(Exclu) Teargas, le Yin et Yang musical de Pretty Inside

Depuis quelques années maintenant, le label Flippin’ Freaks Records fait beaucoup de bien à la scène rock bordelaise. Cristallisé autour de TH Da Freak, le label nous propose de nombreux artistes qu’on adore, que ce soit SIZ ou Cosmopaark, On pourra désormais rajouter à cette liste Pretty Inside qui dévoile son premier effort Teargas. Et c’est à découvrir en exclusivité sur La Face B.

Parfois, sans qu’on ne le veuille vraiment, l’actualité nous rattrape, pour le meilleur et pour le pire. À l’heure ou l’actualité n’est centrée que sur des lois liberticides et la visibilité nécessaire d’exactions inhumaines de la part des personnes qui sont sensées nous protéger, appeler son premier EP Teargas (gaz lacrymogène pour les moins anglophones d’entre nous) a le parfum d’une douce ironie du destin.

Pourtant, chez Pretty Inside, le choix du nom a, selon nous, une signification totalement différente, une idée comme un avertissement de ce qui nous attend. Ainsi à l’écoute de ce premier EP, on réalise que la musique des bordelais joue sur les deux actions de ce produit : l’attaque et les larmes.
Ici, et ce n’est pas l’étrange masque qui orne la pochette de ce projet, on se prend alternativement des coups et on chiale dans une sorte de yin et yang musical du plus bel effet. Une musique en mouvement, aussi puissante qu’émouvante qui se déroule sur six titres et une vingtaine de minutes.

Né des cendres de Wet DyeDream et signé chez le bouillonnant label Flippin’ Freaks Records, les bordelais assument clairement un regard porté vers l’Ouest éloigné, pas l’Angleterre mais les États- Unis, terre du grunge et d’une esthétique DIY qui apporte à la fois un son crade et chaleureux à Teargas. On sent la volonté d’offrir le son le plus brut et live possible, ce qui est un choix esthétique important et bien senti à une époque ou les salles de concert deviennent un souvenir lointain qui confine par moment au fantasme hantant nos rêves fous.

L’aventure Teargas commence donc avec Deeper. Premier morceau qui part au pied au plancher et nous secoue avec sa batterie qui claque et cette envolée épique qui nous embarque sur son premier refrain, suivi d’une longue plage instrumentale du plus bel effet. On sent ici l’envie du groupe d’en découdre, déroulant tel un rouleau compresseur une musique enlevée et jouissivement foutraque portée par une énergie sans faille. On s’attend alors à tout un EP de cette teneur, nous faisant craindre en même temps une certaine redite.

Et pourtant, c’est la surprise qui nous prend par le col sur Time To Understand. En passant en une pulsation de Boston à Portland, Pretty Inside nous prouve qu’ils maitrisent l’art de l’inattendu. Si le morceau reste dans une veine indie-rock bienvenue, il troque la guitare électrique pour une guitare acoustique qui donne le rythme et le sel de ce morceau, même si le groupe ne se refusera pas un bon solo au milieu du morceau.

À l’écoute des morceaux qui suivent, on réalise que chaque morceau ira chercher dans une palette émotionnelle différente, comme si les bordelais étaient des peintres musicaux puisant dans une couleur unique pour en tirer toutes les nuances. Ainsi Bloodstains ira puiser dans des influences plus grasse et grunge tandis que Side by Side fait se confronter une mélancolie sourde à un mur de guitare explosif qui apparait sans prévenir.

Pourtant assez éclectique, c’est dans ces deux derniers morceaux que Teargas dévoile toute l’étendue émotionnelle qui l’anime et qui transforme ce premier EP de newcomers en projet d’un groupe à suivre avec énormément d’attention.

Ainsi, alors que ce n’était pas réellement le cas sur les précédents titres, Left On The Corner prend la suite directe de Side by Side, ne laissant aucun répit pour nous offrir ce qui semble être un véritable condensé de tout ce qu’on a écouté jusqu’à présent. Le morceau est ainsi d’une beauté pure et déchirante, jouant avec les genres et les émotions et prouvant que la musique est sans doute le meilleur vecteur possible pour exprimer la peine, la tristesse et l’incompréhension. Un morceau dense, sublime et subtil qui laisse pantois. On se retrouve ainsi un peu hagard et sonné, le moment idéal pour que Snowflakes prenne le relai, afin de laisser les larmes couler sous nos joues. Le morceau se termine de manière brute, laissant nos oreilles face à la puissance assourdissante du silence.

Vous l’aurez compris, avec cette première collection de morceaux, Pretty Inside frappe bien et frappe fort. Le combo bordelais nous prouve que l’émotion peut jaillir de partout, même du chaos, tant que celle-ci est proposée avec sincérité. Teargas est une proposition revigorante et nuancée dont le charme se diffuse immédiatement et reste dans l’air, et dans les oreilles, pendant un bon moment. Ils disent avoir fait du « garage émotionnel », on ne pourrait pas être plus en accord avec eux.