Format Court #14 : Moussa, Cléa Vincent, Big Wool

Chez La Face B, on adore les EP. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EP sortis récemment. Aujourd’hui, on explore la diversité de la pop française avec les dernières sorties de Moussa, Cléa Vincent et Big Wool.

Crédit : Yanis Lorde

Moussa – Surface

Moussa Fennira est un garçon discret. À une époque ou tout va trop vite et ou la plupart des projets s’évaporent dans l’éphémère, le garçon joue au petit-poucet. Depuis 2017 et l’immense Cabrioli, qui tourne encore dans nos esprits, Moussa dissémine ici et là des petits cailloux musicaux qui nous invitent à le suivre dans son élément, à naviguer sur le Vogue Merry pour le retrouver quand il se décide à se rappeler à ses bons souvenirs. Sur des instrus faussement naïves et vaporeuses, le nantais nous offre une poésie sensuelle guidée par un flow nonchalant et distant, comme si il cherchait avant tout à se protéger des émotions et histoires qu’il nous raconte.
C’est à nouveau le cas avec Surface, qu’il nous a offert sans prévenir le 1er mai. Trois titres et une interlude, un premier EP qui trouve sa naissance dans la chaleur de l’été ou il a été créé.
Si le cadre temporel est fixé, c’est pourtant dans ses souvenirs adolescents que Moussa plonge réveillant des histoires d’amour et de haine, de désœuvrement adolescent et de quête identitaire. Si l’amour trouve sa place à la surface de chaque morceau, que ce soit dans la rythmée Mossoul sur la superbe Bleu Ciel ou l’on retrouve la mystérieuse Nice pour l’histoire d’un premier amour qu’on croit infini et plus fort. C’est une ombre plus inquiétante qu’on retrouve dans les morceaux et qui donne une toute autre tournure aux chansons qu’on écoute. Des effluves d’un parfum qui reste gravé dans la mémoire sur Bleu Ciel ou d’une violence bien plus explicite sur Surface, celle qui laisse des traces sur sa peau et celle de sa mère et qui transforme un appartement en territoire hostile qu’il faut éviter à tout pris et qui aura des répercussions sur toutes les parties de la vie du héros.
Territoire doux-amer, ou les mots jouent un rôle puissant et ou la désinvolture apparente cherche à masquer les fêlures pas encore réglées de la vie, Surface est une œuvre à la beauté fulgurante qui marquera tout ceux qui l’écoute et qui permet à Moussa de se dévoiler encore plus, offrant à sa musique une profondeur émotionnelle intense. On est K.O debout, certains d’assister à la présentation d’un artiste majeur.

Cléa Vincent – Tropi-Cléa 2

Cela fait maintenant plusieurs années qu’on est sous le charme de la musique de Cléa Vincent. On aime sa bonne humeur, son côté solaire qui cache parfois une petite touche de mélancolie plutôt nécessaire. Et autant le dire Tropi-Cléa 2 ne changera pas la donne. A l’image de son prédécesseur, c’est une parenthèse enchantée, une musique qui nous ramène une bonne dose de chaleur dans une époque qui en manque clairement. Entourée d’excellent musicien, la parisienne tourne une nouvelle fois la tête vers l’Amérique du sud et nous emmène dans ses valises, on rêve et on voyage avec sa pop qu’elle mixe avec bonheur à la samba ou la bossa nova. On plonge d’entrée avec Tropique Ouverture, une piste instrumentale qui nous met directement des fourmis dans les pieds et le bassin. Le reste est à l’avenant porté par d’excellents musiciens, il devient impossible de résister à N’allez Pas Travailler ou Poupée Canapée tandis que Bahia et son groove incroyable nous fait remuer tranquillement les épaules, les pensées tournées vers un carnaval imaginaire ou l’on retrouverait tous nos amis. Si Sans Déc et Bahia traitent des sujets de prédilection de Cléa, à savoir les relations amoureuses parfois un peu foireuses mais qui font toujours grandir, on note quand même une évolution qui pourrait donner des indices sur les prochaine sorties. Ainsi, Poupée Canapée semble être une petite sœur en mode reggae de Sexe d’un garçon, titre qui érige une nouvelle fois Cléa Vincent en représentante d’un girl power doux et poétique mais qui n’en oublie jamais de dire les choses de manière claire. Mais le morceau le plus surprenant de ces six nouveaux titres reste sans aucun doute N’allez pas travailler, qui traite avec humour d’un burnout qu’on a tous vécu à un moment ou à un autre et qui dénonce avec humour et musicalité de la surconsommation et de l’épuisement quotidien qu’on peut ressentir dans un monde qui nous presse toujours un peu plus et qui résonne un peu étrangement avec l’actualité mais aussi le futur qui prête à beaucoup d’interrogations.
Avec Tropi-Cléa 2, Cléa Vincent nous offre donc une échappée nécessaire en ces moments gris, une petite pépite grâce à laquelle on danse, on sourit et on réfléchit.

Big Wool – Simple Travels

Les angevins de Big Wool reviennent 3 ans après leur première apparition, pour nous emmitoufler dans la douceur de leur musique avec leur nouvel EP, Simple Travels
Cinq titres organiques, teintés d’une certaine mélancolie, qui rappelleront tantôt Ray LaMontagne, tantôt la symphonie collective d’Arcade Fire sur Funerals. On a aimé entendre parfois le phrasé des Moldy Peaches, la chaleur d’un soleil d’hiver, l’apaisement après les sanglots. On a entendu la complainte des violons, l’impatience de la guitare et le calme de la voix. On a ressenti l’urgence de la poursuite d’un ailleurs sur No Sorries. On s’est laissé aller sur Let It Go, échappant une larme chaude face à tant de superbe et d’émotions dans les notes de musique desquelles s’échappaient une grande volupté. Les cordes frottées des violons se sont transformées en pleurs, et la basse se révéla n’être que le bruit étouffé des gouttes de pluies qui frappent la fenêtre. On a dansé plus vivement sur Hello Houston, dans une forme de célébration de la vie. On a fait un bon dans l’espace-temps avec Tallulah qui nous semblé être une comptine tout droit sortie des années 60. 
On a ressenti cette mélancolie délicate tout au long de l’EP, berçant autant dans la nostalgie que le spleen, sans jamais perdre de vue l’espoir, l’après. On s’est laissés aller à quelques larmes sur cette pop-folk à la fois audacieuse et classique. On a souri, on a pensé aux jours meilleurs. On a vécu les dernières soirées d’été au coin du feu, la nature qui se drape de son manteau de feuilles ocres, le bruissement des feuilles qui tombent et le froid qui électrise
On a vécu chaque saison au gré de la guitare sèche, de cette symphonie organique couplée avec des harmonies vocales rassurantes et berçantes. 
On a vécu avec Simple Travels, tout simplement.