Rencontre avec Bénédicte Schmitt autour de StudioSacàDos

Surprise ! Toujours en quête de nouvelles aventures, La Face B se lance pour sa troisième année dans le podcast ! Et comme on ne fait jamais les choses à moitié, on s’associe avec Bénédicte Schmitt pour diffuser son génial StudioSacàDos ! Afin de vous en expliquer tous les tenants et aboutissants, on est donc allé à sa rencontre pour lui poser quelques questions.

La Face B : Hello Bénédicte ! La première question que je pose toujours aux gens c’est : comment ça va ? 

Bénédicte Schmitt : Ben, ça va ! Ca va très bien ! C’est un bon retour de vacances … des vacances qui ont également été créatives. Du repos et de la musique.  

Q: Pour les gens qui ne te connaissent pas forcément, parce que tu es un peu une personne de l’ombre, pourrais-tu te présenter ? 

Bénédicte : Je m’appelle Bénédicte Schmitt. Je suis ingénieure du son et réalisatrice artistique. J’ai commencé à travailler dans la musique en 1992. Depuis 1998 je travaille aux Labomatic Studios que je co-pilote avec Dominique Blanc-Francard. Pour agrandir mon terrain de jeux, je réalise des enregistrements nomades avec mon StudioSacàDos.

LFB : Comment t’est venue l’idée du StudioSacàDos ? 

Bénédicte : Au fil de mes escapades, j’ai développé mon outil tout terrain . Mais aussi grâce aux progrès technologiques, il y a vingt ans, pour enregistrer un concert, on avait un studio-mobile c’est à dire un camion qu’il fallait mettre devant les salles, avec des coûts très lourds. En plus, pour monter un enregistrement mobile, il fallait vraiment que l’artiste soit “gros”, si on prend l’exemple de la jauge des salles, une cigale était considérée « comme petite ».

Aujourd’hui, on peut enregistrer n’importe où avec un peu de technique, un laptop, un câble ethernet…et ça c’est magique … Ça permet de prendre du plaisir à aller dans les salles, être au contact avec le public … Allier le live et le studio, retrouver mes débuts, j’ai travaillé dans le spectacle vivant jusqu’en 1998. Pour ces voyages sonores, je ne voulais pas trop retravailler le son, c’est comme une photo.

Une photo du moment. Donc capter le son avec ses aspérités. Je peux donc prendre le multipiste de la console, si c’est possible. Si c’est pas possible, ça peut être juste une sortie stéréo avec des ambiances, Ca m’est même arrivé d’en faire avec mon téléphone. Y’a pas de règles ! Enregistrer et permettre aux gens de revivre le moment. 

LFB : J’ai pu écouter des épisodes que tu avais faits et souvent, si on parle de making-of sur une tournée, on parle toujours de vidéo. Est-ce que le fait de faire un Podcast juste sur le son peut permettre aux gens de retravailler l’imaginaire et de voir les choses autrement. 

Bénédicte : Complètement ! A partir du moment où il y a de l’image, le cerveau n’a plus que 20% de disponible pour le son et c’est vraiment dommage surtout que c’est ce qu’il y a de plus important dans un concert. Lors d’enregistrements de lives, j’ai souvent eu des discussions avec les réalisateurs images sur le fait que le plus important dans un concert, c’est le son et pas l’image. Je trouvais qu’avoir le son comme si tu étais sur place, ça laisse beaucoup plus de place à l’imaginaire et à la disponibilité d’écoute. Avec l’image, on entend et on regarde. Sans l’image on écoute et on vit la musique.

LFB : Par rapport à StudioSacàDos, qu’utilises-tu comme matériel pour enregistrer ?

Bénédicte : C’est vraiment du matériel que j’ai accumulé au fil des années mon premier StudioSacàDos, c’était en 2014 au café de la danse pour le label No Format. Comme je suis un peu geek j’en ai beaucoup d’outils, dès que c’est petit et que ça peut rentrer dans mon sac à dos, ça va me plait… Alors j’utilise beaucoup la marque zoom, ça va de l’enregistreur qui tient dans la poche jusqu’au huit pistes sur lequel on peut mettre un micro qui va enregistrer en 360.

Des petits micros… mais j’aime bien aussi les trucs un peu plus “aventureux”. Seinheiser a sorti il y a quelques années un casque avec des micros sur les écouteurs. Donc, ça enregistre en ambisonique. On parle beaucoup du son immersif, spatial, Atmos en ce moment mais ça fait très longtemps que ça existe au cinéma et ce casque, je l’ai depuis 2017. C’est génial ! Je l’ai sur la tête, je peux me balader avec… je sers de tête artificielle.

