Chester Remington : « Il faut beaucoup d’oisiveté pour composer »

Le quintet rémois Chester Remington a sorti le 25 février 2022 son second EP « Doldrums » sous le label Le Cèpe Records et Modulor. Le jour même, ils fêtaient leur release party au Point Ephémère. Première date parisienne à leur actif, ce fut une sacré claque. Une bourrasque de rock et de fuzz, mâtinée d’accents pops et de voix haut perchées. Un mois après, nous avons rencontré Odilon, tête pensante du groupe, qui a répondu à nos questions, pour notre plus grand plaisir.

LFB : Cette formation voit le jour en 2019 et depuis tu n’as pas chômé : deux EP, une reprise en 2021 d’Alane de Wes sur la compilation SICK SAD WORLD Volume 2 / Anti-Covid Covers. Mais aussi une sélection aux iNOUïs en 2021, Bars en Trans à Rennes et une belle tournée en perspective. Comment se porte le petit cœur de Chester Remington ?

Reprise d’Alane de Wes par Chester Remington

Chester Remington: (rires) Le petit cœur de Chester Remington est plutôt ravi, il est même en ébullition. J’avais déjà fait une reprise de Where is my mind des Pixies pour le Cabaret Vert. Pour la compilation SICK SAD WORLD, c’est Raphaël de We Hate You Please Die qui en est à l’origine. Il y a de supers reprises et j’étais très content de faire partie de la deuxième édition. J’ai d’ailleurs appris qu’Alane se dit Alané. C’est dingue les jeux de mots qu’on peut faire : Alané/au mois. (rires)

LFB : Depuis une dizaine d’années, tu te produis dans de nombreuses formations aux styles divers et variés (rock, pop, indie, reggae) comme Temple Kid, Black Bones ou encore Grindi Manberg. Aujourd’hui, c’est la première fois que dans un groupe tu es chanteur lead compositeur. Comment s’est fait la transition et pourquoi maintenant ?

Chester Remington: Effectivement, j’accompagnais avant à la batterie, même si j’ajoutais quand même ma patte rythmique. A la base je fais de la guitare mais aussi de la basse, etc., et je voulais composer des morceaux. Sauf qu’il faut s’assumer et avoir confiance en soi, ce qui n’était pas mon cas. Puis, j’ai fait un morceau dont j’étais assez content, pour m’amuser. Je me suis dis que je pouvais moi aussi raconter des choses et m’assumer en tant que chanteur, même si je ne me considère pas vraiment comme tel. Je pense qu’il me fallait le temps de trouver comment donner de la voix. Et oser. J’ai donc compilé 4 à 5 morceaux avec cette envie de monter mon propre groupe.

Le quintet Chester Remington pour la sortie de l'EP Doldrums.
Crédit photo: Margaux FMX

LFB : Tu dis que tu as du mal à t’assumer en tant que chanteur. C’est pour ça aussi le côté cartoon avec ta voix ?

Chester Remington: Peut-être, oui. C’est important de faire passer des choses par l’humour, je suis un peu débile et j’ai toujours aimé faire des voix ou des cris d’animaux. Ça se retrouve dans Chester Remington. Je crois que cet EP, Doldrums m’a permis de découvrir ma voix, mais aussi tout ce que je pourrais éventuellement faire avec. Il y a des changements d’humeur, des chants clairs, des chants plus saturés. Je me mets dans la peau de certains personnages.

LFB : Au sein de Chester Remington, c’est toi qui composes et arranges tout. Comment est-ce que tu as imaginé ce groupe et est-ce qu’il y a une part de créativité laissée aux musiciens ?

Chester Remington: Je voulais un groupe où on évite les non dits et qui repose donc sur des bases saines, qu’on puisse s’envoyer tout en pleine gueule, assez directement. C’est important pour la cohésion. Je souhaitais absolument que les personnes avec qui je joue se sentent le mieux possible. Et je suis très content de la tournure que ça prend et de l’équipe que j’ai : des musiciens qui sont excellents et que j’aime beaucoup.

