(EXCLU) Somnambule, les nuits sans sommeil de Tomasi

Depuis sa chambre, Tomasi nous observe. En peignoir rouge, depuis sa fenêtre il regarde les gens qui passent et la vie qui file. Deux ans après avoir dévoilé son premier projet Astronef, le voilà qui revient aujourd’hui avec Somnambule, qu’on vous dévoile en exclusivité sur La Face B.

On a tous croisé dans la vie quelqu’un comme Tomasi. On ne cherche pas à le faire passer pour un monsieur tout le monde, ce n’est pas le cas, mais dans la vie on a tous eu dans notre entourage un ami qui se cache derrière la provocation, qui rigole trop fort pour cacher ses failles et ses blessures. On est peut-être même cette personne là pour un autre.

Quand Tomasi a lâché Du sperme sur le peignoir, on a pensé à ce petit punk qui claquait une boule puante en classe avant de regarder le monde autour de lui avec un sourire satisfait. Ce genre d’attitude faite pour éloigner les gens, pour se cacher en plein jour et ne pas montrer ses failles.
Ça, c’était sans doute la première lecture du titre qui a agi comme une porte d’entrée pour Somnambule. Derrière, il a rabattu les cartes, remodelé sa personnalité, l’image qu’on pouvait faussement se faire de lui avec ce titre.

Car oui, Menteur Menteur pourrait jouer le yang de Du sperme sur le peignoir, un titre plus doux, plus lumineux mais surtout bien plus mélancolique sur ce personnage qui finalement souffre de ne pas être compris, de ne pas pouvoir réellement se dévoiler comme il est de peur de se voir rejeté, incompris et finalement de finir seul. On ne sait pas s’il y avait un plan promotionnel derrière le choix de ces titres, mais le coup fut parfait : provoquer et attendrir, telle est finalement l’ossature de Somnambule, nouvel EP cinq titres qu’il nous dévoile aujourd’hui.

De l’anti-egotrip, voilà comment on pourrait définir le style de Tomasi au cour de ces cinq titres. Car oui, le garçon parle beaucoup de lui, encore et toujours à chaque titre, la première personne prend une place prépondérante dans ses textes, sa bite aussi d’ailleurs. Ce qui pourrait semblait être un cliché du rap actuel, est pourtant déconstruit en quelques lignes, en quelques punchlines. Car si Tomasi parle de lui, c’est pour mieux déconstruire son personnage et le comprendre, c’est pour se prouver que « la seule réponse c’est pas de questions », une sorte de thérapie par la musique qui joue sur ce contraste constant, voulant à tout prix nous présenter un être détestable qu’il devient au fur et à mesure de l’écoute difficile de ne pas aimer. Car finalement, s’il parle de lui, c’est pour mieux nous offrir parfois un miroir vers ce qu’on est tous : des êtres qui se cachent et qui jouent des rôles, des petits enfants souvent terrifiés de montrer aux gens qu’ils aiment qui ils sont réellement. Et c’est finalement dans ces nuits sans sommeil, dans ces moments où l’on se retrouve face à soi même qu’on finit par se comprendre, par s’éveiller lorsque le sommeil s’enfuit. C’est le propos de Avatoru’s et de Somnambule. 

Une quête identitaire, comme un héros de jeux vidéos qui franchit les étapes et les obstacles pour finalement se dévoiler aux autres mais surtout à lui-même. Cinq étapes, cinq combats se déroulent de Round 2 à Somnambule, entre ombre et lumière, entre victoires et déceptions, c’est chuter, se relever et repartir. Perdre ou gagner n’a finalement que peu d’importance puis-qu’ici tout ce qui compte, c’est le chemin, et pas forcément l’arrivée.


Musicalement, ce qui frappe d’entrée de jeu dès Round 2 et qui nous marquera au fil de l’écoute, c’est la composition. Organique au possible, bien loin des standards aseptisés et électronique qu’on cherche à nous vendre aujourd’hui, les productions de Tomasi transpirent des émotions et jouent sur les sentiments comme un ping-pong musical entre le verbe et le son. Le travail de Valentin Montu et Benjamin Joubert n’y est sans doute pas pour rien, mais on sent une appétence pour les instruments, pour les dangers et la qualité qu’apporte le fait de “jouer” réellement ce qu’on produit et défend. La musique prend ainsi corps et gagne en âme et en puissance. Ainsi la douceur et la mélancolie de Menteur Menteur se trouve renforcées tandis que la hargne et la violence de Du sperme sur le peignoir, ainsi que ses intonations électroniques, explosent littéralement, là où la basse de Avatoru’s et les synthétiseurs nous guident dans des nappes rêveurs de nuits sans sommeils, Somnambule joue sur une évolution musicale qui se brise pour mieux se réinventer guidé par un flow complètement dingue où la voix finit par devenir un instrument qui répond aux autres par moments. 

Ici le verbe est fort et le son est rond, les deux se répondent et nous enchantent, si le propos est personnel, il n’est jamais manichéen, ni noir, ni blanc, c’est dans le gris de la vie que l’homme au peignoir plonge sa plume. Toujours jeune mais pas si con, Tomasi nous propose avec Somnambule cinq titres qui finissent par résonner en nous tant ces thèmes nous semblent proches de nos propres questionnements. Comment être soi-même ? Comment briser la carapace qu’on se crée et qui finit par être parfois trop lourde à vivre tant elle devient ce que les autres voient de nous ? De sa chambre, Tomasi s’offre à nous et on a envie de lui dire “oui, quelqu’un t’entend.”