Les micros suivent tous mes mouvements… Je m’en suis beaucoup servi sur des concerts, notamment au festival Variations à Nantes pour faire des ambiances de transition entre les salles et pour enregistrer les gens, les conversations … car ils n’ont pas du tout la même attitude. Bon, il ne s’agit pas d’enregistrements volés mais le fait de ne pas voir le micro fait réagir les gens différemment. Ils sont beaucoup plus libres. Et ce micro et relié à mon smartphone. J’en ai fait beaucoup aux Inouïs du printemps de Bourges aussi ça permet de faire de supers ambiances. 

LFB: Concrètement, comment se passe la préparation d’un épisode ? 

Bénédicte : Alors, ce sont toujours des choses que j’ai envie de faire. Soit des gens que je connais, ou que j’ai envie de découvrir, faire découvrir. Donc d’abord le choix de l’évènement. Puis, une fois que l’équipe est d’accord c’est une discussion avec l’artiste, le tourneur, le producteur … ensuite c’est la réalisation, l’écriture du scénario et la préparation de mon paquetage. Mais en tant que cancre, je le fais un peu au dernier moment.

Si j’ai une idée, je peux très bien l’écrire dans le métro en me rendant sur le lieu du spectacle. Mais si je prends l’exemple du FGO avec Ian et toute sa bande de joyeux musiciens, Trente, Yoa, Tomasi, Pijama, Thx4crying, sans oublier Simon et Alexis, ça c’est fait au fur et à mesure. Parce qu’en soi, des balances ce n’est pas super intéressant. Sauf que dans ce cas tout le monde arrive petit à petit et là, il se passe un truc, les gens qui se croisent dans les loges, qui ne se sont pas vus depuis longtemps … Un ping pong entre l’amitié et la musique. L’après-concert est quelque chose de très chouette aussi, les discussions du public … celles que les artistes peuvent avoir entre eux et évidemment la rencontre de l’artiste avec son public.

C’est donc vraiment l’évènement qui dicte en quelque sorte le scénario et…au début je ne voulais que du son, que de la musique. La première fois qu’une voix est intervenue sur un StudioSacàDos, c’était un voyage imaginaire fait pour Bourges, pendant le premier confinement. En regardant la programmation qui aurait du avoir lieu au Printemps de Bourges en 2020, je me suis rendue compte que la plupart des artistes, je les avais, Malik Djoudi, Clara Luciani, Pomme, Terrenoire, La souterraine qui avait une carte blanche sur le rap de filles … Du coup je suis partie dans un grand découpage de mes divers enregistrements… j’ai 4 teras d’archives.

Ensuite je me suis dit que j’allais le scénariser, le proposer comme j’avais eu une discussion avec Boris (directeur du printemps de Bourges), il m’avait dit “Bénédicte, il faut que tu te mettes dans la peau d’une journaliste. Si tu fais des Podcasts, il faut qu’il y ait une voix”. Alors que pour moi, non ! C’est la musique qui est le master. Donc 2 ans après, je me suis rendue compte que c’était tout de même bien d’avoir une voix. Et j’ai eu la chance que la voix en question soit celle de Rebecca Manzoni, on s’est bien amusées, elle dans sa cuisine et moi sur ma planche à mixer à Trouville. J’ai commencé à y prendre gout, à cette voix qui guide, qui raconte une histoire sans pour autant faire de l’illustration.

LFB : on reste dans cette idée de faire travailler l’imaginaire des gens, donc.

Bénédicte : exactement. C’est entre un documentaire et de la poésie sonore, Il n’y a jamais de pléonasme de sons. Si la personne parle de ses répétitions, pas besoin de les entendre. Prendre les gens par la main, les accompagner. Ne pas avoir peur non plus des silences ! Je suis toujours fascinée par les couloirs des salles. Les longs moments de vide, de silence qu’on peut traverser avant d’arriver dans le brouaha de l’accueil du public. Quelle que soit la salle, il y a toujours un moment où on retrouve ce silence. Et j’aime bien y enregistrer des pas. J’ai des souvenirs de lieux de par leurs sons.

LFB : C’est de l’illustration sonore, en fait. A la limite, le but du Podcast serait de l’écouter les yeux fermés. 

Bénédicte : complètement ! Je pense que pour quelqu’un qui a vécu le concert, l’écouter les yeux fermés lui fait voir des images, d’autres vont lui revenir. Je ne veux pas que ce soit surproduit. Il y a un découpage mais dans le traitement du son, s’il y a une réverbe assez présente dans la salle, il faut la conserver. Comme l’empreinte sonore du lieu, car ça permet aussi à l’auditeur d’en imaginer l’architecture. J’aime donc aussi quand ça se passe dans des lieux atypiques où je peux m’en foutre de l’acoustique de la salle. C’est de l’expérimentation qui aura toujours un lien avec la musique.

LFB : est-ce qu’il y a des artistes qui seraient effrayés à l’idée de faire ça et de la façon dont ça va être fait ?

