Frànçois & The Atlas Mountains : “Les relations humaines sont plus importantes que les datas culturelles”

Parmi les albums qu’il nous tardait de découvrir, il y a Banane Bleue, septième album de François Marry alias Frànçois & The Atlas Mountains. Un album fenêtre ouverte sur l’Europe, fait d’air, de bleu, de belles énergies, condensé de sincérité et de simplicité. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette sortie que nous avons pu échanger par mails (covid oblige) avec l’artiste qui colore la réalité de ses rêves et vice-versa.

crédit : Oihan Brière

La Face B : Hello François, comment vas-tu ?

Frànçois & The Atlas Mountains : J’ai la patate, la frite. Humeur pic-nic, chips craquantes et savoureuses.

LFB : Banane Bleue est donc le nom de ton septième album. Un album à la fois intime et universel, au nom concept, pluriculturel, né d’un état d’errance et d’une quête de liberté. De toute ta discographie, est ce qu’il n’est pas finalement l’album qui te représente le plus ?

F&TAM : Oui, c’est la sainteté du chiffre sept. On avance dans le Schwartz et tout d’un coup on se retrouve seul et bien content. En phase.

LFB : En dehors du concept de banane bleue, que t’évoque naturellement cette couleur ?

F&TAM : Elle m’évoque la facilité.

LFB : Des dix morceaux de la tracklist se dégage une énergie salvatrice, un sentiment de légèreté produits d’une âme apaisée, d’un esprit reposé. Ton statut de nomade lors de la conception de ce disque a t-il influé sur la portée émotionnelle générale ?

F&TAM : C’est surtout la sensation d’avoir tout perdu et d’en être allégé, car n’ayant plus rien à perdre. La joie de posséder par les sens ce que l’on perçoit dans l’air qui nous entoure, plutôt que ce qui nous attend au foyer.

LFB : Le fait d’avoir voulu enregistrer cet album seul afin d’y faire rentrer le plus d’air possible, vient-il d’un désir de laisser davantage de place à l’imaginaire et la contemplation du côté de l’auditeur ?

F&TAM : Exactement, c’est ça. Tu l’as dit avec tes mots. J’ai bien fait d’y laisser de la place.

LFB : Tu dis te sentir chez toi dans les endroits de passage. Sédentarité, routine et monotonie sont- ils des états que tu fuies à tout prix ?

F&TAM : Je pense qu’il y a une grande source de joie à être sédentaire plutôt. Suivre une routine est apaisant aussi. J’observe cela chez les autres.

LFB : Jaako Eino Kalevi est à la production de cet album. Comment s’est faite votre rencontre ? Quels moments clés gardes-tu de vos sessions ?

F&TAM : J’ai rencontré sa musique sur le lecteur CD d’une voiture de location sur les routes sinueuse de l’île de beauté. Mon esprit était pris dans les voiles de ma compagne. J’aurai pu rester au moins sept années sur cette île avec elle. Jaakko le titan est venu me tirer du naufrage par le truchement du label. Effet Domino. Tel Ulysse repartant pour de nouvelles aventures, j’ai navigué le son finnois de mon collègue en allant de Berlin à Athènes.

LFB : Au-delà de la quiétude ambiante qui se dégage du disque, on retrouve à quelques reprises, ces mots qui font écho aux complexités relationnelles (Tourne Autour, Coucou, Revu). Le fait que ces mots soient contrastés par cette pop éthérée et enjouée, était-il une façon d’atténuer la brutalité de ces différends pour le moins familiers ?

F&TAM : Oui car l’amour et ces aléas sont des histoires si banales. À l’intérieur, des vrais cataclysmes. Aux yeux des autres, des épisodes bateau, des série à l’eau de rose.

LFB : Ton nouvel album qui est une fenêtre ouverte sur l’Europe, est-il un disque qui fonctionne comme une invitation à sortir de sa bulle, à redoubler de bienveillance envers son prochain ? Se connecter à lui ?

F&TAM : Oui, c’est l’idée. J’aime vraiment bien ! Like, cœur et tout.

LFB : Dans tes clips, tu as souvent mêlé l’irrationnel et le rêve au réel, à ce qui est palpable (Les Plus Beaux, Coucou, Tendre Est L’Âme etc). Créer un lien entre les deux est-il important pour toi ?

F&TAM : Tout à fait, dans le mille aussi, décidément ! Ces aller-retours sont ce qui me prend le plus de temps. On ne peut jamais les anticiper, on ne peut pas booker son billet en preums. Rien ne se prévoit sinon ça devient de la formule industrielle et de la caricature. Donc on y va lentement, à pied, en regardant le paysage, en s’endormant, en répétant des motifs réguliers, au piano ou à la guitare, en regardant les à-côté, en faisant des pas de travers. Fantômes sous la peau. Matière et antimatière.

LFB : L’ensemble des morceaux de Banane Bleue est né entre Paris, Berlin et Athènes. Des villes où les énergies varient beaucoup, où l’une peut s’avérer être reposante quand l’autre peut être étouffante. Ces énergies ont-elles eu un impact direct sur tes humeurs et donc la conception des morceaux ?

F&TAM : Peut-être plus que leurs humeurs propres, ce sont les impressions et les projections mentales que j’ai de Berlin et d’Athènes : berceau des démocraties européennes et villes d’artistes bohèmes fauchés. Je n’y ai pas vécu assez pour savoir si leur énergies m’avaient inspiré. À Paris, j’ai bousillé mon état nerveux et un peu mon affectivité. Mais, sans déranger les voisins, on peut chanter doucement la-la-la dans son 25m² . Et ça, ça console.

LFB : Cet album se révèle être comme une bouffe d’air nécessaire en ces temps incertains. Le considères-tu comme un remède efficace à la morosité ambiante du moment ?

F&TAM : Oui, complètement. C’était une bonne idée de faire un album aussi épuré finalement.

LFB : As-tu une anecdote à partager sur la création de Banane Bleue ?

F&TAM : J’ai vu une étoile filante le jour de sa finition. Et on m’a parlé de renaissance et de victoires anciennes pendant sa conception. Pardon, je suis nul en anecdotes, j’oublie tous les détails et ne je retiens que les impressions.

LFB : Enfin, as-tu des coups de cœur récents ?

F&TAM : Non. J’ai plutôt envie de vous conseiller d’aller marcher dans la forêt avec un proche. Les relations humaines sont plus importantes que les
datas culturelles que vous percevez sur ces pixels. En revanche, cette personne proche et bien sentie vous parlera des films, musiques et livres qui l’ont touché.

© Crédit photo (couverture d’article)  : Oihan Brière