(Exclu) Steve Zissou : La vie musicale d’Écume

L’écume de mer est une mousse d’eau de mer provoquée par un vent violent qui recouvre temporairement des zones de balancement des marées. Une création dans la tempête qui donne aujourd’hui son nom au nouveau projet francophone de feu! Waves We Were. Une thématique maritime toujours présente qui trouve encore écho dans Steve Zissou, un tonitruant premier titre à découvrir en exclusivité sur La Face B, le tout accompagné d’une interview.

Dans la nuit noire nous parvient un chant. Pas celui d’une sirène mais celui d’un cœur brisé, un cœur en attente perdu dans la solitude de sa barque. Progressivement viennent se joindre à lui une guitare brute et dissonante ainsi que des nappes discrètes de synthétiseurs comme un appel à prendre la mer, à partir à l’aventure et à la reconquête alors que la batterie débarque comme un orage qui gronde au loin. Nous embarquons avec ce garçon poétique pour ce voyage épique contre vents et dans la marée.

Cette histoire, c’est celle que nous conte Écume à travers son nouveau titre Steve Zissou. Si le morceau prend corps dans le vocabulaire maritime, le tout est profondément métaphorique. Il est évidemment question ici d’amour, de manque, de retrouver l’autre et de faire battre avec lui la tempête. C’est aussi l’histoire d’une (re)découverte, une nouvelle aventure qui s’ouvre, puisque ce morceau est la première incursion de Kãman Messaadi dans le chant en français.

Comme un réconfort rassurant, il offre à sa plume presque neuve et à cette boucle littéraire très poétique un contrepoids musical tout en puissance et en intensité. Ainsi c’est vers le krautrock qu’il propulse sa barque avec ce morceau qui joue d’une sorte de longue montée progressive et qui allie douceur et violente et où les nappes électroniques jouent des coudes avec une guitare rythmique hypnotique et une batterie rythmique. Le chant est lui aussi poussé vers l’épique dans ses intentions, notamment au moment où se répète  » je lève les voiles » jusqu’à la cassure, jusqu’à ce que le souffle n’ai plus place et que la voix se brise pour laisser place au chaos sonore qui nous emporte avec lui vers les récifs.

Le morceau s’accompagne d’un clip qui donne toute sa valeur au titre. Car pour ceux qui ne le sauraient pas, (et si c’est le cas, on vous conseille de vous jeter sur le film dès ce soir) Steve Zissou est le personnage principal de La Vie Aquatique, quatrième long métrage du merveilleux Wes Anderson.
Ainsi à l’image, Écume et Lateral Lab jouent à l’hommage enamouré, cinéphilique et hautement DIY de l’oeuvre d’Anderson. On replonge ainsi avec bonheur dans cet univers aquatique qu’on aime tant et on s’émerveille de voir le film trouver une seconde jeunesse à travers ce clip qui tient pour le coup plus du court métrage que de la simple pastille servant à la promotion d’un titre. On retrouve ainsi dans un respect presque total, la science de plan chère au réalisateur américain, transformant chaque plan en véritable petit tableau, jouant aussi énormément sur les couleurs et la saturation.

L’hommage est total, puisqu’Écume pousse le vice jusqu’à reprendre en guitare-voix son morceau en portugais à l’image de ce qu’avait pu faire Seu Jorge avec David Bowie lors du film, apparaissant comme un être presque surréaliste pour ces reprises absolument folles.

Vous l’aurez donc compris avec Steve Zissou, Écume a tout bon et ouvre de la meilleure manière le nouveau chapitre de sa vie musicale.

On a posé quelques questions à Écume pour en savoir plus sur son nouveau chapitre musical, Steve Zissou et le futur à venir :

La Face B : Salut Kãman, avant de lancer ce nouveau chapitre avec Ecume, tu as décidé de sortir l’album de Waves We Were en février. Que retiens-tu de cette aventure ?

