Emile Londonien : « On doit en France déconstruire quelque chose qui est très institutionnalisé. »

À l’occasion de la sortie de leur premier album, Legacy, nous avons pu nous entretenir avec le groupe Emile Londonien. L’occasion de revenir sur ce projet, ses méthodes de conception et tout ce qui l’entoure…

Emile Londonien

La Face B : Salut ! Merci beaucoup de m’accorder un petit peu de temps. Comment vous allez ?

Emile Londonien : Ça va et toi ?

La Face B : Ça va bien ! Je suis très content d’être avec vous. Je vous ai découvert avec Jazz Contenders. Du coup quand Legacy est sorti j’ai écouté et en fait j’aime beaucoup l’album du coup je suis très content.

Emile Londonien : Chan-mé ! Trop cool ! Alors il y a Nills qui est pas là. Il pouvait pas être là. On est à l’hôtel là.

La Face B : Oui ! J’ai vu que vous étiez en train de tourner. 

Emile Londonien : Ouais on est à Auxerre ce soir, et hier on était à Rennes. Là on est entre les balances et le concert. 

La Face B : Je vous propose qu’on commence ! Vous avez sorti Legacy il y a quelques semaines. Est-ce que vous pouvez peut-être nous en dire un peu plus sur comment vous avez fait l’album, à peu près combien de temps le processus de création a duré tout ça… ?

Emile Londonien : Ouais ! On a fait l’album en étant assez fidèle à notre processus de création. On a l’habitude d’aller en studio avec assez peu de matériel. C’est un truc qu’on a développé. Tu l’as dit dans ta chronique, on a fondé un collectif de musiciens sur Strasbourg, qui s’appelle Omezis. Ce collectif il fait des évènements mais c’est aussi un label de production. Et une des méthodes c’est d’aller en studio avec peu de choses, de se laisser assez libres. On se donne des directions, on écoute beaucoup de musique pendant les sessions.

Et du coup Legacy a été fait comme ça, d’une part. Et d’autre part il y a beaucoup d’invités sur cet album comme t’as pu le constater. C’est un truc qu’on aime bien faire aussi, inviter des gens et les introduire à notre manière de travailler. Il y a la partie vraiment enregistrement/studio, ou c’était vraiment ça. C’est beaucoup d’improvisation, on s’enferme pendant des heures et on joue avec des gens. Et dans un second temps après quand on sort du studio il n’y a qu’un tiers du travail qui est fait. Après on prend beaucoup de temps à tout réécouter dans notre studio de mixage et là on sélectionne les passages qui nous semble les mieux. Et là après on fait vraiment un travail de production où on rajoute notamment des synthétiseurs, des percussions.

C’est là que les morceaux naissent vraiment en fait. Nous ce qu’on aime, et ce dont on a besoin même, c’est d’avoir les mains dans toute la chaîne. De l’écriture à l’enregistrement, à la production, jusqu’au mixage où on est vraiment à chaque secondes de ce travail-là tous les quatre, avec notre ingénieur du son. On mixe tout ensemble. J’ai envie de dire qu’on met les mains dans le cambouis.

C’est quelque chose qui nous tient à cœur parce que quand on commencé cette musique qui est avant tout une musique de live, on a eu cette envie et ce besoin d’en faire un objet musical enregistré. Et la production c’était vraiment un aspect qu’on a beaucoup travaillé et d’ailleurs ça reflète aussi la naissance du collectif qui rassemble un studio d’enregistrement et un collectif de musiciens. C’est cette ambivalence là qu’on essaye de défendre avec cet album. Matthieu est graphiste, donc même la pochette c’est nous qui la faisons. 

La Face B : D’accord ! Oui effectivement pour vous le processus de création c’est vraiment quelque chose de très collaboratif. C’est très sur l’instant en fait ?

Emile Londonien : Ouais complètement ouais ! Que ça soit dans l’improvisation ou quand on est en cabine jusqu’à la dernière seconde de mixage, les décisions sont prises à quatre. Il y a quelqu’un qui est dans l’ombre de tout ce qu’on fait qui s’appelle Thomas et qui est l’ingénieur du son qui nous suit en live et en studio. C’est lui qui a monté le collectif avec nous. C’est vraiment la quatrième roue du carrosse. 

