(Exclu) : Raoul Vignal en apesanteur pour Rock In The Barn

Raoul Vignal c’est cet artiste dont on ne sait plus bien quand on l’a découvert ou écouté pour la dernière fois, tant son travail s’immisce dans le temps lui même. La magie de son oeuvre, c’est d’arriver à léviter en permanence, si bien qu’on en perd nos repères. Pour autant le doigté reste celui d’un virtuose, les émotions elles sont intactes, comme figées sur ces cordes qu’il a parcouru mille fois. C’est le festival Rock In The Barn qui nous gratifie de cette session avec Raoul Vignal que l’on qualifierait presque d’improvisée tant la limpidité de l’instant semble naturelle. Capturée à l’occasion de la dernière édition du festival en septembre dernier, cette session acoustique est à découvrir en exclusivité sur La Face B.

S’il est juste que la majorité de l’oeuvre de Raoul Vignal fait la part belle à la maitrise technique et au perfectionnement, il ne faut pas omettre la place qu’y occupe le sentiment. C’est par le sentiment seul que l’on comprend son art.
Son art justement c’est ce mélange intime d’un parfum boisé familier, d’une fine lumière brumeuse comme il décrivait si bien ces « hazy days » et de ce son mélodieux et craquelant. Sa voix fait l’effet d’un baume et vient parsemer ici et là des émotions si pures qu’elles flottent dans l’air.
Elles s’y accumulent et se transforment en ce dépôt de fibres du sentiment qui demeure dans l’oxygène : un délicat reliquat.
Raoul Vignal excelle par sa maitrise mais par dessus tout par ce qu’il ressent et donne à ressentir.

Cette session c’est aussi l’ambiance d’un grenier aux longues planches de parquet dessinant les lignes d’un sol trop peu horizontal.
On y devine ainsi dans la lumière calfeutrée de ce toit mansardé, les courbes naturelles du bois d’où les interstices capturent et font résonner les cordes de notre artiste.
Là, sont disposés plusieurs sièges de cinéma, ils comblent ces combles et font face à Raoul Vignal, gardiens silencieux du plancher, droits et immuables, ils trônent.

Raoul Vignal nous présente trois morceaux issus de son album sorti plus tôt dans l’année « Years in Marble« , trois morceaux pour lesquels le temps se fige.
C’est City Birds qui ouvre tendrement la danse comme sur le disque avant de laisser place à la profondeur du morceau Red Fresco et enfin finir divinement sur By a thread. Les doigts courent sur les cordes ou bien ce sont les cordes qui valsent sur les doigts, on ne sait plus, on s’évapore et on lévite.
C’est l’artiste tout entier qui se livre à nous, bien loin de la pudeur, c’est pur, tout simplement.
Par sa musique on ressent les différents aspects de la nature et les situations de l’âme, l’artiste et sa guitare nous apparaissent dans cette transparence vive et animée, comme en apesanteur, en phase avec ce reliquat d’émotions qui persiste.

Lorsque la musique s’arrête c’est le temps qui redémarre. On reprend nos esprits bien embrumés par la beauté du tableau qui vient de nous être offert, et dans un élan de lucidité on s’octroie une parenthèse aérienne supplémentaire en cliquant sur replay.

Vous pourrez retrouver Raoul Vignal le 04 novembre au Grand Mix à Tourcoing et le 05 novembre au Chien Méchant à Rouen.

Pour compléter cette petite exclusivité « rock in the barn« , Martin a accepté de répondre à quelques questions pour revenir sur ces deux dernières années et parler du futur du festival :

La Face B : Salut Martin ! Alors que le monde était en plein chaos, il y a quand même eu des éditions de rock in the barn en 2020 et 2021. Quel recul as-tu sur ces deux dernières années et ces deux dernières éditions ?