Écume : Salut la face B,

C’était un timing étrange. Cet album aurait dû sortir un an plus tôt, avec une volonté de vouloir le promouvoir sur scène pour le défendre au mieux. C’est la première fois que je dépassais le format EP, alors j’avais envie de faire les choses bien pour cet opus. J’ai donc décidé d’attendre des temps plus cléments pour le sortir, mais cette année à apporter pas mal de remises en questions artistiques et personnelles alors au moment où il a fallu se questionner sur la date de sortie, je sentais qu’il était devenu obsolète émotionnellement, que j’avais besoin d’autre chose.

Cependant, je trouve que c’est un beau point d’honneur à ces années de travail. Cet album résume bien cette aventure dans le sens où c’était à la base un projet très personnel, dans lequel plusieurs belles personnes et artistes ont apporté leur touche. J’ai fait pleins de super collaborations durant ces 6 années : sur trois enregistrements, j’ai pu bossé avec trois ingés son très talentueux, et chacun à leur façon. Cela a été hyper instructif sur mon approche de la production. J’ai joué avec pleins de musiciens avec qui je garde de beaux souvenirs, que ce soit sur scène où en studio. J’ai collaboré avec les musiciens de mon entourage qui me sont le plus chers alors je dois dire que rétrospectivement, j’ai eu beaucoup de chance.
J’ai également collaboré avec des personnes que je neconnaissais pas sur le plan personnel et dont j’admirais le travail, et cela a engendré de belles rencontres. Il y a une part de moi qui reste un peu nostalgique, mais au fond, en faisant le bilan, je réalise que c’était tellement enrichissant que je ne peux qu’être reconnaissant pour ce que j’ai vécu avec ce projet.

LFB : Si Waves We Were était un nom à consonance collective, Ecume est au singulier. C’était important pour toi d’affirmer ce nouveau projet comme étant le tien ?

E : Exactement. Je crois que Waves We Were était une sorte de chrysalide avant que je n’ose m’assumer au singulier. J’ai lancé les Waves avec comme modèle mon ancien groupe Kids Of Maths. On s’était connu au lycée, on avait grandi ensemble musicalement, en ayant les mêmes références, les mêmes aspirations. J’avais encore ce fantasme du groupe monté avec des amis d’enfance, façon Arctic Monkeys.
Avec les Waves, je voulais composer seul mais garder un esprit de groupe. Je réalise aujourd’hui que c’était une chimère, et que j’ai longtemps eu le cul entre deux chaises dans ma vision du projet. Je crois que je préférais me cacher derrière le collectif en terme d’image, au moment où j’ai créé les Waves.

Du coup, ce n’était pas vraiment un projet solo non plus, l’ambiguïté que j’entretenais existait également au sein du groupe. Antoine qui a fait de la batterie dans le projet depuis le début ne pouvait pas être considéré uniquement comme un musicien de scène parce qu’il faisait également parti de l’identité du groupe à mes yeux. Le changement de nom et d’identité m’est apparu encore plus évident lorsqu’il a quitté la formation live.
Enfin, de manière générale, ça me trottait dans la tête depuis un moment, et disons qu’on a eu beaucoup de temps pour cogiter en 2020 et il s’en est suivi ce besoin de renouveau visuel pour accompagner cette évolution intrinsèque.

LFB : Le grand tournant de ce nouveau morceau c’est le français. Qu’est ce qui t’a poussé à reprendre ta langue maternelle et en quoi cela a influencé ta musique ?

E : C’est aussi pour cela que le nom change, outre le passage au singulier. J’ai toujours aimé écrire, et réfléchir longuement à mes textes sur le fond, comme pour la forme. J’ai d’ailleurs étudié la littérature anglo-saxonne jusqu’au master, et il n’est pas impossible que je m’embarque sur une thèse un de ces jours, alors je cherchais à truffer mes écrits de références à des auteur-e-s anglophones.

Mais quand on écrit en anglais pour un public français, on prend le risque de voir l’aspect sémantique passé à la trappe, et au fond, c’est sûrement ce que je voulais inconsciemment. Aujourd’hui, j’ai sûrement moins peur d’exprimer ce que j’ai sur le cœur. Par ailleurs, un micro-éditeur nantais, Gong Créole, s’est intéressé à mes poèmes au point d’en éditer un recueil. C’était un tirage modeste, mais je crois que ça a été un tournant en terme de confiance dans ce que j’écrivais en français.