La Face B : Donc au final vous suivez un peu cette sorte de tradition du Jazz de mettre une grosse grosse base sur le jam. Et après vous faites une sorte de tri pour essayer de sélectionner les meilleurs moments en somme ?

Emile Londonien : Ouais ! C’est à la fois une tradition dans le Jazz mais il y a quand même quelque chose d’assez neuf qui nous vient notamment de la scène anglaise et d’autres scènes qui sont pas forcément celles du Jazz. On est très influencés par la scène Électro, House, Broken Beat, Hip-Hop. Et on est nés dans des années où la production était importante sur certains albums et on a eu envie de mettre ça en avant aussi. Le Jazz et la production n’ont pas toujours été amis. Et nous on voulait vraiment en faire quelque chose dans notre temps et qui nous ressemble. On avait vraiment besoin de lier ces deux choses-là, la production et l’improvisation. Ce qui est pas chose aisée puisqu’on a toujours l’écueil de perdre le moment quand on produit et du coup c’est un peu sur ce fil-là qu’on marche en studio. 

La Face B : Vous parliez de cette influence-là qu’a la scène londonienne qui est en train de devenir quelque chose d’assez énorme au final. Ça s’étend à beaucoup beaucoup de choses. Comment est-ce que vous cette influence particulière et cette envie d’agir en prolongement de cette scène-là elle est arrivée sur la table ? Je suppose que vous êtes tous les trois fans de ce qui se fait là-bas ?

Emile Londonien : Ouais carrément. On est fans de cette scène depuis le tout début en fait, du moins quasiment. Ce qui est marrant c’est qu’on a monté notre collectif à peu près au moment ou cette scène elle a explosé à l’international. Donc elle nous a fortement influencé dans tout ce qu’on fait depuis le début. Et puis on a eu la chance de voir tous ces groupes très tôt. Tu vois par exemple, The Comet is Coming c’est un groupe qu’on suit depuis hyper longtemps.

On les a vus dans une petite ville près de chez nous avec trente personnes dans la salle pendant un concert gratuit. Donc c’est un truc qu’on a pas mal geeké. Les groupes comme GoGo Penguin, ceux qui étaient là avant, à la genèse de cette scène là. Et ouais ils nous ont donné envie de faire la même chose, d’amener le Jazz dans des endroits où il était moins présent. De proposer un Jazz un peu différent, qui se nourrie de toutes les musiques contemporaines. On parlait avant de la musique électronique avec laquelle on a grandi, le Hip-Hop, le Punk. Ouais c’était une grosse influence. Puis c’est une main tendue à un public plus jeune. Il y a quelque chose de très ludique en fait dans cette scène-là qui nous plait beaucoup.

Il y a eu des barrières qui ont été cassées. Celles de l’élitisme et qu’on a besoin de savoir et de comprendre pour aimer cette musique là. Là c’est une musique qui se vit sur le moment et de la manière la plus simple en fait. C’est très actuel et ça côtoie tous les genres qu’on écoute depuis petits. On est plus ou moins de la même génération.

Ça se ressent vraiment dans le public qu’on a et quand nous on allait voir les anglais, il s’est passé quelque chose de nouveau. Le Jazz a eu un vent nouveau au-delà de la scène anglaise. Ce qui nous a touché aussi c’est de se dire qu’on peut faire quelque chose d’autre avec cette musique qui est magique quand même. C’est le côté académique aussi qui nous a séduit je pense.

La tradition du Jazz en France c’est très lié à l’enseignement, au Conservatoire et à ces structures là. Je sais que moi, et je pense que c’est pareil pour tout le monde, c’est un truc qui nous a vachement séduit. Le fait que des gens qui sont mis très très en avant dans cette scène n’ait pas fait d’école. Ils ont appris à leur rythme, à leur manière. C’est un truc qui était assez nouveau à cette époque-là et qui est très important. 