Dès le début, j’avais bien précisé que je voulais que ce soit mes morceaux, qu’ils pouvaient bien entendu ajouter des choses, que ce soit en live ou sur l’interprétation, mais qu’au final j’avais le dernier mot. Et ils ont très bien compris. C’est vrai que ça va très vite dans ma tête, je vais dire : « il faut jouer ça » ou « garde ceci ». Ça peut sembler un peu dictatorial, mais je me considère plus comme un chef d’orchestre. Eux, ils ont un recul que je n’ai absolument pas et ils vont proposer de nouvelles idées, comme sur l’EP Doldrums par exemple. Ça me fait du bien d’avoir un peu de légèreté et de second degré, car j’ai beaucoup d’obsessions. Et j’aime bien le côté un peu instinctif de ce groupe. On répète très peu donc on panique tout le temps avant les concerts.

LFB : C’est voulu ?

Chester Remington: Non, on a pas trop le temps. Dans le groupe, on est seulement trois à avoir le statut d’intermittent du spectacle. Les autres travaillent à temps plein et je respecte ça, je ne vais pas leur dire de lâcher leur emploi. Je rends la vie au tourneur très difficile (rires) car j’essaie au maximum qu’on ait des dates le week-end. On met beaucoup de nous dans ce projet, tout en respectant nos vies à côté et en profitant. Je ne sais pas si c’est propre à la France mais on demande aux musiciens de faire énormément de sacrifices. J’en ai fait pendant plus de dix ans et ça m’a plu, mais aujourd’hui je ne veux pas demander ça aux personnes avec qui je joue. Bien sûr j’ai aussi envie que ça marche, donc il faut trouver un entre-deux, et pour l’instant on arrive à jongler, donc c’est parfait.

LFB: Ton manager, Geoffroy, parle de Chester Remington comme d’un projet indéfinissable, qui essaie beaucoup de choses et qui pourtant reste uniforme, où l’on pénètre dans l’univers d’un ado mais sans l’aspect caricatural dépressif. Qu’est-ce que tu penses de cette définition ?

Chester Remington: Je pense qu’on s’est bien trouvés. Ça m’avait beaucoup touché quand j’avais lu ces quelques lignes. Effectivement, il y a de ça. Il y a une espèce de provocation, de nonchalance un peu adolescente je trouve des fois dans les morceaux. Ça se retranscrit un peu par le côté grunge, tous ces jeunes dans les années 90 qui se retrouvaient beaucoup en Kurt Cobain et ce genre de groupes. Moi, je suis de 1989, donc on ne peut pas dire que j’ai été ado à cette période là, mais mon frère, oui, et j’écoutais ses disques et en faisais des compilations K7.

LFB: Justement… Je voudrais qu’on s’arrête un peu sur cette volonté de revenir à l’analogique. Chester Remington semble venir d’un autre temps : les K7 sont omniprésentes , le clip My Very First Time flirte avec les années 90 et grâce à ton ingénieur du son (Studio Rétro Mixeur) tu obtiens un effet patiné, très passé, très direct.

Chester Remington: Mon grand frère possédait beaucoup de CD. Et j’avais une chaîne hi-fi que j’ai toujours, juste là. J’enregistrais sur K7 la radio ou les CD de mon frère. Je me faisais des compilations pour écouter la même chose que lui. Du métal, du rock, etc. J’avais deux K7 sur lesquelles j’enregistrais tout le temps parce que je découvrais sans cesse de nouvelles choses. Donc le son se détériorait. J’ai gardé mon baladeur K7 jusqu’à mon adolescence. Grâce à mon frère, j’ai découvert tout ça et je me suis dis qu’il fallait absolument que je revive ça, que mes morceaux passent par des bandes abimées et une compression low-fi. C’est discutable après comme son.

Le premier EP s’est fait sur un 4 pistes K7, c’était un réel parti pris. C’est très dégueulasse, mais moi ça m’apporte beaucoup de nostalgie et je sais que c’est un son qui parle à certaines personnes. Avec l’EP Doldrums, j’avais envie d’explorer plein de choses. Il a été fait sur des enregistreurs à bandes, avec du vieux matériel. Évidemment, j’aurais aimé qu’il sorte en vinyle mais en raison de la conjoncture actuelle, les délais ont été considérablement allongés. Puis, économiquement parlant c’est délicat car je finance tout. Donc la K7 c’était simple et évident. Je suis content que même les gros artistes commencent à en ressortir. Ça ramène à cette musique analogique.

