re feeling sad they’re gonna apply the sad lyrics to their lives or if they’re happy they see the good parts of the song so it’s up to the listener.

LFB : Your music is very personal. How do you react when people use your art to bring back to their lives ?

GIR : I think that’s one of the best things about music really. So I’m really happy that people do it with my music and they apply it to their lives, whether they relate to my songs about falling in love with girls or just there are having thoughts about life that are hard to think about and not easy to find an answer to. I think it’s really good that people apply my music into their lives and interpret it in their own way. Because that’s how music lives, you know ?

LFB : Do you receive a lot of messages from people who listen to your music ?

GIR : Yeah, I get maybe like a hundred DM every single day, just from people saying hi or wanting to get to know because they relate to me as a person and open up to me and my messages start out like « I know you’re not gonna see this but I just wanted to tell you that you’ve helped me, etc. » so I think it’s really nice. Social medias are awesome and kinda scary.

LFB : I think the most important part in your music is your honesty. Do you think your songwriting right now is gonna change because of what you live in terms of success ?

GIR : I hope not. I can’t say yes and I can’t really say no because I don’t know what’s gonna happen but hopefully I’m just gonna be able to continue making music that I feel is honest to me. I think that’s all I can hope for.

LFB : Is there any pressure when people see you as a role model for the LGBTQ community ?

GIR : No, not really. Because even though a lot of people see me as role model it doesn’t really affect me in my daily life. People can think something about you and you don’t even know about it. There’s so many people on the planet, I don’t know what anyone’s doing. It’s still just me and my little life, making music and hanging out with friends, doing things I like. I think the only pressure would be just to be considered with what I put out on a platform. Just like I wouldn’t put out anything rude but I wouldn’t do that anyway because I’m not a bad person. So I think it’s just about being thoughtful with what you do and how you use your platform.

LFB : I noticed that all of your videos have subtitles. Is it important for you to offer the opportunity to really understand your lyrics for people around the world ?

GIR : Yeah. I mean it comes down to two things. It’s an aesthetic thing that I have for my videos because I always liked that yellow lyrics. And it’s also just because I want people to be able to read it. Because sometimes I listen to songs and I literally don’t know what people are saying so I instantly feel disconnected from that song because I’m just like « what are you saying ? ». Unless it’s french songs. I actually listen to french music and I don’t know any french words except « Je suis la fille en rouge ». So it’s important for me that people know what I’m saying.

LFB : What can we wish you for the future ?

GIR : Right now, I’m just gonna do a lot of touring this fall. I’m gonna go on my first headline tour in the US for about a month which is almost sold out, only one show left. Then I’m gonna go to Australia, and we’re gonna play in Europe, and the hopefully I’m gonna go in this hiatus and just make a lot of music. And you know, disappear from this planet and go into my little cabin and make music.

Photo de couverture : Alexa Viscius