La Face B : C’est rigolo de voir qu’au final cette scène-là elle a une influence qui est assez énorme. On a aussi des groupes, je vous compte dedans, mais aussi comme ECHT! en Belgique, qui sont aussi dans le prolongement de cette envie de mettre autre chose que le Jazz là-dedans. Mais au final, il y a pas si longtemps je discutais avec Oscar Jerome en interview, qui lui sur les balbutiements de la scène disait qu’en fait c’était quelque chose de très innocent. C’était juste des copains qui jouaient entre-eux et ça a donné un truc qui explosé. 

Emile Londonien : Comme souvent d’ailleurs ! Et d’ailleurs nous ça a été le cas aussi. On allait en studio, on s’est fait plaisir avant tout. On avait aucune ambition d’en faire quelque chose de plus professionnel. C’est quand on a réécouté un an après ce qu’on a fait en studio qu’on s’est dit que c’était cool et qu’on allait essayer de le développer. Puis ça nous a un peu échappé après. Ce qui est très représentatif dans cette scène-là, c’est qu’il y a une envie et un besoin de jouer avant tout. C’est très naturel, naïf presque. Et ça peut gêner certaines personnes d’ailleurs. C’est quand même un milieu très éclectique malgré tout. Il y a plusieurs Jazz et il y a plusieurs écoles qui sont défendus par plusieurs générations du coup c’est compliqué aussi. C’est vrai que cette scène-là c’est quelque chose de très viscérale. Ça se ressent dans des groupes comme The Comet is Coming par exemple ou Yussef Dayes. Tous ceux que tu connais et qui nous nourrissent tous les jours. 

La Face B : À partir de cette place-là ça a commencé à beaucoup bouger en Europe. On parlait de projets je dirais très liés au Fusion, avec par exemple aux Pays-Bas, en Belgique aussi ou même au Danemark ou ça commence à pousser avec Athletic Progression par exemple. Mais j’ai l’impression qu’en France, il y a cette envie-là mais que c’est moins marqué. Comment de votre point de vue d’acteur direct du mouvement, vous le voyez ?

Emile Londonien : Déjà il y a un truc qui est une vraie culture en France, c’est que la scène est pas parisienne. Et ça c’est quand même un truc qui est assez nouveau parce que la France est un pays quand même très centralisé, surtout dans la musique. On s’est rendu compte quand on a commencé à tourner avec Emile Londonien qu’un peu partout en France il y avait des gens un peu comme nous qui sont fans de cette musique et qui ont monté leur truc, leur collectif, leur label. Il y a notamment les copains de Gin Tonic Orchestra à Saint-Étienne, il y a le collectif Echoes à Clermont-Ferrand. Il y en a vraiment dans plein plein de villes.

Et ça je pense que c’est un truc hyper nouveau qui est le prolongement direct de cette scène-là. Après tu parlais de la Belgique, peut-être que c’est venu un tout petit peu avant en Belgique parce qu’il LeFtO, le DJ, qui fait un gros gros travail de déchiffrage. D’ailleurs c’est le premier qui a passé nos tracks il y a deux ans. Donc je pense que c’est un acteur très important sur cette scène-là. Du coup ça s’est peut-être développé un peu là-bas. Tu parlais de ECHT! par exemple. Puis effectivement ça met un peu plus de temps en France et je crois qu’on doit en France déconstruire quelque chose qui est très institutionnalisé ce qui n’est peut-être pas le cas dans d’autres pays. Notamment en Angleterre, qu’il n’y avait pas du tout avant avec toute cette scène qui arrive. Chez nous le Jazz a depuis très longtemps une place dans les Conservatoires, les écoles. C’est quelque chose qui est très très installé.

Il y a même un Jazz à la française depuis longtemps, et les institutions sont très attachées à ça. Il y a un gros réseau et peut-être que si ça met un peu plus de temps, c’est qu’il faut faire comprendre et aussi faire lâcher prise à toutes ces institutions avant de reconstruire quelque chose. Il y a vraiment une déconstruction qui doit être faite de la part de la nouvelle génération qui a peut-être pas dans d’autres pays. Je pense à la Belgique qui était moins ancré, au Danemark ou en Hongrie aussi où il y a des choses qui se passent. Avant ça en Angleterre il y avait déjà ça. C’était une terre d’accueil de cette musique-là. La France par contre, il y a une vraie tradition Jazz et comme tout en France.