Ce virage linguistique a modifié m’a façon d’écrire, mais également de composer. Tout d’abord, parce que je me suis mis à explorer des artistes que je m’interdisais auparavant, probablement parce que je les trouvais impudique de se livrer si ouvertement. J’étais déjà un grand mordu de Philippe Katerine, mais d’ouvrir davantage mon répertoire à la chanson française m’a poussé à mettre ma voix et le texte au cœur de mes morceaux.
Du reste, j’ai vu Corridor en concert, et j’ai constaté qu’on pouvait faire de l’indie tout en chantant en français, sans avoir à en rougir! Cela a été une grosse claque, et je me rappelle que pendant une semaine je ne pensais qu’à faire ce genre de musique, et du coup, j’ai pondu Steve Zissou.

LFB : Je suis un gros fan de Wes Anderson et en particulier de la vie aquatique donc j’ai été assez ravi de voir ton clip. Quel rapport entretiens-tu avec ce film qui ramène une nouvelle fois à l’influence maritime ?

E: Ah et bien tu as d’excellents goûts cinématographiques!
Wes Anderson est un génie esthétique. Avec Quentin Allaert,de Lateral Lab, qui a réalisé cette vidéo, on aime énormément ses films et on est content d’avoir été au bout de cet hommage, avec si peu de moyens!
Mon obsession maritime a évidemment été le premier lien qui nous a mené à vouloir reprendre des plans du film à la sauce DIY. Mais ce qui me touche particulièrement dans ce film (mais également dans The Royal Tenenbaums et The Darjeeling Limited), c’est la froideur émotionnelle de Steve Zissou sous les traits de Bill Murray. C’est un personnage qui fuit constamment ses émotions, qui joue de diversions, ou de masques plutôt que d’être à l’écoute de son éprouvé. Pourtant, on peut parfois sentir un infime élan affectif sur son visage de temps à autre, preuve que toutes ces émotions sont là, enfouies sous des années de refoulement. C’est ce qui me touche le plus dans le sujet de Wes Anderson en général d’ailleurs.

LFB : Ça te plairait de voir Seu Jorge reprendre ton morceau ?

E : Tellement! Mais si il faut atteindre le niveau de notoriété de David Bowie pour ça, on est pas rendu!
Blague à part, je trouve que le portugais chanté avec un accent brésilien rend toutes les chansons magnifiques, même si le sens m’échappe davantage. Si en plus, tu arranges ça avec des harmonies de bossa nova alors je signe tout de suite! Rodrigo Amarente a, par exemple, fait une reprise de la Non-demande en mariage de Brassens, et si on perd en sémantique pour les non-lusophones, en terme d’émotions, on est servi!

LFB : Pour finir, tu peux nous parler du futur proche et moins proche pour Écume ?

E : Et bien en avril sortira un deuxième morceau. Il s’agit d’un morceau plus doux, construit autour d’un guitare/voix, et qui sera en duo avec Coline Rio, autre source d’inspiration majeure dans mon revirement linguistique. L’idée c’était de montrer les deux étendues du spectre dans lequel Écume va s’inscrire : mes compositions vont s’étendre de l’énergie plus krautrock de Steve Zissou à des mélopées plus douces, comme avec Wilson, le prochain single.
D’autre part, on va rentrer dans une phase de résidence pour donner vie au nouveau set, avec mes acolytes musiciens. On espère en sortir une vidéo live pour montrer quelques unes de ces nouvelles compositions francophones. On a dores et déjà des vidéos lives intimistes, au bords de l’eau, qui sont en cours de montage, et qui devrait sortir avant l’été.
Et puis, il va falloir retourner en studio pour préparer un EP. Tous les titres sont là, il ne reste plus qu’à en sélectionner 5 et voilà (j’écris ça avec plein de détachement mais en vrai, la prise de décision c’est toujours l’étape la plus difficile).
Mais surtout, on espère vraiment reprendre la scène au plus vite. C’est étrange d’avoir tout ce temps pour composer des morceaux qui tardent à prendre vie sur un plateau! Roselyne, s’il te plaît, fais quelque chose!!!!E :