Color/Blind, la dualité selon Dampa

Depuis plus de 30 ans, le prix Société Ricard Live Music sort de son chapeau chaque année un artiste sur lequel il a décidé de miser. Connu et reconnu, ce prix permet au gagnant d’effectuer une tournée française mais aussi de sortir un premier EP dans des conditions optimales. Alors que les précédentes années faisaient sonner les guitares, avec MNQNS et Lysistrata notamment, c’est un chemin différent que l’année 2019 a décidé d’emprunter. Ils s’appellent DAMPA, ils viennent de dévoiler la deuxième partie de leur EP Color/Blind et on vous en parle juste en dessous.

Direction La Rochelle donc avec Dampa. Pas forcément des inconnus puisque déjà repérés l’année dernière au cours des Inouïs du Printemps de Bourges, ils débarquent en grande pompe dans nos oreilles avec la possibilité de s’offrir un EP à la hauteur de leurs ambitions. Un seul EP ? Pas vraiment, en réalité. Au delà du jeu de mot évident qui ressort du titre, Color/Blind se présente comme une rencontre en deux parties composées de trois titres. Véritable ode à leur créativité qui se veut diverse pour devenir au final aussi envoûtante qu’entêtante, Color/Blind est surtout un moyen d’affirmer un point de vue, une image, un concept : celui de la dualité.

Car c’est bien-là tout ce qui transpire à l’écoute de ces six titres, la dualité, le besoin de voir se confronter les choses. Les allusions pourraient être sans fin mais voilà ce qu’on pourrait repérer dans la musique des rochelais : l’homme et la femme, le feu et la glace, les machines et la voix et finalement la face A et la face B. Tout ici se crée pour trouver le contact, l’étincelle et l’explosion, entraînant avec soi la création d’une musique bien décidée à jouer de sa modernité, à ne pas choisir les genres, allant se frotter aussi bien à la trap, à la musique électronique ou à la pop.

Il y a de la douceur et de la brutalité chez Dampa, comme une caresse qui se transforme rapidement en gifle. Dualité toujours qui transforme cette envie d’attirer les gens vers un univers connu pour en une seconde les désorienter, les surprendre et les emmener ailleurs. Tout commence donc avec Color, première aux accents pop voire trip hop. Ainsi U Better ouvre le bal comme on ouvre les portes d’un songe : ambiance atmosphérique, voix éthérée qui jouerait presque de l’irréel et c’est dans le coton que nous plongeons, doux et agréable, la chanson prend tendrement par la main pour nous amener dans cet univers. Look continue ce voyage, cette tendresse qui se retrouve pourtant déjà par moments détraquée par certaines intentions, par des cris inattendus, des sonorités plus sèches. Le rêve serait-il en réalité un cauchemar ? Nous n’en sommes pas encore là et Their Walls ferme les portes de cette première partie toujours en sensualité, avec une production légère et douce mais qui là encore n’hésite pas à se transformer légèrement par moments.

 

Et ainsi, après le jour vient la nuit et c’est une nouvelle porte qui se présente à nous. Une porte plus imposante, plus sombre et intense. Nous entrons donc dans Blind. Les couleurs auraient donc disparu ? Sans aucun doute et un peu comme dans Strangers Things, on a la sensation de se retrouver dans le monde à l’envers. L’ambiance se fait plus inquiétante, les visages se déforment et la voix se transforme. Ainsi loin des intonations soul et pop des premiers titres, le phrasé se fait ici plus brutal, saccadé. L’élégance suit mais elle est mise au service de la noirceur et c’est vers la trap que Polar Cordinates et My Horse Doest It Better nous entraînent. Et si la production joue de ses codes, c’est aussi pour les distordre. Plutôt que de jouer avec les règles, Dampa en invente de nouvelles, amène la musique à eux plutôt que l’inverse. Le voyage se termine avec Clubs, plus dansante, qui mélange tout ce qui a existé jusque là. La lumière se fait au bout du couloir et une nouvelle porte se présente à nous, ses contours sont encore flous et on a du mal à la rendre tangible. Cette porte est celle du futur et à l’écoute de ces six premiers titres, elle arrive avec une question toute simple : que nous réserve donc Dampa ? L’avenir nous le dira mais on est déjà prêt à pousser la porte de ce nouveau voyage.

 

PS : Dampa a aussi réalisé un remix absolument brillant des tout aussi brillants San Carol et c’est à découvrir ICI .