LFB: NOBODY CARES ABOUT MY 4 TRACKS RECORD est sorti le 30 décembre 2020. Un EP concept, fait sur un enregistreur 4 pistes, constitué de 4 instruments, pour un 4 titres dévoilé en 4 semaines. Aujourd’hui tu sors un second EP. Est-ce que l’album te tente ou est-ce qu’il y a une volonté de multiplier les formats courts et ainsi les expérimentations ?

Chester Remington: Le format court est très pratique. On se perd moins dans des chemins de traverse. Là, j’ai envie de me mettre à l’album, mais je ne souhaite pas qu’il soit trop long. J’aime l’instantané. J’envisage une dizaine de morceaux. Le côté court ça fait petit objet, petite histoire qu’on raconte, comme des nouvelles. Ce n’est pas un roman.

LFB : Cet EP s’appelle donc Doldrums. D’où vient ce nom ? On peut notamment le traduire par « broyer du noir, avoir le cafard ». Le ciré jaune, la mouette, Chester Remington, c’est donc un exutoire ?

Chester Remington: Et bien oui. La définition c’est le marasme en anglais. C’est un peu l’état dans lequel je me trouvais en composant cet EP et où je peux me trouver encore parfois. Dans Nobody Cares About My 4 Tracks Record je criais déjà « doldrums, doldrums. » C’est un état émotionnel qui m’a permis d’écrire ces morceaux, d’être à fleur de peau, de voir les choses en noir, même si on est tous très contrastés émotionnellement. Je pense que ça se sent dans Doldrums.

LFB : Et en même c’est très pop, très entraînant. Ça fait sautiller et c’est génial !

Chester Remington: Tant mieux, parce que je pense que c’est très thérapeutique comme EP. Comme souvent. C’est assez cliché mais pourtant c’est vrai : composer des morceaux avec les émotions, c’est très bien. Il faut savoir vivre avec et le fait de l’avoir appelé Doldrums, c’était une manière de confronter ce marasme. De le mettre face à moi, pour lui montrer qu’il ne me faisait pas peur et que je le remerciais parfois, même si c’est dur des fois de vivre avec ce genre d’émotions. J’espère que certaines personnes pourront se retrouver là-dedans en tout cas.

LFB : Tu disais en janvier 2021 pour le podcast Charivari que tu n’as toujours fait que ça, que la musique est ta passion et que tu ne te vois pas faire autre chose. A quel moment as-tu su que ce serait ça ta vie ? Quel a été le déclic ?

Chester Remington: C’est marrant que j’y repense, parce que je n’en parle pas souvent, mais pour le coup j’ai en tête une scène très précise. Pour Noël, j’avais demandé une guitare, je devais avoir 7 ou 8 ans. Ma famille avait caché le cadeau avec le linge de ma maison et j’étais allé fouiner. Je ne savais pas du tout en jouer mais je me revois gratter les cordes, une fois. Et je ne sais pas pourquoi mais ça m’a fait un truc dingue de la voir. Je m’en rappellerai toute ma vie. Je n’avais jamais ressenti ça, et cette sensation… c’était fascinant ! J’étais trop content d’avoir cet objet. Et effectivement, je ne l’ai jamais lâché. Mon frère faisait aussi de la guitare et ses copains musiciens m’ont montré un, puis deux accords.

Que ce soit à la guitare ou à la basse, j’ai toujours été autodidacte. Pour la batterie, j’ai fait une école en un an à Nancy et c’est ainsi que j’ai gagné ma vie pendant plus de dix ans. Je n’ai jamais trop travaillé l’instrument car je souhaite garder une fraîcheur et un côté instinctif. Il ne faut pas que je commence à calculer. C’est pour ça que des fois il y a des riffs de guitare, des choses qui paraissent toutes bêtes mais c’est parce que moi, elles me parlent. C’est une bonne manière de composer. Sinon, j’aurais peur d’être emprisonné par des connaissances musicales. Je suis porté par les influences de groupes que j’aime et je pense que ça suffit.

J’aime bien digérer les choses et passer du temps sur un album.

LFB : Est-ce que tu peux nous parler plus en détail de tes influences musicales ?