Bénédicte : Oui ! Souvent, il faut les rassurer. C’est pas un enregistrement live, pas un outil promotionnel. Ils ne seront pas jugés sur leur prestation. Si cette prestation ne leur plait pas, ce n’est pas grave. On aura passé un bon moment et on met de côté. S’ils ont compris ça, ça va. Du coup je mets des micros un peu partout et je laisse tourner. Et ensuite, je prends des notes sur toute la soirée. Donc j’ai le timecode, l’heure, et ça me permet de me repérer dans mon dérushage. Ensuite, j’ai des petits micros omnidirectionnels et je me sers de l’artiste, d’un journaliste, de quelqu’un du public comme pied de micro ! Pour un artiste, c’est chouette. Pour le rassurer, il y a différentes formules. Dans le cadre de ce que j’ai fait l’année dernière avec Vincent Delerm dans le cadre de son spectacle, suite à l’écoute Vincent m’a dit “c’est super ! Mais ce serait dommage de s’arrêter là, on va aller jusqu’au bout”. Et donc j’ai récupéré de la matière, les enregistrements, des extraits qui circulaient sur Youtube pris par des gens avec leur téléphone, des témoignages… et le dernier jour du montage, je me suis retrouvée avec une heure de messages de Vincent qui m’expliquait sa tournée pendant la crise sanitaire. 

LFB : Il y un côté petite souris sur certains trucs. Y’a t-il des choses que tu t’interdis de diffuser ? 

Bénédicte : Oui ! Si c’est hors-sujet, hors-cadre par rapport à l’évènement. Si c’est déplacé ou si l’artiste se plante. Dans les propos, si c’est des choses trop personnelles, que la personne a oublié le micro, ce n’est pas diffusé. Il faut que ça serve le projet et pas que ça devienne du voyeurisme. Il y a vraiment une bienveillance. Sur le Fnac Live, un très long dérushage de toute la journée avec Vitalic, c’était super intéressant avec un journaliste de Télérama qui nous servait de micro, il y a des choses que j’ai pas mises. Entre l’artiste et son équipe…qui ne rentraient pas dans le truc, quoi. Il ne s’agit pas de remplir pour remplir.

LFB : C’est un projet que tu portes depuis un certain temps. Est-ce que tu as plusieurs formats selon les évènements ?

Bénédicte : Su un festival comme Variations, j’y suis allée sur trois jours donc il y avait trois épisodes. Si c’est juste un concert, ça sera plus court. Il ne faut pas que ce soit trop long pour ne pas que l’auditeur décroche. Il y a quand même un effort de concentration et des fois, j’avais tendance à mettre beaucoup de son. Il faut aussi tenir compte de la fatigue auditive qui peut déconcentrer. J’essaye de plus en plus d’avoir un minutage. Entre quinze et vingt minutes. Mais j’en ai fait un en Juillet, la Nuit en La, avec le Souffle Collectif ça durait huit heures. Et ça sera en ligne en intégralité, tel quel, ça tournera en boucle sur un site. Les gens qui se connectent tomberont toujours sur un moment différent. Je réalise des podcasts non musicaux, pour Louie Média c’est très intéressant et ludique, j’ai énormément appris sur l’utilisation de la voix et des silences. Les moments où on ne met pas de musique, où Il ne doit y avoir que de la voix. Ca me fait penser à la réalisation d’épisodes radiophoniques.

LFB: Que voudrais-tu que les gens ressentent à l’écoute de StudioSacàDos ?

Bénédicte : Le but, c’est qu’ils passent un bon moment en l’écoutant. Et qu’ils prennent conscience de l’importance du son. Pas de la qualité mais de la place qu’a le son dans la vie. De ressentir des émotions juste avec un son. Si quelqu’un a la larme à l’œil en écoutant un podcast sans avoir l’image parce qu’ils sont pris par le morceau, l’interprétation de l’artiste, le jeu des musiciens, l’acoustique de la salle… ce moment partagé par des gens dans la même salle, c’est ça le truc. Au-delà de ça, il y a la découverte de musiques qu’ils n’auraient pas forcément écoutées, d’aller voir un artiste, de découvrir un univers, ou de se mettre à faire de la musique… c’est vraiment une transmission de passion. Et il y a le côté DIY. Je prends autant de plaisir sur des épisodes faits à l’arrache que sur d’autres faits avec le multipiste de la console et des micros d’ambiance. Quand j’arrive dans une salle et qu’on me dit “Bénédicte ! On t’a tout préparé aux petits oignons”…avec le multipistes, tout ça, c’est délicat parce que les gens sont contents de t’accueillir mais j’ai presque envie de dire que c’est trop ! Ce n’est pas un live, c’est un StudioSacàDos, une tranmission de passion, ma passion, Le Son.

Crédit photo couverture : Nicolas Garrier Giraudeau