On est ultra-conservateurs et donc si ça met un peu plus de temps, je pense que c’est parce que nous on est dans ce travail de déconstruction. Et nous, très personnellement, si Emile Londonien on a un petit écho aussi, c’est que c’est pas par la France que ça s’est fait, c’est par l’Angleterre, par le Worldwide, par Montreux. C’est par ça que la France s’est intéressé à nous quoi. Et finalement notre parcours il a dû passer par l’Angleterre avant de revenir en France. Jusqu’à encore quelques années, il y avait peu de groupes dans le Jazz qui avait une vraie réputation et qui n’étaient pas validé par le Conservatoire de Paris, le concours Jazz à Viennes tout ça. Il fallait passer par ces biais-là.

Aujourd’hui, ça bouge, et ça bouge un peu en sous-marin et on verra le résultat d’ici trois ou quatre ans. Franchement, à chaque fois qu’on fait des concerts on rencontre des gens. Et c’est là qu’on se dit qu’en fait c’est dans trois ou quatre ans qu’on aura vraiment une scène qui va être florissante. Pour l’instant il y a deux-trois percées et on en est au tout début. Peut-être qu’on est à la traîne vis-à-vis de la Belgique par exemple. Mais il faut avoir des gens qui poussent un peu les portes et à force ça va se débloquer. 

La Face B : Pour repartir un petit peu sur cette envie et ce besoin de jouer dont on parlait. Sur Legacy il y a un morceau qui a été enregistré en live, « House Party », qui a été joué au Worldwide Festival. On sent que même sur scène, devant beaucoup de gens, vous êtes très à l’aise, vous maitrisez ce que vous faites. Vous personnellement quel a été votre parcours en tant que musicien ? Je suppose que vous avez fait le Conservatoire ?

Emile Londonien : On a tous un peu des parcours différents. Ouais comme tu disais on a tous fait le Conservatoire. On a coutume de dire qu’en fait c’est pas vraiment là qu’on s’est rencontrés et où on a été formé. Encore une fois je reviens à Omezis et au collectif, une de ses missions c’était d’organiser des évènements tous les mois, justement autour de cette idée du Jazz et de l’improvisation. Du coup chaque mois, plusieurs membres du collectif se rassemblaient pour créer un ou deux groupes et faisaient des concerts totalement improvisés autour d’une esthétique. Par exemple on a fait Jazz et Broken-beat, Punk et House Music.

On a fait plein plein de trucs pendant plusieurs années. Et je pense que ça en fait ça a été vraiment notre laboratoire parce que du coup on avait cette exigence de chaque mois faire un concert improvisé et d’appréhender une musique qu’on connaît pas du tout. De se forcer à écouter des choses, à en extraire l’essentiel et à en faire un truc personnel. Je pense que c’est ça vraiment qui a été important dans notre manière d’appréhender la musique. On s’est jamais croisés au Conservatoire en vérité. En France ce genre de collectif n’existait pas.

On a alors monté ce collectif-là par nécessité parce qu’en fait il y avait pas de lieu qui pouvait réceptionner ce besoin-là de créer, d’expérimenter et de défricher des sentiers. Juste aller au bout du bout pour voir ce que ça peut donner. Le parcours il est comme ça mais après il y a les huit ans de jam tous les mois. Mais c’est intéressant que tu mettes le doigt sur le fait qu’improviser en public, c’est ce qui nous a fait en fait. Ça fait huit ans que tous les mois on se retrouve à faire des sets improvisés, devant du public qui était de plus en plus présent puisque les soirées marchaient très bien. À un moment on était obligé de monter sur scène et de faire un concert parce qu’il y avait du monde qui était là et qu’il fallait jouer.

Ça c’était la meilleure école, il y a pas mieux quoi ! Il y a le public et on doit jouer. Et au Worldwide c’est un concept de House Party où en fait c’est nous trois plus une chanteuse et un deuxième clavier, accompagné de deux danseurs et danseuses. On est au milieu du public et l’idée c’est d’avoir un show de trois heures de House, improvisé. Cet extrait, c’est une minute et quelques tirée de trois heures de concert. C’est vraiment sentir le public et s’amuser avec eux. Évidemment, le fait que ça soit au Worldwide, sur la plage, c’est tout un symbole pour nous. 