Chester Remington: Bizarrement, pour Chester Remington cela a démarré avec une grosse phase sur Serge Gainsbourg. Remington est la marque d’une vieille machine à écrire. Mon grand-père en réparait une dans sa boutique, mais c’est aussi lié à la chanson sur Lætitia, Elaeudanla teïtéïa. Serge Gainsbourg est un personnage qui est passé par beaucoup de phases. Quand on lui reprochait de plagier des airs, il disait : « je ne vole pas, j’emprunte ». C’était du génie mais je n’oserai jamais faire ça. Gainsbourg, ça me retourne les tripes tout le temps. Mon album préféré c’est Histoire de Melody Nelson (1971). J’ai le vinyle que j’écoute très souvent à la maison.

J’aime beaucoup également Viagra Boys ou OSees. King Gizzard & The Lizard Wizard. J’adore ce qu’ils font mais ils sortent beaucoup d’albums, donc j’écoute moins car j’ai du mal à suivre. J’aime bien digérer les choses et passer du temps sur un album. J’apprécie aussi Yak, notamment l’album Pursuit Of Momentary Happiness. Je les ai vus à la Cartonnerie de Reims en 2019 et c’était incroyable.

Et puis… Je ne sais pas si tu connais Lemon Twigs ? C’est deux frangins, à la batterie et à la basse. Ils jouaient au festival du Cabaret Vert en 2017. La première partie du concert se passait tranquillement, puis tout à coup ils ont échangé les places. Celui qui était à la batterie s’est levé et il avait une tenue très moulante, glam seventies et clairement il n’avait pas de sous-vêtements. Il a regardé tout le monde et il a pris sa guitare. La claque. J’ai regardé mes potes et j’ai dit : « J’ai l’impression de découvrir le rock’n’roll comme les gens ont pu le découvrir à l’époque avec Led Zeppelin ». C’est ça le rock sexy. Je me souviendrai toute ma vie de ce concert, c’était de la folie.

Sinon je suis aussi influencé par IDLES bien sûr, Nirvana et également Metz qui se sont entourés de Steve Albini. J’aime beaucoup Jacques Brel aussi, Charles Aznavour et Claude Nougaro. J’avais fait un concert hommage de ce dernier à la batterie avec des musiciens. J’aime bien tout mélanger.

Quand tu es dans la musique, ça chante constamment.

LFB : Apparemment tu composes souvent en voiture. Est-ce que tu peux nous parler plus en détail de ton processus créatif ?

Chester Remington: (rires) C’est vrai, mais où as-tu vu ça ? C’est fou. Donc oui, je compose en voiture mais la douche marche très bien aussi. Je pense que c’est propre à chacun, c’est-à-dire de refaire le monde dans sa tête, de regarder nulle part. On est sous l’eau chaude et on pense à un milliard de trucs. C’est à peu près ça ma vie. Je dis souvent qu’il faut beaucoup d’oisiveté pour composer. Moi, il me faut beaucoup de temps à ne rien faire. Alors ça peut paraître paresseux, mais pas du tout. Après quand je travaille, j’y vais à fond, mais il faut toujours que ce soit entrecoupé par des pauses où je ne fais rien du tout. Je suis dans ma tête et je n’en sors pas. Je collectionne des idées.

La voiture, la douche sont des moments où les choses viennent toutes seules tandis que le cerveau les digère. Quand tu es dans la musique, ça chante constamment. La voiture c’est un bon moyen pour créer… tout en faisant attention à la circulation évidemment (rires). Elle devient une cabine de prise de voix; il suffit de fermer tes carreaux, et si tu as envie d’hurler ou de chanter faux, tu peux, car personne ne va te juger ni t’entendre.

Sinon, je dors très peu, je suis du matin. Alors je me lève très tôt, je bois beaucoup de café et je fais du son, du gros rock. J’ai plus d’énergie après.

Ça part souvent d’un délire, l’inspiration. Et si tu sens que c’est en train de prendre, il faut y aller. Par exemple, pour le nouvel album, on discutait du prénom de notre futur enfant avec ma compagne et une consonance me faisait penser au cri du Marsupilami. Genre « ouga ouga ». Comme je suis souvent en roue libre j’ai commencé à crier et ça m’a donné une idée de morceau. Donc il va s’appeler « Oumbaba », c’est des onomatopées. Je te dis ça mais je ne l’ai pas encore écrit. J’entends tous les instruments. Je n’ai pas l’harmonie, mais j’ai le rythme, l’intensité et l’intention. Il n’y aura presque pas de paroles.

