Format Court #23 : François Foulquié, CIPIERRE, voyou

Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle pop française avec les EPs de François Foulquié, Cipierre et Voyou.

François Foulquié – La Vie Bradée

On a tendance à penser, à tort, qu’un titre de pop française doit tenir dans un format de trois minutes et se traduire une structure faite de couplets et de refrains. Heureusement pour nous, des petits rebelles prennent parfois le sujet à bras le corps pour nous prouver que la pop peut aussi s’épanouir dans des formats libérés, loin des carcans un peu daté.

Cet enchantement des sons et des sens se traduit parfaitement à travers La vie bradée, premier EP de François Foulquié. Ici, en quatre morceaux, le temps s’étire, la mélancolie se diffuse et un sentiment de douceur et de bien être nous envahit des les premières écoutes. Venu du joli monde de la musique électronique versaillaise, Foulquié s’échappe une nouvelle fois des stéréotypes pour nous ouvrir les portes d’un monde à la fois inquiétant et chaleureux où la réalité se distord et le temps s’étire à l’infini.

Toujours classieux, jouant avec sa voix comme un instrument, les morceaux évoluent, avancent et se cassent parfois la gueule pour mieux rebondir après coup. C’est un peu ça les morceaux de François Foulquié : une vie qui titube, une mélancolie toujours présente et qui transforme les morceaux en exutoire de penser parfois sombres, d’idées qu’on ne dit pas tout haut mais qui passe dans l’infini douceur de ces chansons belles et entêtantes. On se laisse emporter par les harmonies folles et la montée en tension de Donne moi, par la crudité et le basculement brutal de Myso gin & vodka ou par la beauté pure de la vie bradée et le bal qui par certains aspects nous rappellent l’anglais King Krule.

Une chose est sûre, chez François Foulquié, si la vie est bradée, la musique est elle prise très au sérieux. Et ça fait du bien.

Cipierre – Cerf-volant

La musique de Cipierre, joue d’un contraste saisissant : les deux pierres fondatrices de Cerf-volant, celles qui servent d’ancrage à une grande partie du champ lexical de ces cinq morceaux, semblent au premier regard ne pas être faites pour coexister sereinement.

D’un côté, le film et la photographie, ceux qui figent les souvenirs, qui maintiennent dans le temps des moments et des souvenirs. De l’autre la mer, imprévisible, dangereuse et toujours en mouvement, qui efface sans rougir toutes traces qui pourraient se trouver sur son chemin. Deux entités, deux idées qui forment des corpus imagés et des chemins qui pourraient ne rien avoir en commun.

Pourtant, sous l’égide poétique et épurée de la musique de Cipierre, elles trouvent un point d’ancrage commun. Toute la réussite de ce Cerf-volant vient de cette association aussi incongrue que finalement : ne plus avoir peur de se noyer dans ses souvenirs, mais les utiliser pour aller de l’avant, garder le mouvement, regarder l’horizon tout en jetant par moment un regard ému sur les pierres qu’on laisse tomber de nos poches.

Guidés par un minimalisme bienvenue, principalement portés par un piano voix ici et là ornés d’un saxophone ou d’un piano discrets, les cinq titres qu’ils nous offrent ici forment un tout, une musique de saison, coincée entre l’hiver et le printemps, entre la neige qui résiste et les arbres qui ne demandent qu’à fleurir de nouveau, elle se transforme en alcôve intime et chaleureuse pour ceux qui l’écoutent.

Cerf-volant, est comme Cipierre le dit lui même, un livre ouvert, on en feuillette les pages, on y trouve des moments communs, des choses universelles racontées par un garçon qui devient homme.

Parler de soir pour mieux se rapprocher des autres : ainsi vont les histoires de Cipierre. Une simplicité du mot, direct et explicite, qui n’oublie jamais cependant de ramener avec lui les images des souvenirs, les siens mais aussi les nôtres. C’est toute la beauté de cette musique qui nous offre au fil des écoutes des trésors d’émotions et de douceur dans lesquels on se love.

Alors, les yeux dans le vague, les pieds dans la vague, on regarde passer dans le ciel ce Cerf-Volant, fou et libre, porté par une volonté qui lui est propre et une beauté qui nous perce le cœur.

Voyou – Des confettis en désordre

Il y a des artistes avec qui, qu’on le veuille ou non, on partage une certaine connivence. Depuis son premier concert, et ses premiers titres, Voyou fait parti de cette catégorie de personne dont la musique a trouvé un port d’attache particulier dans nos cœurs et nos oreilles. Et il faut le dire, des confettis en désordre ne fera pas exception à la règle.

Vraie continuité aux bruits de la ville, on pourrait voir cette nouvelle collection de titre comme un lendemain de fête, lorsqu’on regarde, la tête embrumée par une gueule de bois bien sentie, les morceaux de vie qui s’éparpillent sur le sol, alors que l’on se saisit d’un balais pour effacer les traces d’une joie fugace mais qui restera malgré tout gravée en nous.

Car oui, si le garçon garde les codes bien définis de sa musique, à travers cette pop colorée et chaleureuse, toujours portée par son inévitable trompette, il l’a fait évoluer vers un univers où la naïveté laisse plus de place à la mélancolie, et où les couleurs se font un peu plus ternes, voyant passer sur elle le temps et ses affres.

Cette idée du temps qui passe se joue même au niveau des deux reprises qui ponctuent ce nouvel EP : Teenage Fantasy et Jardin d’hiver. Voyou fait le pont entre Jorjia Smith et Henri Salvador et réussi ainsi la gageuse d’une bonne relecture : ramener sa propre couleur et ses propres obsessions dans la musique d’un autre.

En réalité, ces sept titres se jouent en deux actes, entrecoupés d’un superbe interlude instrumental qui prouve que Voyou reste, en plus d’un super conteur d’histoire, un vrai compositeur doté d’une patte remarquable.

Ainsi dans le premier tiers, se joue une histoire d’amour qui vibre et s’éteint, un cœur qui se brise et un garçon qui passe au statut d’homme. Les humains et Le confort jouent à un jeu de miroir, l’envie de retrouver l’être aimé pour finalement réaliser que les sentiments qu’on pensait immortel ne résistent pas au temps qui passe.

De l’autre côté de l’interlude, on retrouvera le Voyou observateur : Carnaval et sa douceur caribéenne, nous parle d’un réveil, d’une renaissance, d’un monde perdu qui retrouve ses couleurs, tandis que La cour d’école, découverte lors de son premier concert et qu’on désespérait de trouver un jour sur un album, nous rappelle que tout se joue des l’enfance et que des choses qui pourraient paraitre insignifiantes forgent pourtant le caractère et l’avenir d’une personne.

Avec des confettis en désordre le regard bienveillant de Voyou regarde en lui pour se confronter au monde qui l’entoure. Avec ces nouveaux titres, notre voyou au grand cœur trouve une vraie forme d’évolution et une certaine maturité. Thibaud Vanhooland grandit et évite l’écueil de rester ce gentil Bisounours que beaucoup observaient d’un œil mi-attendri, mi-moqueur. Ainsi, Voyou grandit, et sa musique avec lui. Une évolution naturelle pour un nouveau projet réussit et toujours aussi attachant.