La Face B : Pour continuer sur la question du public et parler du vôtre justement. De votre point de vue, quelle est sa réaction par rapport à l’album ? Comment il le reçoit ?

Emile Londonien : Là on rencontre un peu notre public depuis peu. On le voit vraiment que depuis la sortie de l’album que les gens viennent nous voir en concert et déjà ça c’est hyper cool. On a l’habitude de dire qu’on a vachement de chance parce qu’on a un super public qui comprend notre musique. Avec les mêmes références que nous. Ils sont pas frileux concernant le fait que le concert qu’on propose, c’est pas du tout la même chose que ce que tu peux écouter sur album. Les morceaux nous c’est une petite base qui nous permet après de partir en impro, développer de nouvelles choses tous les soirs et puis aussi du fait qu’il y ait tous ces invités sur l’album. La plupart du temps on est que tous les trois du coup ça oblige à réarranger un peu les morceaux.

Par exemple hier soir on a joué à Rennes et il y a plusieurs personnes qui sont venues nous voir en mode « J’ai trop aimé l’album mais le live c’est encore différent et c’est hyper cool ». C’est une chance d’avoir un public qui apprécie cette prise de risque. Quand on a vu les anglais, on s’est identifié à eux. Ça nous parlait très profondément, on arrivait à se dire qu’en fait c’était et que c’était ça qu’on voulait faire et qu’on avait le droit de le faire. Dans notre public on sent qu’il y a cette envie commune qui est dans l’ère du temps un peu. On sent que ça parle directement aux gens parce qu’il y a cette envie de faire tomber les murs et les barrières. L’envie d’aller écouter des choses très radicales et faire tout cohabiter ensemble. S’amuser, se prendre au sérieux et pas du tout.

Cette manière-là d’aborder la musique on sent qu’elle est commune à toute une génération. On a l’énorme chance d’être un peu là aujourd’hui et que cette album il marche bien. À  la fois le public s’identifie à ce qu’on fait et nous on s’identifie à 200% au public et à la fois à l’Angleterre quand nous on était plus jeunes et qu’on a vu ce qui se passait là-bas. C’est un peu un cercle qui est hyper intéressant pour nous.

La Face B : Oui et puis pour le coup ça rejoint ce que vous disiez tout à l’heure. Ce Jazz-là, même si sur album ça s’écoute très bien, ça reste avant tout une musique de live. 

Emile Londonien : Bien sûr ouais. Ça ça fait partie encore une fois de la base de notre réflexion. Le Jazz enregistré il y a plein de trucs géniaux, mais il y a aussi plein de limites à ça. On l’a très vite vu quand nous on allait en studio et qu’on s’est demandé pourquoi ça marchait en live et pas en studio. C’est aussi parce que nous on place l’improvisation au cœur d’un vrai échange avec le public.

On a un peu l’habitude de dire que le public c’est un acteur principal de la soirée. Il y a jamais deux concerts qui se ressemblent. Il y a des personnes qui sont venues nous voir dix fois en concert et qui nous ont dit que c’était les dix fois différent. Le public, le lieu, l’acoustique, l’endroit qui est chargé d’histoire aussi, tout ça ça a un plus sur notre musique et sur notre manière de l’aborder. Le live c’est quelque chose qui peut se prêter à ça, le studio beaucoup moins.

Après c’est figé quoi. Donc il fallait amener le même message. On s’est dit que les albums qui nous touchent, ce sont des albums qui sont produits. L’idée ça a été de sublimer les moments magiques d’improvisation avec de la production. C’est vraiment deux choses différents pour nous. Souvent quand on fait un nouveau set on réécoute l’album et on se dit qu’on doit réapprendre les morceaux. Du coup c’est presque comme si on faisait des covers de nous-même. C’est assez drôle au final. On réapprend les morceaux pour un peu les défoncer sur scène. Quand on se retrouve à avoir des automatismes sur scène, on peut pas égaler ça.

