Bass Drum of Death – Say I Won’t

Cinq ans après Just Business, la bande à John Barrett rajoute une nouvelle pierre à l’édifice Bass Drum of Death. Say I Won’t n’est pas une révolution, mais ce n’est pas une déception non plus.

On avait quitté Bass Drum of Death il y a cinq ans avec Just Business. Déjà, cet album était un tournant dans l’univers du groupe. Presque seul aux manettes se trouve John Barrett, accompagné par son frère, toujours dans le coin – tous les deux à la guitare, pas de basse, il faut le préciser -, et une succession de batteurs en fonction des années. L’aventure avait débuté avec un petit EP en 2008, puis en 2011 avec l’EXCELLENT (oui, en majuscules) GB City (Fat Possum records). Gros album de garage rock tout ce qu’il y a de plus étatsunien, ce disque avait percé dans l’univers et avait rapidement propulsé le groupe sur le devant de la scène. S’ensuit deux ans plus tard l’opus Bass Drum of Death (Innovative Leisure) (pourquoi s’ennuyer à trouver des noms d’album ??) qui finira d’asseoir le groupe comme une pierre angulaire du genre. Un deuxième album dans la trempe du premier, un vrai régal. Un de leur titres sur GTA V (un jeu vidéo super connu pour les néophytes) et différentes pubs, un 3eme album (Rip This / Innovative Leisure) l’année suivante, qui, sans être impressionnant, aura le mérite de continuer à faire vivre Bass Drum of Death. Puis… Le silence.

Une pause, affreusement longue pour les fans du groupe et du genre, habitués à être abreuvés sans cesse d’albums. Bass Drum of Death fait partie de cette lignée de groupes qui, avec une simplicité musicale et rythmique déconcertantes, arrive à créer des hymnes. Un air, qui, dans l’instant, rentre en tête, obsède. Le tout sur des guitares dosées aux amphétamines et portées par une batterie tournant sur les mêmes standards. Bref, du pur son, du concret, du garage rock/punk un poil blues, de la castagne, comme dirait l’autre. En France, parlons des Johnny Mafia, dignes héritiers du style, ou plus récemment Johnnie Carwash.

Bref, s’ensuit Just Business (The Century Family). Plus léché, moins lo-fi, plus travaillé, moins garage. Voilà comment on pourrait résumer ce quatrième opus. Loin d’être mauvais, on retrouve sur certains sons l’identité, le cœur, de Bass Drum of Death, mais on vieillit, on grandit, on s’assagit. Cela n’est pas nécessairement négatif, on en veut pour preuve Heavy, chanson magnifique au synthé, ou certains tracks toujours aussi cools (notamment la première moitié du disque, puis ensuite ça périclite). Mais voilà, il nous manque ce quelque chose, ce petit truc indéchiffrable qui faisait le groupe. Et c’est la même remarque qu’on pourrait apposer à ce nouvel opus.

L’album est surtout porté par certains de ses singles : l’incroyablement catchy Say Your Prayers, le finalement-très-bon-en-live-alors-qu’on-était-un-peu-déçu-à-l’écoute Find It, ou le très méchant Wait. Quelques surprises (No Doubt !!! ou No Soul) retiennent l’attention, quand certaines laissent un goût un poil amer en bouche et en oreilles. Le virage amorcé avec Just Business se renforce ici, et l’on pourrait même entrapercevoir une petite vibe rock indé pointer son petit nez dans certains tracks (Everybody’s Gonna Be There, White Vine). Ce disque n’est en définitive pas mauvais, mais pâti de facettes trop différentes ou d’un entre-deux parfois plus préjudiciable qu’intéressant. Pour autant, à force d’écoutes, nous voilà à chanter quelques airs dont John Barrett a le secret. la mayonnaise finit toujours par prendre.

Comme exemple frappant du changement de style, regardons -et écoutons surtout- Too Cold to Hold. Deux versions en sont sorties, l’une en deuxième single fin 2020 (au-dessus), puis une autre dans la moulure du dernier opus. La première, beaucoup plus garage, renvoit au racines du groupe, quand la plus récente fait rapidement montre de différences étonnantes (l’espèce de voix de tête bizarre sur les couplets, un traitement plus particulier du ton des guitares, du mix). Ceci est bien sûr une histoire de goûts, et chacun.e se fera son avis sur sa version préférée, mais il est frappant de limpidité dans le changement de style opéré par Bass Drum of Death. Comme quoi, d’un même son, d’une même structure, d’une même musique, plusieurs mondes peuvent cohabiter.

Pour conclure, rappelons une chose. Bass Drum of Death est avant tout un groupe de live. On vous racontait ici le -trop gros ?- bordel qu’était leur dernière date à La Maroquinerie il y a de cela quelques mois. Même si Say I Won’t ne nous fera pas revenir aux sources du groupe, le live, lui, restera l’essence même de la bande à Barrett. Et punaise, qu’ils sont bons en live. Cet album, loin d’être mauvais, ne détrônera pas les autres opus du groupe, qui s’était forgé une identité qu’ils essaient manifestement de faire évoluer. On les suivra malgré tout, parce que, finalement, on adore Bass Drum of Death, fer de lance d’un garage rock qui restera toujours dans notre cœur.

Crédit Photo : cover de Bass Dru of Death – Say I Won’t