Contrefaçon : « Notre projet est un aller-retour permanent entre musique et vidéo »

crédit : Parade Nuptiale

Présent sur la scène française depuis 2016, le quatuor Contrefaçon vient de dévoiler Mydriaze, un premier album qui est aussi un premier court-métrage. On était parti à leur rencontre lors de leur passage aux Nuits Secrètes pour parler avec eux de leur projet, de cette ambition de toujours allier musique et vidéo et de leur future date à la Gaîté Lyrique. Retour sur une interview sans contrefaçons.

La Face B : Salut les gars, comment ça va ?

Mike Doe : Bien détendu.

Junk8 : Détendu après un petit massage.

Mandelboy : Ils se sont fait masser les deux là.

M.D : La vache, il y a tout qui remonte, je suis complètement zen. Si c’est ça la question, voilà la réponse. (rires)

LFB : Votre premier album va sortir (NDLR : interview réalisée en juillet), comment vous avez conçu Mydriaze ?

J : Le processus de création de l’album s’est étalé sur un an. Ça n’a pas été condensé sur un ou deux mois, on a construit une tracklist au fur et à mesure pour constituer l’ADN de l’album.

M.D : Il y a même des morceaux qu’on a repris après pour les remettre en cohérence avec le reste de l’album.

M : L’idée c’est qu’il y a beaucoup de son et surtout il y a vraiment deux types de sons qui se sont dégagés de tout ça : une face plutôt calme et mélodique qui correspond plus à notre premier EP et une seconde face plus techno et acid qui renvoie à notre second EP. La cohérence vient des influences 90’s, le côté rave et surtout le côté breakbeat qui revient un peu dans tous les morceaux. Au final cet album devait représenter ce que fait Contrefaçon et ces deux faces résument toutes nos influences : de l’électro, de la techno et de l’acid.

J : On voulait pas faire de choix entre deux styles, on voulait faire ce qu’on kiffe.

LFB : Ça se ressent vraiment en fait, tu sens la cassure volontaire dans la construction de l’album.

J: Il y aussi la question de la vidéo qui s’est posée, ce qu’on allait pouvoir faire pour illustrer tout ça. Notre album c’était aussi l’occasion de se dire qu’on pouvait faire plus que des clips en terme de vidéos et qu’on pouvait mettre un pied dans un univers plus cinématographique et proposer un court-métrage.
Et quand on a assemblé les différentes pièces du puzzle, on a commencé à travailler sur un scénario, réfléchir à quels personnages de nos clips on allait intégrer de nos anciennes vidéos dans une histoire qui serait totalement cohérente, avec une vraie intrigue et au final ça a donné Mydriaze : un album qui est aussi un court-métrage.

M : Et qui joue des différents rythmes et des différentes énergies de la musique dans le court-métrage.

LFB : Mais le scénario, il apparaît aussi dans l’album : il y a une introduction, un interlude et une conclusion.

M.D : On l’a vachement remanié pour en arriver là.

M : Il y a eu du temps pour savoir quel titre allait à quel endroit car l’idée était de pouvoir l’écouter d’une traite, de pouvoir un peu voyager dans les différents univers qu’on a voulu partager et de faire ressortir autant une ambiance cinématographique à certains moments que plus dansante à d’autres. Il a donc fallu articuler tout ça.

LFB : L’album est complètement neuf, ce qui est assez rare sur des premiers albums. C’était volontaire de s’échapper du fait de ramener des anciens morceaux ?

M : Il y a plusieurs choses : déjà on avait beaucoup de morceaux, donc on avait l’opportunité de faire ça. Et surtout, on avait clippé tous les titres avant et on avait posé un univers visuel sur tout ce qu’on avait sorti. C’était donc logique de partir sur une page blanche plutôt que de reprendre des morceaux qui étaient déjà visuellement intégrés dans l’univers. On voulait partir sur une nouvelle base pour proposer quelque chose de cohérent de bout en bout.

J : Raconter une nouvelle histoire par rapport à tout ça.

M.D : Après le live, c’est principalement l’album, mais on rajoute les anciennes tracks dans la setlist.

LFB : Par rapport à la vidéo, comment vous avez procédé à la sélection des chansons qui apparaissent dans le court-métrage ?

M.D : C’est un seize titres, il a fallu faire des choix. (rires)

M : C’est souvent des extraits, certains un peu retravaillés pour s’intégrer dans le court-métrage, avec du mixage sonore, ce qui est intéressant comme matière à travailler. Mais effectivement tout ne rentre pas et ça s’est décidé au niveau des ambiances, des textures …

J : Ce qui est sûr, c’est que les deux faces sont bien représentées dans le court-métrage. Et il y a aussi une sélection qui a été faite des morceaux dans l’album par rapport au film, car au fur et à mesure du projet, du tournage et du montage, on a réalisé que des morceaux étaient tellement forts par rapport à une séquence qu’on était obligé de les mettre dans l’album, c’est notamment le cas de La traversée. Donc il y a toujours cet espèce d’aller-retour qui s’effectue entre la vidéo et la musique et c’est comme ça qu’on a reconstitué le puzzle.

M : Par exemple on a deux tracks, Halo et Parade, qui sont dans la même énergie et la question s’est posée jusqu’à très tard pour savoir laquelle on intégrait dans le court-métrage. Et au final Parade on l’a sortie en single avec un clip qui est un spin-off du film. Donc ce jeu existe vraiment toujours entre vidéo et audio et les tracks fortes qui restent dans l’album, on les sortira autour.