La Face B : Vous parliez de cette musique qui est figée, que vous écoutez beaucoup pendant que vous travaillez. Tout à l’heure on a cité des groupes comme Yussef Dayes avec son trio et tout ce qu’il fait à côté, d’ECHT! etc.. Est-ce que vous il y a des groupes vraiment précis que vous considériez comme des influences, que ce soit pour l’album ou plus généralement ?

Emile Londonien : L’album il s’appelle Legacy donc tu vois c’est pas anodin. C’est vraiment un hommage à toutes les influences qui ont marqué. Évidemment il y a les anglais, il y a aussi toute cette culture un peu plus club, la House tout ça. Les années 80s et 90s. Il y a le broken-beat qui en plus a une histoire très liée à notre coin. Sur Strasbourg dans les années 2000s il y avait une grosse scène broken-beat. C’est d’ailleurs ça qui a lancé le projet en fait. Nous on s’est retrouvé à parler avec les anciens de la scène qui nous ont dit que Gilles Peterson et les autres venaient mixer à Strasbourg.

C’est comme ça qu’on s’est renseigné sur cette musique, qu’on a commencé à l’apprendre alors qu’on la connaissait pas du tout. Ouais c’est toutes ces influences-là qui sont présentes sur ce disque. Après nous, il y a un album qui a vraiment changé notre vie à tous les trois, je dirais que c’est Black Focus de Yussef Kamaal qui est un peu le point de départ de l’explosion de cette scène en Europe. Il y a le live qu’il a sorti avec le trio où on voit vraiment la communion et la communication géniale qu’ils ont développé sur scène. C’est une belle influence mais après on peut remonter à des choses plus anciennes.

On peut citer The RH Factor, Jamiroquai donc avec de l’Acid Jazz et aussi les prémisses de toute cette vague là. On peut remonter encore plus, on a été marqué par des D’Angelo, The Roots, Tribal Quest, Erykah Badu dans une toute autre scène. La Motown aussi, les Rap Contenders… Tout cette musique elle est liée à l’histoire du groupe en fait. À partir du moment où il y a du monde qui a bougé la tête, ça nous a influencé. 

La Face B : Avant de terminer, est-ce que vous avez des choses plus ou moins anciennes, des albums ou des morceaux que vous écoutez beaucoup en ce moment ?

Emile Londonien : Dernièrement il y a The RH Factor, à fond. C’est mortel. 

La Face B : Après The RH Factor c’est quand même assez connu puis ça fait partie des fondations quoi. 

Emile Londonien : Ouais c’est sûr. En tout cas chez les anglais il y a une artiste qui a sorti son album l’an dernier qui s’appelle Chelsea Carmichael qu’on aime tous bien. C’est vraiment très très bon. Il y a un autre groupe, qui est très peu connu et qui nous a influencé. Ils sont islandais, ils s’appellent ADHD. C’est l’Islande en musique. C’est incroyable. C’est tout dans la retenue mais en même temps dans la finesse.  C’est des génies qui sont vraiment très peu connus. C’est une grosse influence pour nous. Il y a aussi le dernier single de Cherise, la chanteuse de Nubiyan Twist

La Face B : Et bien écoutez merci beaucoup de m’avoir accordé un petit peu de votre temps, c’était trop cool ! Est-ce que vous avez peut-être un petit mot de la fin pour nos lecteurs ou votre public ?

Emile Londonien : Nous on aime passer le message de la curiosité. C’est ce qui nous a toujours fait faire de la musique et de l’art ensemble. On était curieux et on continue à l’être. Tout est prétexte à aller plus loin et à découvrir tel ou tel artiste. De musique ou d’autre chose. Nous aime avoir ce message-là. Dans les nouvelles comme les anciennes choses. Nous il y a pas que la musique qui nous inspire. Des artistes peintres, on est très influencés aussi par la musique concrète. La curiosité c’est la chose qu’on a envie de véhiculer. Soyons curieux ! Et aimons le groove (rires) !

Le Face B : Le groove, toujours ! C’est la base (rires) ! Bonne tournée et à bientôt !

Emile Londonien : À bientôt !

Retrouvez notre chronique de Legacy d’Emile Londonien par ici