Didier Varrod : « c’est essentiel de ne pas oublier qu’un spectacle est vivant »

C’est dans son mythique bureau, où trônent disques d’or et vinyles, où se côtoient nouvelle scène française et têtes d’affiche, que nous avons rencontré Didier Varrod. L’actuel directeur musical des antennes de Radio France est à l’initiative de l’Hyperweekend festival, qui se déroule du 21 au 23 janvier, à la Maison de la radio & de la musique.

La Face B : L’année dernière se déroulait l’Hypernuit, et cette année, c’est l’Hyperfestival. Qu’est-ce qu’il y a évolué dans cette édition ?

Didier Varrod : Alors ce n’est pas du tout la même chose. L’Hypernuit était une opération en soutien à la scène française au moment où on entamait le deuxième couvre-feu et on se préparait au troisième confinement. Donc c’était une opération ponctuelle. L’Hyperweekend festival est un projet que j’ai imaginé depuis juillet 2019, quand j’ai été nommé à la direction musicale des antennes de Radio France. Je voulais faire un festival à la Maison de la Radio. Entre temps, il y a eu ici un conflit social, on a enchaîné avec les manifestations sur les retraites qui ont bloquées le pays, puis il y a eu le covid. Donc ce festival qui devait avoir lui il y a plusieurs années a été reporté à janvier 2022. Symboliquement, l’Hypernuit était un clin d’œil à l’Hyperweekend festival.

LFB : Cet un évènement qui est aussi multiple, où il n’y aura pas que des concerts retranscrits.

Didier Varrod : Alors c’est ce qui était prévu mais avec les contraintes et les règlementations gouvernementales, malheureusement, le projet initial ne pourra pas avoir lieu. C’était un projet en 360 où le public pouvait assister à un concert au Studio 104, au 22ème étage, venir boire une bière, se balader à la Maison de la Radio. On a maintenu tout ce qui était dans les salles, en places assises. On a du annuler la circulation dans le bâtiment, mais ça sera pour la semaine prochaine…

LFB : Une circulation aussi des genres et des talents. Comme vous avez à cœur de promouvoir la nouvelle scène française. Est-ce qu’il y a des artistes que vous avez programmé qui vous ont particulièrement touchés ?

Didier Varrod : Alors je dirai que tous les artistes programmés sont des artistes qui m’ont touché d’une manière ou d’une autre. November Ultra, je l’ai découverte à l’Olympia, en première partie de Pomme. Iliona, je suis le projet depuis les premières chansons qu’elle a publié sur le net et Moins joli a été une vraie révélation. Lala &ce est un projet que je suis aussi depuis le début. Si on prend le samedi, il y a Mr GISCARD qui est programmé. C’est un artiste dont je suis assez attaché car la première fois que je l’ai entendu c’est en maquette dans ma radio, et sa première date à Paris est au sein de l’Hyperweekend Festival.

Le plus important, pour moi, c’est les créations. Tout ce que vous ne verrez pas ailleurs. J’avais à cœur qu’on puisse découvrir une tête d’affiches dans un autre registre, comme Clara Luciani en symphonique, Kiddy Smile avec une chorale de quarante chanteurs qui vont rendre hommage à la musique house, ou la création Divas autours des femmes dans le hip-hop. C’est important car c’est une façon de mettre en lumière la place des femmes dans l’industrie musicale de manière plus globale à travers la création artistique. Aussi, la création autours de Dominique A qui fête ses trente ans de carrière et qui va être repris par des artistes de moins de trente ans, qui n’étaient pas nés quand Dominique est arrivé. Jean-Michel Jarre dans un autre registre, qui sort de sa zone de confort pour aller dans l’expérimentation sonore, qui parle aussi de ce qu’est la Maison de la Radio. Et, Alex Beaupain qui refait son spectacle Love On The Beat, avec une autre formation et un hommage au Gainsbourg des années 1980. Ce sont tous les titres qu’il a écrit pour des artistes, des comédiennes, des chanteuses, qui vont être repris par Beaupain avec Miossec, Alain Chanfort, La Grande Sophie, Adrien Gallo, Clou.

LFB : Quant à la place de la radio, est-ce que tout sera retransmis ?

Didier Varrod : Non, tout ne sera pas retransmis. Par conte, tout sera enregistré. On va faire en sorte que tous les concerts soient disponible sur le site internet et l’appli de Radio France. Le vendredi, France Inter consacre un 21h-Minuit en direct. Le samedi, le Mouv’ diffusera la création Divas, France inter : le concert de Clara Luciani. Et le dimanche, FIP retransmet la création sur Dominique A et France Musique qui diffuse le concert de Jean-Michel Jarre.

Crédit photos : Jules Faure

LFB : Pour revenir à un aspect engagé, comme vous l’avez dit, avec la place des femmes dans la musique et même la place de la musique aujourd’hui. Est-ce que c’était presque nécessaire de remettre la musique sur le devant de la scène alors qu’elle a été coupée pendant quelques années avec la pandémie ?

Didier Varrod : Pour la musique est un vecteur qui permet de parler du monde dans lequel on est. Dans les artistes que je choisis, Kiddy Smile est proche des préoccupations de la communauté LGBTQ, ou alors Divas comme on évoquait. Ca doit être induit dans la programmation et sa reste politique. Après, vous avez raison de poser la question, pour moi, c’est essentiel de ne pas oublier qu’un spectacle est « vivant ». Je me suis toujours moqué de cette expression mais il faut avouer qu’avec la crise sanitaire on comprend ce que ça signifie ! (Rires) Des spectacles, se sont des techniciens qui mettent le son et la lumière, un artiste ou un groupe et un public. Dernièrement, quand les concerts ont repris, il y avait une réelle frénésie qui montre que l’énergie du public est nécessaire. L’énergie du concert jaillit de la vibration du public, qui n’est jamais la même.

LFB : Puis, la radio est l’un des médium les plus démocratiques, les plus populaires. Peut-être pas au sens « aimé », mais au sens « écouté », car tout le monde a un poste de radio, ou peut écouter la radio sur son téléphone. Il n’y a pas de public particulier à la radio.

Didier Varrod : Oui, puis on dit souvent que la musique à la radio ou à la télévision, ça ne marche pas mais il faut regarder les chiffres. A la radio, tous les soirs, entre France musique, FIP, et France Inter, il y a toujours entre 200 000 et 500 000 auditeurs qui écoutent la radio. Pour de jeunes artistes, c’est à minima trois Stades de Frances ! Moi, je suis fière.

LFB : Il reste encore des places ?

Didier Varrod : Pour Clara Luciani, c’est complet. Lala &Ce, on est quasiment complet. Il reste des places pour Beaupain, Kiddy Smile et Dominique A, mais ça se remplit. Car avec le covid, les gens réservent au dernier moment maintenant.

LFB: Justement, qu’est-ce qu’on peut souhaite à l’Hyperweekend festival ?

Didier Varrod : Une deuxième édition, sans masques, une programmation encore plus folle, du clubbing, avec ce qui était prévu et qui n’a pas pu se faire. Une édition avec de l’humanité.

LFB : Et qu’est ce qu’on peut souhaiter à la musique en 2022 ?

Didier Varrod : On peut lui souhaiter des canaux d’expression qui puissent porter cette musique. J’espère que les festivals, les radios, les télé seront au rendez-vous pour porter toute cette musique qu’on aime et qui a besoin de soutien.