Il faut savoir que je me projette aussi à chaque fois directement sur le live et non en studio. Donc quand je compose, je ne mets pas plus d’instruments que ce qu’il y aura en concert. Ça fixe un cadre de composition.

Avec ce projet je me sens extrêmement libre de faire tout ce que je veux.

LFB : Comment est-ce que tu sais que tu tiens quelque chose ?

Chester Remington: Je manque énormément de recul donc je valide assez vite ; c’est-à-dire quand la structure me paraît digeste. Sinon, j’ai peur de me prendre la tête et de ne jamais faire les choses. Et je me mets à la place de l’auditeur, je ne veux pas qu’il s’ennuie. En général, je conduis très peu d’écoutes autour de moi, j’essaie de me faire confiance au maximum. Avec ce projet je me sens extrêmement libre de faire tout ce que je veux.

LFB: A l’exception du clip Out There que tu as imaginé et d’If He Answers, réalisé par ton très bon ami Olivier Fourny (ex chanteur GRAND MORSE) c’est Club K7 qui est derrière la caméra. Le duo est composé du bassiste Thomas et de sa compagne Margaux Fremaux, également photographe de Chester Remington. Peux-tu revenir sur votre rencontre ?

On a commencé à collaborer via Chester Remington. Thomas travaille maintenant à Paris dans le cinéma. C’est sa passion, je le savais plus ou moins. Lorsqu’il m’a proposé de faire un clip, j’ai accepté et ça s’est fait simplement. On a beaucoup de références communes, qu’elles soient musicales ou cinématographiques. Il faut savoir qu’on fait des clips avec zéro budget et zéro équipe. On est deux ou trois personnes maximum. On se donne comme des malades, à écumer les lieux possibles près de chez nous. C’est une épreuve à chaque fois mais à la fin on est hyper fiers et contents. On a aussi l’aide de la salle de spectacle dans laquelle on travaille souvent, la Cartonnerie de Reims. Ils nous prêtent des espaces, des lumières. Puis les copains sont là aussi pour nous épauler.

LFB : La cartonnerie de Reims, salle de concert mais aussi lieu de rencontre entre musiciens et passionnés, soutient la création et la scène locale à travers des dispositifs d’accompagnement et de résidence. Il paraît que c’est ta deuxième maison. Tu peux nous en dire plus ?

Chester Remington: C’est la SMAC de Reims, qui est un super lieu. Il y a un dispositif d’accompagnement de groupes et un vivier d’artistes qui est top. Comme je ne fais que de la musique, je répète très souvent là-bas. Ce sont des lieux de vie que j’affectionne énormément, avec des concerts en permanence où tout le monde se croise. C’est cliché, mais la musique c’est beaucoup de partage et d’échange. J’ai rencontré plein de gens de cette manière et notamment Paul (ndlr : le guitariste) qui était là avec sa bonne petite bouille.

Chester Remington
Crédit photo: Margaux FMX

LFB: En juin 2020, tu t’apprêtais à faire ton 4ème concert sur la scène Changez d’air de la Cartonnerie. Aujourd’hui ça s’enchaîne avec notamment une belle date avec Slift à Reims avec qui tu avais déjà joué l’été dernier. Quel effet ça fait ? Avec qui tu rêverais de te produire ?

Chester Remington: Idéalement, je dirais OSees, qui vont faire quelques dates en France en juillet. On a joué avec Slift au festival Bon Moment à L’Autre Canal à Nancy. On a eu la chance de les rencontrer et il semblerait qu’ils aient beaucoup apprécié. Et là, de les revoir à Reims, chez nous, c’est un honneur (ndlr: concert le 15 avril 2022). Ces trois toulousains défoncent tout.

Je suis content parce que les choses vont crescendo, plus on y va, mieux ça va (rires). On ne met pas trop la charrue avant les bœufs, je trouve. Pour un groupe de rock qui débarque un peu de nulle part, je suis assez content de ce qui se passe. Le grand succès, ce n’est pas forcément ce que je recherche. Moi, je veux surtout sortir des disques de qualité. Après, on a envie de faire un maximum de concerts, mais le fait de percer c’est quelque chose auquel je ne pense plus forcément maintenant, je ne me prends plus la tête avec ça.

