Brrr, frissons musicaux par Vladimir Cauchemar

Vladimir Cauchemar est un producteur moderne. Le genre à se mettre en avant et à imprimer à son style une patte aussi bien visuelle que sonore. Toujours affublé de son masque, dont les tatouages évoluent au fil du temps et qui laisse planer un certains mystère sur son identité. Découvert en tant que DJ et producteur électronique avec Aulos et (G)RAVE, il n’aura pas mis longtemps a se faire une place en tant que petit chouchou de la scène rap franco-belge, multipliant les collaborations de Lorenzo à Caballero & JeanJass en passant par Orelsan et Michel. Le voilà qui débarque désormais avec son premier long format solo, Brrr. Un EP, 10 titres qui s’amuse à créer des ponts entre les genres musicaux mais aussi les générations de rappeurs qui se bousculent pour travailler avec lui.

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Vladimir Cauchemar est donc un producteur moderne. Le genre à attirer la lumière sur lui et à devenir un argument marketing pour ceux avec qui il collabore. Un garçon assez prisé, même du côté de la pop française, car il jouit d’une capacité d’adaptation assez dingue, mouvant tel un serpent, se refusant de manière intentionnelle à s’attacher à un genre musical particulier pour offrir des prods qui collent parfaitement aux artistes qui travaillent avec lui tout en laisse pointer ici et là certaines sonorités qui l’identifient de manière presque immédiate. Vladimir Cauchemar ne suit pas les tendances et cherchent plus à les créer. Le genre de bonhomme a produire énormément, quitte à jeter une partie de ce qu’il fait à la poubelle, car comme il le dit «  de la quantité émerge la qualité« . Et heureusement pour nous, les dix titres qui constituent Brrr sont d’une qualité assez forte pour l’imposer un peu plus dans le milieu musical.

On pourrait même parler de neuf titres puisqu’on retrouve à la fin de l’EP, Élévation, morceau qu’il partage avec Vald et sorti en 2019. Au vu de l’emplacement du morceau, on peut y voir clairement une sorte de petit bonus, qui nous permet surtout de réaliser que même 2 ans après sa parution, le track reste un hit monumental, que ce soit au niveau de sa prod, où l’on retrouve le mythique son de flute de Vladimir Cauchemar, que sur la participation bien lourde de Vald, avec son flow ciselé et ses lyrics qui lorgnent du côté du divertissement pur que peut nous offrir ici et là le rappeur de Aulnay-sous-Bois.

Pour le reste Brrr est puzzle musical réjouissant qui réunit toutes les influences du producteur et qui semble dissocié en deux parties.

Deux parties toutes les deux terminées par des instrumentales plus légères et mélancoliques, les seuls morceaux sans featuring. On trouve tout d’abord Akumu no hajimari, titre clin d’œil à Naruto qui prolonge les influences asiatiques apparue dans Blizzard, qui elle samplait thème de Saint Seiya. Si on ne parle pas assez bien le japonais, en tant qu’amateur du genre, on image bien le titre raconter l’histoire de notre héros, Vladimir Cauchemar. Encore quand à elle laisse apparaitre des ambiances cinématographiques avec ce piano qui joue très clairement le rôle de clôture de l’EP.

Pour le reste, le producteur s’offre une flopée de featuring parmis ce qui se fait de mieux dans la palette hyper large de la scène française actuelle. Le tout lui permet, comme on le disait précédemment de s’amuser et de laisser exploser une créativité débridée et assez jouissive où il s’amuse comme un petit fou et se permet même de nous surprendre à deux reprises.

Car en plus d’offrir une vraie diversité, Vladimir Cauchemar s’amuse à créé à deux reprises des ponts générationnels entre artistes pour des résultats aussi inattendus que totalement abouti. Il y a tout d’abord Brrr, produite avec Asdek, morceau qui donne son titre à l’EP et dans lequel il offre un terrain de jeu assez dingue à deux rappeurs qu’on aurait pas forcément vu bosser ensemble : Laylow et Rim’K. D’un côté le héros du rap cyberpunk, de l’autre une légende de la scène française qui nous ambiance depuis plus de 20 ans (et qui avait déjà ouvert les horizons du rap français avec 113 et l’immense 113 fout la merde.)

Le featuring aurait pu être foireux, il se transforme en petit miracle, efficace, entêtant et qui permet de mettre parfaitement en avant toutes les particularités des deux rappeurs.

L’échange générationnel se fera même double avec Les professeurs où l’on retrouve Seth Gueko et Freeze Corleone. Si on sent moins la prise de risque, les deux rappeurs restant dans les lyrics proches de leur thématiques personnelles, le morceau reste malgré tout une petite leçon d’efficacité.

Cette efficacité dans les genres explorés sera d’ailleurs une vraie constante. On retrouve ainsi dès le départ Avenue avec Captaine Roshi, banger entrainant qui mêle habilement refrain rappé et couplet chanté. Ace Of Spade nous permet de retrouver la flûte du héros masqué mise au service de Lala &ce. La rappeuse maitrise toujours avec merveille les intentions dans son flow et l’égotrip bien senti qui ont fait sa réputation. Blizzard est sans doute l’un de nos morceaux préféré de l’EP puisqu’il permet de mettre en avant le jeune et prometteur Benjamin Epps sur un morceau mi-épique, mi-atmosphérique ou le garçon s’amuse du rythme pour le malaxé à sa sauce.

Flemme, morceau très sec aux ambiances électroniques qu’il partage avec Lefa nous offre sans doute le morceau le plus proche du « rap classique » actuel, tandis que Bloccc avec RK permet d’explorer un versant plus pop et léger où Vladimir Cauchemar dépoussière un morceau de Christophe Willem, rien que ça.

Vladimir Cauchemar prouve, si il en avait besoin, qu’il est un producteur éclectique et talentueux. Les 10 morceaux qu’il propose lui permettront de s’ouvrir à un public très large, entre l’efficacité du mainstream et une appétence pour un côté plus pointu et défricheur à certains endroit. Brrr de Vladimir Cauchemar ne fait pas froid mais nous offre une bonne dose de frissons musicaux et enfile les hits comme des perles.

Crédit Photo : Sylvere H