Festival vs covid : le pari réussi du rock in the barn

Concilier pandémie mondiale et amour de la musique live est-ce possible ? C’est ce que le petit festival normand Rock in the Barn a souhaité prouver le week-end du 11 et 12 septembre dernier. En ces temps toujours plus incertains pour l’industrie de la musique live, c’est une équation périlleuse qu’ont tenté de résoudre les organisateurs du festival, niché dans la commune de Vexin sur Epte. Un pari somme toute réussi, puisque le festival est parvenu à se dérouler en adéquation avec les normes sanitaires, grâce à une logistique impressionnante : des zones avec port du masque obligatoire et du gel hydroalcoolique qui coulait à flot. Côté programmation, cette 11e édition a réuni le fleuron du rock de tous bords, mêlant post-punk, garage, psyché mais aussi de farfelus groupes pop et d’étonnants DJ. Retour sur cet week-end inédit.

Un festival à l’ère du covid19

Pour ce premier jour de festivités en plein cœur de la ferme de Bionval en Normandie, le soleil est au beau fixe. Malgré l’inquiétude des organisateurs face aux annonces gouvernementales promulguant des restrictions sanitaires de plus en plus lourdes, la 11e édition du Rock in the Barn est maintenue. L’on se sent alors presque privilégiés, de pouvoir goûter à nouveau à ce qui nous avait le plus manqué depuis presque 6 mois maintenant : un festival de musique. Il faut dire que ça nous fait presque tout drôle, de revoir une vraie scène, une ambiance de festival, entendre du son en live… Quoiqu’il en soi, pour cette édition particulière, des mesures ont été mises en place pour assurer la sécurité de tous, et même si vivre un festival masqué et un concert avec des restrictions n’enchante personne, il était du devoir de tout un chacun de veiller à respecter les consignes pour que la musique puisse (re)vivre en ces temps de crise.

Première journée : les retrouvailles

En ce premier jour donc, nous avons pu goûter à la coolitude ultra-assumée du groupe français Polycool qui ouvrait le bal sur l’une des deux scènes du festival. Tout de robes de chambres vêtus, le quatuor à l’univers déclaré et acidulé profère sa pop électro(cosmico)-oldschool a grand coup de sermons en faveur du Lemon Lord, titre éponyme de leur premier album. Tandis que le groupe s’affaire à nous emmener dans leur histoire farfelue, un personnage cagoulé et pantalon à paillettes s’occupe quant à lui de distribuer au public une ration de bulles. Pour les diggers et les amateurs de bons sons surprises, le DJ set du duo Nico Babar a également ravit les oreilles du public, réuni devant le petit Barney’s Dome.

Passé les premiers émois de nos retrouvailles avec la scène, ce sont celles avec le groupe MNNQNS qui ne tardent pas. A 20h30 la foule éparpillée se fait dense autour de cette petite scène, déjà en ébullition quand apparaissent les cinq têtes-brulées de ce groupe de post-punk, historiquement à mi-chemin entre Cardiff et Rouen. Les pogos n’allant pas de soi en cette période, chacun libère alors de manière introspective la folie dissimulée des dernier mois, déliée par les morceaux bruts et survoltés de MNNQNS. Passé la vague électrique des guitares cinglantes, c’est au tour de Michelle Blades, multi-instrumentiste de parachever son dernier EP, Nombrar las cosas, auprès d’un public déjà conquis. De l’espagnol à l’anglais, l’artiste originaire du Panama et aujourd’hui installée en France, distille son aura incandescente sur scène, au détour de morceaux pop tantôt déjantés tantôt mystiques.

En parlant de mystique, nous avions plus que hâte de goûter au rock-psyché oriental du groupe très prometteur Al-Qasar. Alors que la soirée se rafraichie dans le champs de Bionval, les corps se délient une fois de plus grâce à l’irrésistible énergie du groupe et de son chanteur . Guitare électrique et solo de darbouka initient le public tantôt aux mouvements de têtes, tantôt à ceux des hanches, que s’empresse de reprendre le chanteur en frappant dans ses mains. Sous les masques, on décèle une vague de sourires qui parcourent les visages et l’on sent que, même sans se toucher les uns les autres, l’esprit de communion est là.

Le cocktail explosif du samedi

Le soleil se lève sur ce deuxième jour de festival et on aperçoit déjà les premiers festivaliers qui finissent leur courte nuit sur l’étendue d’herbe derrière la ferme. Jusqu’aux premiers sets de l’après-midi, on a ainsi le temps d’apprécier le cadre de ce festival normand et la street food (préparée avec des produits locaux) qu’il propose. Le temps s’écoule avec une vitesse folle tandis que sonne déjà l’heure des artistes venus clôturer cette 11e édition de Rock in The Barn. On découvre ainsi le trio post-punk instrumental, Péniche, déployé sur l’herbe fraichement foulée par les premiers festivaliers du samedi. Il vaut mieux ne pas se fier au nom de ce groupe, docile bateau voguant sur les fleuves, puisque la jeune formation semble d’avantage avoir fixé un turbo sous la coque, avec leur tout 1er EP Atlas. Puis, le public s’assoit devant l’artiste français Gaëtan Nonchalant, et se laisser porter par ses morceaux pop aux textes poétiques et espiègles. Changement de scène, changement de décor, avec Bryan’s Magic Tears, le jeune groupe récemment signé chez Born Bad Records qui livre une superbe prestation. Entichés du grunge et de la mélancolie des 90’s, ce groupe de rock ne manque pourtant ni d’énergie, ni d’une pointe d’humour sur scène.

Puis, en remplacement inattendu d’Hotel Lux, n’ayant pas pu jouer au festival, le groupe Structures est parvenu à s’incarner avec brio dans la programmation de ce dernier jour. Le quartet de cold/new wave parisien a, une fois de plus , retourné la foule avec leur compositions punk mordantes. Porté par une voix brute, les morceaux s’enchainent comme des hymnes au lâcher prise et à la démence jouissive. Après avoir quitté le public avec deux titre inédit, les membres de Structures font place à leurs confrères de Johnny Mafia dans une ambiance tout aussi frissonnante. Bien que cela fait un certain temps que le groupe n’a pas sorti de nouveaux titres, le public a eu plaisir de (re)découvrir sur scène leur musique possédée par l’essence du rock’n’roll des 70’s. Enfin, on termine en apothéose avec les joyeux et singuliers lurons de Warmduscher, ces rockeurs londoniens qui ont habités la scène avec grandeur ce soir là. Le groupe aux multiples facettes représentées par leur membres tous issus de d’ancien groupes, transpose sur scène ses textes salaces aux sonorités effrayantes de qualité. Pour les noctambules aguerris, le set de Dombrance a sur ravir les esprits, notamment avec ses titre phares Poutou et Fillon , un concentré d’humour électro-dansant qui a clôturé avec brio cette édition tout particulière du Rock in The Barn.

Photos : Céline Non