Des fois j’ai de grosses remises en question, des gros doutes, et c’est normal parce que je mène un groupe, mine de rien. Tu te dévoiles beaucoup donc il y a le jugement des autres, etc. Ce n’est pas évident à gérer. J’essaie de profiter. Je suis dans d’autres groupes aussi et je fais des spectacles pour enfants. Ça me plait et je n’ai pas envie de lâcher ces projets. Puis, je viens d’être papa, je vis des choses un peu fortes depuis 2/3 ans. C’est un peu l’explosion dans ma tête en ce moment.

LFB: Est-ce qu’il y a un morceau de l’EP qui te tient plus à cœur et si oui, pourquoi ?

Chester Remington: Je les aime tous, mais j’ai beaucoup d’affection pour Beach qui clôt Doldrums. C’est le premier morceau de Chester Remington que j’ai vraiment assumé. Tout a démarré avec lui, c’est sa genèse. Je l’ai un poil réarrangé pour l’EP. J’aime beaucoup cette fin très chaotique et violente. C’est ce qui a justifié tout ce délire de ciré, de mouette et de cris d’oiseaux. Ça a été mon premier terrain de jeu, mon premier bac à sable. Je me suis dis que je pouvais faire vraiment ce que je voulais : du surf, du vénère.

Je me fais tout un film dans ma tête avec ce morceau : les couplets, le gamin qui parle à ses parents, le père et la mère qui répondent. J’ai des images qui me reviennent : la série Malcolm et surtout le film Orange Mécanique. Récemment, j’ai relu le livre d’Anthony Burgess et je me suis dis que Stanley Kubrick l’avait superbement adapté.

Mes parents sont très cinéphiles : grâce à eux, je suis allé énormément au cinéma pendant toute mon enfance et mon adolescence. On y allait deux à trois fois par semaine. Eux, ils n’ont jamais arrêté. Aujourd’hui, ils sont retraités et lorsque j’essaie de les appeler, je tombe toujours sur le répondeur : ils sont au cinéma. Donc je n’ai pas une grosse culture cinématographique mais Beach me rappelle Orange Mécanique. Il convoque en moi beaucoup de nostalgie, c’est un film empreint de folie et de violence. C’est une histoire belle et étrange.

LFB : On dirait qu’il y a beaucoup de nostalgie finalement dans ton projet.

Chester Remington: Passé 30 ans, c’est une période de ta vie où tu peux commencer à faire un petit bilan. Je n’ai plus 25 ans, inévitablement j’ai vécu des choses. Et je démarre une nouvelle vie. Avec Chester Remington et la naissance de ma fille.

Chester Remington en live.
Concert au festival Face B à Charlevilles-Mézières
Crédit photo: Margaux FMX

LFB : Quels sont tes projets à venir ?

Chester Remington: Les concerts ! On a un tourneur, Simon Denoual d’AFX Agency, que je salue et qui nous a trouvé un certain nombre de dates. Puis, je suis en train d’écrire l’album. Je pense qu’il sortira en début d’année prochaine, soit un an après l’EP. Il y aura aussi de nouveaux clips et des sessions live.

LFB : Enfin, si tu devais choisir une œuvre qui t’a bouleversé ou qui a changé ta vie, ce serait quoi ?

Chester Remington: Adolescent, j’ai été bouleversé par le film American Beauty de Sam Mendes. Et donc Orange Mécanique de Stanley Kubrick, bien qu’il ne me définisse pas, m’a forcément marqué. J’ai dû le voir vers 10 ans. Ça ne m’a pas traumatisé, au contraire, mais c’est venu nourrir mon imaginaire et je remercie beaucoup mes parents pour ça. Quand tu le revois, c’est daté et les scènes de sexe et violence ne sont pas autant détaillées. C’est ce qui est fort. L’acteur et la voix française sont superbes.

Je dirais aussi Full Metal Jacket car c’est un truc de famille, on connaît toutes les répliques. Les films de Stanley Kubrick me définissent plutôt bien de manière générale. On est dans les années 70, c’est une époque particulière où tout est charmant et où les scénarios sont totalement dingues. Il parait qu’il était obsessionnel et totalement investi lorsqu’il écrivait. Ça mène à des œuvres incroyables.

Vous pouvez retrouver notre chronique de l’EP Doldrums ici, l’ADN musical ici et suivre son actualité sur Facebook et Instagram.

Crédits photos: Margaux FMX et Titouan Massé.