Martin Carriere : Je regarde de le rétro-viseur et je me dis qu’on a été de grands malades.On s’est lancé dans l’inconnu un peu seuls au monde avec tout de même des discussions et un soutien de la part de Hop Hop Hop à Orléans. Nous sommes restés en contact la moitié de 2020, nous donnant des news, des astuces de protocole, rendant compte de nos liens avec les autorités locales etc… Je ne sais pas si RITB a aidé Hop Hop Hop mais l’inverse est indéniable. Notre asso a été très rassurée de savoir que d’autres avaient la tête aussi brulée que nous. Maintenir en 2020 relevait d’un bapteme du feu o combien brulant :1800 personnes, debout, masquées dans un contexte si tendu… et on s’en est sorti en respectant les règles du jeu, en innovant, en impliquant le public et les artistes dans la démarche. 
Je sais que nous avons marqué beaucoup de points en 2020, un gros bout de la France  des musiques actuelles nous regardait. De très gros festivals, de très gros tourneurs. Nous avons eu beaucoup de messages d’encouragement, ça donnait du baume au coeur. Même le ministère nous a invité aux états généraux des festivals à Avignon pour rentre compte de l’efficacité de notre évènement en période Covid. Toujours est-il que je ne souhaite à personne de mener une édition comme celle ci et c’est pourquoi nous avons réduit la voilure en 2021. 5 soirées à 120 personnes dans 5 lieux atypiques, c’était beaucoup plus simple, détendu et sage aussi. 

LFB : L’année dernière, vous avez lancé la « rock in the barn TV » que vous reprenez aujourd’hui avec Raoul Vignal. Comment vous est venue cette idée ? Quelle est l’ambition avec cette nouvelle série de sessions live ?

M : Avec cette incertitude grandissante de voir du monde à nouveau bouger devant une scène ces derniers temps, on s’est dit que ce serait bien d’assurer un minimum le coup avec des sessions vidéos que nous pourrions diffuser en dehors des évènements de l’asso. Histoire d’assurer du contenu à l’année. ça s’est fait naturellement avec les rouennais de Cofeel prod. Nous avons vraiment envie de développer ces sessions live ensemble, arpenter les plus belles granges du coin et partager aux publics nos coups de cœurs ou leur faire rattraper un concert qu’ils auraient loupé. 

LFB : À l’heure où les festivals sont de plus en plus de grosses machines, je trouve qu’il y a quelque chose de profondément poétique et politique dans rock in the barn, que ce soit la programmation ou l’encrage local. Comment imagines-tu la suite ?

M : C’est chouette de le souligner ! Poétique ? Peut-être… tu y vois quoi ? La lute de David contre Goliath ? Politique assurément.On est bien encrés dans le territoire. (Vexin-Sur-Epte et alentours) C’est important pour nous de faire exister un petit bout de ruralité à travers ce festival : travailler avec les producteurs et acteurs du coin, programmer des groupes normands, les mêler aux groupes internationaux, favoriser la rencontre de nos différents publics (métropolitains, ruraux, locaux, européens) et sensibiliser tout ce beau monde au fait qu’il n’y pas que des concerts dans les métropoles et dans les gros festivals. C’est important aussi de maintenir une dynamique associative, collective. Le « Festival associatif de musiques actuelles » c’est une espèce en voie de disparition dans l’Eure. Je crois que nous sommes les derniers. On se bat pour ça. Les bénévoles et le public aiment être avec nous, ils sentent cette ferveur qu’on défend, la programmation défricheuse, la bonne bouffe, la bonne bière et le format « taille humaine » aussi. C’est un format qu’on veut garder. On augmentera peut-être notre jauge à 1500 personnes jours, mais on ira jamais plus loin.

LFB : Vous lancez les RITB Special Party la semaine prochaine avec l’excellent J.E Sunde. Peux-tu nous parler de cette initiative ? Est-ce quelque chose que tu souhaites développer dans le futur ?

M : On a rencontré J.E avec les You said Strange à Portland en 2019. Le courant est tout de suite passé et on s’était promis qu’il passerait un jour chez nous dans notre petit théatre à Giverny. Sa tournée a été repoussée 3 ou 4 fois et on a enfin pu caler une date. On ne se donne pas de règle en ce qui concerne les concerts à l’année. C’est du feeling avec des artistes, ça se fait ou ça ne se fait pas, on espère en faire quelques un tout de même avant RITB 2022

LFB : Pour finir, est-ce qu’on peut déjà en savoir un peu plus sur Rock In The Barn en 2022 ?

M : Retour à la ferme de Bionval à Vexin-Sur-Epte comme en 2020 (Si pas de nouveau variant ou nouvelle pandémie en vue). On augmente un tantinet la jauge du public ainsi que celle du camping. On imagine une troisième scène et un espace Dj-Set non stop. Ce sera les 9 et 10 septembre, nous devrions sortir la programmation tout début 2022.