Chaud devant, voilà Wet Leg !

Sorti le 15 juin 2021, Chaise Longue est devenue très rapidement un classique de l’indie rock moderne (sic.). Il marque également l’émergence d’un jeune duo de musicienne insouciante qui a trouvé la formule parfaite entre le punch et la mélodie. Chaque nouveau single est attendu désormais par des millions de fans, le groupe s’est déjà fait un nom. Leur premier album éponyme est enfin sorti le 8 avril 2022 avec toutes les attentions qu’il mérite. Alors, la hype est-elle méritée ?

Il n’y a pas forcément besoin de multiplier les instruments sur un album. Le projet du groupe de l’île de Wight se repose sur des éléments classiques du rock : guitare-basse-batterie avec l’intervention assez rare du synthé. Alors que l’on pouvait craindre que tout a déjà été réalisé avec cet ensemble, Rhian Teasdale et Hester Chambers ont remis les pendules à l’heure. Après dix ans d’amitié à voguer dans les festivals et les salles de concerts devant les plus grands groupes de rock qui les influenceront, les deux compères se décident à lancer leur propre projet, juste pour le fun. Rien ne semblait être sérieux au départ. Pourtant, l’album a été enregistré en avril 2021 par Dan Carey (Squid, Fontaines DC, Goat Girl, …) sans un seul live joué auparavant. L’affaire a été rudement bien mené en amont.

Et cela pour notre plus grand plaisir puisque l’album est un empilement de tubes entêtants sur les aventures de jeunes anglaises sarcastiques sur leur vie sociale. Il n’y a qu’à écouter le dernier single Ur Mum qui débute par l’uppercut qui remettrait tout le monde dans son droit chemin, Poutine y compris : « When I think about what you’ve become I feel sorry for your mum ».  C’est la revanche féministe néo punk : décadente, percutante mais élégante.  Le cri de rejet de onze secondes de Rhian (!) vient même faire ramener votre voisin à votre porte pour demander si tout va bien. 

Wet Leg porte beaucoup sur les désillusions amoureuses vécues. Sous des airs doux et mélancoliques, la ballade Loving You est l’antithèse de Still Loving You, titre phare de Scorpion, il promeut une rupture sèche et sans rappel. Cependant, tout désarroi appelle à un réconfort, ce que fait Rhian dans Piece Of Shit avec des propos sans équivoque : « You’re like a piece of shit, you either sink of float ».  Les phrases de ce morceau enchainent les déferlements d’insulte de manière calme. C’est en quelques sortes la mutation d’adolescentes naïves trompées par leur idéal, en adultes affirmés et aussi tranchants que Philippe Poutou. Finalement, l’ouverture de l’album Being in Love apporte la conclusion de ces romances : être amoureux, c’est dangereux pour la santé.

Le groupe s’élance à tous les genres du rock dont il s’est inspiré. De l’indie rock, à la britpop en passant par la pop punk et le post-punk, l’efficacité est toujours aussi rendez-vous. Il n’y a pas de titres expérimentaux d’ailleurs., tous les morceaux durent moins de quatre minutes. Alors que la voix de Rhian semble défiante et nonchalante, les guitares sont impulsives et puissantes. Dans leur tube Chaise Longue, la basse et la batterie au tempo sonique mène le rythme avant que les riffs apportent ce grain de folie qui les caractérise alors qu’elle glorifie la paresse à travers ce hit. Ce succès aux millions d’écoutes et de vues sur les sites de streaming s’est vu confirmé par l’excellent et sexy Wet Dream qui inverse les rôles de la séduction des genres sur le capot d’une voiture.

L’album Wet Leg regorge d’hymne déjà. Certains d’entre eux avaient déjà retenu notre attention lors de leur prestation au Supersonic pour le Pitchfork Music Festival et à l’émission Echoes de Jehnny Beth sur Arte. C’est le cas de Angelica qui nous embarque dans un air enfantin et solaire qui contraste par ses riffs puissants et lourds, évoquant le malaise, durant les interludes. Le titre pourrait être un préquel de Chaise Longue car Rihan fait face aux désillusions d’une fête qui ne mérite pas de durer. Dans la continuité, Oh No illustre les dégâts de la solitude de l’après soirée dans une démarche militaire dérisoire.

Toutes ces péripéties amènent soit à la folie, soit à la sagesse. Le final Too Late Now démontre un début de maturité de ce duo complètement déjanté. Se calmer, se poser et se retrouver avec soi-même tels sont les solutions données par le groupe : « I just need a bubble bath to set me on a higher path ». Et si ce premier album reflétait tout simplement la crise de la vingtaine ?

Il existe néanmoins un point négatif qui ne dépend pas de Wet Leg : la moitié du disque est sortie en single en prémices. Si on peut comprendre le projet de faire grimper l’attention et de mettre en avant plus de titres, on regrette que cela engendre une perte d’intérêt au format de l’album qui se résume à une compilation de singles agrémentée d’un peu de bonus. C’est avant tout les artistes qui subiront les conséquences négatives de ce type de promo car le plaisir de découvrir des nouveautés s’atténue On avait déjà eu cet aspect avec Yard Act et d’autres artistes. A ce rythme, préparez vous à manger différemment votre prochain burger : dans un premier temps le contenu et, dans un deuxième temps, le pain avec un peu de sauce.

Il existe un véritable phénomène autour de Wet Leg et il est pleinement justifié. Rihan et Hester usent d’un humour efficace et de propos féministes assumés pour décrire les désillusions de la vie de jeune adulte. Avec eux, on a toujours envie d’avoir 20 ans. C’est simple, chaque morceau équivaut à un hit. Le duo redonne un gain de fraicheur à l’indie rock et se place d’ores et déjà comme l’un des groupes majeurs de cette décennie 2020 grâce à leurs mélodies accrocheuses et entêtantes. On retrouvera ainsi cet album parmi l’un des classiques à collectionner dans sa discographie contemporaine.

Coups de cœur de l’album : Being in Love, Chaise Longue, Angelica, Wet Dream, Ur Mum, Oh No, Too Late Now