The Cool Greenhouse perché sur une Péniche

The Cool Greenhouse, groupe de postpunk, était ce mercredi 1er février venu faire danser, et faire rire, la péniche de Petit Bain. Un concert détonant et absolument jouissif.

Programmation en deux teintes ce soir. En ouverture des post punk The Cool Greenhouse, on retrouve Cœur Joie. On les qualifierait plutôt de twee-pop, voire, des mots de Sarah, post twee-pop. Cette formule extrêmement bien trouvée, qu’on peut retrouver dans sa chronique de l’évènement, single du 7 titres Allumettes au bout des îles (Hidden bay records, Melotron recordings / 2022), correspond parfaitement au groupe. (post) twee-pop donc, indie rock, folk, un poil post-punk. De ce quatuor mixte, on retiendra cet univers assez rêveur de guitares et synthés sur une basse profonde et une batterie toujours excellente. Avec le parti pris, qui peut s’avérer clivant, de chanter en français, le groupe fait le choix fort de sortir des sentiers battus. Et clairement, c’est un vrai plaisir.

Malheureusement, peu de choses sont à se mettre sous la dent pour le moment. Hormis ce sept titres, quelques sons sont à retrouver ici sur Soundcloud. Le groupe, rejoint par un saxophoniste sur la plupart du set, nous a malgré tout fait l’honneur de nous dévoiler plusieurs nouvelles chansons, qui feront partie intégrante de leur futur album. Dans ce court set en crescendo, ces découvertes ont la faveur du public, qui le fait largement savoir. Pour autant, et c’est bien là le seul -potentiel- hic, le chant en français, quand on traîne l’oreille dans la fosse, récolte tantôt les faveurs ou défaveurs du public. Mais Cœur Joie est de ces groupes qui tendent, par des choix assumés, à créer ou recréer une scène autour du chant en français. Quand ce choix est orchestré autour d’une base instrumentale merveilleuse, on ne peut qu’y prêter attention. A suivre, donc, et vivement leur prochaine sortie.

Des cinq micros de Cœur Joie, un seul survivra au changement de plateau. Ici, il trône en plein milieu, un clavier à sa gauche, et derrière l’habituelle batterie encadrée de deux murs d’amplis. Arrive sur scène cette bande un peu bariolée de cinq mecs, Tom (The Cool) Greenhouse et ses lunettes vissées sur le nez. Deux notes partent, et là, première observation. C’est FUN. Et en effet, The Cool Greenhouse, en plus d’être un bon groupe de studio, est un réel plaisir à voir en live. Trait de caractère qu’on pourrait sous-estimer à l’écoute de leurs deux albums, ce groupe est un groupe dansant. Il a ce petit terrain bien groovy, ce petit quelque chose qui fait que la tête n’est pas la seule partie du corps à se mouvoir au rythme de la scène. Preuve en est ce soir : dès les premiers accords, le Petit Bain s’est mis à se déhancher comme une seule péniche.

Bien sûr, n’oublions pas l’humour. Ouvrant avec Cardboard Man, The Cool Greenhouse part sur un crescendo d’intensité qui résume l’identité du groupe. De l’ironie folle : « Well I love the women / Y’know, they’re so good at cooking » sur deux notes répétées encore et encore, et un synthé complètement improbable qui se balade par-ci par-là, parfois sans grande structure. Chaque chanson est ponctuée d’un petit mot, dans un français bancal, du chanteur, qui toujours cherchera l’humour. A Petit Bain, ce soir-là, le concert était tout bonnement excellent. Si bien que, sous les houras général, le groupe se sent obligé de revenir pour une dernière chanson « that we’ve havent played in many many years. It was in 1973 » nous confie le chanteur. Lui-même ne se souvient plus exactement des paroles « but that’s ok, you’re french, you won’t understand anyway« . On n’a peut-être pas tout compris, mais le Petit Bain a adoré.

The Cool Greeenhouse est l’une des preuves actuelles que le post-punk n’est pas forcément chiant, noir, fermé, triste à s’en pleurer sur les chaussures. D’un naturel pince-sans-rire, le frontman du groupe assume à l’excès ce trait de caractère. Ses paroles font les choux gras de toutes les oreilles un tantinet bilingue (ou de toute personnes pouvant aller sur Rap Genius et consorts). On en oubliait presque l’instrumental, vrai progrès entre les deux efforts du groupe. En effet un -petit- monde les sépare l’éponyme The Cool Greenhouse (Melodic, 2020) de Sod’s Toastie (Melodic, 2022). Petit monde, bien sûr, parce que l’on reste sur cet espèce de post-punk bourré de synthés chelous, de deux notes répétées en boucle, et cette fameuse voix. A l’inverse de beaucoup de groupes qui jouent à base d’accords, le quintet se contente plutôt de jouer à la note, comme N0v3l ou Omni outre-atlantique.

Bref, du post punk, deux notes. Pourtant, le deuxième opus du groupe arrive à remanier cet instrumental, pour en faire, un peu à l’inverse de tous les groupes cités plus haut, quelque chose de dansant, de drôle. Dès Musicians, lorsque se lancent les percussions, on rentre dans un groove qui ne nous lâchera pas. Pourtant, écoutez bien, la même phrase est répétée, inlassablement, à la guitare. Cependant, loin d’un disque rayé répétitif à l’excès type Velvet Underground ou Lewsberg, on se prend à danser. Danser sur du post-punk, Ian Curtis se retourne dans sa tombe. Bien sûr, ce ne sont pas les premiers à le faire, mais pour autant, ce genre de groupe ne fait pas légion. Voilà l’univers un peu fourre-tout du groupe, post punk dansant à l’humour truculent, un vrai bonheur.

Bon, bien sûr, parlons peu, parlons bien. Il faut aussi rendre à Tom Greenhouse ce qui est à Tom Greenhouse. Le groupe ne serait pas aussi pétillant sans ses paroles d’une profonde drôlerie. A l’ancienne, pensez The Fall, aujourd’hui écoutez Sports Team, Bingo Fury ou Dry Cleaning, (drôle et avec du sens pour ce dernier exemple). Le chanteur conte plus qu’il ne pousse ses cordes vocales en envolées lyriques et impressionnantes vocalises. Ce phrasé un brin monotone et s’appuyant sur des allures de mec blasé tranche avec le contenu des textes qu’il déclame tout au long de ses deux albums. En préparant cet article, on s’imaginait vous en citer un passage pour mettre en exergue cet humour anglais, mais l’embarras du choix nous paralyse, TOUT est à mourir de rire.

D’une poussée d’angoisse qui se termine sur un petit déjeuner raté (Sod’s Toastie), à la recherche de nouveaux musiciens (The Musicians), des OVNI (The UFOs, The Neoprine Ravine) un rien est prétexte à la dérision. Cette ironie piquante dresse un portait de notre société complètement loufoque. D’une haine de la technologie qu’il utilise à dessein d’en explorer les tréfonds, Tom Greenhouse ressort avec des inepties ravageuses. Parfois, ses paroles piquent plus qu’elle ne font rire : « And nothing is good / And nothing is bad / And nothing is good / And you only live half » (Y.O.L.H), mais l’humour n’est jamais vraiment très loin. The Cool Greenhouse est une bouffée d’air frais, une franche rigolade, qui plus est dansante, dans un monde qui en manque tant.

Toutes les photos ont été réalisées par Loélia qu’on peut retrouver sur instagram juste ici : @aileol.photography