LFB : Toujours dans cette optique, le fait que l’album soit quasiment instrumental, à part deux chansons, c’est un choix par rapport à cette idée de « bande originale » ou pas du tout ?

M.D : Pas nécessairement. C’était l’opportunité de se dire que s’il fallait rajouter des voix ou les retirer pour les intégrer au court-métrage, on l’aurait fait. On a testé plein de choses, on s’est dit qu’il fallait pas forcer un format s’il n’était pas en adéquation avec la musique. Il y a juste des morceaux qui ont accueilli des voix naturellement et d’autres non. C’est comme ça que ça s’est passé.

LFB : En tant que projet global, comment la vidéo influence la musique et inversement ?

J : Ça dépend des tracks. Certaines sont énormément influencées par la vidéo et les thèmes. Typiquement Acidland, Pierre avait pensé à un clip à Disneyland, du coup la prod a été faite par rapport à ça pour apporter un côté féérique.

M.D : C’est des aller-retours permanents. Les deux ont toujours la même importance pour nous. Par exemple ce soir on joue sans la vidéo, mais le jour où on pourra mettre la pression et dire « on joue pas sans vidéo » on le fera, parce que c’est notre marque de fabrique. L’un ne va pas sans l’autre.

M : C’est comme ça qu’on essaie de se démarquer.

LFB : Ça se ressent d’ailleurs. Il y a une vraie continuité dans les vidéos, une vraie recherche esthétique où tout est lié et c’est assez rare de voir ça. A part PNL, mais j’ai l’impression que vous faisiez déjà ça avant.

M.D: C’est déjà gentil de le remarquer (rires). On nous a souvent dit qu’on copiait PNL. Notre projet ça fait plus de trois ans qu’on le met en œuvre et les personnages qu’on a mis dans le premier clip sont encore là dans le court-métrage. On a essayé de s’en éloigner parfois mais tout se recoupe, on peut trouver un lien dans tout ce qu’on a fait jusqu’à présent et on en est vraiment fier.

M : Ça vient aussi du fait qu’on travaille en famille et qu’on joue avec les contraintes qu’on a. Les personnages qu’on voit, ce sont tous des potes et c’est pour ça qu’ils reviennent et c’est comme ça que ça s’est fait.

LFB : Au-delà des contraintes, je trouve qu’il y a une vraie ambition, une vraie patte et c’est ce qui est le plus important et le plus intéressant. Tout est pensé de A à Z.

M : Depuis tout jeunes on bosse dans cet esprit DIY. La musique et la vidéo, on a tout appris dans la rue, on est vraiment autodidacte et c’est ce qui transparaît à force et qui rejoint le fait qu’on travaille toujours avec les mêmes personnes.

M.D : Il y a des talents en fait. C’est con à dire, mais on sait tous faire quelque chose, et se mettre ensemble pour le faire amène quelque chose de maîtrisé car chacun amène sa pierre à l’édifice et à quatre on arrive à faire quelque chose qui ne coûte pas si cher que ça quand on sait les faire comme on fait.

M : Travailler sous la contrainte, avec le budget, crée une nécessité d’efficacité et l’esthétique puise là-dedans.

M.D : Tu parlais d’ambitions, c’est sûr que si nous on avait les moyens on aurait fait un film et pas un court-métrage.

M : Chaque chose en son temps ! (rires)

M.D : Faut faire les choses dans l’ordre, et si c’est pas sur le premier album, ça sera sur le suivant.

LFB : Dans l’album, il y a un titre qui s’appelle Contrefaçon. Est-ce que cette chanson là c’était un doigt d’honneur et une façon de dire aux gens de laisser Contrefaçon être Contrefaçon ?

M : Exactement. Déjà, quand on a choisi le nom du groupe c’était un doigt d’honneur.

J : C’est clair. (rires)

M.D : C’est de la provocation au final. On a toujours joué sur la frontière de ce qu’est l’influence et de ce qu’est la copie. Par rapport à ça, on a pas mal pioché, remanié des choses, on a même copié des choses volontairement.

M : En même temps, Junk8 c’est le principal producteur et il est chinois donc forcément on joue la dessus. (rires)

J : La contrefaçon c’est la base.

M.D : On nous a souvent comparé grossièrement à des mecs comme Justice ou The Blaze. Les gens ont besoin de références pour s’accrocher à quelque chose et se rassurer.

J : C’est du name-dropping pour pouvoir amener les gens.

LFB : Après le Point Éphémère vous vous attaquez à la Gaîté Lyrique, vous avez prévu des choses spéciales ?

M.D : On va pas trop en dire, on va laisser les gens découvrir. (rires)

J : C’est l’ambition c’est clair, le but c’est de faire vivre les deux faces de l’album et les intégrer de manière progressive et ramener un peu de subtilité.

M : C’est une belle salle avec des gros moyens vidéos donc ça sera aussi l’occasion de repenser l’expérience avec les moyens qui seront à nous le temps d’une soirée. Y’a du travail, mais c’est excitant.

LFB : Pour finir, votre label s’appelle Panenka, si vous étiez un geste technique au football, ça serait lequel ?

M.D : L’aile de pigeon.

M : La belle passe transversale.

J : Moi ça me regarde pas le foot. La panenka c’est pas mal.

M.D : On peut pas assumer les choix de notre label non plus. (rires)